L’ortografe au couvent et ailleurs.
Enquête sur quelques apprentissages féminins d’Ancien Régime

Par Nicole Pellegrin
Publication en ligne le 20 octobre 2022

Résumé

De nouvelles enquêtes – genrées et transdisciplinaires – s’avèrent nécessaires pour comprendre la chaotique grammatisation de la société française d’Ancien Régime. Dès le XVIIIe siècle, lors même que l’orthographe reste fluctuante et tolérante, celle des filles devient une préoccupation au sein des élites, comme le montrent le contenu des bibliothèques, les plans d’éducation, les programmes des couvents-pensionnats et les témoignages de quelques intéressées.

Mots-Clés

Texte intégral

De l’indulgence pour les fautes d’orthographe et de style !1

Mère Sainte-Sophie […] avait pour l’écriture une très belle main, faisait des broderies superbes, donnait de bonnes leçons d’orthographe, et n’était pas étrangère à l’histoire. […] Cette bonne fille s’attacha bientôt à moi, à cause de mon goût pour l’étude ; après avoir donné leçon à toute la classe, elle me prenait en particulier, me faisait répéter la grammaire, suivre la géographie, extraire des morceaux d’histoire ; elle obtenait même la permission de m’emmener dans sa cellule où je lui faisais des lectures.2

1Se remémorant, peu avant son exécution en novembre 1793, quelques-unes des leçons reçues brièvement au couvent parisien de la Congrégation Notre-Dame sis au faubourg Saint-Antoine, Jeanne-Marie Phlipon, plus tard épouse Roland (1754-1793), souligne et hiérarchise les qualités d’une de ses enseignantes de pensionnat, la mère Sainte-Sophie : une religieuse de noble extraction qui, entrée en religion sur le tard, brille, auprès de ses élèves, par ses talents de calligraphe, de brodeuse et de conteuse. Encre, fil à broder, exercices pieux et même leçons de « grammaire » et d’« orthographe » composent ici un tableau harmonieux sur le rôle des « pensions conventuelles » dans la formation intellectuelle, spirituelle et manuelle des femmes de l’époque pré-révolutionnaire. En « classe », en cellule et même hors du cloître, car à « Notre-Dame », Jeanne-Marie dite Manon se fit des amitiés durables que d’intenses échanges épistolaires entretinrent toute sa vie. Mais ce tableau est peut-être trompeur car Manon n’a fréquenté l’établissement des dames de Notre-Dame qu’une année seulement pour bien préparer sa première communion et elle y est arrivée avec des savoirs nombreux acquis antérieurement au sein de sa famille, grâce à des maîtres particuliers et à de nombreuses lectures personnelles, sa famille suivant ici un modèle aristocratique rare dans la bourgeoisie. Que vint-elle donc recevoir et/ou apprendre auprès des religieuses de la congrégation Notre-Dame ? Des savoirs spécifiques ? Une formation spirituelle ? De nouvelles relations sociales ? Un peu de tout cela et plus encore ?

2Son cas, comme celui de sa contemporaine Olympe de Gouges (1748-1793) ou de brillantes devancières (Marguerite de Staal-Delaunay, 1684-1750, Louise d’Epinay, 1726-1783 ou Stéphanie de Genlis, 1746-1830), montre donc la complexité des éducations qu’ont pu recevoir et/ou se donner certaines femmes sous l’Ancien Régime. Il souligne aussi les limites et les biais multiples de nos connaissances en la matière3. D’une part, ce qui nous est le mieux connu, ce sont les normes – idéologiques et pratiques (illettrisme majoritaire et poids de l’Église) – qui régissent aussi bien les éducations féminines anciennes que les propositions et utopies éducatives qu’elles ont suscitées, celles-ci constituant « une littérature de réaction » dont l’importance réelle est peut-être surévaluée4. Le plus souvent, les résultats précis de ces « programmes », ceux que révèle la page manuscrite dans sa matérialité la plus vulgaire, sont ignorés car nous sommes - toutes et tous - obnubilé-e-s par le contenu des productions lettrées du passé et nous restons aveugles à leurs aspects concrets, proprement graphiques, qu’il s’agisse de documents manuscrits ou imprimés, autographes ou délégués5.

3D’autre part, les rares témoignages de femmes dont nous disposons sont le fait des plus fortunées, des plus douées ou des plus chanceuses, et c’est toujours tardivement qu’elles mettent par écrit leurs souvenirs quand, devenues célèbres, elles se remémorent leur accès au savoir et veulent le faire connaître. Elles, et elles seulement, peuvent aujourd’hui nous livrer un point de vue personnalisé sur leurs manières multiples de se former en un temps où le bien écrire relève d’abord du bien croire, mais peut devenir, pour quelques-unes, un moyen d’expression si singulier qu’en parler soi-même est problématique : il risque d’être un détestable exercice d’auto-promotion et d’émancipation où s’exagèrent la présentation des difficultés traversées, la fausse modestie et l’anomalie de la réussite de soi dans un contexte politique singulier, celui des « restaurations » post-révolutionnaires6.

4Enfin, il ne faut pas oublier que nos critères d’appréciation des compétences ortho-graphiques du passé sont nécessairement entachés d’anachronisme du fait de nos propres formatages et des préjugés qui nous imprègnent après deux siècles d’éducation publique généralisée, de sacralisation de « la bonne orthographe » et d’accoutumance à des exercices canoniques : la dictée, l’analyse logique ou la composition7. La pratique de la graphie correcte des lettres, des vocables et de la ponctuation (l’ortho-graphie au sens large), est conçue aujourd’hui comme le respect inconditionnel d’« un système de règles concernant l’écriture d’une langue et faisant partie de son standard, par rapport auquel on juge comme correctes ou incorrectes les formes que réalisent les utilisateurs » (Wikipedia). Traitée vaguement comme « l’art d’écrire les mots correctement » en 1786 par le grammairien François de Wailly dans son Dictionnaire portatif de la langue françoise (un abrégé de celui de Richelet)8, l’orthographe – au sens actuel – fut en réalité longtemps « tolérante et fluctuante » (André Chervel 2006 : 38). N’était-elle pas en 1788, aux yeux « des belles dames & des grands seigneurs […] la chose du monde la plus inutile » quand, à bon compte, des « copistes rectifi[ai]ent les fautes d’orthographe des administrateurs du royaume »9 ? Mais si l’orthographe était, dans les textes du temps, un savoir d’acquisition incertaine, elle était, plus encore, une technique à la fois esthétique et utilitaire : un travail de calligraphie (le dessin et l’agencement des « lettres ») et une œuvre, socialement acceptée et riche d’interactions (la rédaction de missives, lettres ou billets)10. Et c’est, dans ce double sens, qu’elle s’enseignait au sein du dispositif éducationnel féminin dont le couvent était le cœur, un couvent qui, dans les représentations dominantes, fonctionnait comme modèle et, plus encore, comme contre-modèle récurrent, preuve même d’une prévalence marquée de ce type d’encadrement pour les filles assez privilégiées pour dépasser le niveau des « rudiments »11. Le couvent est, pour cela aujourd’hui, un observatoire à privilégier si l’on veut comprendre les systèmes éducatifs féminins anciens (Picco 2018).

5Dans les pensionnats tenus par des religieuses avant et après la Révolution, comme dans les lieux qui leur servent d’éventuels substituts ou de compléments nécessaires (la famille et ses gouvernantes, précepteurs et autres maîtres), les fillettes qu’on cherchait à instruire – et pas seulement à éduquer – ignorent nos manières actuelles d’apprendre « le français »12. La plupart n’ont pas accès aux auxiliaires habituels de cette inculcation, notamment le livre de grammaire que manipulent les garçons pour apprendre le latin. Aussi s’adonnent-elles, en lieu et place de cette lecture, à des travaux non raisonnés et inlassablement répétés de copie. Elles font donc des apprentissages, à nos yeux, scolairement réduits mais alors socialement essentiels : celui – prioritaire – de l’Écriture et des dogmes catholiques, et donc de l’écrit religieux. Ce dernier est à lire : il est donc tout d’abord à entendre et réciter, avant d’être lu à proprement parler. Ce lire n’est que secondairement un écrire : acquis seulement dans un deuxième temps, il est proprement second et peut s’apparenter à une activité physique non essentielle, au même titre que le dessin ou la danse et bien loin derrière les travaux d’aiguille. Entre le catéchisme et de « petites instructions » propres aux femmes (avant tout « le travail », c’est-à-dire « les ouvrages de mains »), les filles soumises à ces enseignements vivent leur transition vers l’âge adulte et l’état marital sous le contrôle strict de l’Église et sous le regard conjoint de plusieurs « pères » et « mères » qui ne sont pas nécessairement biologiques : des « sœurs », des confesseurs, etc13. Que leur futur époux soit ou non le Christ, que leurs tâches à venir doivent s’accomplir sous clôture ou dans un espace conjugal profane, l’éducation à la religion, à la morale, aux bienséances sociales et aux travaux domestiques, prime donc toujours sur l’instruction de compétences concrètes en lecture, écriture, calcul ou autres « matières ». L’orthographe ne peut donc pas être un véritable réquisit, même pour les fillettes les plus privilégiées, les seules à être ici envisagées.

6Comment dès lors appréhender et rendre compte des modalités d’acquisition, par les femmes d’une telle société, de savoirs « ortho-graphiques » pris au sens large ? Il faut accepter de voir comme secondaires ces savoirs et penser à les référer aux lois d’une société patriarcale et théocratique. Celle-ci veut des épouses et des mères, avant tout obéissantes et pieuses, surtout pas des « femmes savantes ». Elles sont d’ailleurs privées de tout accès aux universités et aux collèges et, dans la plupart des cas, au latin, « l’idiome […] de la religion & des loix » (Morel de Thurey 1782 : préface non paginée)14.

7Timidement, en usant des seules traces que m’a fournies un recours diversifié à un nombre limité de textes imprimés (et à eux seulement), je proposerai ici des approches un peu décalées de l’« orthographie » féminine, en rappelant d’abord ce que peut signifier le mot « orthographe », en m’interrogeant ensuite sur les propositions éducatives qui en font – mezzo voce – la promotion au sein même des couvents et, enfin, en relatant les souvenirs de quelques épistolières élevées, en tout ou partie, par des religieuses et devenues elles-mêmes, sous le voile ou dans le monde, des écrivaines reconnues mues par un éventuel désir d’orthographe.

8J’ai donc tenté de retrouver trois ensembles de documents (des « manuels », des « programmes » et des « témoignages »). Ces trois ensembles ont un intitulé – volontairement – anachronique et seront présentés en trois temps. Pour mieux passer du général au singulier et de la norme à l’action. Pour me permettre de glisser de mes questions initiales à des découvertes peut-être, plus singulières. Ce faisant, je n’oublie pas la probable vanité d’une enquête tout-à-fait préliminaire, qui s’offre comme la mise en contexte de textes manuscrits, les lettres rassemblées par le groupe de recherche dit « des dames d’Argenson », groupe qui, basé à la bibliothèque universitaire de Poitiers, est actuellement en voie d’élargissement. Puissent mes remarques de non-grammairienne indiquer de nouvelles pistes pour des recherches sur la matérialité des écrits féminins (et masculins) d’Ancien Régime, recherches où s’entrelaceraient linguistique et histoire sociale, que celle-ci soit celle du livre, des phénomènes religieux, des faits culturels et – bien sûr – de l’ensemble des constructions de genre qui les traversent et les structurent.

1. Orthographe. Un mot, des livres et des projets féminisés

9Tout mot porte témoignage des conflits passés qui en ont construit la forme et la signification actuelles. « Orthographe » est ainsi un mot à… l’orthographe vacillante et débattue jusqu’au cœur des écrits des plus illustres grammairiens et lexicographes comme des plus humbles d’entre eux, femmes comprises15. Les lettres souvent manquantes de ce vocable sont la preuve de l’absence d’une règle univoque et nationale et attestent des incessantes réformes qui agitent le monde savant et les gens d’écriture, tiraillé-e-s depuis toujours entre « principes » et « usage », entre écriture étymologique et écriture phonétique16.

10Fait plus important sans doute que des querelles somme toute pédantes sur les étymologies, leur refus et leurs accommodements, il faut noter au XVIIIe siècle, d’une part, la multiplication des ouvrages non spécialisés qui discutent de ce « trouble » et, d’autre part, leur démocratisation relative, tout à la fois une élémentarisation – théorique – et une abréviation – physique – des contenus, voire une miniaturisation de ceux-ci sous forme de lexiques de « mots de prononciation semblable »17. Ces livres, de plus en plus « portatifs » ou « abrégés », semblent devenir plus accessibles à une clientèle « curieuse et galante », élargie sexuellement et socialement, moins érudite donc, mais soucieuse du respect des convenances épistolaires et, peut-être aussi, de régularité linguistique18. Cause et conséquence d’une demande nouvelle mais difficile à mesurer, la « bonne orthographe » tendrait à ajouter de la plus-value à tout écrit rédigé en langue française. Elle deviendrait donc peut-être une « matière » à enseigner à des non-latinistes, femmes comme hommes, enfants comme adultes19.

11De cette évolution, les preuves ont été recherchées à la fois dans les définitions des lexicographes, trop rarement interrogés, dans le contenu de quelques bibliothèques et dans les injonctions des pédagogues. L’ampleur de l’enquête est telle que je n’en livrerai que les premiers éléments, ceux qui ont pu être réunis localement ou sur la toile (contrainte sanitaire oblige). Parler donc de livres épars et peut-être de désirs d’orthographie qui ne le sont pas moins.

1.1. Un mot savant et ses variantes « ortografiques »

12Tout autant que les grammaires et leur multiplication (aujourd’hui bien étudiées)20, les dictionnaires de langue française se démocratisent à partir des années 1660 et s’attachent, entre autres, à définir et « bien » orthographier le mot même d’« orthographe ». Peut-on, dès lors, parler d’une grammatisation de la société ou se contenter de noter l’émergence d’un « commerce » éditorial nouveau autour de l’orthographe, commerce qu’entretiendraient des controverses durables et qui se nourrirait de produits imprimés démultipliés et d’injonctions de plus en plus rigides21 ?

13La réponse est incertaine. Mais sans remonter à 1529 et à l’émergence du terme « orthographe » que plusieurs auteurs ont fort bien relatée22, il importe de souligner le caractère empirique de définitions toujours vagues qui usent systématiquement de la notion, longtemps floue sinon contradictoire, de « correction » ; il importe plus encore de noter, dans les dictionnaires les plus profus, le rappel constant de débats lexicographiques, répétitifs mais peu explicités. Scientifiques mais tout autant politiques, ces débats sont évidemment tributaires des idéologies à l’œuvre dans tout dictionnaire, y compris dans les productions successives de l’Académie française23. On choisira d’ailleurs de ne pas analyser cet exemple, désormais bien connu, et on privilégiera les propos de quelques-uns des épigones – moins célèbres et néanmoins rivaux – des Académiciens français aux XVIIe et XVIIIe siècles : César de Rochefort, Antoine Furetière, Pierre Richelet, Guillaume Le Brun, « le Trévoux ».

1.1.1. Rochefort, un lexicographe post-tridentin

14Quand en 1685 se prépare la révocation de l’édit de Nantes, l’essayiste et lexicographe anti-protestant César de Rochefort (1630-1690) publie un Dictionnaire general et curieux, où apparaît une rubrique « Orthografe » qui comporte deux paragraphes. Il y déclare « necessaire » aux littérateurs masculins (et à eux seuls ?) la connaissance de « l’art d’écrire les mots correctement », car « l’on juge ordinairement de la capacité d’un homme, quand il observe exactement l’Orthographe ». Mais, ce faisant, il use successivement de deux graphies différentes pour écrire un mot qui est, comme tous ceux de la langue française, à la fois un groupe de sons et un élément de lexique.

15Ce mot, emprunté au grec mais réécrit en latin ortografia, subit ici une double graphie dont on ne sait si elle est, de la part de Rochefort, l’effet d’un refus de prendre parti ou s’il s’agit d’une faute d’inattention, la sienne ou celle d’un prote peu au fait de l’étymologie ou trop frotté de romanité. Dans la foulée, le paragraphe suivant met en avant le problème récurrent, en français, des lettres surnuméraires et révèle, sans doute, le propre trouble de l’auteur :

« La délicatesse de la langue Françoise est venuë en un tel point que plusieurs modelent leur façon d’écrire avec celle de parler, qui a retranchée [sic] beaucoup de lettres qui estoient necessaires pour écrire correctement »24.

16Malgré leur brièveté, ces quelques lignes disent un embarras : l’embarras du lettré, noble d’épée formé au droit et engagé dans des luttes qui mêlent le politico-religieux et des questions linguistiques, notamment celle des h surnuméraires ; l’embarras aussi des gens de lettres balançant entre diverses graphies ou décidant de passer outre en toute liberté.

17À qui se référer et, d’ailleurs, pourquoi se référer à une autorité encore évanescente quand fait loi la langue qui se parle et que cohabitent tant de prononciations différentes ?

1.1.2. Finalités lexicologiques

18La douzaine de dictionnaires de langue que j’ai consultés n’exposent pas tous aussi ouvertement leurs difficultés lexicographiques, la plupart adoptant une écriture analogue à la nôtre pour écrire le mot « orthographe », tout en hésitant sur d’autres problèmes : le h, les pluriels ou des mots comme temps/tems25. Néanmoins, tous abordent la question du choix entre la tendance phonographique et le souci étymologique et, s’ils ne s’offrent pas toujours le luxe de décliner une longue liste de réformateurs de l’orthographe comme le font Furetière en 1690 et son héritier (Trévoux en 1771)26, ils cherchent à dépasser l’opposition entre « l’excès pédantesque » des partisans - étymologistes - de « l’ancienne orthographe » et le « vice d’être néographe outrés [sic] & de se livrer à une orthographe nouvelle, contraire à l’usage. La disposition où l’on doit être, c’est de souhaiter la simplicité de la langue, de se laisser aller à l’usage qui y tend insensiblement et de s’y plier sans mauvaise humeur ».

19De ces débats, on retiendra quelques traits généraux et d’abord, une opposition radicale avec notre temps et son accès facile à des manuels, dictionnaires et « tutoriels » électroniques de toutes sortes et autres savoirs diversement portables dont les « données » gomment toute possible contestation de « LA » règle orthographique au cas où on cherche à la respecter. L’âpreté, dès l’Ancien Régime, des querelles sur le sujet est frappante et elle est inscrite dans tout dictionnaire ou autre liste de vocabulaire. Elle mériterait d’être élucidée de façon exogène autant qu’endogène, car les enjeux religieux et politico-économiques que cache – je le répète – ce type de livre sont trop souvent minimisés et le recours aux valeurs morales de « correction » ou de « faute » est peu analysé contrairement au contenu purement linguistique27. Se remarquent aussi le ton de plus en plus impératif des définisseurs, mais aussi la permanence d’écoles divergentes et donc d’options acceptées socialement qui sont laissées à l’interprétation des gens de lettres, libres d’écrire ou de faire écrire comme ils et elles l’entendent.

20Cette liberté de choix en matière d’orthographe est donc considérée comme normale dans la France du XVIIIe siècle. Elle ne peut donc manquer d’exister en des lieux comme les couvents féminins d’où sont, de toutes façons, absents les grands in-folio mais aussi les brochures qui voudraient formaliser l’apprentissage du bien écrire. Ne pas oublier d’ailleurs qu’une fois réglée la question de la possession ou non de livres munis de vocabulaires, celle de l’appropriation de leur contenu se pose avec acuité. Chercher dans un dictionnaire et savoir en faire un usage pratique personnel n’a rien de naturel, ni de simple, ce que nous rappelle un éducateur anonyme de l’époque révolutionnaire réclamant qu’on apprît aux enfants, après la lecture, l’écriture et « les règles de l’arithmétique, […], l’art de se servir des dictionnaires » et donc de les consulter dans son Projet de décret pour l’établissement de l’instruction nationale du 26 juin 179328. Pour ce qui est de l’utilisation des lexiques beaucoup plus brefs contenus dans les brochures dites de civilité en usage dans les « petites écoles », chez les maîtres-écrivains et aux côtés des précepteurs, il s’agissait plus simplement d’accomplir un exercice répétitif de copie. Dans le chapitre final intitulé « L’Orthographe françoise » d’une Civilité Françoise de 1740, maintes fois rééditée jusqu’en 1834, la « Méthode facile pour apprendre à écrire les mots les plus nécessaires » précise : « Ceux qui désireront faire un plus grand progrès pour l’Orthographe, les écriront tous, deux ou trois fois »29. Un ouvrage, plus ambitieux, destiné à « l’un et l’autre sexe » le conseille de façon plus solennelle :

« On ne sçauroit trop s’attacher à […] bien apprendre [l’orthographe]. Il est de la plus mauvaise grâce d’y manquer, soit en estropiant les mots, soit en négligeant de placer les accens, les virgules & les points : on se rend inintelligible. J’ai connu plusieurs personnes qui parloient bien, & avec facilité, & dont tout ce qui sortoit de leur plume, étoit un galimatias indéchiffrable. Un bon moyen pour apprendre l’orthographe, c’est de s’exercer à copier avec attention quelques pages d’un livre correctement imprimé »30.

1.2. Des objets-livres : succès et /ou rareté ?

21Faut-il continuer à chercher des dictionnaires, des lexiques et, plus encore, des grammaires dans les bibliothèques particulières et collectives d’Ancien Régime ? J’ai espéré trouver, dans leurs catalogues, un lien entre offre éditoriale et demande sociale, je n’ai découvert que la pénurie et non les traces d’un besoin croissant de « correction ». Mais il faut d’emblée avouer que l’enquête, inachevée et chronophage, s’est avérée assez décevante, tout en autorisant des découvertes rares et curieuses.

22Ainsi, en Poitou, mon « terrain » de départ (mais d’autres provinces, plus alphabétisées et plus riches en livres restent à analyser), les lectures des religieuses à la fin du XVIIIe siècle s’avèrent particulièrement réduites et exclusivement dévotes si on en juge d’après les livres de leurs bibliothèques et ceux, gardés dans leurs cellules, qui ont été inventoriés sous la Révolution ou peu avant. Les inventaires, établis il est vrai dans un contexte houleux, ne comportent aucun ouvrage lié aux belles-lettres, y compris dans une congrégation enseignante comme celle des chanoinesses de Châtellerault, sans doute les femmes les plus instruites de la ville (leur maison possède 270 ouvrages en 1786)31. Il ne saurait être question pour elles de posséder des ouvrages de didactique ou de référence, et encore moins d’acheter un traité – coûteux – du type des Etudes convenables aux demoiselles de 174932, dont on sait cependant la diffusion considérable au sein de l’ordre de la Visitation et ailleurs, sans jamais pouvoir le retrouver nulle part. Par contre, deux exemplaires de la Grammaire des dames de Prunay (1777)33 sont mentionnés parmi les livres récupérés par les révolutionnaires de Poitiers, mais ils auraient été possédés par deux hommes différents, dont un prêtre, tous deux déportés. Ces livres ne sauraient donc attester d’une grammatisation des élites féminines au XVIIIe siècle, mais bien plutôt d’une curiosité croissante pour la langue française dans certains cercles masculins de province.

