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Avant-propos
Par Liliane LOUVEL
Publication en ligne le 28 mai 2013
Texte intégral
1En janvier 1992 s'est tenu à l'Université de Poitiers un colloque dédié à l'étude de Waiting for the Barbarians. L'œuvre avait été mise aux programmes des concours de recrutement des professeurs des lycées et des collèges, Capes et agrégation. Le succès recueilli par ce colloque et l'intérêt manifesté par les universitaires français qui souvent découvraient l'œuvre de l'écrivain sud-africain, nous ont donné l'envie de pousser un peu plus l'aventure de la recherche. C'est ainsi que nous avons prolongé ces journées d'étude en préparant une publication étendue, cette fois-ci, à l'ensemble de l'œuvre de J. M. Coetzee, soit les sept romans publiés à ce jour.
2Les chercheurs sud-africains se sont joints à leurs homologues français pour présenter ce panorama de l'œuvre de Coetzee. Des contributions des États-Unis, de Pologne et de Suède, témoignent de la portée internationale de cet autre universitaire qu'est J. M. Coetzee. La diversité des appareils critiques, narratologie, linguistique, études lacaniennes, approches thématiques ou déconstructionnistes, permet d'aborder une œuvre polymorphe et souvent controversée. Destinée d'abord à un public français d'anglophiles cette édition a conservé la langue d'origine des contributeurs : c'est ainsi que le français et l'anglais cohabitent pacifiquement. L'utilité s'en faisant sentir, l'ensemble du travail pourrait bien entendu, opter pour le monolinguisme…
3C'est à Jean Sévry, que revient naturellement le privilège d'ouvrir le recueil par une présentation générale de l'œuvre. Après cette remise en perspective, le premier roman de J. M. Coetzee, Dusklands, fournit à Rosemary Gray l'occasion de s'interroger sur la guerre et les signes de la guerre. Avec In the Heart of the Country, David Coad aborde la problématique du vide, « la présence de l'absence », qui ne cessera de préoccuper nos critiques tant elle est centrale à l'œuvre. On trouvera ensuite plusieurs études de Waiting for the Barbarians, certaines d'entre elles, déjà publiées dans les Actes du colloque de 1992 ont été conservées ici comme témoins-origines de la précédente publication : c'est le cas des contributions de Dominique Gauthier, de Judith Bâtes, de Catherine Vrana, de Jean-Louis Boireau et de Bernard Jacquin. Richard Samin, qui avait déjà participé au colloque de départ, poursuit son travail en s'interrogeant sur la rencontre du corps et de la lettre, de la sémiotique et du symbolique. Jean Philippe Wade, de l'université de Durban, pose la question des rapports entre Coetzee et la modernité.
4Avec Myrtle Hooper, dont la collaboration amicale doit être soulignée ici, on aborde Life and Times of Michael K, pour d'aucuns le roman le plus réussi de Coetzee. C'est le silence et la résistance qui sont convoqués par notre collègue de l'Université du Zululand. Zbigniew Bialas identifie les dilemmes de Michael K comme ressortissant de « la mentalité du terrier », présence de Kafka oblige. Quant à Michael Green, il s'interroge dix ans après la publication du roman, sur la validité de l'utilisation du futur comme stratégie de mise en place d'une utopie.
5Foe, roman qui a fait l'objet de nombreuses critiques pour son apparente légèreté et sa tendance à céder aux démons du postmodernisme, figure au centre des trois études qui suivent. Meg. Brown se penche sur les relations entre discours et écriture tandis que Didier Bertrand célèbre les « noces palimpsestueuses » de Foe avec Robinson Crusoe, lorsqu'il fait du roman « Une robinsonnade postmoderne ». Une fois de plus, l'image du centre vide et de l'absence, sont convoqués par Claudia Egerer qui reconnaît dans l'esclave Vendredi, privé de langue et de parole, un puissant symbole de résistance et de subversion. D'où le « double entendre » du silence.
6Avec Age of Iron, Coetzee abandonnait le recours à l'allégorie, au décentrement temporel ou spatial de la fiction et optait pour un ancrage référentiel sud-africain. Yvonne Munnick fait le lien entre la maladie qui ronge le corps d'Elisabeth Curren et l'apartheid. C'est la mort comme grand Autre dont j'ai tenté de rendre compte en examinant comment elle se manifestait dans ce texte apocalyptique. Michael Marais interroge le roman comme témoin du rôle de la littérature dans la société sud-africaine. Enfin, Teresa Dovey dont les études séminales sur l'œuvre de J. M. Coetzee sont connues de tous les spécialistes, pose la question de la représentation du discours humaniste dans Age of Iron.
7Remercions encore David Coad qui a bien voulu compléter ce recueil d'études sur l'œuvre de J. M. Coetzee en nous communiquant ses réflexions à chaud après la lecture deThe Master of Petersburg. Le tout dernier ouvrage de Coetzee poursuit le thème du deuil omniprésent dans le roman précédent et marque son retour à l'écriture postmoderne. Gageons que les articles portant sur The Master of Petersburg seront aussi nombreux, fructueux et controversés que les précédents.
8Mes remerciements iront également à mes collègues et membres du CERER/FORELL qui ont relu ces textes, à Lydie Petitjean et à Bernard Gensane qui en ont assuré la mise en page.
9Maquette et photo de couverture : Henri Louvel d'après une installation de Felice Varini, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, décembre 1993.