Les modèles orthographiques proposés aux apprenants espagnols du français au XVIIIe siècle

Par Manuel Bruña Cuevas
Publication en ligne le 20 octobre 2022

Résumé

This study presents the orthographic criteria proposed in the grammars of French published in the 18th century for Spanish learners. A distinction is made between grammars published before and after the orthographic reform adopted by the Académie française in the third edition of its dictionary (1740).

Ce travail passe en revue les critères orthographiques proposés dans les grammaires du français publiées au XVIIIe siècle à l’usage des Espagnols. Une distinction est faite à cet égard entre les grammaires publiées avant et après la grande réforme de l’orthographe adoptée par l’Académie française dans la troisième édition de son dictionnaire (1740).

Mots-Clés

Texte intégral

Introduction

1Pendant la seconde moitié du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe, il y a eu deux positions confrontées en matière d’orthographe française : d’une part, les partisans d’une orthographe provenant de la période du moyen français, fortement historique et latinisante ; de l’autre, ceux qui prônaient une simplification des usages traditionnels1. Lors de la première édition de son dictionnaire (1694), l’Académie française a opté pour la vieille orthographe, quoique déjà quelque peu simplifiée. Étant donné qu’elle la maintient dans la deuxième édition (1718), les deux modèles graphiques continuent à se concurrencer jusqu’au moment où l’Académie adopte, dans la troisième édition de son dictionnaire (1740), les principales réformes pratiquées par les défenseurs des simplifications, légèrement remodelées lors de la quatrième édition (1762). Parmi elles, la suppression des -s- et des -e- muets, remplacés par un accent circonflexe sur les voyelles longues ou, dans le cas des mots écrits par es-, par un accent aigu sur le e bref initial (asne, prest, coste, escart espoux, receu, veu, meur deviennent âne, prêt, côte, écart, époux, reçû, vû, mûr) ; la persévérance dans l’abandon d’un grand nombre de lettres étymologiques non prononcées (adventure, advocat, ptisanne, thresor deviennent aventure, avocat, tisane, trésor) ; la substitution de i à y dans les cas (hormis les mots d’emprunt) où le y de la vieille orthographe se lisait par la voyelle [i] (appuy devient appui), réservant le y pour les mots où on prononçait un [j] (appuyer, essayer). Par contre, l’Académie ne se rallie pas aux partisans de la suppression généralisée des consonnes doubles dans les termes patrimoniaux (abbé, aller, apprendre, attaquer).

2Étant donné cet état de choses, il est pertinent de se demander quel a été le modèle graphique enseigné aux étrangers qui apprenaient le français avant et après la grande réforme consentie par l’Académie en 1740. C’est ce que nous faisons dans ce travail en prenant comme guide les grammaires du français composées pour les Espagnols.

1. Première moitié du siècle

1.1. Jean-Pierre Billet2

3Au tout début du XVIIIe siècle3, la grammaire du français la plus réputée en Espagne est celle de Billet (Bruña Cuevas 2010). Rééditée une troisième fois en 1708, sa première édition date de 1673. Puisqu’elle est antérieure à la première édition du dictionnaire de l’Académie française (1694), elle montre bien la rivalité entre l’ancienne et la nouvelle orthographe, caractéristique de la seconde moitié du XVIIe siècle, ainsi que la confiance, déçue par l’Académie, dans le triomphe imminent de la plus moderne. Billet, en effet, s’y montre clairement favorable aux simplifications ; il enseigne, bien sûr, les usages graphiques traditionnels, mais il prend toujours position en faveur de leur remplacement par des formes simplifiées4 :

(1) Après les diphtongues ai et ui, le c ne se prononce pas et on ne l’écrit plus maintenant ; par conséquent, au lieu de laict, fruict, nuict, écrivez lait, fruit, nuit. (1673 : f. 4v).

(1a) [adueu, aduertir, aduocat, adjouter, aduantage, adjoint], lesquels s’écrivent aussi sans le d. (1673 : f. 4v).

(1b) Au milieu des mots, le P se prononce devant une consonne : option, precepte, etc. Font exception sept, temps, champs, compter, baptiser et ses dérivés, niepce, nepueu, nopce, lesquels s’écrivent sans p. (1673 : f. 6r-6v).