23Moindrement orientées vers la religion, les bibliothèques masculines, qu’elles soient de laïcs, de prêtres ou de moines (il faudrait d’ailleurs établir des comparaisons entre elles), semblent d’ailleurs à peine mieux dotées en œuvres littéraires, lexicographiques et grammaticales que leurs homologues de couvents féminins. En 1759, le « Catalogue des livres de la bibliotecque de l’abbaye de l’Etoille », abbaye cistercienne poitevine de contemplatifs, non-enseignants donc mais possesseurs de plus de six cents ouvrages, n’énumère qu’une grammaire latine de 1677 (Claude Dausque), la quatrième édition du Dictionnaire François et latin de l’abbé Danet (1731) et Les Entretiens d’Ariste et Eugene du père jésuite, Dominique Bouhours (1683), tous ouvrages diversement « grammaticaux »34. En 1793, seuls 20 Poitevins hostiles aux changements politiques sur la soixantaine dont les livres ont été séquestrés par les autorités révolutionnaires, fournissent quelques indices de possession d’une « grammaire » française. Certes, la possession d’un ouvrage de type « linguistique » ne dit rien de son usage réel, technique ou pédagogique35. Ainsi La Grammaire générale et raisonnée d’Arnauld et Lancelot, initialement publiée en 1664, figure bien dans ses versions de 1679 et 1769, au sein de deux bibliothèques d’émigrés poitevins, mais ces ouvrages peuvent être des héritages familiaux ou des achats de prestige, à moins qu’ils ne soient là qu’en raison d’un intérêt, hostile ou bienveillant, pour la mouvance janséniste36. Un Vaugelas de 1659, présent chez un autre noble un siècle et demi après sa parution, n’indique pas non plus nécessairement une passion « grammairienne ».

24Néanmoins, le nombre élevé des traités de Le Roy-Restaut et de Wailly, en leurs éditions variées, montre une curiosité nouvelle pour « les faits de grammaire », une curiosité cependant encore balbutiante si on la compare à des indicateurs contemporains venus de la Suisse francophone : des achats massifs de l’Abrégé des principes de grammaire française de Pierre Restaut sont attestés en pays neuchâtelois dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et ici au moins (le monde fort démocratique des apprentis horlogers autodidactes), l’usage de ce livre peut s’avérer non scolaire et non utilitaire :

« Le tour, le burin et la lime m’occupent sans relâche. Cependant, j’ai ouï dire que tous ceux qui ont du loisir et des sentiments d’honneur, par la simple lecture de la grammaire [je souligne], apprennent à parler et, surtout lorsqu’ils écrivent, à pratiquer les règles d’un style passablement élégant »37.

25Faute de trouver, comme en Suisse, des témoignages d’ordre financier (des commandes ou des factures) ou personnel (des indications de type mémoriel), il faut peut-être interroger autrement la pénurie d’instruments pédagogiques liés à l’orthographie dans la France d’Ancien Régime. Cette pénurie oblige à se poser des problèmes méthodologiques et incite à une grande prudence interprétative. Le premier de ces problèmes relève de la plus banale histoire du livre : les « grammaires », les ouvrages d’éducation les plus courants et, plus encore, les livres de civilité appartiennent à la catégorie des livres de petite taille (in-douze), ils sont donc de faible valeur marchande. Parce que leur manipulation est aisée, leur usure est toujours plus marquée que celle des in-folios et les rend mé-prisables au sens propre : ils sont donc non prisés et sont pour cela absents nominativement des listes établies par les autorités qui font l’inventaire de la bibliothèque où ils ont pu exister38. Au mieux, ces livres « communs », fragiles et vite disparus surtout s’ils ne sont pas reliés et en trop mauvais état, sont appréciés par lots non détaillés dans les documents notariés ou policiers et sont souvent mêlés à des « papiers », ces manuscrits, comptables ou épistolaires, qui, non identifiables, peuvent d’ailleurs servir de modèles scolaires dans certains couvents et ailleurs39. Du coup, ne faudrait-il pas s’appuyer sur leur absence pour croire en un usage intensif mais à jamais inconnu ?

26Malgré l’ambiguïté de toute interprétation reposant sur un vide documentaire – une (non) donnée rarement interrogée en histoire –, il s’avère nécessaire d’entreprendre une relecture attentive d’un nombre plus grand d’inventaires de bibliothèques, laïques et religieuses, et ne pas oublier, contre ceux qui déplorent l’ignorance des religieuses, qu’« il n’y a point de couvent où il n’y ait une bibliotheque », comme peut l’affirmer en 1790 madame de Brulart, ci-devant Mme de Sillery [Stéphanie de Genlis] dans son Discours Sur la suppression des Couvens de Religieuses, et sur l’Education publique des Femmes40. D’ailleurs, d’anciennes pensionnaires écrivent dans leurs mémoires : « je lisais continuellement », des masses de livres de piété, voire des romans introduits clandestinement par « les grandes »41. Sur les rayonnages des bibliothèques de couvents français, il faudrait d’ailleurs pouvoir distinguer les livres de communauté et ceux destinés aux classes, les religieuses ayant pu éventuellement soustraire ces derniers lors des inventaires de 1790 et 1792 et les emmener avec elles, lors de leur expulsion, si elles en faisaient un usage fréquent42.

27Ainsi les sept bibliothèques couventines du Maine qui, riches parfois de plusieurs centaines de volumes chacune, ont été scrutées par Renée Bons, étonnent par l’extrême rareté des titres profanes qu’elles possèdent et notamment par l’absence d’ouvrages que nous dirions didactiques. Seules les Hospitalières de Saint-Joseph à La Flèche, un ordre non-enseignant, détiennent, à l’usage de leur noviciat, l’édition de 1787 du Traité d’orthographe française en forme de dictionnaire de Restaut, quand rien d’analogue n’apparaît chez les Visitandines du Mans, de Mamers et de La Flèche, non plus que chez les Ursulines du Mans et les Filles de Notre-Dame de La Ferté-Bernard et de La Flèche43. Les bibliothèques, encore plus réduites, des Ursulines provençales et comtadines (autour de deux centaines de titres chacune) ne comportent aucun ouvrage d’ordre grammatical et/ou pédagogique44. C’est aussi le cas chez leurs consœurs de Nouvelle-France, mais on sait que leurs répertoires ne nomment que les seuls livres conseillés pour le noviciat dans les Constitutions et Règlements de 1647 du père Lalemant ou ceux reçus ou achetés du temps de Marie de l’Incarnation (1599-1675)45. Plus « modernes » et surtout plus riches, les Visitandines de Nantes possédaient en 1792, donc beaucoup plus tard, une « Arithmétique des marchands, un Traité de la Civilité, Le Magasin des Enfants, enfin un volume d’images Les Béatitudes en estampes », mais point de « Restaut »46.

28Malgré la rareté des « orthographes » et « grammaires » détectables dans les bibliothèques physiquement attestées (les bibliothèques idéales et « plans de lecture » restent à interroger47), il faut peut-être chercher d’autres indices d’un désir croissant de correction linguistique parmi les élites et se livrer à une compilation aléatoire mais nécessaire d’allusions diverses, compilation qui pourrait commencer par la relecture des plans d’éducation pour les filles élaborés en grand nombre au XVIIIe siècle, relecture qui devrait se continuer par une analyse pointilleuse de quelques correspondances. Dans celle des Voyer d’Argenson par exemple, un billet anonyme, daté semble-t-il du 28 mai 1777, fait ainsi réponse à une demande sur le subjonctif imparfait du verbe « envoyer » et sur la suppression des lettres doubles dans des mots comme « supplique ». L’épistolier-e précise : « je crois que cela n’est pas régulier, et seulement de commodité »48.

29Même si l’orthographe n’est pas LE problème qu’elle est devenue au XIXe siècle, elle pose donc déjà des problèmes à tout ou partie des élites françaises bien avant la Révolution. Et d’autres traces existent qui obligent à relativiser, voire réviser, le constat initial d’une indifférence grammaticale des non-doctes.

1.3. De quelques projets éducatifs pour « demoiselles ». Vers une demande orthographique nouvelle ?

30Malgré une vision péjorative des capacités féminines et sa conséquence, la subordination systémique de leurs apprentissages à des exercices religieux et ménagers, le désir de faire acquérir aux femmes quelque compétence orthographique apparaît ici ou là. Propos de prêtres et d’éducateurs, remarques d’éducatrices aussi.

31Les unes et les autres n’ont pas toujours une connaissance réelle des salles d’étude, qu’elles soient privées ou collectives, mais leur préoccupation commune est de christianiser en profondeur l’ensemble des acteurs sociaux par la maîtrise de l’écrit et de favoriser – prudemment – certaines formes d’émancipation (l’horreur de transformer des filles en savantes ridicules est cependant partout présente)49. Leurs propos sont disséminés dans des ouvrages très variés : ils n’ont pas toujours l’apparence de plans d’éducation à proprement parler et ils aiment répéter les mêmes poncifs sur la nécessité d’apprendre et faire apprendre aux femmes le bien écrire, mais toujours dans certaines limites. Il faut noter cependant que ma collecte comporte deux insuffisances majeures : d’une part, elle fait oublier l’importance réelle (nombre et longueur) des remarques orthographiques au sein de chaque traité ; d’autre part, elle privilégie les textes les plus connus aujourd’hui, c’est-à-dire les plus novateurs ou les plus accessibles. Deux insuffisances qui, si elles étaient ignorées, tendraient à renforcer une vision téléologique de l’histoire de l’enseignement et des femmes, faite de progrès insensibles mais réguliers, alors que ces textes ressassent une vision désabusée et vague de l’éducation féminine : celle-ci doit rester lacunaire et être toujours strictement encadrée. Elle est, pour cela, difficile à comprendre aujourd’hui sans parti-pris.

32J’ai choisi d’évoquer un nombre restreint de ces projets éducatifs et de sélectionner ceux qui même peu détaillés, semblent préciser le mieux, à mes yeux, les conditions réelles des apprentissages féminins : les plans cléricaux de Fénelon, Pluche, Reyre ; les projets, plus laïcisés, de Panckoucke, La Chalotais et Condorcet, réservant à d’autres de (re)travailler les propositions, actuellement plus célèbres, d’Anne-Thérèse de Lambert (1647-1733), Anne de Miremont (1735-1811), Marie-Jeanne Leprince de Beaumont (1711-1776 ou 80), Stéphanie de Genlis (1746-1830) ou Henriette Campan (1752-1822)50.

1.3.1. L’évêque Fénelon

33Dès 1687, dans son Education des filles, celui qui n’est encore que l’abbé Fénelon prononce un avis sévère et souvent cité sur cette éducation :

« Apprenez à une fille à lire & à écrire correctement. Il est honteux, mais ordinaire de voir des femmes qui ont de l’esprit & de la politesse, ne sçavoir pas bien prononcer ce qu’elles lisent ; ou elles hésitent, ou elles chantent en lisant, au lieu qu’il faut prononcer d’un ton simple & naturel, mais ferme & uny ; elles manquent encore grossierement pour l’orthographe, ou pour la manière de former ou de lier les lettres en écrivant : au moins acoûtumez-les à faire leurs lignes droites, à rendre leur caractère net & lisible. Il faudrait aussi qu’une fille sçût la grammaire pour sa langue naturelle, il n’est pas question de la luy apprendre par regle comme les écoliers apprennent le latin en classe ; acoûtumez-les seulement sans affectation à ne prendre point un temps pour un autre, à se servir des termes propres, à expliquer nettement leurs pensées avec ordre, & d’une manière courte & précise ; vous les mettrez en état d’apprendre un jour à leurs enfans à bien parler sans aucune étude. […] »51.

34Prégnance de l’oralité, défiance à l’égard des capacités féminines et finalité utilitaire de l’éducation sont trois traits notables de ce texte fameux du futur évêque de Cambrai, où sont par ailleurs dénoncées, comme on l’a vu, l’insuffisance et la dangerosité de l’éducation conventuelle, « les défauts des filles », mais aussi l’incurie des mères et celle des « gouvernantes », etc. À noter plus encore que sur les 275 pages de son traité en treize chapitres, seules trois à quatre paragraphes traitent, et de façon tardive (essentiellement dans le chapitre XII), du contenu non-profane de l’éducation à donner aux filles : lecture et écriture y figurent comme des « devoirs », mais ils sont secondaires par rapport à ceux que requièrent la religion (deux chapitres au moins) et la gestion – financière et humaine – d’une maison.

1.3.2. Le naturaliste Pluche

35Des dénonciations quasi identiques de la mauvaise orthographie des filles figurent dans un texte inattendu, le best-seller de vulgarisation scientifique intitulé Le Spectacle de la Nature, ou Entretiens sur les particularités de l’histoire naturelle, Qui ont paru les plus propres à rendre les Jeunes-Gens curieux, & à leur former l’esprit. Publié, pour la première fois, de 1732 à 1742, par l’abbé Noël-Antoine Pluche (1688-1761), il déploie dans le sixième de ses neuf volumes, volume « contenant ce qui regarde l’Homme en Société », un long « entretien » en forme de lettre consacré à l’éducation des filles52. Un « Pere de famille » y veut inspirer à celles-ci « une grande idée de la religion & de la nécessité du travail […] des mains » et il leur propose, pour y réussir, de « la lecture solide » (catéchisme et histoire chrétienne). Mais à ces injonctions assez banales, il adjoint des conseils concrets qui le sont moins. Il écrit en effet :

« après ce premier nécessaire auquel tout doit être subordonné, en voici un second, qui est ordinairement trop négligé, & que je crois être après la religion ce qui doit tenir le premier rang de l’éducation, c’est de savoir compter promptement, & d’écrire facilement une lettre : sans ce double secours, on ne peut attendre d’une jeune personne, soit dans la retraite, soit dans le mariage, ni l’entreprise du moindre gouvernement, ni le maintien d’aucun ordre. […] » (p. 81).

36La question arithmétique est réglée en un paragraphe (« les esprits les plus bouchés […] y réussissent très-bien, souvent mieux que des esprits plus fins »), mais dix longs paragraphes ne suffisent pas à traiter de l’acquisition « difficile » de véritables compétences épistolaires.

37Par-delà des conseils d’ordre didactique pour mieux courir « après le naturel », on notera néanmoins que ceux relevant de l’orthographe proprement dite sont abordés avec une bonhomie à nos yeux déconcertante : les fautes ne doivent pas faire l’objet d’une « critique […] chagrine, moins encore injurieuse » (p. 83). Pluche ajoute :

« l’orthographe par-ci par-là demeure encore fautive, la jeune demoiselle pourra rendre son écriture très-supportable, & même très-approchante de l’exactitude, en copiant souvent les inflexions des tems & des personnes qui forment ce qu’on appelle les conjugaisons des Verbes ; d’après une bonne grammaire Françoise. Mais je ne voudrois pas lui rompre la tête d’une longue explication des règles de la langue, qui pourroient passer son intelligence, ou la dégoûter de toute lecture.

Ce que nous venons de dire sera peut-être la seule part que notre jeune demoiselle ait à prendre aux sciences » (p. 86).

38Ouvrage encyclopédique d’histoire naturelle dont l’influence fut énorme, le Spectacle est aussi une « fiction à vocation apologétique »53 où les femmes doivent être instruites mais rester à leur place et garder « un esprit aisé [et] solide sans rien diminuer de leur gayeté » (p. 89). Leur faire apprendre l’orthographe et la grammaire (Pluche ne parle d’ailleurs pas d’enseignement, mais d’auto-formation), c’est leur permettre – entre autres – de servir de « secrétaire » à leur père (p. 86) et, plus encore, de servir les desseins de Dieu à l’égard des filles d’Ève. La présence d’une timide injonction orthographique dans un texte à vocation scientifique est peut-être révélatrice d’une demande sociale émergente mais limitée.

1.3.3. Le libraire Panckoucke

39Quasi contemporain, un petit in-12 en deux volumes est consacré en 1749 par André-Joseph Panckoucke (1703-1753), son éditeur et peut-être son auteur, aux Études convenables aux demoiselles. « Ouvrage destiné aux jeunes Pensionnaires des Communautés & Maisons Religieuses » comme l’indique son sous-titre, l’ouvrage se démarque d’abord de ses prédécesseurs par sa présentation de type catéchétique apte à faciliter sa lecture dans un couvent grâce à l’alternance de questions brèves et de réponses péremptoires ; il a aussi pour originalité son refus de « parler d’abord de religion, dont l’étude est essentielle à tout le monde, à tout âge, à tout sexe, à toute condition, & ne peut être suppléée par aucune autre », mais que l’auteur juge inutile de traiter ici (p. VII)54. Dernier fait notable, son tout premier chapitre (ou « traité ») s’appelle « De la Grammaire » et commence ainsi :

« Demande. Qu’est-ce que la Grammaire ?

Réponse. C’est l’art d’exprimer ses pensées correctement & avec goût.

D. Comment exprime-t’on ses pensées ?

R. De deux manieres ; par des sons articulés qu’on appelle paroles, & par des caractères convenus entre les hommes.

D […] »

40Suivent la définition des « sillabes », des voyelles, des consonnes, de l’emploi dans certains mots de l’é fermé et de l’e muet, du h aspiré ou non, etc. (p. 2-4). Dans le chapitre II, neuf « parties du discours » sont ensuite examinées en recourant à un vocabulaire emprunté au latin et à ses cas ou à des catégories françaises : « le Nom, l’Article, le Pronom, le Verbe, le Participe, l’Adverbe, la Préposition, la Conjonction & l’Interjection ». Leur succède, des pages 34 à 52, un chapitre III dit « De l’Orthographe » : celle-ci est définie comme « l’art d’écrire correctement », mais – ajoute l’auteur – « les guides de cet art » sont éminemment difficiles. L’auteur les présente en trois sous-parties : 1) la Ponctuation, 2) des Réflexions – désordonnées – sur divers problèmes (dont dix pages de faux-amis à bien distinguer), 3) « Des Vices opposés à la pureté du langage : […] le Barbarisme, le Solecisme, le Galimatias, le Phoebus, les Equivoques, & le langage précieux » (p. 53 à 55).

41Cette terminologie, aujourd’hui désuète, mélange et corrige des erreurs grammaticales ou orthographiques classiques et des éléments de langage, populaire ou recherché, jugés tout aussi impropres, soulignant le flou des catégories linguistiques d’un vulgarisateur prompt au jugement moral, mais soucieux, plus que ses confrères du clergé, d’initier « les demoiselles » à « La Poëtique françoise » (p. 56-121) et à « La Rhétorique (p. 122-185), mais aussi au « Commerce des lettres » (p. 186-202). À noter que ce traité est suivi, au tome II, de longues pages sur l’étude de l’Histoire (avec une table chronologique), puis de la Bienséance et, enfin, de l’Arithmétique, ici placée en dernière position.

42La modernité de ce programme aux ambitions à la fois encyclopédiques et pratiques apparaît tout particulièrement dans la partie consacrée à l’épistolaire55.

« Rien n’assure mieux la réputation d’une Dame que de sçavoir arranger noblement, & avec justesse ses pensées sur le papier », ce qui permet de faire aller « de pair […] l’imagination avec le jugement » (p. 188).

43Les différents éléments d’une lettre bien rédigée sont traités en dix points succincts. Une seule page suffit : intervalles, formules de suscription, etc. Enfin, une typologie, déjà banale et illustrée d’exemples, distingue « lettres de compliment » (quatre), « lettres familières » (cinq) et « lettres d’affaires ». Dans ce dernier cas, aucun modèle n’est offert, non plus que pour un quatrième type dit de « cérémonial » : ces lettres ne concernant que les Grands, elles ne sont pas prises en considération dans le livre. Madame de Sévigné sert de référence (deux de ses missives sont citées longuement), tandis que, parmi les lettres de compliment, figurent – le fait est important – celle « d’une Religieuse à une Dame, pour le commencement de l’année » et « d’une jeune Demoiselle, pensionnaire dans un Couvent, à son Pere » en même occasion (p. 191-193)56. Une manière de rappeler que le lieu principal où les jeunes filles sont initiées à la lettre, sinon aux Lettres, est le pensionnat conventuel. On y reviendra.

44Les avantages sociaux du bien écrire, c’est-à-dire de tenir correspondance, sont fortement valorisés. Quant à l’habileté linguistique des « jeunes pensionnaires », elle est encouragée par l’imitation de modèles. Elle s’accompagne de la présentation et de la résolution, certes désordonnée mais abondante, de difficultés orthographiques et grammaticales. Un « manuel » tout en un (il tient dans la main), bien différent de plans éducatifs postérieurs, souvent plus ambitieux mais peu précis quand l’enseignement des filles et des garçons n’est pas approché séparément.

1.3.4. Le juriste La Chalotais

45L’Essai d’éducation nationale ou Plan d’études pour la jeunesse (1763) est bref et sa célébrité tient davantage aux aléas de la carrière de son auteur qu’à son contenu57. Magistrat breton, janséniste et contestataire, René-Louis de Caradeuc de La Chalotais (1701-1785) se fait essayiste pour dire son hostilité aux longues études de théologie et de grammaire infligées aux garçons. Sensible à « l’effort inconcevable qu’ont fait les enfants pour apprendre à parler », puis à lire, il souhaite qu’ils apprennent hors collèges et qu’ils commencent à s’initier à leur « langue par règles et par art » (p. 56) grâce à une « grammaire générale et raisonnée » comme celle de Lancelot et à une « grammaire française qu’ils apprendraient en même temps » (p. 71). Il ajoute cependant que « pour apprendre la langue, trois choses sont nécessaires : le commerce des gens instruits, la lecture des bons auteurs et celle des livres qui ont traité de la grammaire » et des belles-lettres. Pour mieux approfondir par la suite ces deux derniers domaines, La Chalotais énumère une dizaine d’ouvrages à lire (p. 76-77) et semble particulièrement novateur par la brièveté et la clarté de ses propositions.

46Il importe de noter cependant que tous ces développements, adressés aux « enfants » en général, le sont en fait aux seuls garçons, et ce qui concerne explicitement les filles est réduit à quelques paragraphes au contenu décevant : certes la nécessité de bien éduquer les filles est affirmée avec fermeté, mais il s’agit seulement de les rendre « plus aimables », de les « occuper » et de leur permettre de connaître « quelques remèdes usuels et approuvés » utiles à la santé de leurs familles et des pauvres (p. 111).

47L’orthographe n’est pas au programme des filles dans un projet qui se veut « national », mais qui reste parfaitement genré, donc inégalitaire.

1.3.5. Le précepteur Reyre

48L’approche en 1780 de l’abbé Joseph Reyre (1735-1812) n’est pas aussi ambitieuse mais en se concentrant sur la formation, au couvent, des femmes et sur leur amélioration morale et intellectuelle, elle entre dans davantage de détails. Elle n’en reste pas moins fortement comparative elle aussi, car son École des jeunes demoiselles ou Lettres d’une mère vertueuse à sa fille, avec les réponses de la fille à sa mère est hantée par des modèles éducatifs masculins (collèges et préceptorat) et dialogue, sans l’avouer, avec Adèle et Théodore, le roman éducatif de madame de Genlis, paru en 1782, dont il épouse la forme sinon le contenu58.

49L’auteur (un jésuite spécialisé en littérature pour la jeunesse59) use du procédé banal d’une correspondance fictive qui est ici établie entre une mère attentive, sa fille pensionnaire dans un couvent et, accessoirement, une religieuse de celui-ci. Au fil des lettres, s’égrènent anecdotes, conseils, réprimandes et effusions affectives, car il s’agit de bien instruire une certaine Emilie (merci Rousseau !) et, à travers elle, de démontrer l’efficacité d’une éducation concertée pour « jeunes demoiselles » qui seraient placées dans un cloître, quand Genlis récusait – temporairement du moins – ce modèle éducatif60. Reyre, dès les premières lettres, place la correction orthographique comme un impératif d’ordre social, mais il n’oublie pas que « l’éducation », par force religieuse, prime sur toute acquisition de contenus profanes :

« Lettre IV.- […] en vous exhortant à m’écrire, je ne dois pas vous laisser ignorer que vous avez grand besoin de réformer votre écriture et d’apprendre un peu d’orthographe : il m’a fallu deviner la moitié des mots. Madame de Barilliers, à qui j’ai fait voir votre lettre, n’a pas pu en déchiffrer une seule phrase […]. J’en ai rougi de honte ; et, pour n’être plus exposée à un pareil désagrément, j’ai pris le parti de vous faire donner un maître à écrire. […].

Lettre IX.- […] les jeunes filles qu’on élève au couvent […] s’imaginent que si on les y met, ce n’est qu’afin qu’elles y apprennent à régler leurs manières, à perfectionner leur langage, à se former au travail, et à s’exercer dans les arts d’agrément que l’on y enseigne. […] Ma fille, […] je sais que le seul dessein que j’ai eu, en me privant du plaisir de vous voir auprès de moi, c’est de faire de vous une bonne chrétienne, c’est de vous fournir les moyens nécessaires pour apprendre à connaître, à aimer et à servir le Seigneur […] »61.

50Le choix d’une présentation épistolaire pour un traité d’éducation a le double mérite de le rendre moins austère et plus utile, car l’ouvrage fournit aussi des exemples de lettres à imiter par une jeune personne honteuse de ses « fautes d’orthographe » que l’éditeur a, d’ailleurs, pris soin d’effacer, comme il tient à le préciser62. Émilie promet de se corriger et dit espérer beaucoup des leçons d’un « maître à écrire » et de la « petite bibliothèque », déjà évoquée, d’une soixantaine de titres, qui l’attend à sa sortie du couvent grâce aux bons soins de sa mère. Cette bibliothèque sera vide de romans et de comédies, mais si elle devra être très riche – elle aussi – de livres religieux (« dogme », morale, histoire, sermons), elle contiendra des éléments susceptibles de « la mettre à portée de bien apprendre les règles du langage » grâce notamment à la Grammaire de Wailly.

51Tous ces détails sont précieux à connaître, mais en réalité les passages où ils s’inscrivent sont brefs et ont un autre propos que d’améliorer les talents linguistiques d’une jeune fille. Leur finalité, c’est de contribuer à assurer la victoire définitive du courant anti-philosophique et du camp clérical. C’est ce qu’illustrent, tout au long du livre, à la fois le nombre de pages consacrées à la supériorité de la morale chrétienne sur toute autre, et une longue note où l’auteur conte la visite de « Monsieur Beauzée, de l’Académie française chez Diderot, dans le dessein de causer avec lui sur quelques articles de grammaire ». Il l’aurait surpris en train de faire « répéter le catéchisme à sa fille. […] il rit de la surprise où j’étais de ce que je venais d’entendre : Eh ! quels meilleurs fondemens, me dit-il, puis-je donner à l’éducation de ma fille pour la rendre tout ce qu’elle doit être un jour : fille respectueuse, tendre épouse et digne mère ? » (p. 277)63.

52Nicolas Beauzée (1717-1789), grammairien subtil devenu rédacteur d’articles dans l’Encyclopédie en raison de son savoir et de son attachement aux Lumières, sert involontairement, dans le plan d’éducation de l’abbé Reyre, à étayer l’image la plus convenue de la féminité : les filles sont bonnes pour réciter le catéchisme et non pour se mêler de querelles grammaticales !

1.3.6. Condorcet

53C’est dans le contexte politique particulier de l’année 1791 et avec des compétences tout autres que celles de l’abbé Reyre, que Nicolas de Condorcet (1743-1794) rêve d’une instruction commune pour les jeunes gens des deux sexes : « il faut encore ici bien se garder de séparer les hommes des femmes, de préparer à celles-ci une instruction plus bornée, et d’abuser du nom de la nature pour consacrer les préjugés de l’ignorance et la tyrannie de la force »64. L’inculcation de la grammaire est un objet, là aussi, très minoritaire en quantité dans les pages de ses cinq mémoires sur l’instruction publique. Elle est pourtant bien présente dans les réflexions de Condorcet. N’est-elle pas, à ses yeux, un des révélateurs des aberrations d’un système éducatif clérical, sclérosé et androcentré ? N’est-elle pas particulièrement difficile à réformer si on veut en permettre un accès raisonné à tous « les enfants » (un masculin pluriel ici universalisant) ?

« Les enfants, comme la plupart des hommes faits, […] n’auront qu’une idée très vague et très peu précise des mots grammaticaux, et même des relations grammaticales que ces mots expriment. Mais il n’y a aucun inconvénient à ce qu’un enfant lise j’ai fait et je fis, sans savoir que le présent du verbe avoir mis avant le participe du verbe faire exprime un prétérit de ce verbe, pendant qu’un autre se forme par un changement particulier dans la terminaison du verbe même. Il en résultera seulement que pour lui la langue française n’aura aucun avantage sur celle où il n’existerait aucun moyen de distinguer, ni ces deux prétérits, ni la nuance d’idée qui en caractérise la différence » (p. 119).

54Réformateur volontariste, Condorcet est un homme de sciences connaissant son latin et l’importance des principes, mais il sait défendre, lui aussi, une attitude indulgente et empirique qui n’a rien du dogmatisme des éducations nationales futures en matière d’enseignement du français.

55Si les préconisations du philosophe mathématicien portent avant tout sur la création de niveaux d’enseignement communs aux filles et aux garçons et sur la mise en place d’une langue unifiée géographiquement et socialement, un apprivoisement progressif des savoirs et de leurs règles lui paraît nécessaire et notamment celles de « la grammaire et de l’art d’écrire » (il ne parle pas d’« orthographe »). Celles-ci seraient confiées à un maître particulier, le huitième d’une série hiérarchisée de huit enseignements : 1° métaphysique, morale et constitutions politiques ; 2° législation et économie politique ; 3° mathématiques (le gros morceau) et leurs applications, d’abord aux « sciences physiques », puis 4° aux « sciences morales » ; 5° physique, chimie, minéralogie et « leurs applications aux arts » ; 6° « l’anatomie et les autres parties de l’histoire naturelle, leurs usages pour l’économie morale » ; 7° la géographie et l’histoire ; 8° la grammaire. En mettant celle-ci en dernière position, Condorcet est original par rapport à certains de ses contemporain-e-s (mais leurs destinataires sont-ils-elles les mêmes ?), puisqu’un Adrien de Lezay-Marnésia (1770-1814) fait précéder par l’étude de la grammaire, celle de la religion, de l’histoire et de la littérature, estimant que « ce ne sont pas les champs épineux des sciences que les Dames ont à défricher »65.

56Quant aux « livres nécessaires à cette instruction » évoqués dans le troisième mémoire, aucun n’est lié spécifiquement à la didactique orthographique ou grammaticale. Condorcet préconise seulement le recours à « un dictionnaire, un journal, un almanach » et à des « ouvrages historiques » indifférenciés, qu’ils soient contemporains ou remontant aux XVIe-XVIIe siècles : Amyot, Montaigne, Descartes, Bayle, Nicole, etc. Il ajoute que l’énergie et l’expressivité du « vieux langage » de ces derniers donnent des plaisirs de lecture si appréciables que les mots peuvent en être réutilisés, mais cela ne saurait « blesser ni l’analogie grammaticale, ni l’esprit de la langue », et encore moins « choquer l’usage » (p. 201-202).

57Cette façon originale de poser très brièvement la question de la désuétude commune à toutes les langues souligne l’ambiguïté persistante entre principes (Condorcet dit « raison ») et usage. Cette façon de valoriser « les vieux auteurs » rappelle en effet que, au moins dans les cinq « mémoires » de Condorcet, le problème – désormais « national » – des applications pratiques d’un enseignement des faits linguistiques, ne peut plus désormais être posé hors des salles de classe, lors même que la décennie pré-révolutionnaire, en un combat, à la fois féministe et en partie d’arrière-garde, a outrageusement promu l’éducation privée sous gouvernance maternelle. Une promotion qui a fait – trop souvent – oublier à la postérité les réalités éducatives vécues par les filles : l’indifférence, l’incapacité ou la défection de leurs mères et, a contrario, les avantages des formations offertes par de « bonnes mères » portant le voile66.

58En 1790, craignant, pour les femmes, la suppression des couvents, le « gouverneur » des enfants d’Orléans, Stéphanie de Genlis, fait d’ailleurs le rêve inattendu d’« écoles cloîtrées », organisées en classes où l’enseignement serait programmé et encadré par des institutrices libres d’aller et venir et sachant, bien, « langue [et] orthographe »67. Donc une sorte d’instruction « publique » pour les filles ?

2. Règles conventuelles et besoin d’orthographie

59Les mères « croyaient avoir tout fait en mettant leurs filles une [sic] couple d’années dans un couvent »68. Ces propos proviennent d’un des romans épistolaires d’une éducatrice, chrétienne revendiquée et gouvernante professionnelle d’enfants, qui est aussi conteuse et journaliste, Marie Leprince de Beaumont (1711-1776). En décrivant l’enfance de son héroïne, elle vilipende l’éducation conventuelle et une superficialité qui tient à son coût, à sa finalité religieuse et, aussi, à son absence de durée. Des propos polémiques qui nous privent, ici comme souvent, de toute donnée précise sur les éventuels objectifs linguistiques de l’éducation dispensée et sur leurs effets concrets. Il faut néanmoins tenter de reconstituer ces objectifs et leur mise en pratique, à partir de l’énoncé de principes éducatifs communs et de l’analyse de règlements conventuels spécifiques.

2.1. Rappel. De quelques priorités éducatives

60Peut-être faut-il souligner, à nouveau, trois traits qui, propres à l’enseignement féminin sous l’Ancien Régime, en font, pour nous, l’étrangeté et qui ont limité, en leur temps, les efforts des pédagogues pour améliorer les compétences scripturaires de leurs élèves.

2.1.1. Le privilège d’être instruite

61Le premier de ces traits, c’est que l’instruction n’est alors pour personne un droit. Elle est, bien au contraire, un privilège – en général coûteux – dont un petit nombre de personnes peuvent bénéficier, ce qui exclut largement les filles d’Ève-et-Marie de tout accès à des savoirs savants. La scolarisation de celles-ci n’est pas alors un objectif en soi, mais un élément, parmi d’autres, d’un projet plus vaste de conquête chrétienne, et sa charge revient notamment à des congrégations d’enseignantes à vœux spécifiques (les Filles de Notre-Dame, les Ursulines, la Congrégation Notre-Dame, la Visitation) ou à des instituts dont les membres ne vivent pas nécessairement en clôture comme dans le projet initial de Saint-Cyr69. Mais même ici et en dépit de particularités sociologiques et pédagogiques bien connues (une éducation sur dix ans au profit de la noblesse pauvre), l’enseignement qu’y dispensent les émules de madame de Maintenon, s’inscrit dans cet héritage religieux : l’acquisition d’un corpus de savoirs, y compris orthographiques, y est subordonnée à la formation chrétienne et morale de futures épouses ; elle doit se faire en milieu clos et ne vise en rien à « leur orner l’esprit » et à en faire des lettrées, encore moins des « savantes »70.

62Tous les premiers grands traités éducatifs de l’âge classique, et notamment ceux de Fleury (1686), de Fénelon (1687) ou de Rollin (1726), le disent à satiété : les seules études absolument nécessaires sont « les dogmes communs » et un « lire et écrire correctement » (je souligne) dont le contenu reste largement indéfinissable et tourne autour de la question, elle aussi très vague, de l’opposition entre « éducation négligée » et « éducation distinguée »71. Du fait de ce schéma binaire, l’historiographie s’est du coup surtout intéressée à la polémique qui agita une partie du monde intellectuel au XVIIIe siècle autour du rôle éducatif du « Sexe » dans la société. Polémique liée aux controverses sur les notions innovantes de perfectibilité et d’égalité sociale (celle des femmes et des hommes, comme celle des pauvres et des riches), polémique liée tout autant aux querelles croissantes qui portent, à la fois, sur le rôle de l’Eglise dans le maintien des hiérarchies dites « naturelles », et sur la valorisation d’une pensée féminine autonome.

63Ces débats théoriques – de tonalité modernisante, voire féministe – sont essentiels à connaître mais ils tendent à occulter, aujourd’hui, ce que furent réellement les réalités quotidiennes d’apprentissages strictement sexués72.

2.1.2. La vanité des lettres

64Le second trait des éducations féminines concerne bien sûr une autre des conséquences de l’inégalité, radicale et quasi racisée, régnant entre les femmes et les hommes : seuls les garçons peuvent être accueillis dans des structures éducatives pensées sur le long terme comme les collèges et les universités, interdits aux femmes. Du coup, ils bénéficient d’un enseignement systématisé du latin et n’apprennent pas seulement à le lire (cela arrive parfois aux filles), mais à l’écrire, le traduire et à en comprendre les règles, voire à le parler73. Ils sont donc seuls à user systématiquement de grammaires pour apprendre, « par principes », la langue de Cicéron, mais ils courent alors le risque de ne pas connaître, grâce à « l’usage, les tours propres à [leur] langue » nationale74.

65Pour les filles, l’apprentissage – littéral et littéraire – des « lettres » est donc, la plupart du temps, second, non systématisé et quasi ornemental. Plusieurs éléments rendent en effet aléatoires des réussites orthographiques rapides. C’est d’abord la soumission du personnel d’encadrement à un double principe : former avant tout des chrétiennes et des épouses, mais aussi les protéger du monde et de ses séductions tant qu’elles sont au pensionnat. C’est, ensuite, le mépris – officiellement – radical qu’affiche le monde ecclésiastique à l’égard des belles-lettres et des vanités qu’elles entraînent, mépris que tempère la nécessité d’un accès à une littéracie minimale d’ordre religieux et utilitaire75.

66L’inexplicite généralisé des programmes transcrit donc une priorité absolue, celle d’« éduquer » plus que d’« instruire », priorité qui explique, en partie, l’imprécision des contenus affichés dans les règlements conventuels et dans les commentaires dont ils sont parfois l’objet. C’est le cas des considérations dédiées nominativement, par une pédagogue de grande culture, à la personne qui dirigeait un couvent-pensionnat réputé, lui-même fréquenté par des fillettes à l’existence bien réelle : les futures épouses de la maison d’Argenson, mais aussi une Marie de Vichy-Chamrond, bientôt marquise Du Deffand. Quand madame de Lambert dédie « à Madame la Supérieure de la Magdelaine de Tresnel » une Lettre […] Sur l’éducation d’une jeune fille, elle se contente en effet d’évoquer des préoccupations éducatives communes et non les moyens de les inculquer dans un établissement particulier. Les seules finalités pédagogiques qu’elle met par écrit, c’est, d’une part, le devoir de faire acquérir aux « élèves » la connaissance du catéchisme et de la morale (évidemment, religieuse) et c’est, d’autre part, l’obligation d’obtenir l’intériorisation par toutes du respect des hiérarchies, dites naturelles, de genre, d’état, de caste, de classe et autres76.

67Quand les pensionnaires reçoivent, en sus d’« une éducation », des « instructions », le pluriel n’est généralement qu’une manière d’insister sur une visée pieuse englobante et autosuffisante. Ces « instructions » ne concernent en effet que des connaissances d’ordre religieux et moral, que résume fort bien la supérieure de l’abbaye royale de Saint-Paul, près de Beauvais, à l’extrême fin du XVIIe siècle :

« Il faut les accoûtumer à souffrir la severité de l’Evangile, leur faire connaître Jesus-Christ & ses mystères, les prémunir de bonne heure contre les fausses maximes qui attaquent la pieté, & contre les devotions peu solides qui l’avilissent »77.

68Des recommandations que l’on retrouve à peu près partout et dont la formulation varie fort peu quels que soient l’ordre, le moment et le lieu considérés. N’oublions pas cependant que le bi, tri ou quadrilinguisme des pensionnaires complique la tâche de leurs éducatrices : des lettres se brodent, on l’a vu, avant d’être griffonnées78, le parler maternel d’origine hante leurs phrases79, les premiers rudiments de lecture s’inculquent parfois via le latin faute de supports de lecture en français mais alors il s’agit moins de comprendre ce latin que de déchiffrer des assemblages de signes et de les psalmodier80. N’oublions pas cependant que, malgré tout et vaille que vaille, la maîtrise de la langue française écrite s’infiltre ainsi, dans les têtes juvéniles, mais qu’elle le fait nécessairement par des voies multiples et infiniment tortueuses. Y dominent, sans doute, des pratiques de copies multipliées et infiniment répétées, celles des mêmes lettres de l’alphabet, des mêmes mots, des mêmes phrases81. S’y glissent aussi des exercices de rédaction épistolaire, d’abord imitatifs, puis plus libres, dont certaines pensionnaires se font l’écho, comme on le verra plus loin.

2.1.3. Entre pensionnat et famille

69Un troisième trait complexifie néanmoins ce tableau des éducations féminines dans le monde des privilégiés : la non-mixité des enseignements collectifs est parfois contredite dans le cadre familial où s’instruisent et se forment, en tout ou partie et indépendamment d’un éventuel passage en établissement dédié, certains des jeunes gens fortunés des deux sexes, et cela grâce au recours à des gouvernantes, tuteurs et autres maîtres particuliers, mais aussi à des mères qui s’érigent éducatrices à demeure, voire à des pères bienveillants et désœuvrés82. Dès avant Rousseau et son Émile (1762), ce modèle ancien d’« école du giron familial » (Comenius83) est devenu à la mode, au moins dans des textes où la promotion des mères passe par l’idéalisation de leurs rôles d’allaitantes et de préceptrices idéales. Ne sont-elles pas chargées, en premier lieu et pour un temps, des tout-petits des deux sexes et, plus durablement, de la partie féminine de leur progéniture avant que celle-ci ne se marie ou ne prenne le voile84 ?

70Aucune donnée chiffrée ne permet cependant d’assurer la prévalence d’un modèle « familial » dont on ne retient que les succès les plus retentissants et les plus « médiatisés ». Bien au contraire, les études anciennes d’historiens impressionnistes et, surtout, les éléments précis rassemblés par Martine Sonnet montrent l’importance, à Paris, du couvent et de ses règles, pour former, assujettir et peut-être instruire les filles les plus fortunées85. Des règles qui, même en portant majuscule (« la Règle », soit les règlements propres à un ordre religieux particulier), sont, paradoxalement, à la fois contraignantes et peu explicites, mais qui, ici ou là, mentionnent une volonté d’enseigner « de » l’orthographe.

2.2. « Programmes » conventuels : flou, brièveté ou prolixité

71Le souci d’enseigner « les lettres grammaticales » apparaît bel et bien dans nombre de projets éducatifs d’Ancien Régime : plans d’études imaginaires, on l’a vu, mais aussi programmes affichés par certains établissements charitables et par des couvents-pensionnats, programmes auxquels il faudrait ajouter des récits d’éducations aussi singulières que celles reçues par Madeleine de Scudéry (1607-1701) ou, plus tard, par Émilie du Châtelet (1706-1749), par Geneviève Randon de Malboissière (1746-1766) ou par la marquise de La Rochejaquelein, toutes élevées au sein de leurs proches et qui, devenues célèbres pour leurs écrits, sont aujourd’hui fort bien connues. Ainsi, Scudéry fut guidée par un oncle maternel savant et attentif, Valentin Conrart, le premier secrétaire de l’Académie française qui lui « fit apprendre les exercices convenables à une fille de son âge et de sa condition, l’écriture, l’orthographe, la danse, à dessiner, à peindre, à travailler à toutes sortes d’ouvrages », mais aussi des notions médicales, agricoles, ménagères86.

72Ce programme est exceptionnel, conçu par un érudit pour une érudite en puissance. Il contraste violemment avec le caractère vague et banal des informations que fournit la principale source documentaire aujourd’hui accessible pour connaître le contenu et les éventuels horaires de l’enseignement ortho-graphique reçu par des pensionnaires : les livres imprimés qui, ordre par ordre, communauté par communauté, énoncent et renferment, à jamais, les « règles » et/ou les « constitutions » de chaque institut ou de groupe d’instituts87. Ces textes en définissent la spiritualité mais aussi les moyens de son appropriation par ses membres à demeure (les religieuses) et par leurs élèves de passage en leurs murs. Les dispositions concernant l’enseignement figurent ou non dans des chapitres, voire des livres, distincts et développent les matières enseignées et parfois leurs horaires, sur un mode, il faut bien l’avouer, fâcheusement vague88. Cet inexplicite généralisé est d’ailleurs en soi porteur de sens, laissant peut-être aux enseignantes concernées une certaine marge de liberté et la possibilité de faire ou ne pas faire « écrire correctement » leurs petites disciples.

73Sept exemples, faciles à étayer, ont été retenus : la Compagnie de Notre-Dame ; les Sépulcrines ; la Congrégation de Notre-Dame ; l’Union Chrétienne ; la Visitation ; Saint-Cyr ; les Ursulines. Quant à leur présentation – ici par force rapide et axée sur l’ortho-graphie qu’on y aurait enseignée – elle suit, non un ordre chronologique, mais un classement selon le poids numérique des phrases ou des alinéas qui lui sont dédiés. J’y souligne encore une fois, par des italiques, tout emploi du mot orthographe, en respectant toujours sa graphie originale. Les cas relevés restent néanmoins à multiplier et à analyser avec prudence, tant les contextes d’élaboration et de publication de ces règlements sont différents. Plusieurs années s’écoulent parfois entre ces deux moments et le texte ultime de la Règle peut avoir bénéficié de quelques décennies d’expérimentations pédagogiques et de transformations en fonction des besoins des publics visés. La personnalité des rédacteurs et rédactrices (souvent un « couple » mixte, appuyé par leurs communautés respectives) et l’assise territoriale de celles-ci sont plus encore des facteurs essentiels à connaître. Enfin, le sens à donner à ces textes et à leur mise en pratique par plusieurs générations de religieuses enseignantes qui sont elles-mêmes tributaires d’attentes parentales variables, doit rendre modeste toute conclusion.

2.2.1. L’Union Chrétienne

74À l’Union Chrétienne de Saint Chaumond, grande est la brièveté des attendus pédagogiques de cet ordre enseignant récent (mi-XVIIe siècle) dont la Règle est publiée en 1704. Banale aussi sa manière de libeller « l’ortographe » et de l’inscrire en troisième position des matières étudiées. Seul le 26e paragraphe (il y en a 33) du chapitre IX.2 précise en effet le contenu de l’instruction non religieuse dispensée par les religieuses :

« Elles leur apprendront à lire, à écrire, l’Ortographe, l’arithmétique et les ouvrages manuels » [chapitre intitulé « De la Maîtresse des pensionnaires »]89.

75Cette congrégation, fondée en 1652 à Paris par Vincent de Paul et Marie de Lumague, veuve Pollalion (1599-1657), a été placée sous l’invocation d’un saint évêque lyonnais du VIIe siècle, lui aussi créateur d’établissements d’éducation, et fait partie des établissements dont le coût de pension, assez faible à Paris, oscille entre 300 et 500 livres au milieu du XVIIIe siècle.

2.2.2. La Compagnie de Notre-Dame

76Des formulations moins conventionnelles figurent notamment dans les Constitutions de la Compagnie de Notre Dame (fondée en 1607 par la Bordelaise Jeanne de Lestonnac90, 1556-1640). Au sein des deux ou trois classes tenues, dans chacune de leurs maisons, par les Filles de la Compagnie de Marie Notre-Dame, on retrouve bien sûr la séparation habituelle entre lecture et écriture, mais ces premières compétences en déchiffrage, puis en griffonnage, s’acquièrent à partir de caractères différents, droits, penchés ou cursifs91.

« On y enseignera principalement la piété, & vertus Chrestiennes, […]. Enfin […] à lire, escrire, travailler de l’aiguille en diverses façons, & en somme toutes les honnestetez convenables aux filles […]. On apprendra premièrement en latin, puis en François, et la lettre Romaine plutost, puis l’Italique et enfin encore la Françoise si on le trouve bon […]. Elles tascheront de bien apprendre à lire et prononcer les mots tant en Latin qu’en François, et Italienne, et bien orthographer » (sans i, dans le texte)92.

77La souplesse, mentale et manuelle, exigée explicitement des élèves et de leurs maîtresses explique sans doute la renommée de ces établissements. En effet, plusieurs supports de lecture y sont utilisés successivement, les modèles d’écriture y sont variés, l’acquisition d’une élocution claire est essentielle et se fait en plusieurs langues dont la latine. Un plurilinguisme qui existe ailleurs grâce à des leçons particulières mais qui s’affiche rarement, comme ici, en tant qu’élément des enseignements internes au pensionnat. Ce trait n’est présent en effet que dans les établissements fréquentés par une clientèle internationale et dotés d’un encadrement, mi-francophone, mi-anglophone.

2.2.3. Les Sépulcrines anglaises

78Les Sépulcrines anglaises de Liège sont dans ce cas et déploient, au moins sur le papier et sur le tard, un programme ambitieux et varié développé dans un État et condition de la pension pour les jeunes demoiselles, relativement à l’éducation complète qu’on leur donne dans le couvent des religieuses angloises à Liège (vers 1770). Il est sans commune mesure avec leur premier règlement, preuve du hiatus entre principes et pratiques, mais aussi entre deux moments de l’histoire d’un pensionnat.

79Le couvent est en effet ouvert en 1642 mais son pensionnat est « modernisé » dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, lors même que l’ordre des chanoinesses régulières du Saint-Sépulcre remonte au temps des Croisades et suit la règle de saint Augustin. Sous la direction de la mère Christina Dennett (1730-1781) et de ses successeures, les pensionnaires de tous âges affluent jusqu’à la fermeture forcée de leur couvent en 1794 et leur réinstallation en Angleterre. À noter que le prospectus descriptif n’est peut-être qu’un leurre, comme le fait judicieusement remarquer Isabelle Havelange en le commentant : les matières profanes qui y sont proposées peuvent servir « comme un appât pour garder sous l’emprise d’une éducation fortement religieuse des jeunes filles qui pourraient apprendre ailleurs les talents nécessaires désormais pour plaire en société ». En tout cas, l’orthographe, avec ou sans h, n’y figure pas explicitement, tandis que d’autres connaissances sont offertes en grand nombre.

« On enseigne aux demoiselles pensionnaires la lecture et l’écriture ; les langues Angloise, Françoise et Italienne ; l’Histoire sacrée et profane ; l’Arithmétique ; la manière de tenir les livres à parties doubles ; tout ce qui appartient à l’usage épistolaire dans les différents états de la vie ; billets de recette et calculs de dépense ; la différence des poids et mesures dans divers pays ; le blason ; la géographie, l’usage des globes, de la sphère etc. ; les principes de l’Histoire naturelle autant qu’elle peut convenir aux personnes du sexe ; la broderie et tout ouvrage d’aiguille ; l’art de dessiner et de peindre les fleurs, etc.

Toutes les lettres qu’elles écrivent ou qu’elles reçoivent sont examinées, on n’en excepte que celles qui viennent de leurs parents ou qui leur sont adressées, quand pour des raisons particulières, ils le demandent »93.

80Ce programme encyclopédique et multilingue frappe par son étendue, son utilitarisme et un libéralisme certain. Il s’explique par la personnalité de ses initiatrices, en phase avec leur temps et avec la clientèle particulière de leur pensionnat liégeois : des jeunes filles catholiques qui viennent d’Angleterre, mais aussi d’un proche géographique très varié (Pays-Bas, Allemagne, France), et qui sont destinées à occuper des positions sociales élevées au sein de l’aristocratie, de la gentry et du monde des affaires.

81Ce programme n’en reste pas moins étonnant par son caractère profane et l’accent qu’il met sur des travaux d’écriture qui relèvent tout autant d’une activité d’agrément que d’un travail de gestionnaire (« maison », seigneurie ou grand commerce). Il n’est rien dit de précis sur l’orthographe mais, pour être réglementés, les apprentissages épistolaires sont très fortement mis en valeur. À noter que ces recommandations touchant les « lettres » ne semblent pas inscrites explicitement dans un emploi du temps fixe, mais elles ont assurément été mises en pratique au sein du pensionnat, puisque subsistent, dans les archives anglaises de l’ordre, des demandes parentales exigeant, de leurs filles, une lettre hebdomadaire ou mensuelle, en français ou en allemand. Une fillette se doit, dit un père, d’écrire « to her mama constantly one [letter] a week »94.

2.2.4. La Visitation

82Le Reglement pour les pensionnaires du monastère de la Visitation de Ste. Marie de Nantes, fait en l’année 1686 ne fournit pas, lui non plus, d’horaire pour chacun des types d’apprentissage requis, mais il est un des rares documents conservés qui décrivent, quelque peu, les activités journalières des petites pensionnaires d’un ordre voué à l’enseignement. Cependant, lui aussi, il insiste sur l’orientation presque exclusivement religieuse de ces activités. Seules trois lignes sur seize pages de cet opuscule évoquent la possibilité de matières scolaires définies :

« les grandes jetteront trois fois la semaine à la plume ou au git [le « jet » ou calcul à l’aide de jetons à compter ?] ; les autres jours, elles s’appliqueront à l’orthographe »95.

83Se révèle ici une hiérarchisation des apprentissages qui semble privilégier, à la Visitation, le calcul aux dépens des « lettres », hiérarchisation qui semble identique chez les Ursulines de Paris96.

84Curieusement cependant, on ne retrouve pas cette priorité dans l’espace du noviciat où les religieuses en devenir, souvent d’anciennes pensionnaires, doivent compléter leur cursus initial quand leurs acquis antérieurs sont jugés trop rudimentaires. C’est souvent le cas au XVIIe siècle. Ainsi, en 1624, la maîtresse des novices a pour tâche, faussement subsidiaire, de leur apprendre « à écrire, bien orthographier, chiffrer, jeter, coudre, filer, et tels autres exercices convenables à leur condition », toutes choses qui s’apprennent normalement bien plus tôt97. Deux ans auparavant, la fondatrice de l’ordre, Jeanne de Chantal (1572-1641), fine lettrée et co-fondatrice de la Visitation aux côtés de François de Sales, reprochait d’ailleurs ses « gribouillis » à une de ses consœurs, la mère de Blonay (1590-1649) :

« j’ai peine à lire vos lettres, cela me dérobe du temps ; prenez garde, ma fille, à mieux écrire. Je n’ai su quel mémoire [document généralement comptable] vous demandez »98.

85Cette attention portée aux compétences épistolaires des religieuses, sinon de leurs élèves, est confirmée par un passage d’un autre texte règlementaire, la Petite Coutume, qui concerne l’écriture de lettres fictives afin de consolider les acquis orthographiques des moniales en puissance :

« La Directrice [des novices] leur fait écrire des lettres supposées à quelqu’un, leur en faisant par après voir les défauts. Et si elles se rendent négligentes qu’elle voye en elles paresse d’esprit tant à bien écrire, qu’à orthographier & dicter, elle les mortifiera, & leur donnera des pénitences, si elles ne s’amendent ».

2.2.5. La maison royale de Saint-Cyr

86À Saint-Cyr, la Règle de 1700 n’est guère plus précise et son interprétation est tout aussi floue à lire les commentaires qu’en font, à la même époque, les enseignantes (les Dames de Saint-Louis, désormais établies en clôture sur le modèle de la Visitation) dans un Mémoire des dames de Saint-Cyr :

« pourvu qu’on ne fît pas de fautes grossières sur cette matière, on passoit aisément aux femmes les autres manquements ; elles disoient même que quand on auroit su parfaitement tout ce qui est de cette sorte de science, il ne faudroit pas sans servir (sic) exactement en écrivant des lettres, que cela sentoit trop la pédanterie dans une personne de notre sexe et l’envie de faire la savante »99.

87La fondatrice n’en dit guère plus dans une lettre à Mme de La Mairie en 1713 :

« Il suffit qu’elles sachent écrire pour faire leurs mémoires et leurs comptes ; il ne faut pas leur apprendre à faire de lettres ni parler de style : un peu d’orthographe leur suffit [je souligne] ; il n’en est pas de même de l’arithmétique, elle leur est nécessaire ».

88En effet l’objectif de cette éducation est de développer « des habitudes et un goût pour la vertu » chez de futures maîtresses de maison, à la fois nobles et pauvres, qui se doivent de devenir des gestionnaires économes, des épouses obéissantes et des dévotes sans ostentation, toujours parfaitement oublieuses d’elles-mêmes et de toute ambition savante100.

89Manseau, premier intendant de la maison et auteur de précieux Mémoires corrige la sécheresse du contenu de la Règle en fournissant un véritable emploi du temps des pensionnaires :

« Les demoiselles se lèvent à six heures comme les dames » et se rendent à la messe. « Après quoy elles déjeunent jusques à neuf heures qu’elles font une leçon générale de lecture ; à dix, on les fait écrire et jetter [compter] jusques à onze qu’elles vont au réfectoire. Ensuite, elles ont récréation jusqu’à une heure. On leur fait alors une lecture d’édification pendant qu'elles travaillent en broderie, tapisserie ou en linge, jusques à deux heures qu’on leur montre l’orthographe. Ensuite, elles font collation jusques trois heures, sans sortir de leurs classes. A trois heures, l’on recommence les leçons d'écriture, de lecture et de jet, travaillant ensuite jusques à quatre heures trois quarts qu’elles se disposent d’aller à vespres qui durent jusques à cinq et demie. Le catéchisme se fait ensuite dans le chœur même, qui dure jusques à six heures qu’elles vont au réfectoire. Ensuite récréation et la retraite en même tems que les dames. Les plus petites font les mêmes observances à l’exception du travail, leurs leçons étant conformes à leur âge. On apprend à chanter à celles qui ont de la voix les chants de l’Eglise qui ont été composés particulièrement pour cette maison, ne tenant rien du plain-chant ny de la musique. On leur fait aussy chanter des airs de musique pour leur récréation, et réciter des vers de quelque tragédie sainte pour leur apprendre à bien parler et leur oster le patois des provinces ; et l’on n’oublie rien pour leur donner de la piété, de la grâce, de la politesse et pour leur former l’esprit »101.

90La richesse de ce texte est extrême, même si Manseau refuse de distinguer des activités que l’on sait ordonnancées selon différentes classes de niveau arborant des couleurs différentes et des marques de réussite102.

2.2.6. Les Ursulines

91Chez les Ursulines de Paris, l’emploi du temps des pensionnaires est lui aussi décrit dans un règlement journalier qui étend jusqu’à trois quarts d’heure par jour le moment consacré à « l’orthographe ». Certes on ne « montrera » celle-ci qu’« à celles qui en sont capables » et cela l’après-midi entre deux leçons de quinze minutes consacrées au « Catéchisme » ou, de 4h15 à 4h30, à « quelque lecture générale ou particulière » ou « autre dévotion », à l’exception des samedis et dimanches103. Mais il faut noter que le catéchisme est la seule matière qui est, encore une fois, explicitement nommée sur le papier, et ce n’est pas un hasard si son énoncé s’orne d’une majuscule initiale dans les Règlemens de 1705. L’enseignement de l’orthographe scande donc régulièrement cinq des journées des pensionnaires et est resté un des souvenirs vivaces de Françoise d’Aubigné, future marquise de Maintenon (1635-1719). Placée, dans sa jeunesse malheureuse, chez les Ursulines de Niort en 1646, elle en est tôt devenue l’auxiliaire et écrit :

« je faisais lire, écrire, compter, l’orthographe […] et jouer toute la classe […], empeser tout le linge fin des pensionnaires [pour faire plaisir à la mère Céleste]. […] Je pensais mourir de chagrin quand je sortis de ce couvent »104.

92Les chapitres VII et VIII « De la Maîtresse de l’Ecriture » et « De celle qui enseigne le jet, la lecture en lettre de la main, & l’orthographe » des Reglemens de 1652 confirment l’efficacité probable d’un activisme pédagogique qu’il faut apprendre à décliner, maison par maison, congrégation par congrégation105. À Paris, où le cas des religieuses chargées des pensionnaires est évoqué avant celui des « Ecolières externes », leurs obligations sont multiples et détaillées tout au long de dix-neuf paragraphes : façon de tenir et tailler sa plume, forme à donner aux syllabes, aux « lettres passantes », aux jambages, aux espaces, propreté, silence, doivent être surveillés de près. D’autres passages, dans ce chapitre et le suivant, fourmillent de précisions d’ordre pratique :

« Chapitre VII. […]

9. Lorsque quelque Pensionnaire aura permission d’écrire à ses parens, elle aura soin de luy faire écrire sa lettre, & de voir si l’orthographe en est bonne » (p. 78).

[…]

Chapitre VIII. […]

6. Au temps marqué, elle fera lire en lettre à la main les pensionnaires en leur rang, un jour une partie, l’autre le lendemain, quand il y en aura beaucoup.

7. Elle donnera l’écriture la plus aisée à lire, à celles qui commencent, leur faisant reconnoître les lettres, & les abréviations : elle leur en fera lire peu à la fois, & elle essayera qu’elles trouvent d’elles-mêmes les mots, s’il y est moyen.

8. Pour l’orthographe, elle se pourvoyera d’autant de petits Livres imprimez de même sorte, qu’il y a de pensionnaires qui doivent apprendre l’orthographe chaque jour, lesquelles pourront être huit ou dix.

9. Leur ayant donné à chacune une feuille de papier blanc, elle leur dictera posément & distinctement mot à mot, deux ou trois lignes desdits Livres, qu’elles écriront. Elle leur donnera après à chacune leur Livre pour se corriger elles-mêmes, écrivans correctement les mots au dessus de ceux qu’elles ont mal orthographiez : puis elle leur fera récrire derechef la même leçon, sans voir ce qu’elles ont premièrement écrit. Et le lendemain elles écriront encore la même chose au net, sur un autre papier : & on ne leur changera point de leçon, jusques à ce qu’elles ne manquent plus.

10. Elle pourra aussi se servir de cette autre maniere. Les Pensionnaires ayans chacune un cayer ; Elle lira dans un Livre trois ou quatre lignes, qu’elles écriront : puis elle fera épeler chaque lettre tout haut, par une d’elles, de ce qui aura été écrit : & chacune corrigera ce qu’elle n’a pas mis correctement : ET verra après si elles l’ont fait comme il faut. Le lendemain, elle leur fera écrire sur un autre papier la même chose, pour leur faire mieux retenir. » (p. 86-88).

93Quant aux ursulines de la ville de Pont-Saint-Esprit (actuel département de l’Ardèche) dont les règlements sont différents de ceux de Paris, leurs enseignements resteraient inconnus, si n’avait survécu un « Cours de pédagogie et de catéchisme de la maîtresse de la grande classe », rédigé entre 1768 et 1773. Ce document exceptionnel, sans doute à usage personnel ou limité, s’étend longuement sur l’apprentissage de l’écriture : position exacte du corps, emplacement de chacun des doigts au millimètre près, taille de la plume, rangement du papier106. Il souligne la discipline corporelle, autant que mentale, requise dans toute activité scripturaire, discipline que taisent la plupart des enseignant-e-s. D’ailleurs, à la fin du siècle, l’annaliste des Ursulines de Trois-Rivières, en Nouvelle-France, aborde tout autrement la question des outils pédagogiques. Elle explique ainsi qu’après la conquête anglaise, la pénurie de livres scolaires a entraîné d’étranges pratiques – quasi sacralisées – de l’enseignement grammatical, pratiques dont on ne sait si elles sont exceptionnelles ou non :

« Les grammaires françaises étaient tellement rares qu’il n’y en avait qu’une pour l’externat : elle était placée sur un pupitre au milieu de la chambre, la page ouverte était retenue par un cadre de bois, chaque élève allait à tour de rôle apprendre la leçon du jour ; et la maîtresse seule avait le droit de tourner les feuilles du livre respecté107 ».

94La maîtrise d’une orthographe correcte est ici clairement (devenue ?) une priorité pédagogique aux côtés de la mémorisation du catéchisme, des travaux d’aiguille et des règles de la civilité française. Mais, si cette maîtrise a une importance toute particulière en raison du contexte politique propre au Canada, l’efficacité de cette méthode n’est pas vraiment connue108.

2.2.7. La Congrégation de Notre-Dame

95C’est, du côté français et dans un texte précoce datant du mitan du XVIIe siècle, que la mise en œuvre d’un programme orthographique est la plus clairement exprimée et cela, sous la plume conjointe d’un curé de paroisse fort cultivé, Pierre Fourier (1565-1640), et d’une dévote lorraine entrée en religion pour enseigner les « petites filles », c’est-à-dire les pauvres : Alix Le Clerc (1576-1622).

96Leur commune fondation de la Congrégation de Notre-Dame date des dernières années du XVIe siècle mais n’est officiellement reconnue par le pape qu’en 1628 et exige des religieuses, en sus des trois vœux traditionnels, un quatrième « de l’instruction »109. Exception ou révélateur d’une anxiété orthographique diffuse mais de longue durée, un chapitre entier des Vrayes Constitutions de la Congrégation de Notre-Dame (éditées en 1649 seulement) est consacré lui aussi à l’orthographe. Sous ce titre, Pierre Fourier développe en dix points des attendus précis, eux-mêmes en partie repris en fin de livre, dans la section consacrée aux « Pensionnaires », car celles-ci bénéficient d’un régime particulier tout en recevant les mêmes enseignements que les « Externes »110.

97Ce texte, particulièrement riche et précoce (la première édition remonte à 1647), ne doit pas faire oublier les paramètres de hiérarchisation propres à l’Ancien Régime. D’une part, le respect des statuts sociaux de chacune est toujours présenté comme une évidence « naturelle » : des soins plus grands sont accordés aux pensionnaires payantes surveillées jour et nuit, et cela en dépit des ambitions initiales des promoteurs favorables à une éducation ouverte à toutes et reléguant, pour cela dans leur règlement, la question du pensionnat après celle, la plus copieusement traitée, des « écolières externes ». D’autre part, la longueur des pages consacrées à l’enseignement orthographique ne peut faire oublier le maintien de la hiérarchie des contenus enseignés. « L’Ortographe » vient en cinquième position, derrière le « Catéchisme ou doctrine chrétienne », des « Instructions à la civilité chrétienne, & à la modestie & bienséance convenables aux filles séculières », « la Lecture » et « l’Ecriture », mais, ici, avant « l’Arithmétique » et les « Ouvrages manuels ».

« Chapitre XIII. De l’Ortographe.

1. Les leçons […] se feront seulement pour les plus avancées de la premiere classe […] tous les trois jours […].

2. Pour l’ortographe, on y enseignera par regles generales (entant qu’il se pourra selon le sujet, & la capacité des unes & des autres) […].

4. Elle ne se hâtera de prendre une façon d’ortographe, qui est tout nouvellement née, à ce que l’on dit, & fait profession de n’écrire quasi que les lettres qui se font sonner en prononçant les mots. […] Elle se servira de la commune, qui est le plus en vogue, & suivie du plus grand nombre de ceux qui se mêlent d’écrire.

5. […] suivre la forme la plus commune. Les uns, par exemple, écrivent ces mots, amy, ainsy, aussi, & divers autres semblables, par y, les autres par i, amy, ainsi, aussi, les uns, void, les autres, voit. Dieu te voit, Dieu te void : & en l’imperatif, voy, vois, voids.

6. Pour dicter l’ortographe, elle choisira par ordre de la Superieure, un livre pieux & d’édification de quelque bon autheur, qui dans la sienne ne soit trop éloignée de la forme ordinaire, & plus commune au temps.

7. […] elle en dictera quatre ou cinq lignes […].

8. Elle leur donnera par fois pour ortographe, des formes de quittance, de récépissé, […]

9. […] aux plus sçavantes […], qu’elles se composent chacune quelque ortographe d’elles mêmes, sur quelque sujet util & pieux […], ou bien d’escrire une petite missiue à quelqu’une de leurs compagnes, pour l’exhorter a la confession […].

10. Elle leur ordonnera aussi par fois de copier une partie de leur leçon du même jour, & luy porter quand elles iront recorder […] ; & tandis qu’elles écriront toutes ces especes d’ortographe, elle prendra garde si elles y observent les regles générales. 

[…]

Chapitre XXII. Des pensionnaires.

[…]

19. Tout ainsi comme on leur enseigne à former leurs lettres, & à prononcer les sillabes & les mots, & à faire proprement des ouvrages de l’éguille, tout de même on leur montrera par pratique, comme il faut se comporter en priant Dieu, en parlant aux personnes, en conversant les unes avec les autres, […].

[…]

Chapitre XXIII. De ce que l’on enseignera aux Pensionnaires, & de la Methode qu’y tiendront les Prefetes, & les Maîtresses.

1. On enseignera aux Pensionnaires tout ce que l’on enseigne aux écolières externes, mentionné cy-devant au Chapitre cinquiéme : & en outre de quelques autres sortes d’ouvrages manuels plus estimés, plus exquis & plus rares : & on les tiendra de plus près, & plus long-temps, par chacun jour en tous ces exercices. […]

6. […]. Celles de la première [des trois classes], & les plus avancées de la seconde, à tous les jours de leçons prendront de l’ortographe, & du chiffre, & les jets.

[…]

Chapitre XXIV. De l’ordre & distribution du temps de toute la journée.

[…]

11. A midy, on donnera de l’ortographe, à celles qui en sont capables, les autres écriront dans leurs exemples.

Après l’ortographe donnée : les unes & les autres apprendront quelque chose de l’arithmetique, chacune selon sa capacité.

12. A une heure apres midy, […]»111.

98Raisonner, mémoriser, reproduire, recopier, prendre en dictée, composer, et même tenir compte des théorisations grammaticales du moment, voilà un programme remarquable : c’est un des plus anciens de ma série et cependant il comporte tous les éléments d’un enseignement moderne « du » français, détruisant mes/nos illusions d’un développement linéaire et continu d’une orthographe proche de la nôtre. Il me pousse du même coup à refuser les leurres d’une histoire fondée sur les seules normes linguistiques.

99La lecture des Règles oblige à tenter de mesurer le décalage entre des formalisations idéales et des applications incertaines ou difficiles à connaître. Elles sont peut-être en vigueur dans des lieux qui n’en parlent pas. Elles ne sont sans doute pas toujours enseignées là où elles sont proclamées. De toutes façons, elles ont des effets limités quand le vécu scolaire des filles est marqué du sceau de la discontinuité et d’emplois du temps flexibles auxquels des bribes de souvenirs (auto)biographiques réussissent parfois à donner un peu de réalisme et de vivacité.

3. L’écrire au couvent. Anecdotes orthographiques

100Pour juger de l’efficacité d’un enseignement, qu’il soit conventuel ou non, l’aspect concret d’une « belle écriture » pourrait paraître primordial, mais son appréciation est impossible112. J’ai donc choisi de traquer des traces mémorielles. Pour leur apport factuel. Pour le plaisir qu’elles procurent. Pour leur crédibilité incertaine tout autant.

101Quand ces traces existent, elles sont ténues. Elles sont surtout engluées dans des logiques soit dépréciatives, soit hagiographiques, qu’il faut apprendre à relativiser (singulariser, sérier, dater) et à décrasser de leur inévitable caractère nostalgique. L’essentiel des faits recueillis proviennent en effet du corpus, proprement exceptionnel (à tous les sens de cet adjectif), des œuvres publiées par des femmes d’exception ou écrites à leur sujet : pour les laïques, des autobiographies (principalement post-révolutionnaires) et, pour les plus dévotes, des biographies spirituelles ou des correspondances pieuses. Car ce que révèlent d’abord les récits de vie féminins, ce sont des réussites d’écrivaines et, accessoirement seulement, quelques aspects de l’éducation qui les ont en partie permises.

102Des portraits de « mères » enseignantes et de condisciples, des échanges au parloir, des amitiés juvéniles, des problèmes familiaux et, accessoirement, des emplois du temps, font surface ici ou là113. Il arrive même que les réalités concrètes des instructions profanes reçues sous la férule ou derrière les grilles soient racontées avec précision, y compris la durée – essentielle à connaître – du temps effectivement passé en pensionnat.

3.1. Succession aléatoire des lieux et des temps

103Bien plus que les garçons, les filles souffrent de formations plus ou moins tronquées et vagabondes. Ces formations construisent des savoirs incomplets et disparates, et cela en dépit de programmes incluant un apprentissage orthographique ou une approche grammaticale. Les filles en effet font des séjours diversement longs en des lieux successifs dont le nombre et l’ordre peuvent différer et où l’éducation prime toujours sur l’instruction : la famille, de « petites écoles », une ou plusieurs maisons religieuses, des maîtres et maîtresses à domicile, sans compter l’autodidaxie, volontaire ou non, des meilleures. Un dernier trait rend encore plus complexes ces trajectoires scolaires qui sont aussi des trajets géographiques accomplis à des âges infiniment variables, puisque les entrées et les sorties se font, dans la plupart des pensionnats, à des âges non normalisés, une même classe voyant cohabiter des « grandes demoiselles » et des fillettes114.

104Les cas sont multiples, de futures religieuses d’exception comme d’aristocrates ou de bourgeoises fortunées, qui sont passées dans les mains de « pédagogues » à compétences variées, tant « dans le monde » (leur famille) que dans un ou plusieurs couvents. Songeons aux quelques mois passés à la Visitation de Nantes vers 1656 par Mlle de Sévigné (1646-1705) ou au séjour d’un an de la jeune Phlipon à la Congrégation Notre-Dame de Paris, afin de préparer sa première communion. La réception de ce sacrement (entre dix et quinze ans) apparaît en effet comme le but, mais aussi le point final de nombre de séjours en pensionnat. Ainsi Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842), future portraitiste de la reine Marie-Antoinette, est retirée du couvent parisien de la Trinité (des Mathurines) à onze ans, après y avoir passé cinq années, un temps exceptionnellement long mais heureusement interrompu par des maladies :

« mon père et ma mère venaient souvent me chercher pour passer quelques jours avec eux, ce qui me charmait sous tous les rapports. […] À onze ans, je sortis tout-à-fait du couvent, après avoir fait ma première communion »115.

105Plusieurs héroïnes de mémoires ou de fictions connaissent un sort analogue et quittent, avec ou sans joie, un couvent où elles n’ont passé qu’un couple d’années, au moment de leur puberté et de leur premier accès aux sacrements. Songeons, entre autres, à la Cécile des Liaisons dangereuses, à l’Illyrine de L’Écueil de l’inexpérience ou à la Louise d’Epinay de l’Histoire de Madame de Montbrillant116.

106Songeons aussi aux déplacements d’un couvent à l’autre voulus par certains parents pour des raisons moins éducatives que socio-politiques. Ainsi la jeune d’Humières (1658-1710), la future grande réformatrice de maisons religieuses que j’ai déjà évoquée, fut placée à 5 ans à la Visitation de Compiègne, puis à 15 ans à l’abbaye bénédictine de Faremoutiers, avant d’en être tirée « de force » par ses parents pour rejoindre et bientôt remplacer une tante, abbesse cistercienne à Monchy, où se poursuit sa carrière de spirituelle, formatée par plusieurs sensibilités religieuses et autant de « programmes » éducatifs dont l’influence nous est aujourd’hui indiscernable117.

107De jeunes laïques subissent elles aussi des parcours tout aussi erratiques. Ainsi d’Henriette de Montbel d’Hus, future marquise de Ferrières (1748- 1837) : passée d’abord chez les Ursulines de Thouars, elle rejoint l’abbaye royale de Fontevraud pour quelques années, puis reçoit des leçons particulières de maîtres d’agrément à Poitiers, mais elle arrive au mariage, quasi analphabète, au grand dam d’un époux très lettré qui doit (et aimera) s’ériger en Pygmalion de sa jeune femme, celle-ci devenant bientôt une gestionnaire habile des biens familiaux et une mémorialiste pleine de vivacité118. L’aristocrate Teresa Cabarrus, future madame Tallien (1773-1835), connaît le même périple pédagogique à une échelle, cette fois, internationale : espagnole, elle bénéficie des leçons des précepteurs de ses frères, avant de gagner le couvent de la Présentation à Paris, puis l’institution de la fameuse madame Leprince de Beaumont, avant de repartir à Madrid, y trouver un brillant mari français119. Dans ce cas précis, l’errance, à la fois géographique et pédagogique, de la jeune Cabarrus n’est pas la conséquence d’une indifférence familiale, mais bien plutôt le fruit de délibérations multiples pouvant mobiliser toute une parentèle et s’accompagner d’une surveillance attentive des progrès réalisés par la pensionnaire120. Et l’on en pourrait dire autant des futures épouses des héritiers d’Argenson, « finies » au couvent du Tresnel, mais qui sont auparavant passées en d’autres lieux d’éducation, familiaux ou conventuels, lieux dont on ne sait combien d’heures y furent consacrées aux instructions profanes.

108Quand ils sont mentionnés dans des écrits mémoriaux forcément déformés par le temps, les horaires n’ont pas toujours l’intensité et la clarté de ceux que présentent règles et plans d’éducation. Ainsi la petite Elisabeth Vigée-Lebrun parle d’une demi-heure par jour d’apprentissage de l’orthographe, au sein d’une journée toute consacrée aux prières et aux travaux de couture, pendant laquelle ses condisciples et elle-même souffrent, constamment, du froid et de la faim121. Il est vrai que les Mathurines de la Trinité, dites religieuses de la Croix, installées rue Basse-de-Reuilly accueillent des fillettes de milieu intermédiaire (petite noblesse, maîtres artisans, financiers) et que le prix de pension est raisonnable : 250 à 300 livres par an (les filles de la haute-noblesse, reçues au couvent des bénédictines du Tresnel/Traisnel paient 400 livres et celles qui vont chez les Trinitaires de Penthémont, de 600 à 800 livres. Quant aux cisterciennes de l’Abbaye-aux-Bois rue de Sèvres, elles exigent à peine moins122.

109Cette Abbaye-aux-Bois est le couvent où la future princesse de Ligne, née Apolline-Hélène Massalska (1763-1815), séjourne longuement (cinq ans) à l’initiative de son oncle, le prince évêque de Vilnius, et d’une amie de celui-ci, la fameuse salonnière madame Geoffrin. L’orpheline polonaise tient, en français à partir de 1773, une sorte de journal qui narre les travaux quotidiens, les amitiés, les tristesses et les incidents d’une vie de pensionnaire très fortunée. Ce récit est fascinant et sujet à caution, car son « éditeur », Lucien Perey, en a réaménagé le texte original (perdu) et s’est souvent, semble-t-il, substitué à la jeune autrice dont il ne respecte ni le flux mémoriel, ni les modalités d’écriture ni, bien sûr, l’orthographe, là encore, fortement modernisée123. Ces « Mémoires » d’enfance fournissent néanmoins des détails précis sur l’emploi du temps et les apprentissages en vigueur dans un établissement que fréquentent, comme condisciples ou encadrantes, des Choiseul, des Rochechouart, des Montmorency, des Montluc, etc. Entrée, flanquée de sa bonne, dans la classe Bleue des petites, elle reçoit des leçons de catéchisme, musique, dessin, géographie et histoire, danse, harpe, clavecin, sans compter une heure de lecture le matin et une autre « d’écriture et de calcul », de trois à quatre heures (p. 24). Ce temps est sans doute trop bref car ses lettres refusent de prendre forme et de se lier entre elles. L’inhabilité (ortho)graphique de la jeune Hélène entraîne sarcasmes, honte et punitions. Elle explique le recours à un maître extérieur, joliment appelé M. Charme, et l’aide clandestine d’une amie promue, pour certains exercices, « secrétaire » de substitution.

« J’avais alors une aversion pour bien écrire qui était terrible. M. Charme était bien mécontent de moi et m’avait remis à ne faire que des O, ce qui m’ennuyait beaucoup et aussi toute la classe se moquait de moi, ou disait que je ne saurais jamais signer mon nom. Ce n’est pas que je haïsse l’écriture, au contraire, j’écrivais toute la journée mes mémoires, comme c’était la mode parmi les grandes demoiselles dans ce temps et nous en avions voulu faire de même. Je barbouillais donc du papier toute la journée, mais c’était un griffonnage où il n’y avait que moi qui pût comprendre quelque chose, et, bien loin de me profiter, cela me gâtait la main. Mademoiselle de Choiseul écrivait souvent pour moi ; mais, comme on s’aperçut que ce n’était pas mon écriture, M. Charme se plaignit à la mère Quatre-Temps [Madame de Montluc, qui lui fait refaire] sur-le-champ une page pareille […] ; ce que je savais le moins faire, c’était des M et des N, et mon exemple était ”Massinissa, roi de Numidie”. Or, comme chacun sait, dans ce nom-là, il y a beaucoup de jambages ; voilà donc qu’ils allaient tout de travers, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. [Le subterfuge est reconnu, mais elle refuse de l’avouer. Aussi la même religieuse intervient. Elle] m’attacha des cornes d’âne et, parce que j’avais menti, la langue rouge avec mon papier derrière mon dos. […] » (p. 33-34).

110Au vu des cas rencontrés et sauf à être reçues à Saint-Cyr ou dans un établissement coûteux pour demoiselles de haut lignage comme l’Abbaye-au-Bois124, peu de fillettes semblent pouvoir profiter d’un enseignement concerté, durable et progressif. Selon les moyens et les désirs des parents, l’instruction reçue dans un espace collectif, comme d’ailleurs en famille, est complétée par des leçons surnuméraires ou compensatoires, plus ou moins nombreuses, données par des maîtres particuliers125. Connue dans la pratique mais peu analysée dans ses effets, cette absence de culture scolaire commune à un même groupe d’âge ou de niveau, permet sans doute d’expliquer la diversité des compétences (ortho)graphiques acquises dans un même établissement, par des pensionnaires de milieu équivalent. Un certain nombre d’entre elles sont passées en plusieurs lieux d’éducation et leurs enseignantes religieuses – un point à vérifier précisément – ne sont peut-être pas toujours aussi « stabilisées » (mentalement) que l’exige leur vœu de stabilité (physique). Leurs plumes volent sur le papier et si leurs corps sont enfermés, leurs esprits prennent volontiers le large au fil de correspondances qu’elles pratiquent pour leur communauté ou pour elles-mêmes et surtout qu’elles enseignent. Un paradoxe quand on sait l’extrême surveillance dont font l’objet toutes les entrées et sorties de lettres dans un couvent126.

3.2. La religieuse en éducatrice épistolière

111Selon Marguerite Buffet, la fameuse grammairienne et panégyriste française, morte en 1680, « c’est dans les cloîtres où se trouvent les plus rares et les plus excellens génies »127. Une opinion aujourd’hui mal partagée lors même que les écrits féminins les mieux conservés (en nombre et en qualité) proviennent du monde monastique et concernent aussi bien la théologie que l’histoire, la poésie, « les affaires » (familiales et politiques, un pléonasme), la pédagogie, etc. Et sans doute nous faudrait-il lire ou relire ces correspondances surabondantes avec un regard de linguistes, sous leur forme publiée et, plus encore, sous leur forme manuscrite non expurgée, non modernisée128.

112Personne n’ignore que les grandes spirituelles tiennent la plume avec acharnement et constance tout au long de leur vie comme l’attestent les collections de lettres, désormais publiées, de personnalités aussi éminentes que la co-fondatrice de la Visitation Jeanne de Chantal (1572-1641), l’ursuline du Québec, Marie Guyart, en religion Marie de l’Incarnation (1599-1672), Séguier et bien d’autres129. Il suffit de penser aux religieuses de Port-Royal et de leurs ami-e-s, sans cesse à leur écritoire en un temps, il est vrai critique, et dans un milieu à la fois procédurier et intellectuel130. Cette fièvre épistolaire a, jusqu’ici, suscité peu d’intérêt hors de milieux précis, alors que la faiseuse de lettres par excellence, madame de Sévigné, en reconnaît elle-même l’abondance et parfois la qualité. Dans une missive, adressée à sa fille, du 29 novembre 1679, elle déclare qu’elle a trouvé « si belle » une lettre de la mère Angélique qu’elle l’a « copiée », ajoutant que c’est « la première fois que j’ai vu une religieuse parler et penser en religieuse ».

« J’en ai bien vu qui étoient agitées du mariage de leurs parentes, qui sont au désespoir que leur nièce ne soit point encore mariée, qui sont vindicatives, médisantes, intéressées, prévenues : cela se trouve aisément ; mais je n’en avois encore vu qui fût véritablement morte au monde »131.

113En effet cette mort au monde n’exclut jamais l’échange, oral ou manuscrit, avec une foule de correspondant-e-s. Les archives conventuelles révèlent l’activité d’expertes en écriture de toutes les religieuses. Une activité oubliée des historien-ne-s de la littérature, mais saluée dans nombre de nécrologies, celles notamment des visitandines132. Une activité profitable aux pensionnaires elles-mêmes, si on en croit le témoignage de cette mère indulgente et « ravageuse » que fut, en tout ou partie, madame de Sévigné. Retrouvant une lettre de sa fille écrite lors de son séjour à la Visitation de Nantes, elle écrit le 29 septembre 1675 :

« Je trouvai l’autre jour une lettre de vous, où vous m’appelez ma bonne maman ; vous aviez dix ans, vous étiez à Sainte-Marie, et vous me contiez (fort joliment) la culbute de Mme Amelot, qui de sa salle se trouva dans une cave. Il y [avoit] déjà du bon style à cette lettre. J’en ai trouvé mille autres qu’on écrivoit autrefois à Mlle de Sévigné […] »133.

114Les correspondances des directeurs de conscience de moniales vaudraient d’ailleurs d’être interrogées. Surabondantes elles aussi, elles révèlent, en creux, la prolixité de « dirigées » moins célèbres que les Carmélites ou les Port-Royalistes, mais formées par elles. C’est le cas de l’extraordinaire laïque quiétiste qu’est Jeanne Guyon (1648-1717) qui, éduquée successivement par des ursulines, puis par des bénédictines, ne cesse d’échanger des lettres avec ses anciennes « mères » en religion, mais aussi avec des « pères » qui la conseillent, l’admonestent ou l’encouragent, Fénelon en tête134.

115C’est aussi le cas de religieuses de haut rang mais sans qualité littéraire comme les sœurs de Luynes. Ainsi Bossuet dit avoir adressé à « Madame d’Albert de Luynes, religieuse de l’abbaye de Jouarre » ( ?-1699), une de ses égéries et correspondantes, au moins 284 lettres entre mars 1690 et décembre 1698, et cela en réponse à un nombre encore plus élevé de missives qu’elle lui aurait envoyées. Ne lui reproche-t-il pas, le 18 novembre 1696, de le presser indûment et de l’accabler de ses impatiences de grande dame cloîtrée, tiraillée par des « jalousies spirituelles », des scrupules mystiques et des demandes plus triviales, politiques ou personnelles135 ?

116Mais de moins célèbres personnalités s’avèrent, derrière les murs de leurs couvents, des épistolières assidues et d’excellentes éducatrices en matière d’épistolarité. Par nécessité. Par goût sans doute aussi. Ainsi l’abbesse de l’Abbaye-au-Bois, « Madame de Rochechouart », ne cesse d’écrire sous les yeux ébahis et émus de la petite Hélène Massalska qui subodore des peines de cœur et des tourments de l’âme chez sa supérieure et éducatrice bien-aimée. Celle-ci avoue son goût d’écrire :

« je suis née avec une imagination très vive et pour l’occuper je jette sur le papier tout ce qu’elle produit ; de là vient l’agitation avec laquelle vous me voyez écrire pendant plusieurs heures. […] la solitude, la vie contemplative entretiennent en moi ce penchant à me livrer à mon imagination »136.

117Mais la majorité de la documentation disponible ne donne pas la parole à ces religieuses éducatrices, à moins qu’elles ne soient en correspondance avec une Madame de Maintenon. Néanmoins ces femmes, trop souvent exclues de l’historiographie féministe (parce qu’elles sont voilées ?) doivent être interrogées, tant leur témoignage contredit, au moins en partie, les clichés sur l’absence d’agentivité des cloîtrées et sur la vacuité des études au couvent. Sous leur plume, le leit-motiv de la pénibilité des tâches éducatives qu’elles remplissent, revient sans cesse : selon les cas, il est la preuve d’une pénitence désirable inscrite dans la Règle, d’une incompétence inavouée ou, au contraire et plus encore, la marque du sérieux de l’engagement de ces femmes auprès de fillettes souvent récalcitrantes. Que l’enseignement fasse partie de leurs vœux ou se soit surajouté à leur vocation première d’orantes (quand, par exemple, leur couvent cherche à survivre en ouvrant un pensionnat comme au Tresnel), toutes se plaignent des « distractions » et de l’immense fatigue causées par le soin de pensionnaires137. Leur rôle n’en reste pas moins considérable pour l’avenir de leurs petites protégées qu’elles entraînent assidument à l’écriture épistolaire.

118Un seul exemple peut le montrer, celui de la supérieure des Ursulines de Poissy, « mère » attentive d’une petite Antoinette Poisson, dite Reinette qui, née en 1721, est destinée à devenir marquise de Pompadour et une fine lettrée et mécène138. Elle a été placée en pension par son père, alors en mission commerciale en Allemagne et par ailleurs méfiant quant aux compétences éducatives de son épouse : elle ne se soucierait que des corsets et fourreaux de leur petite fille139. Les sept lettres (1729-1730) envoyées par la supérieure ou son assistante montrent un père affectueux et des religieuses consciencieuses face à une fillette souffreteuse et longtemps insuffisamment instruite, que les religieuses soignent et surveillent de très près :

« Nous ne manquerons pas de suivre vos intentions pour son escriture aussytost que la saison le permettra, afin que vous ayez la consolation de recevoir de ses nouvelles par elle mesme ».

119La lettre est du 26 février 1729 et il fait trop froid sans doute dans les classes pour y manier la plume. En avril, du fait d’un séjour chez sa mère, l’apprentissage – littéral – des lettres (leur dessin et leur agencement en texte) n’avance guère. En effet le père apprend en septembre que, bientôt, « on luy montrera à escrire », tandis qu’une nouvelle missive, en décembre, indique qu’un « rhume reculera un peu son escriture, y ayant six semaines qu’elle n’écrit pas, et ne le fera pas sy tost, l’on les mesnage un peu ». À lire les lettres manuscrites de « la Pompadour », en sa maturité, cet apprentissage, lent et chaotique, a cependant porté ses fruits ou a, du moins, préparé le développement d’un savoir graphique, acquis – péniblement – sur les bancs d’un couvent grâce aux soins conjugués d’une supérieure bienveillante et d’un père inquiet, savoir prolongé ultérieurement par des lectures et des rencontres multiples.

120Le couvent produit, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, des lettrées qui sont avant tout des faiseuses de lettres. Ce lieu peut même à l’occasion former un futur Académicien épris de littérature et de grammaire : Jean-François Marmontel (1783-1799). Se souvenant d’avoir « appris à lire dans un petit couvent de religieuses, bonnes amies de sa mère », il établit un lien émouvant entre les talents d’épistolière de celle-ci et son propre devenir de fils de tailleur d’habits promu encyclopédiste. Un temps, paralysé par l’étude du latin, il revint « au bout de huit ou dix mois », sur les instances maternelles, au collège de Mauriac :

« c’était ma tendre mère […]. Je n’ai jamais conçu comment, avec la simple éducation de notre petit couvent de Bort, elle s’était donné et tant d’agrément dans l’esprit et tant d’élévation dans l’âme, et singulièrement, dans le langage et dans le style […]. Mon bon évêque de Limoges, le vertueux Coëtlosquet, m’a parlé souvent à Paris avec le plus tendre intérêt des lettres que lui avait écrites ma mère, en me recommandant à lui »140.

121Dans la même page de ses Mémoires, le grammairien « vertueux », aussi poète et conteur, associe mentalement sa propre promotion sociale d’homme du peuple, avec des enseignements conventuels de base et une autodidaxie féminine réussie. Une autodidaxie – de réparation ou de nécessité – qui fonctionne aussi pour les hommes, mais dont les traces, jusqu’au cœur des couvents, méritent eux-aussi d’être traqués141. Ne pourrait-on y déceler, en dépit d’éducations toutes singulières, un désir d’orthographe, commun à nombre de femmes semi-lettrées d’Ancien Régime ?

3.3. Trois exemples d’obsession orthographique : Staal, Epinay et Genlis

122Le récit d’une éducation défaillante sert volontiers de point de départ et de fil rouge aux auto-justifications rédigées, sur le tard, par les grandes mémorialistes du XVIIIe siècle. Récits amers et glorieux de réussites sociales et littéraires que la société accepte difficilement. Récits victimaires mais aussi émancipateurs où « la bonne orthographe » a toujours une place, intersticielle mais tenace.

3.3.1. Marguerite-Rose 

123Les enseignements non formels reçus par une talentueuse mémorialiste, aussi femme de chambre et « secrétaire » de la duchesse du Maine, connue sous le nom de madame de Staal-Delaunay, son nom d’épouse, rappellent la diversité des moyens employés par les meilleures ou les plus chanceuses pour acquérir une « éducation distinguée » : fréquentation des parloirs et des salons, encouragements d’un protecteur (mari ou ami-e), correspondances régulières avec d’anciennes enseignantes ou des condisciples de couvent, lectures dévorantes, etc.142.

124Dans le couvent rouennais de Saint-Louis, la jeune Marguerite Cordier dite Rose Delaunay (1683-1750) est dorlotée, entre 1685 et les années 1700, par l’abbesse et les religieuses du lieu. Placée à deux ans par une mère sans moyens, elle y acquiert une éducation pour « personne de distinction » (piété, goût des livres, talents mondains), peu conforme à sa modeste condition sociale et enrichie de coûteuses leçons particulières payées par la supérieure jusqu’à ce que la mort de celle-ci les interrompe et l’oblige à gagner sa vie. Parce qu’elle fut un jour chargée de « répondre et écrire bien d’autres lettres » pour sa protectrice, elle se fit épistolière : « l’envie de réussir m’apprit à écrire avec une sorte de dextérité nécessaire pour traiter des affaires ». Parvenue à l’âge adulte, elle entretint « un perpétuel commerce d’écriture » sous forme d’innombrables lettres d’amour ou de condoléances, requêtes, compliments, billets cryptés, copies et autres. Pour son compte et celui de sa principale protectrice et patronne, la comploteuse duchesse du Maine. Au château de Sceaux, comme dans les prisons de la Bastille où néanmoins « l’écriture était une grande distraction pour des reclus » (p. 152), elle prétend n’avoir elle-même « jamais porté le titre ni exercé la fonction » de secrétaire, s’amusant qu’un de ses amoureux, un ecclésiastique âgé et aveugle, l’abbé Chaulieu, faisait écrire ses galanteries par un « secrétaire, son petit laquais, qui ne savait mot d’orthographe » (p. 135).

3.3.2. Louise (Émilie) 

125La traque des fautes, au moins celles des autres, est un souci en apparence mineur, mais il est présent dans d’autres mémoires, comme ceux – ouvertement fictionnalisés – de madame d’Epinay (1726-1783)143. La consœur de Rousseau, Grimm, Galiani, Diderot et bien d’autres, a passé sept ans au couvent, entre 1737 et 1744, où sa mère, veuve sans ressources, avait trouvé refuge, et elle a raconté dans des Pseudo-mémoires posthumes, aussi intitulés Histoire de madame de Montbrillant ou Contre-confessions, ses apprentissages – chaotiques – de future lettrée de haut vol.

126Son double, Emilie de Gondrecourt, orpheline de père à 10 ans, sait fort peu de choses à cet âge (« lire et écrire ») et ne comprend pas « certains livres qu’on [la] laisse lire […] entre autres les catéchismes » (p. 13, 31). Confiée un temps à une tante cruelle, elle profite des leçons données à ses cousines par une gouvernante avisée qui lui propose de corriger les fautes présentes dans les nombreuses lettres qu’elle écrit à son entourage. Blâmée pour cette intervention ancillaire par une autre de ses tantes, elle s’en réjouissait cependant : « Mlle Anselme n’a fait que corriger l’orthographe dans ma lettre, et quelques mauvais mots afin de m’apprendre le français » (p. 13, 14, 15, 17).

127Le désir d’orthographe est donc notable dès son enfance chez cette fille de la haute bourgeoisie financière de la première moitié du XVIIIe siècle et il reste un marqueur durable des insatisfactions de la mémorialiste quand celle-ci, mal mariée mais toujours docile, continue à se sentir « peu instruite » et tente de combler son ignorance par des lectures en histoire (p. 238, 285). Dans une scène, quasi « primitive », qu’elle rapporte dans son « journal » et qui a lieu, fort à propos, dans une bibliothèque, elle commence à soupçonner les infidélités de son jeune époux à l’arrivée d’une lettre « sans orthographe » :

« Qu’est-ce que cette enveloppe me pouvait dire ? […] L’écriture me parut fort grande. Point d’orthographe. Il faut en savoir bien peu pour n’en pas mettre dans une adresse. Je fis tout haut cette réflexion, mon mari rougit. Pourquoi rougissait-il ? Car au contraire il rit et se moque de moi lorsque je fais des fautes de ce genre » (p. 286)

128La lettre est celle d’une amoureuse prétendument éconduite. Bien qu’elle y soit invitée, Emilie refuse, par générosité, d’en prendre connaissance mais, pour la future écrivaine, la mauvaise orthographie devient comme l’indice d’une infamie.

3.3.3. Stéphanie

129Il est bien plus marqué encore chez Stéphanie de Genlis, une aristocrate, pédagogue et femme de lettres osant s’afficher comme telle, et qui fait de la compétence en orthographe un critère discriminant quand elle veut faire part de ses succès et juger ceux de ses contemporaines (et rivales).

130Ses mémoires ne sont publiés, il est vrai, qu’aux lendemains de l’Empire quand se développe la grammatisation de la société et que les exigences en matière d’orthographe prennent de plus en plus d’importance dans les milieux savants. Contant alors de façon détaillée son éducation « extraordinaire » et « bizarre » dans les années 1750, elle dit avoir appris « à lire […] avec une très grande facilité » auprès d’une « maîtresse d’école du village » situé près du château paternel ; « au bout de six ou sept mois », elle lisait « couramment », mais n’avait jamais eu une seule leçon d’écriture.

« Il est assez singulier qu’une personne qui a tant écrit, n’ait jamais appris à écrire ; mais c’est un fait. Au mois de janvier 1757, ayant onze ans, je voulus écrire à mon père pour le nouvel an ; et n’ayant jamais tenu une plume, j’écrivis à mon père une longue lettre, avec une grosse et vilaine écriture, mais d’une bonne orthographe, car la lecture, comme je l’ai dit avait gravé dans ma tête tous les mots comme on doit les écrire. Depuis ce jour-là, je m’exerçais toute seule à écrire, me perfectionnant peu à peu. Je n’ai point une belle écriture ; mais je me suis fait une écriture très lisible, et assez jolie » (Genlis 2019 : 70, 75)144.

131Plus loin, elle évoque les amours manquées d’un protecteur de sa mère, le fermier général et mécène, M. de La Popelinière (1693-1762), qui, au vu de « la belle écriture et [de] l’orthographe » d’une lettre de requête, s’était épris de son auteure, sans l’avoir encore rencontrée. À la première entrevue cependant, il fut déçu par la gaucherie et les taches de rousseur de l’épistolière et il le fut plus encore d’entendre de sa bouche « qu’elle ne savait même pas l’orthographe et qu’elle n’avait fait que copier des lettres faites par le curé du lieu ». Il s’empressa de la marier à un M. de Zimmerman, « officier dans les gardes suisses ». Mais cinq ans plus tard, « elle n’avait plus de taches de rousseur ; un maître à danser lui avait donné bonne grâce, elle avait appris l’orthographe […] il semblait que M. de La Popelinière devait la regretter » (Genlis 2019 : 93-94). Quant à la marquise de Montesson (1737-1806), tante peu aimée de Genlis, écrivaine occasionnelle et future épouse morganatique du duc d’Orléans, sa nièce lui reproche, entre autres, son « ignorance extrême, elle n’avait pas la moindre instruction, elle n’avait lu dans toute sa vie que quelques romans. Elle savait fort mal l’orthographe et elle écrivait très mal une lettre » (Genlis 2019 : 151). Tout comme sa correspondance, ses œuvres théâtrales ne pouvaient donc n’être que mauvaises, aux dires de sa très instruite parente145.

132Aux titres de gloire de Stéphanie de Genlis, dramaturge talentueuse, éducatrice patentée et épistolière chevronnée, il faut ajouter celui d’être une des rares femmes de lettres de ce temps à évoquer les trivialités des apprentissages ortho-graphiques : à la fois sa propre autodidaxie dans ce domaine comme dans bien d’autres, mais aussi les difficultés d’un enseignement qui ne semble pas encore formaté, ni même partout enseigné.

133Dans le couvent bénédictin (l’abbaye royale de Montmartre) où fut éduquée la duchesse de Chartres (1753-1821), celle-ci aurait acquis « les sentiments les plus religieux et les meilleurs principes. Mais […] nulle instruction […], [elle] ne savait pas même l’orthographe ». Aussi Genlis entreprit-elle « de la lui apprendre […] pendant plus de dix-huit mois » (Genlis 2019 : 239-240)146. Mais je ne sais si, pour ce faire, elle suivit les austères préconisations de madame d’Almane, la mère de fiction d’Adèle et Théodore, et si l’orthographe de la princesse devint moins « affreuse » que celle de ses enfants en leur jeunesse147.

4. En attente de conclusions : comment écrivent-elles ?

134Il faut sortir d’une stricte histoire de la scolarisation institutionnelle et des normes, qu’elles soient éducatives, grammaticales ou de genre, qui la régissent mais qui permettent aussi de remarquables réussites, jusque dans des milieux défavorisés. Il faut aussi continuer à grappiller de tous côtés des informations concrètes, rares mais disponibles entre les lignes de manuscrits improbables et de textes fameux trop ressassés pour être bien lus. Impossible en tout cas de juger de façon abrupte d’écritures et d’orthographes si différentes des nôtres qu’elles sont, pour cela, facilement déclarées « fantaisistes » ou « négligées »148. Les dévaluer, c’est refuser de les comprendre et ne pas tenir compte d’une offre éducative genrée et datée, mais aussi d’attentes sociales floues, d’efforts individuels spécifiques et d’une autodidaxie impossible à mesurer à travers les seules réussites épistolaires ou littéraires de quelques femmes d’exception. Pour être « primaire », « la culture d’imprégnation » qui est massivement celle des privilégiées mérite réévaluation, au ras de correspondances manuscrites qui restent à déchiffrer et à analyser149.

135« S’il s’agit d’un mot qu’elles lisent souvent, elles finissent par l’écrire correctement », se félicite un voyageur suédois à propos des anciennes élèves des religieuses de Nouvelle-France150. Cependant, de l’autre côté de l’Atlantique, en 1788, un sincère admirateur des lettrées de son temps, Louis-Sébastien Mercier, croit bon d’ironiser dans un chapitre de son Tableau de Paris intitulé « Orthographe du beau monde » :

« Concluons que l’orthographe est la chose du monde la plus inutile pour le feu des idées et les charmes de l’élocution […] une femme n’en est pas moins adorable pour mettre une s à la fin d’un je vous aime »151 !…

Bibliographie

Sources imprimées :

– dictionnaires, grammaires et lexiques :

[ano. 1740], La Civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens, Pour l’Education de la Jeunesse. Avec une méthode facile pour apprendre à bien lire, prononcer les mots & les écrire. Les Quatrains du sage Mr de Pybrac & l’Arithmétique en sa perfection, Blois, Philibert-Joseph Masson ; Poitiers, Félix Faulcon, puis Barbier, 1758, 1760, 1789, 1813, 1817, 1827.

[ano. fin XVIIIe], La Civilité puérile et honnête pour l’instruction des enfants ; enseignant la manière d’apprendre à bien lire et écrire ; ensemble les beaux préceptes pour apprendre la jeunesse à se bien conduire dans les compagnies, et un nouveau traité pour orthographier les différents mots de prononciation semblable, Nantes, s. d.

[ano. 1771], Dictionnaire universel François et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, Contenant la signification & la Définition des mots de l’une & l’autre Langue, avec leurs différens usages ; les termes propres de chaque Etat & de chaque Profession : La description de toutes les choses naturelles & artificielles ; leurs figures, leurs espèces, leurs propriétés : L’Explication de tout ce que renferment les Sciences & les Arts, soit Libéraux, soit Méchaniques, &c. Avec des remarques d’érudition et de critique. Le tout tiré des plus excellens Auteurs, des meilleurs Lexicographes, Etymologistes & Glossaires, qui ont paru jusqu’ici en différentes Langues. Nouvelle édition, Paris, Compagnie des Libraires associés, 8 vol.

[ano. 1756], Les Lettres de Mademoiselle*** à Monsieur*** Professeur de Rhéthorique […] sur la Langue française, Berlin et Paris, Veuve Lottin et J.H. Butard.

[Arnauld, A. & Lancelot, C.] 1660, Grammaire générale et raisonnée, Paris, Pierre Le Petit ; rééd. 1769 et 1969, avec une introduction de M. Foucault (Paris, Republications Paulet).

Beauzée, N. & Marmontel, J.-F., 1782-1786, Encyclopédie méthodique. Grammaire et littérature, Paris, Panckoucke, 3 vol.

[Barthélémy, abbé], 1788, La Cantatrice grammairienne ou L’Art d’apprendre l’Orthographe Françoise seul, sans le secours d’un maître, par le moyen des Chansons érotiques, pastorales, villageoises, anacréontiques, &c. Avec un portrait des Poètes chansonniers les plus agréables de notre nation, & un modele de Lettres mêlées de réflexions sur le style épistolaire. Ouvrage destiné aux Dames, & dédié à Madame la Comtesse de Beauharnais, Genève et Lyon, Joseph-Sulpice Grabit.

[Bouhours, le père D., 1668], Les Entretiens d’Ariste et d’Eugene, Paris, Sébastien Cramoisy, 1671.

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P***, M. de P[runay], 1777, Grammaire des dames, Où l’on trouvera des principes sûrs & faciles, pour apprendre à Orthographier correctement la Langue française, avec les moyens de connaître les expressions provinciales, de les éviter, & de prévenir, chez les jeunes Demoiselles, l’habitude d’une prononciation vicieuse, Paris, Lottin l’aîné.

Régnier-Desmarais, [F.-S.] abbé, 1706, Traité de la grammaire françoise, Paris, Jean-Baptiste Coignard ; réed. Amsterdam, Des bordes, 1707.

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Rochefort, C. de, 1685, Dictionnaire General et Curieux, Contenant les principaux mots et les plus usitez en la langue françoise, leurs Definitions, Divisions & Etymologies ; Enrichies d’eloquens Discours, soutenus de quelques Histoires, de Passages des Peres de l’Eglise, des Autheurs et des Poëtes les plus Celebres Anciens & Modernes : Avec des Démonstrations Catholiques sur tous les Points qui sont contestez, entre ceux de l’Eglise Romaine ; & les Gens de la Religion Pretendue Reformée […], Lyon, Pierre Guillimin.

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Wailly, [F. de], 1774, Abrégé de la grammaire, Paris, J. Barbou.

Wailly, [F. de], 1786, Dictionnaire portatif de la langue françoise, extrait du grand dictionnaire de Pierre RICHELET. Contenant tous les mots usités, leur genre & leur définition, avec les différentes acceptions dans lesquelles ils sont employés au sens propre et au figuré. Nouvelle Edition, entierement refondue & considerablement augmentée par M. de WAILLY, Lyon, Jean-Marie Bruyset.


– manuels épistolaires :

[ano., 1768] Lettres choisies des auteurs François les plus célèbres pour servir de modèles, Paris, Guillyn.

[Barthélémy, abbé], 1788, La cantatrice grammairienne ou L’Art d’apprendre l’Orthographe Françoise seul, sans le secours d’un maître, par le moyen des Chansons érotiques, pastorales, villageoises, anacréontiques, &c. Avec un portrait des Poètes chansonniers les plus agréables de notre nation, & un modele de Lettres mêlées de réflexions sur le style épistolaire. Ouvrage destiné aux Dames, & dédié à Madame la Comtesse de Beauharnais, Genève et Lyon, Joseph-Sulpice Grabit.

Batteux, C., 1774, « Du genre épistolaire », Cours de belles-lettres, distribué par exercices, 1747-1748. Rééd. Principes de littérature, 1774, t. 4, p. 345-361.

Furetière, Antoine, Essais de lettres familières sur toutes sortes de sujets. Avec un discours sur l’art épistolaire et quelques remarques nouvelles sur la langue française, Paris, 1690.

Mayeul Chaudon, Louis, Nouveau manuel épistolaire, 1787.

[Milleran], 1749, Le nouveau secrétaire de la Cour, ou Lettres familieres, Amsterdam, 1749.

[Milleran], Le nouveau secrétaire du Cabinet, ou Lettres familieres, Lille, 1779.

Moutonnet de Clarifons, Manuel épistolaire, 1785.

Philipon de La Madeleine, Modèles de lettres sur différents sujets, Lyon, P. Bruyset-Ponthus, 1761.

Richelet, Les plus belles lettres des meilleurs auteurs français, avec des notes, 1689 et 1753.


– règle(ment)s monastiques :

[ano., 2004], Constitutions du monastère de Port-Royal du Saint-Sacrement [1665], éd. par V. Alemany et J. Lesaulnier, Paris, Nolin..

[ano., 1850], Coutumier et directoire pour les sœurs religieuses de la Visitation Sainte-Marie, Annecy, Aimé Burdet, 1850.

[ano., 1694], Exercices spirituels pour les pensionnaires de la Visitation Sainte-Marie, Dijon, C. Michard, 1694 ; des rééditions en 1717 et 1794.

[ano., 1862], Mémoire des dames de Saint-Cyr, éd. par Théophile Lavallée, Paris, 1862.

[ano., s.d.], Recueil de Maximes de conduite, suivi de Règles abrégées de l’orthographe, conformes au bon Usage (congrégation de Notre-Dame, dite de Saint Aure), s. l., s. n.

[ano. 1700], Règlements et usages des classes de la Maison de S. Louis à S. Cir, [Les], Paris, s. n.

[ano., 1652], Reglemens pour les religieuses de Saincte Ursule de la congregation de Paris. Divisez en trois livres, Paris, Gilles Blaizot.

[ano., 1705], Règlemens des religieuses ursulines de la congregation de Paris, Paris, Josse.

[ano., 1760], Reglement pour les pensionnaires du monastère de la Visitation de Ste. Marie de Nantes, fait en l’année 1686, Nantes, Vve de Joseph Vatar.

Fourier, P., le père, 1644, Les vrayes constitutions des Religieuses de la Congrégation de Nostre Dame, Faites par le Vénérable serviteur de Dieu Pierre Fourier leur instituteur, & General des Chanoines reguliers de la Congregation de nôtre Sauveur, approuvées par nôtre saint pere le Pape Innocent X. Seconde Edition. Toul, A. Laurent.

Lalemant, J., 1974, Constitutions et Règlements des premières ursulines de Québec [1647], éd. par sœur Gabrielle Lapointe, Québec, s. n.

[La Salle, J.-B.], 1780, Les regles de la Bienséance et Civilité chrétienne, divisées en deux parties, Vannes, Vve Galles & fils ; Poitiers, Barbier, 1825, etc.

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– projets éducatifs :

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Condorcet, N. de, 1994, Cinq mémoires sur l’instruction publique [1791-1792], éd. par C. Coutel et C. Kintzler, Paris, GF-Flammarion.

Condorcet, N. de, 1787, « Eloge de Macquer », Histoire de l’Académie royale des Sciences. Année M. DCCLXXXIV, Paris, Imprimerie royale, p. 20-30.

Courtin, A. de, 1998, Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France [1702], rééd. par M.-C. Grassi, Saint-Etienne, Publications de l’université de Saint-Étienne.

Diderot, D., 1763, De l’Education publique, Amsterdam, s. n.

Diderot, D., 1966, Mémoires à Catherine II, éd. par P. Vernière, Paris, Garnier.

Epinay, L. Tardieu d’Esclavelles d’, 1996, Les Conversations d’Emilie (1774 et 1782), éd. Rosena Davison, Oxford, Voltaire Foundation.

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Fromageot, B., 1772-1775, Cours d’études de jeunes demoiselles, ouvrage non moins utile aux jeunes gens de l’autre sexe, & pouvant servir de complément aux études des collèges : Avec des cartes pour la géographie, & des planches en taille-douce pour le blason, l’astronomie, la physique & l’histoire naturelle, Paris, Vincent, 8 vol. ill.

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Lambert, A.-T. de, 1820, Avis d’une mère à sa fille. Suivis des réflexions sur les Femmes, d’un Discours sur la Délicatesse d’esprit et de sentiment, et d’une Lettre sur l’Education, Paris, Delalain.

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Rollin, C., 1736 et 1740, Traité des études ou Manière d’enseigner et d’étudier les belles lettres par rapport à l’esprit et au cœur, Paris, veuve Estienne, 2 vol. ; Avignon, Seguin et Paris, Le Normant, 1808, 4 vol.

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– correspondances, souvenirs, biographies et fictions :

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Notes

1 Lettre autographe du 20 juillet 1793 adressée par Olympe de Gouges au secrétaire de la Commune de Paris, le poète Dorat-Cubières, son ami, afin d’être libérée de prison (Blanc 2003 : 204). Olympe fut peut-être, un temps, élève des ursulines de Montauban, mais elle a toujours déploré avoir reçu « une éducation comme on l’aurait donnée du temps du grand Bayard » et elle s’est plu à mettre en avant la mauvaise qualité de son français, au moins écrit, ce qui l’aurait obligée à dicter presque toutes ses œuvres à des secrétaires. Du coup, elle ne cesse de déclarer : « je me suis fait [sic] moi-même ».

2 Roland 1961 : 222-232. Dans ce couvent, la mémorialiste se fit des amitiés durables, maintenues voire renforcées par d’intenses échanges épistolaires.

3 Je tiens à remercier ici celles et ceux dont les travaux, pionniers, m’ont permis de tenter de sortir des sentiers battus des éducations réglées et de la seule norme scolaire ou académique : Pierre Caspard, William Frijhoff, Dena Goodman, Rebecca Rogers, Martine Sonnet. Je remercie tout autant Philippe Caron, Yves Couturier, Anne-Sophie Traineau-Durozoy et Denise Turrel de m’avoir aidée à sortir de ma paresse intellectuelle en matière paléographique.

4 Brouard-Arends 2015 : 401.

5 Le problème des plumes de substitution est remarquablement présenté, illustrations épistolographiques à l’appui, par Marc Smith (Smith 2010 : 229 sq.).

6 Un cas tardif et exemplaire, celui, en 1853, d’une institutrice postulante de l’ordre enseignant de Saint-Charles, Clémentine de Como (1803-1871) dans son Émancipation de la femme (Como 2009).

7 André Chervel (1981 : 38 et passim) insiste, dans son Histoire de la grammaire scolaire, sur « l’imposture d’une grammaire scolaire maîtresse – récente – du jeu orthographique » ; « Orthographe » in https://fr.wikipedia.org/wiki/Orthographe (consulté le 6 juin 2020). Exercice innovant mais déjà pratiqué dans certains pensionnats pré-révolutionnaires, la « dictée » journalière figure sous ce nom à la Maison de la Légion d’Honneur fondée en 1805 et ouverte deux ans plus tard, sous la direction de l’ancienne lectrice de Marie-Antoinette devenue directrice de pensionnat (Campan 1832 : t. I, 218-219).

8 La définition, abrupte, précède un néologisme, celui d’« Orthographiste. […] Auteur qui traite de l’orthographe » (Wailly 1786 : t. II, p. 339). Un pédagogue du temps précise : « Ecrire les mots correctement, & mettre la ponctuation à propos, voilà l’orthographe » (Filassier :1774, p. 380). Je conserve, bien sûr, tant l’orthographe que la ponctuation originales des textes cités.

9 Mercier 1788 : t. IX, 270-272 (« Orthographe du beau monde »). Sur la grammaire comme forme statique et stérile et sur l’opposition entre langue et langage selon Mercier, voir Cloutier 2004 : 83.

10 Ne pas oublier que la forme des lettres de l’alphabet s’apprend aussi, quand on est fille, en marquant le linge, et que c’est pour Rousseau dans l’Émile, ou de l’Éducation (1762), la seule forme légitime d’apprentissage de la lecture pour Sophie (Rousseau 1964 :459-461 et 499). Voir les pages pionnières et lumineuses d’Yvonne Verdier, dans Façons de dire, façons de faire : la laveuse, la couturière, la cuisinière (Verdier 1979) sur les marquettes et autres abécédaires brodés, les premières règles et l’accès aux savoirs féminins traditionnels.

11 Fleury 1686 : 338 ; Fénelon 1687 : 1 ; Leprince de Beaumont [1766] 2020 : 46-47 ; Reyre [1780] 1825 : t. I, 40 ; Condorcet [1791-1792] 1994 : 82-89, 153-4, 187.

12 Sur la coexistence (et la concurrence) de longue durée de deux modèles éducatifs, voir Matamoros (2016 : 143-155). Sur la distinction, alors essentielle, entre « éducation » et « instruction » et le primat de la première (la formation religieuse et morale) sur la seconde (l’acquisition de contenus), relire tous les projets éducatifs du XVIIIe siècle et les souvenirs d’enfance de très brillantes intellectuelles qui se disent victimes d’une « éducation bizarre » comme Louise d’Epinay ou Stéphanie de Genlis (Epinay 1989 : 19-34 ; Genlis 2019 : 41-63). Le flou persistant entre les notions d’instruction(s) versus éducation est particulièrement évident chez une remarquable écrivaine naturaliste normande : Marie Le Masson Le Golft (1746-1826) dans ses Lettres sur l’éducation (Le Masson 1788 : 152). Anne de Miremont (1735-1811) distingue les deux niveaux jusque dans le titre de son Traité de l’éducation des femmes, et Cours complet d’instruction (Miremont 1779).

13 Dena Goodman s’élève à juste titre contre l’opposition entre éducation privée et éducation collective conceptualisée par les pédagogues du XVIIIe siècle, pour leur plus grande gloire personnelle et elle récuse l’idée d’une indifférence maternelle généralisée à l’égard des filles mises en pensionnat (Goodman 2007 : 33-44). Sur les « mignardises de couvent » et, parfois, leur cruauté, voir les propos ironiques tenus en 1764 par une jeune fille élevée loin des couvents mais qui fréquente celui des Bénédictines du Traisnel à Paris, des religieuses bénéficiaires des largesses des Voyer d’Argenson et éducatrices de leurs belles-filles (Sonnet 1997 : 117 et 358).

14 Les Rudimens de la langue française et principes de grammaire de Morel de Thurey sont cités par A. Chervel (1981 : 52). Sur la domination de longue durée du latin dans les collèges et les universités, voir – entre autres –Chervel 2006 : 33-41. Quant aux connaissances latines de certaines lettrées, elles doivent être reconsidérées. Ainsi les sept mois de latin de Stéphanie de Genlis participant, un temps, aux leçons données à son frère, lui auraient permis de « gagner quelques notions de grammaire, qui par la suite ne [lui] ont pas été inutiles » (Genlis 2019 : 81). Même bénéfice familial tiré par la savante Anna Maria van Schurman (1607-1678) aux Pays-Bas (Dhuicq 1997 : 127), mais le point de vue en 1686 de l’abbé Fleury, hostile pour les femmes au latin et à la grammaire, reste prédominant jusqu’au début du XIXe siècle (Fleury 1829 : 338, 342).

15 La connaissance des « règles de l’orthographe » préoccupe dès 1668 une grammairienne comme Marguerite Buffet (1600 ?-1690) et, tout autant, une éducatrice comme [Jeanne] Marie Leprince de Beaumont (1711-1776) à la fin du siècle suivant. Contrairement à Buffet et à ses Nouvelles observations sur la langue française de 1668, la seconde de ces autrices est abondamment republiée et l’édition de 1802 de son Magasin des Adolescentes (1760) insiste encore sur la nécessité, pour les femmes de qualité, d’avoir une « écriture lisible et bien orthographiée » (Cosnier 2001 : 58).- Sur les femmes grammairiennes et notamment l’une d’elles, écrivant en 1754 et sous l’anonymat, des Lettres de Mademoiselle*** à Monsieur*** Professeur de Rhéthorique […] sur la Langue française, voir Minerva 2012 http://dhfles.revues.org/3132.

16 Un débat illustré, entre beaucoup d’autres, par l’abbé de Saint-Pierre dans son Projet pour perfectionner l’ortografe des langues d’Europe de 1730 (Bougy 2011 : 181-191 ; Chervel 1981 : 112 à propos de l’accent grave sur le e et le retard de l’écriture manuscrite sur l’imprimé).

17 Ainsi le lexique présent dans La Civilité puérile et honnête pour l’instruction des enfants ; enseignant la manière d’apprendre à bien lire et écrire ; ensemble les beaux préceptes pour apprendre la jeunesse à se bien conduire dans les compagnies, et un nouveau traité pour orthographier les différents mots de prononciation semblable, Nantes, s. d. Voir et comparer le polymorphisme des ouvrages dits de « civilité » qui ne sont ni grammaticaux, ni orthographiques, mais qui comportent, outre des règles de morale et de savoir-vivre, des abécédaires, des modèles calligraphiques, des tables de multiplication et des listes de vocabulaire, (Jimenes 2011). - Sur la portativité comme phénomène de mode au XVIIIe siècle, Bernasconi 2015.

18 Un exemple célèbre (publié en 1726 et vendu « trois livres, relié » lors d’une réédition en 1740) : la Méthode pour apprendre la langue et l’ortographe françoise, A la portée de toutes sortes de Personnes et l’un & l’autre Sexe. L’orthographe et ses dérivés font partie de la « Liste de mots qui ont une h sans Principe » (Jacquier 1740 : 90). À noter que Jacquier serait l’inventeur de la méthode cacographique.

19 Une question d’ailleurs contestée par certains : « la Grammaire n’est point faite pour les enfants », mais doit l’être pour les femmes et les non-latinistes (Serreau 1798 : 6 et 8-9).

20 Chervel 1981. Mais il faudrait peut-être aussi s’assurer de la signification de vocables, souvent trompeurs : la « grammaire » ne peut-elle être parfois confondue avec l’orthographe (Fleury 1686 : 236) ?

21 Voir, par exemple, le dialogue très vif de Wailly avec ses prédécesseurs, Restaut notamment, dès la préface de ses Principes généraux et particuliers de la langue française (Wailly 1786 : 19).

22 Outre les travaux de Nina Catach, d’André Chervel et de Philippe Caron (articles de ce recueil), voir, par exemple, les brèves présentations de Bernard Colombat et Susan Baddeley dans le Dictionnaire encyclopédique du livre que m’a fait découvrir Sabine Juratic et que je remercie (2005 : t. II, 393-395 et 2011 : t. III, 76-77).

23 Sur l’histoire des dictionnaires, voir Matoré 1968 ; Chappey 2013.

24 Rochefort 1685 : 497. La visée apologétique de l’ouvrage se lit dès les dernières lignes d’un titre qui en comporte dix-huit : « Avec des Démonstrations Catholiques sur tous les Points qui sont contestez, entre ceux de l’Eglise Romaine ; & les Gens de la Religion Pretendue Reformée ». À comparer avec le paragraphe « Orthographe, Orthographier » de Vaugelas 1647 : 112.

25 En 1756, le Dictionnaire universel François et latin du jésuite Le Brun écrit tour à tour « orthographe » et « ortographe » à trois lignes d’intervalle, quand la même année, le Dictionnaire portatif de la langue françoise (une reprise du Richelet attribuée à Goujet) n’écrit jamais que « ortographe » (Le Brun 1756 : 840 ; Richelet 1756 : 490). Travail à poursuivre sur la personnalité des lexicographes, la qualité de leurs éditeurs et des ouvriers imprimeurs de ceux-ci, la taille des ouvrages et le contenu de rubriques proches comme « Grammaire » et ses dérivés.

26 Furetière 1690 : non paginé ; Dictionnaire universel François et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux 1771 : t. VI, 406-407.

27 Sur le processus de disciplinarisation, voir Foucault 1975.

28 Texte cité par Fayolle 2017 : 18. Condorcet préconise lui aussi l’emploi du dictionnaire et en fait souvent l’éloge (Condorcet 1994 : 199 ; Condorcet 1787 : 25). Au contraire, mais beaucoup plus tôt, une moraliste piquante, aussi amie de Diderot, Madeleine de Puisieux (1720-1798) s’exclamait, contre « les femmes sçavantes […], laissons les Dictionnaires & les Grammaires », mais préconisait une activité scripturaire incessante pour former « son stile » et apprendre « sa Langue, qu’il est honteux de ne pas sçavoir pour une fille de condition » (Puisieux 1749 : 9, 26 et 34). Se souvenir que le conte de L’oiseau blanc, conte bleu lui est attribué conjointement avec Diderot, mais que celui-ci aurait dit à la police : « Si j’ai quelque part à cet ouvrage, c’est peut-être pour en avoir corrigé l’orthographe contre laquelle les femmes qui ont le plus d’esprit, font toujours quelque faute » (Stenger 2004 : 77).

29 (Ano.) La Civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens 1740 : 74-82. À noter que le titre utilise cinq caractères typographiques différents dont trois cursifs dits de civilité. Des éditions à répétition sont publiées à Poitiers (Félix Faulcon, puis Barbier, en 1758, 1760, 1789, 1813, 1817, 1826, 1827), mais aussi à Amboise, Montauban, Tours, Orléans, Angers, etc. (Jimenes 2011 : 65 et 109-113).

30 Filassier 1774 : 380. Pour une demoiselle Fontette de Sommery (c. 1700-1790), brillante analyste du style épistolaire et de l’excellence des femmes dans ce domaine, écrire est « une affaire d’imitation » (Fontette 1785 : 268).

31 Murphy 2007 : 167-171. Cet historien souligne la nécessité de distinguer livres de chœur, ouvrages présents dans les cellules et ceux de la bibliothèque communautaire. À ces catégories, il faudrait ajouter les textes utilisés pour enseigner. Chez les Sépulcrines de Liège, certains sont encore marqués d’un « for the use of the school » ; il s’agit, entre autres, d’un tome du Magasin des Adolescentes de Mme Leprince de Beaumont (1777) et de deux grammaires latines : Lhomond et Tricot, datées respectivement de 1780 et 1788 (Havelange 1980-1981 : 43, 46, 47).

32 Panckoucke 1749 ; Monthel 2014 : 481 (à propos de la réédition de 1762 et de sa banalité au sein de la Visitation).

33 Le titre complet de cet ouvrage de M. de P*** [Prunay] est Grammaire des dames, Où l’on trouvera des principes sûrs & faciles, pour apprendre à Orthographier correctement la Langue française, avec les moyens de connaître les expressions provinciales, de les éviter, & de prévenir, chez les jeunes Demoiselles, l’habitude d’une prononciation vicieuse ; il est orné d’un gracieux frontispice. Voir les deux articles distincts de Beck-Busse et de Lopez 2012 en ligne : http://journals.openedition.orgdhfles/ 3121 et 3129. Y rajouter une étonnante Cantatrice grammairienne (Barthélémy 1788).

34 Garda 1988 : 64, 74, 99. À noter que seuls sont indiqués les titres les plus précieux, ceux de 441 ouvrages reliés en veau et classés par taille, mais « il y a en outre […] deux cens volumes ou environ tant reliés en parchemin qu’en brochures, et épars dans la bibliotecque », qui ne sont pas détaillés.

35 Poitiers, Médiathèque François-Mitterrand : B 43/7.3. Je remercie vivement Emilie Chamouleau de m’avoir fait découvrir ce fonds, dont la richesse mérite une approche approfondie, encore à ses débuts. Un travail est en cours, qui porte aussi sur les marques d’appartenance, rares, et sur les reliures, souvent somptueuses et à peine cassées, indice – sans doute – d’un usage de prestige plus que d’une lecture régulière de livres de grammaire au XVIIIe siècle.

36 Cette grammaire est vantée en 1763 (dans sa version de 1757, annotée par l’académicien Charles Duclos) par La Chalotais (1996 : 71), mais il faudrait la mettre, selon lui, « à la portée des enfants ». Mêmes louanges vers 1794 de la part de Marmontel (1819 : t. XVI, 50). C’est pour un usage privé que, pendant la Terreur, cet écrivain rédige « pour ses enfants » un « petit traité » de grammaire qui est en fait fort savant et qui n’est publié que dans ses œuvres posthumes (Marmontel 1819 : t. XVI, 1-310). À noter que Marmontel est le co-auteur, avec Nicolas Beauzée, des trois volumes de l’Encyclopédie Méthodique. Grammaire et Littérature en 1782-1786. 

37 Entre 1769 et 1778, une seule librairie de Fribourg commande cent exemplaires du « Restaut » (Caspard 1996 : 88-89).

38 Sans doute faudrait-il voir si ces livres ont été conservés après la Révolution et, si c’est le cas, comment ils ont été reclassés. Le premier responsable de la bibliothèque publique de Poitiers, l’ex-bénédictin et historiographe du Poitou, dom Mazet, suggère de « mettre à la tête du catalogue tous les livres qui sont regardés comme la clef faite pour ouvrir la porte de toutes les sciences, c’est-à-dire, les meilleures grammaires, les dictionnaires les plus approuvés, et toutes les bonnes méthodes dans tous les genres d’enseignement », ce qui est alors, selon son nécrologue, « un ordre […] pas très conforme » (B*** 1817 : 385).

39 Le champ des livres manuscrits est à peine défriché, lors même que les couvents féminins sont grands producteurs d’une prose nécrologique, historique, spirituelle, pédagogique et musicale, et aussi d’œuvres poétiques. Rarement publiées, elles font la gloire de leurs auteures de leur vivant (Roy 2004 : 25-30 ; Martin 2000 : 244 ; Bons 2000 : 268-270 ; Catta 1954 : passim).

40 Genlis 1790 :12. Mais une autre pédagogue, la très catholique madame de Miremont, déplore l’absence, dans les bibliothèques conventuelles, de « bons ouvrages modernes » et souhaiterait qu’elles soient expurgées de toute vie de saint et autres ouvrages superstitieux (Miremont 1779 : t. I, 84). Voir Audy-Trottier 2016 : en ligne hal.univ-lorraine.fr/hal-01939313/document.

41 Staal-Delaunay 1970 : 33-34. Elle lit aussi Descartes en clôture.

42 Distinction qui n’apparaît clairement, à ma connaissance, que dans un ordre d’origine anglaise établi dans les Pays-Bas francophones pour une clientèle riche et cosmopolite, distinction qui concerne aussi bien des livres en français, anglais, italien et même latin (Havelange 1980-1981 : 43-48).

43 Bons 2000 : 265. À noter que la distinction entre bibliothèque communautaire et bibliothèques de classes n’existe pas toujours sur le papier, non plus que dans les faits.

44 Sarre 1997 : 276-279 et annexe 46. Un Traité de l’éducation des filles de Fénélon est cependant acquis tardivement par les Ursulines de Pertuis (Sarre 1997 : 278).

45 Lalemant 1974 : 224. Des dictionnaires, non définis, auraient fait leur apparition en ce lieu au début du XIXe siècle (ano., Au Musée 1936 : 21-26). Quant aux livres nommés dans les écrits de Marie de l’Incarnation ou acquis, par don ou achat jusqu’en 1797, ils sont exclusivement spirituels, sauf « deux douzaines de livres français, dix douzaines d’alphabets et quatre douzaines de livres de latins » (sic) en 1720. En 1797, le couvent reçoit un Dictionnaire de Trévoux en 3 volumes et en 1801, « pour l’enseignement des sciences à nos pensres [pensionnaires] plusieurs livres de geographie, d’encyclopithie etc. et de cartes géographiques etc. » (Marie de l’Incarnation 1971 ; Archives des ursulines de Québec : 1 N6, 4, 1.1, f° 21 r° et v°, et 4.2).

46 Catta 1954 : 373 note 1.

47 Des « bibliothèques » figurent parfois aussi dans les projets éducatifs. Celle fournie par La Chalotais mentionne, on l’a vu, « la grammaire générale de Lancelot » (1660, réimpression de 1754) et une dizaine d’autres titres, tandis que celle qu’évoque l’abbé Reyre en 1780, plus longue encore, est riche d’informations : après deux douzaines de titres pieux, l’auteur indique et recommande « La Grammaire française de Wailly, qui est la meilleure que je connaisse », puis « Le Dictionnaire de l’Académie, dont l’autorité a force de loi » et « Les Synonymes de l’abbé Girard [dont les] observations [sont] très justes, mais quelquefois trop métaphysiques, surtout pour les jeunes gens », avant de nommer 14 livres d’histoire (surtout religieuse), 2 d’histoire naturelle et une liste de 5 traités dédiés aux belles-lettres dont « Le Manuel épistolaire à l’usage de la jeunesse » ; il finit par des préconisations de lectures : prédicateurs du XVIIe et fabulistes (La Chalotais 1996 : 71 et 76-77 ; Reyre 1825 : 205).

48 Voyer d’Argenson 2019 : 863.

49 Brouard-Arends 2015 : 397-401. Sur une interprétation plus prudente des projets éducatifs et de leurs effets, voir Touboul 2004/2 : 325-342.

50 Pour une vision complète de cette littérature et des vagues éditoriales successives qui l’accompagnent, voir Havelange 2009 et les 200 titres qu’elle a repérés entre 1750 et 1830.

51 Fénelon 1687 : 235-236.

52 Pluche 1755 : t. V, 76-114.

53 Guilhem 2013 : 329.

54 Panckoucke 1749. 

55 À comparer avec les « secrétaires » et autres traités épistolaires étudiés dans ce recueil par Jeanne Rochaud. À confronter aussi avec les conseils, plus ou moins élaborés, contenus dans les différents types d’ouvrages de savoir-vivre dits « civilités » : le long chapitre XXV rajouté en 1702 par Antoine de Courtin à son édition de 1679 du Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France (1998 : 165-190) ou le chapitre IX ou X des innombrables versions parisiennes et provinciales des Regles de la Bienséance et Civilité chrétienne, rédigées par Jean-Baptiste de La Salle et ses imitateurs. Entre autres versions, celles de Reims en 1736, de Vannes en 1780 ou de Poitiers en 1825 sont en caractères de civilité, ce qui n’est pas le cas de la version de 1716 (Paris, Veuve Oudot, 1716). Même diversité typographique pour La Civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens, mais un contenu identique à Poitiers de 1758 à 1813, dont – on l’a vu – une liste de vocabulaire et trois modèles de missives (père, mère, sœur), deux quittances et une lettre de change.

56 Sur l’histoire des typologies épistolaires, voir l’article pionnier de Maurice Daumas 1993 : 529-556.

57 La Chalotais 1996.

58 Reyre 1825 ; Genlis 1782. À noter que, contrairement au projet de Reyre, le roman de Genlis fait l’éloge d’une éducation à domicile, en théorie mixte et sous conduite maternelle.

59 Fourre-tout commode, cette catégorie est en pleine expansion dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais comporte peu d’ouvrages d’ordre linguistique (Havelange et Le Men 1989 ; Huguet et Havelange 1997).

60 Ambivalence relative puisque Genlis écrira, en 1790, sous le nom de « Mme de Brulart », ci-devant Mme de Sillery, un petit Discours Sur la suppression des Couvens de Religieuses. Hostile aux abbayes aristocratiques et au personnage de la femme de chambre-gouvernante de pensionnaire, elle reste attachée aux couvents-pensionnats qui ont des classes (type Visitation, Ursulines ou Saint-Cyr), mais elle voudrait les voir transformés en « écoles cloîtrées » modernisées par l’étude « des Lois et de notre Constitution actuelle », la connaissance des médicaments usuels et la gymnastique (Genlis 1790 : 1, 5, 14, 17, 23, 64-67).

61 Reyre 1825 : t. I, p. 20, 40, 197-214.

62 Reyre 1825 : t. I, p. 20, note 1 : « J’ai eu soin de corriger les fautes d’orthographe qui étaient dans le manuscrit ; mais en même temps, j’ai cru devoir laisser subsister cet avis, parce que la plupart des jeunes personnes en ont besoin. (Note de l’éditeur) ». Genlis dans Adèle et Théodore évoque un problème analogue chez la jeune d’Almane et propose des exercices de copie de textes « instructifs & amusans », mais ils seront non répétitifs pour apprendre « l’orthographe beaucoup plus promptement » (Genlis 1782 : t. I, 232-233, 359, 453 ; t. III, 300). À noter que le chagrin peut étrangement faire oublier toute compétence orthographique dans ce roman éducatif (t. II, 402).

63 Anecdote à confronter avec les idées généreuses de Diderot militant pour une « école publique » où les filles seraient instruites « à peu près comme les hommes, & des mêmes choses que les hommes selon les rangs & les états, en substituant seulement, à ce qui ne convient qu’à notre Sexe, les ouvrages des mains », sans qu’elles ne deviennent « des espèces de monstres », des femmes savantes (Diderot 1763 : 231).

64 Condorcet 1994 : 196.

65 Lezay-Marnésia 1800 : 2-3.

66 Pour pallier l’insuffisance de la plupart des mères biologiques, certaines éducatrices imaginent, timidement mais assez tôt, des « écoles publiques bien instituées », comme le fait Diderot dans un des Mémoires à Catherine II (Diderot 1966). Ainsi de deux parangons de l’éducation maternelle : Mme d’Epinay, qui parle des « avantages de la forme républicaine » d’enseignement dans la vingtième des Conversations d’Emilie (Epinay 1996 : 402) ou le Traité de l’éducation des femmes de Mme de Miremont (Miremont 1779 : 65). Un point rappelé par Cherrad (2007 : 99). La critique la plus virulente des mères (et des gouvernantes) est le fait d’une… gouvernante et écrivaine, Leprince de Beaumont, dans son Magasin des Adolescentes de 1760 (Bérenguier 2007 : 27). Un point à nuancer sans doute, comme on l’a vu (Goodman 2007 : 33-44).

67 Genlis 1790 : 14, 23-24. Parce que son modèle est celui de la maison d’éducation de Saint-Cyr, elle oppose aux abbayes à direction autocratique, les monastères conduits par des prieures triennales élues à la pluralité des voix (Visitation, Ursulines).

68 Leprince de Beaumont (2020 : 46). Plus loin, l’héroïne passe « dans une maison qui ne subsistait que par les pensionnaires » (2020 : 63).

69 Chartier et al. 1976 : 231-247 ; Rapley 2001 : 14-16 ; Annaert 2012 : 9-31.

70 Remarques présentes dans le huitième des Entretiens sur l’Éducation (1696) de Mme de Maintenon et citées avec des commentaires par Compayré 1904 : t. I, 346.

71 « Rien n’est plus negligé que l’éducation des filles » est la première ligne du traité de Fénelon 1687 : 1. Cette affirmation est martelée par nombre d’auteures du passé, quand elles parlent d’elles-mêmes (par vraie ou fausse humilité) ou quand elles veulent valoriser les femmes de lettres qu’elles admirent. Ainsi de Marie Du Deffand, d’Olympe de Gouges ou de Fortunée Briquet dans son Dictionnaire de 1804 (Briquet 2016 : passim ; Blanc 2003 : 25-26, 204 ; Murat 2003 : 17). L’expression est dénonciatrice sous la plume de réformateurs (La Chalotais 1996 : 110) ou, en 1789, dans quelques cahiers de doléances « de femmes » (Liris 2007 : 104).

72 Attachée aux personnalités d’éducatrices, bien plus qu’aux modalités pratiques d’application de leurs idées et à celles de leurs homologues masculins, la bibliographie existante s’est surtout intéressée à l’histoire comme discipline pour et par les femmes. Voir, entre autres, les recueils, déjà cités, édités par Isabelle Brouard-Arends 2003 et 2007, sur les Lectrices et (en collab. avec Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval) sur les Femmes Educatrices. Voir aussi Pellegrin 2006 ; Arnould et Steinberg 2008.

73 Argenson (1825 : 411) (sur l’utilité pour les garçons de parler latin).

74 Voir les attendus – navrés – de Condillac dans le « Discours préliminaire » au Cours d’études pour l’instruction du prince de Parme [1775-1782), dont fait partie une Grammaire (Condillac 1947 : t. I, 397-516 et, plus précisément, t. I, 402, 421 et 425-518).

75 Éliane Viennot parle de « savoirs réduits à l’utilité sociale » (Viennot 2020 : t. I, 229).

76 Lambert (1820 : 165-178).

77 Ano., Relation 1709 : 128.

78 Fénelon 1687 : 61.

79 Une recherche plus fine est en cours qui tente, à travers les récits de vie des grandes spirituelles, de retrouver comment est mise en scène la langue vernaculaire de leur enfance ou de leur milieu d’origine. À la volonté d’éradication des éducatrices, s’oppose parfois le désir de s’humilier d’une religieuse de haut rang via l’emploi d’un accent ou d’un vocabulaire « vulgaire » (Casimir 1670 : 117). Il s’agit de Jacquette Bachelier, capucine biterroise (1559-1635). Sur la culture occitane d’une Olympe de Gouges et la nécessité de la relire, comme beaucoup d’autres, à voix haute, voir Blanc (2003 : 27).

80 Les cas sont rares, d’un véritable apprentissage du latin, comme celui, reçu à la Visitation de Compiègne, vers 11 ans, par la fille du maréchal d’Humières, née en 1658 (Felibien 1711 : 5).

81 Ces griffonnages (des « lignes » dans le vocabulaire scolaire postérieur) refont parfois surface, ici ou là, sur les premières pages laissées blanches en tête de livres d’usage courant, ou, cas exceptionnel et impressionnant, dans une doublure de dalmatique des XVIIe-XVIIIe siècles provenant du grand séminaire de Québec et littéralement « dé-couverte » par Christine Cheyrou. Je la remercie vivement des images partagées avec elle.

82 Chastenay 1987 : 22-23, 28, 34-35. Des exemples d’éducations familiales diversement réussies (Pellegrin 2003 : 113-129 » ; Pellegrin 2011 : 135-146 ; Pellegrin 2017 : 67-82).

83 Jan Amos Komensky dit Comenius (1592-1670), éducateur et grammairien morave est considéré comme le premier penseur de l’éducation des tout-petits (Schola infantiae ou École du giron maternel, 1633), ainsi que du multilinguisme et de la pansophie : tous les savoirs pour toutes et tous.

84 La mère de famille est, comme on sait, le personnage-clef des œuvres de Genlis, mais aussi de mesdames d’Epinay, de Miremont et autres (Tonda 2016 : 89-103 ; Brouard-Arends et Plagnol-Diéval 2007 : passim).

85 Luppé 1925 : 34-105 ; Perey 1923 : 3 ; Sonnet 1987 et 1997 : 317-328.

86 La volonté de faire « élever […] les pauvres filles seulement, et non d’autres, dans les bonnes mœurs, lettres grammaticales [je souligne], et autres pieux et honnêtes exercices », date de 1641 et est le fait d’un chanoine de Notre-Dame de Paris qui veut encourager la création de petites écoles gratuites pour les enfants pauvres (Calvet 1985 : 132). Voir l’article d’Aurélie Perret dans ce numéro.

87 Ainsi des Ursulines, dont les constitutions diffèrent légèrement selon qu’elles sont de Tours-Bordeaux, Québec ou Paris. Voir leurs tables des matières à la suite de Lallement 1974 : 261-266.

88 Autres sources ici laissées de côté : les lettres circulaires imprimées et les recueils manuscrits dits nécrologues où se figent, post mortem, le souvenir de chaque religieuse défunte, avec indication – brève – de son parcours et de ses compétences. Les talents calligraphiques, orthographiques ou littéraires, de certaines y sont parfois mentionnés.

89 Ano., Règles 1704 : 241.

90 Sur cette nièce de Montaigne, sa spiritualité et ses options pédagogiques, voir Soury-Lavergne 1984.

91 Les caractères « français » sont sans doute du cursif adapté, dit aussi « de civilité » (Soury-Lavergne 1984 : 218). Une autre typologie graphique est fournie par d’autres qui énumèrent par exemple « la bâtarde, la coulée & la ronde » (Filassier 1774 : 379).

92 Ano., Règles 1638 : 88.

93 Un long passage de l’Etat […] du couvent des religieuses angloises de Liège révèle un pensionnat de coût élevé, où – luxe inouï – il y a du feu jusque dans les classes et dans les chambres (Havelange 1980-1981 : 35).

94 Havelange 1980-1981 : 30.

95 Je recours, par commodité, au Reglement pour les pensionnaires du monastère de la Visitation de Ste. Marie de Nantes, fait en l’année 1686 et réédité en 1760, mais un travail comparatif fin reste à mener qui traquerait d’éventuelles différences de libellés dans les textes réglementaires successifs et/ou locaux (ano., Reglement 1760).

96 Ano., Reglemens 1652 : 127-129. Même ordre des matières (lecture, écriture, arithmétique, puis grammaire – ici explicitement nommée –, géographie, histoire et enfin « composition ») chez une maîtresse de pension, poitevine et laïque, la citoyenne [Julie] Marquet-Baillon an V : 3-6).

97 J’use d’une transcription du XIXe siècle du texte original (ano., Coutumier 1850 : 31). La brièveté des formulations cache l’importance de la vocation éducative, mais aussi enseignante, de toutes les ursulines.

98 Monthel 2014 : 50 et fig.

99 Ano., Mémoire 1862 : 34. Sur l’intervention, trop méconnue, des visitandines de Chaillot lors de la réforme de Saint-Cyr, voir Monthel 2014 : 474-478.

100 Maintenon 1854 : 322 et 244-245 ; Picco 2009 : 337-351 ; Strosetky 1999 : t. II, 425-446.

101 Manseau 1902 : 60. La fidélité de la transcription, « faite sur le manuscrit » par Achille Taphanel, reste douteuse.

102 Picco 2018 ; Jacquemin 2007.

103 [Ano.] Règlemens 1705 : t. I, p. 114, texte reproduit par M. Sonnet (1987 : 316) et, dans ce numéro, par Philippe Caron.

104 104 Chantal-Gueudré 1960 : 256.

105 Cheyrou 2005 ; Lalemant 1974.

106 Sarre 1997 : 318. « Un petit traité […] de ce que vous faites […] pour la lecture, l’écriture, l’orthographe » est demandé aux religieuses de la Congrégation de Notre-Dame à Verdun par Pierre Fourier le 24 septembre 1634 (Martin 2000 : 244).

107 Cet extrait, non daté, des Annales du couvent de Trois-Rivières est cité par Nadia Fahmy-Eid (1983 : 74).

108 Grégoire 1995 : 87-97. L’excellence du français parlé en Nouvelle-France sous colonisation anglaise est soulignée dès 1749 par les propos d’un voyageur suédois qui semble y voir la marque des Ursulines et des Hospitalières de Québec et des bienfaits d’exercices répétitifs. Il ajoute que certaines femmes « écrivent comme le meilleur des écrivains publics », mais beaucoup « mettent rarement plus de lettres qu’il n’en faut, tout comme un Suédois. Si je les prie d’écrire par exemple, “elles parlent”, sans leur dire comment cela s’écrit, mais seulement qu’il s’agit d’un pluriel, elles écrivent “ell parl” […]. J’ai remarqué cela à Québec comme à Montréal, ou ici [Laprairie]. S’il s’agit d’un mot qu’elles lisent souvent, elles finissent par l’écrire correctement » (Kalm 1977 : 540-541).

109 Sur le quatrième vœu des Ursulines, voir notamment en 1647 au Québec, Lalemant 1974 : 83, 225.

110 Fourier 1694 : 57-61 et 122. Sur les innovations de cet enseignement, dont la « méthode simultanée », les classes divisées en plusieurs « ordres » usant du même livre et apprenant en même temps, la gratuité, le tableau noir, voir Fiévet 2006 : 78-113.

111 Fourier 1649 : 57-60 et 115, 124, 130.

112 Outre l’impossibilité de tout jugement esthétique objectif, le problème de l’autographie est épineux. J’ai trop longtemps négligé les changements d’écriture au sein même d’une même épître et je n’ai pas su écouter non plus ce que disent les intéressées sur leur recours à de « belles mains », c’est-à-dire à un ou – plus rarement – une secrétaire (une obédience dans certains couvents comme l’Union chrétienne). Par-delà les cas bien connus d’hommes employés par de grandes dames (Rousseau par Mme Dupin est le cas le mieux connu) ou par des femmes atteintes de cécité comme mesdames Du Deffand ou Geoffrin (voir, dans ce numéro, l’exemple développé par Isabelle Havelange), il importe de se souvenir des propos de Leprince de Beaumont invitant toute « fille de qualité » à « savoir sa langue par principes afin de la parler comme il faut », mais aussi à « savoir dicter une lettre » (Leprince de Beaumont 1784 : t. III, 179 ; Staal-Delaunay 1970 : passim ; Rousseau 1964 : 400-401.

113 Pellegrin 2014 : 143-162.

114 Voir le cas bien documenté des Sépulcrines de Liège (Havelange 1980-1981 : 22-23) ou de la déjà grande Hélène Massalska, placée chez les « petites » de la classe Bleue quand elle entre à l’Abbaye-aux-Bois (Massalska 1923 : 20-21).

115 Vigée-Lebrun 2020 : 15 et 20.

116 Laclos 1951 : 11, 388-390, 399 (Cécile de Volanges a passé quatre ans chez les Ursulines) ; Giroust 1983 : 26-28 ; Epinay 1989 : 28, 31 et passim.

117 Felibien 1711 : 5-15. Quant à la fille de Jeanne Guyon, elle suit sa mère en exil hors de France et prend l’accent savoyard chez les Ursulines de Thonon (Guyon 1983 : 305).

118 Ferrières 1998 : 3-10 

119 Kermina 2006 : 11-15.

120 Madame Du Deffand regrette l’éducation conventuelle qu’elle a reçue au Tresnel et se soucie des études, toujours en milieu monacal, de ses parentes (Du Deffand 2007 : passim et 499).

121 Le brouillon des Souvenirs est beaucoup plus explicite que leur version définitive (Vigée-Lebrun 2020 : 15 et 20 ; Haroche-Bouzinac 2011 : 26 et 538). L’orthographe de Vigée-Lebrun attesterait, selon sa biographe, de « ce laisser-aller » pédagogique initial. Vivant, dans la peur, au sein d’un pensionnat pour milieux sociaux intermédiaires, la future portraitiste ne se rassure qu’en dessinant, sans cesse et un peu partout, mais elle en est sévèrement sanctionnée.

122 Jeze (1760 : 170). À « La Madelaine de Trainelle » (Tresnel ou Traisnel), pour 400 livres seulement, « la Maison fournit de tout, excepté le blanchissage du linge fin ». Des précisions sur les cellules, « charmantes », et sur le jardin, vaste et rempli de chants d’oiseaux, de ce couvent où séjourne la cousine d’une très jeune dramaturge, épistolière et traductrice, Geneviève, dite Laurette, Randon de Malboissière (Malboissière 1866 : 106 et 117). Voir Sonnet 1997 : 170.

123 Massalska (1923 : 16-175). Les va-et-vient entre temps supposé de l’écriture du « journal » et remarques rétrospectives rendent suspecte la parfaite véracité de ce texte.

124 Hélène Massalska porte tour à tour les rubans des trois classes (bleue, rouge et blanche) de son couvent-pensionnat et subit les joyeux rites de passage qui en marquent l’accès.

125 Voir le cas, non conventuel mais bien documenté, de la formation de Sophie Grouchy (1764-1822), traductrice d’Adam Smith, artiste peintre, épistolière et principale éditrice des œuvres de son mari, Condorcet : elle sait lire et écrire dès six ans et apprend très tôt le latin, le clavecin, l’anglais, tout en étudiant auprès du précepteur de ses deux frères. Elle a, par ailleurs, des professeurs extérieurs de grec, géographie, anglais, danse, harpe, peinture et, dès l’âge de dix ans, participe aux joutes poétiques et politiques tenues dans le salon parental puis conjugal (Boissel 1988 : 21, 29, 35, 41, 43, etc.). Ses compétences orthographiques sautent aux yeux dans les manuscrits de sa correspondance, même si elle refuse le z final de la deuxième personne (reproduction d’une lettre du 18 janvier 1799, in Rieucau 2005 : 130).

126 Voir les redoutables paragraphes consacrés à ce sujet dans toutes les règles conventuelles. Voir aussi leurs infractions, au moins dans la fiction, et qu’illustre, notamment, le cas de Suzanne Simonin dans La Religieuse de Diderot.

127 Buffet (1668 : 284). Sa date de naissance est inconnue et l’originalité de sa pensée de grammairienne féministe mérite attention. Pour elle, comme pour Vaugelas, les femmes sont les meilleurs juges du « bel usage » (Buffet 1668 : 245-247 ; Vaugelas 1647 : 503). Voir Dejean 2020 : t. I, 493 et 553.

128 À propos des religieuses épistolières, voir les remarques pionnières et quasi uniques de Janet Altman 1995 : 102-105 et 108-109. Voir aussi les lettres de religieuses scandaleuses comme celles de Sabine de Murat (1730-1792) in Murat de Lestang 2011 : 35-41 et 261-269. Reprendre les mises en garde concernant les échanges épistolaires dans les règlements conventuels comme celui de Port-Royal (ano. Constitutions 2004 : 107).

129 Des publications : Marie de l’Incarnation 1971 ; Jeanne de Chantal 1986-1993 ; Jeanne de Jésus Séguier 1992.- Ces correspondantes majeures et leurs séquelles sont absentes des remarquables travaux récents sur l’épistolaire, y compris dans la synthèse de Marie-Laure Girou-Swiderski 2015 : 306-311).

130 Plazenet (2012 : 258-865).

131 Sévigné 1955 : t. II, 517. Malgré le jansénisme de la religieuse port-royaliste (« une hérétique »), Sévigné a d’ailleurs déjà admiré d’autres billets de cette immense femme de savoir.

132 Bons (2000 : 267-268). Compétences saluées aussi chez les Filles de la Sagesse (Dervaux 1954 : 46-48 et 278).

133 Sévigné (1955 : t. I, 863) ; Lessana (2000 : 21-115).

134 Ne pas oublier que, dans leur commerce épistolaire, ces femmes se font conseillères spirituelles de leurs consœurs, mais aussi d’ecclésiastiques et de laïques des deux sexes, en même temps qu’elles mènent d’âpres échanges d’affaires avec leurs tenanciers, avocats, protecteurs, autorités diverses (Guyon 1983 : passim).

135 Bossuet 1828 : t. LIV, 389. En pleine affaire du quiétisme, politique et spiritualité s’enchevêtrent dans des échanges où cohabitent des soucis plus prosaïques : intérêts de famille ou de clan et soucis pédagogiques. Bossuet avait écrit le 30 septembre 1695 que les études des demoiselles dont elle était chargée peuvent inclure de « l’arithmétique, de la carte et de l’histoire, le blason […], le latin […]. Bannissez en toutes manières les chansons d’amour », mais il ne lui dit rien en matière de grammaire (Bossuet 1828 : t. LIV, 355).

136 Massalska 1923 : 16-175. Les lettres de la future princesse de Ligne semblent perdues, ce qui n’est pas le cas d’autres princesses étrangères comme Charlotte de Sudermanie (1759-1818), princesse suédoise née Allemande : épistolière acharnée, elle se dit sans cesse « dans les écritures jusque par-dessus les oreilles » (lettres, billets, copies, journal, tous en français). Usant d’un excellent français mais recourant parfois à d’amusants néologismes à consonance nordique (sont-ce des barbarismes ?), sa colère est grande de se voir attribuer une lettre sans ponctuation (Charlotte de Sudermanie 2018 : 104, 188).

137 Voir, par exemple, la lettre du 18 mars 1655 de la mère Agnès à une religieuse de Port-Royal, citée par Cadet 1887 : 57 et note 1 (le départ forcé des pensionnaires en 1669 est, pour elle, un soulagement).

138 Salmon (2002).

139 Fromageot (1902 : 196-207).

140 Marmontel (1999 : 53). C’est en 1665 que fut fondé à Bort-les-Orgues (actuel département de la Corrèze) un couvent de l’Immaculée Conception de la Vierge, prenant en charge l’alphabétisation de fillettes pauvres et, éventuellement, de petits garçons.

141 Premiers indices qui restent à étayer. Ce processus a déjà été en partie théorisé (Frijhoff et Caspard 1996). Il existe sans doute aussi à l’intérieur des couvents, notamment féminins : de façon formalisée, pour les novices et, de façon plus diffuse, pour les professes de la Visitation par exemple (ano. Coutumier 1850 : 31). Voir la célébration, toute profane, de l’autodidaxie par le personnage – fictif et exemplaire ? – de madame de Merteuil dans le chapitre LXXXI des Liaisons dangereuses (Laclos 1951 : 173-182)

142 Staal-Delaunay (1970 : 206 et passim).

143 Epinay (1989). Sur ce roman par lettres (aussi journal intime et anthologie juridico-financière), rédigé vers 1756 et publié seulement en 1818, voir, entre autres, Cazenobe (1996 : 229-245).

144 Ce long intervalle entre lecture et écriture ne semble pas rare puisqu’il est déploré par une éducatrice peu connue, la demoiselle Fontette de Sommery dans le deuxième article « De l’Education » qu’elle inclut, en 1785, dans ses Doutes (Fontette 1785 : 267). Voir aussi Sonnet (2000 : 326).

145 Les Mémoires révèlent eux-aussi l’intensité des pratiques épistolières de Genlis, de sa jeune gouvernante, de tout son entourage, mais aussi de Voltaire, etc (Genlis 2019 : 60, 71, 113, 162, 164, 165). À noter le rôle des lettres qu’elle avait adressées à son père, prisonnier en Angleterre et jointes à un portrait qui la représentait en harpiste : elles « firent une profonde impression » sur le comte de Genlis et le poussèrent à l’épouser en décembre 1763 (Genlis 2019 : 113). Voltaire reproche à Genlis, s’invitant à Ferney dans l’été 1775, de ne pas écrire « avec son orthographe », car elle avait daté son billet du mois d’août, au lieu « du mois d’auguste » que préférait le maître des lieux (Genlis 2019 : 244-245).

146 Genlis 1791 : 67, 153, 211. Même sévérité attendrie d’une autre pédagogue et mémorialiste, madame Campan (1752-1822), première femme de chambre de Marie-Antoinette, sa re-lectrice et son occasionnelle secrétaire : la reine « n’écrivait pas le français correctement » et quand son écriture fut imitée pour une escroquerie, « on n’y remarquait qu’un peu plus d’ordre dans les caractères » (Campan 1999 : 43, 46, 121). Épistolière acharnée au moment de la Révolution, la reine usait d’un chiffre sophistiqué (p. 369-370). Voir aussi Catherine Hyams, « espionne de Marie-Antoinette (Hyams 2019 : 34-36).

147 Jugement analogue porté par Raymond Trousson à propos de Thérèse Levasseur, la compagne de Jean-Jacques Rousseau. Ce dernier, dans Les Confessions, s’exprime différemment : « Elle n’a jamais bien su lire, quoiqu’elle écrive passablement » (Rousseau 1964 : 390 ; Trousson 1998 : I, 216). À noter que c’est à la mère de Thérèse, prise « pour secrétaire », que Rousseau aurait dicté, en 1750, le discours pour l’académie de Dijon : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs » (Rousseau 1964 : 417-418).

148 Important de comparer les écritures féminines prolétaires et celles de leurs consœurs de l’aristocratie, pas toujours meilleures et elles aussi tributaires de traditions phoniques locales comme le montrent les neuf lettres écrites en 1745-1746 par une femme de charpentier malouin, parti au Pérou (Henwood 1998 : 321-339). Revoir aussi les excuses d’ordre orthographique d’un compagnon vitrier parisien (Ménétra 1982 : 29).

149 Grande 1999 : 51-57. Un dossier à reprendre à partir de la remarquable synthèse de Dena Goodman, découverte trop tardivement pour être utilisée dans cet article, et qui traite successivement de l’iconographie de l’épistolière, des différentes formes d’éducation féminine, du matériel d’écriture et du mobilier afférent, enfin de quelques thématiques épistolaires : le passage du temps et ses rituels, le mariage, la maternité (Goodman 2009).

150 Kalm 1977 : 541.

151 Mercier 1782 : t. IX, 272. Il est exceptionnel dans sa manière de chanter les louanges des écrivaines de son temps, qu’elles sachent ou non l’orthographe : « Femmes auteurs » (t. X, 333-339) et il sait souligner de curieuses distorsions dans les façons sociales d’écrire : un maréchal de France ou une grande dame seraient plus malhabiles qu’une boutiquière. Un graveur illustre ce chapitre en représentant un atelier de barbouilleurs d’enseignes et commente : « C’est sans doute sur ces enseignes que nos dames & nos grands seigneurs apprennent l’orthographe » (Dunker 1791 : chap. XXXVI, « L’Orthographe publique », non pag.).

Pour citer ce document

Par Nicole Pellegrin, «L’ortografe au couvent et ailleurs.
Enquête sur quelques apprentissages féminins d’Ancien Régime», Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], 1700-1840 : Des femmes françaises et étrangères à leur écritoire. Autour des Archives d’Argenson, Revue électronique, II. Comment l’écrit vient aux femmes, mis à jour le : 20/10/2022, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=1115.

Quelques mots à propos de :  Nicole Pellegrin

Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine, CNRS, Paris
Nicole Pellegrin, historienne et anthropologue au CNRS, travaille principalement sur la construction vestimentaire du genre et sur les conditions matérielles de la production intellectuelle féminine sous l'Ancien Régime: éducation, accès aux savoirs, activités épistolaires. Elle est co-fondatrice de membre de la Société Internationale d'Études des Femmes d'Ancien Régime (www.siefar.org).

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