(1c) Ei se prononce é ; peine, Reine seront donc lus péne, Réne, ce qui correspond à leur orthographe dans les livres modernes. (1673 : f. 10v).

4De toute évidence, Billet était également favorable à l’emploi de l’accent circonflexe et à la suppression du s muet :

(2) À l’intérieur des mots, le s est la pierre d’achoppement de notre langue [...]. Je renvoie le lecteur aux livres imprimés depuis quelques années ; on y voit que beaucoup d’auteurs ont supprimé, non pas tous, mais du moins la plupart des s muets. (1673 : f. 7r-7v).

(2a) Il faut faire la même remarque en ce qui concerne le o long ou ouvert et le o bref ou fermé : hôte ne peut rimer avec motte ni côte avec cotte. À la place de l’accent circonflexe que je mets sur le o ouvert, beaucoup écrivent un s après le ; mais je supprime ce s afin de faciliter la lecture et parce que les meilleurs auteurs écrivent ainsi ces termes. (1673 : f. 160v).

5Partisan donc des réformes graphiques dès la première édition de son ouvrage, il est curieux de constater comment l’auteur, au fil des rééditions, renforce ses positions favorables à la nouvelle orthographe. Voici ce que l’on lisait en 1673 sur le y grec en finale de mot :

(3) On se sert de y à la fin des mots d’une seule syllabe (Roy, moy) et même à la fin des mots de plus d’une syllabe, tels que essay, appuy, etc. Beaucoup de gens, sans y faire attention, se servent souvent de i pour ces mots, mais je vous préviens qu’il vaut mieux les écrire avec un y grec. (1673 : f. 3r).

6Dans l’édition de 1688, par contre, la partie de ce texte en caractère gras n’apparaît plus et le mot appuy est doublé d’une variante en orthographe simplifiée, c’est-à-dire sans consonne double :

(3a) On se sert de y à la fin des mots d’une seule syllabe (Roy, moy) et même à la fin des mots de plus d’une syllabe, tels que essay, appuy ou apuy, etc. Beaucoup, sans y faire attention, se servent souvent de i pour ces mots. (1688, 1708 : 4).

1.2. L’abbé de Vayrac5

7La fidélité de l’Académie aux lignes générales de l’ancienne orthographe dans la première édition de son dictionnaire provoque un certain changement de discours dans la grammaire qui suivra celle de Billet. Nous parlons de celle de Jean de Vayrac, publiée à Paris en 1714 (Jiménez Domingo 2006). La question de l’orthographe est devenue plus pressante que jamais, ce qui oblige Vayrac à prendre des positions claires à cet égard, contrairement à Billet qui n’y faisait allusion qu’en passant. Voici les propos par lesquels s’ouvre l’ouvrage de l’abbé :

(4) Toute langue a des avantages et des défauts. La française est très raffinée, très courtisane et très expressive, mais elle présente l’impropriété de s’écrire d’une façon et de se prononcer d’une autre, ce qui embarrasse énormément les étrangers ; en particulier les Espagnols, habitués à prononcer leur langue naturelle comme ils l’écrivent. C’est pourquoi beaucoup de grammairiens ont essayé de donner des préceptes pour écrire la langue française comme elle se prononce ; mais leur travail a été absolument inutile et leur récompense n’a été que la censure des messieurs de l’Académie française et des plus célèbres auteurs [...]. Pour ne pas encourir le même sort, je ne réformerai rien ; je me bornerai à exposer les règles de l’écriture, de la lecture, de la prononciation... (1714 : 1-2).

8On aura remarqué le ton polémique de cette déclaration. Elle donne au lecteur l’impression que Vayrac se sent obligé de défendre l’orthographe française face au système graphique espagnol, dont il approuve le bien-fondé, mais dont les principes sont différents de ceux qui sous-tendent le système français. On comprend donc que la question de l’orthographe occupe une place prééminente dans cette grammaire. Elle est précédée d’une longue préface où l’auteur raconte en détail aux Espagnols l’histoire des principales tentatives de réforme graphique qu’il y a eu en France depuis le XVIe siècle. L’abbé de Vayrac les condamne toutes – il les trouve trop osées – et déclare soutenir le système traditionnel défendu par l’Académie. Mais il est bien conscient des déficiences de ce système. Si son ouvrage proprement dit s’ouvre par le texte que nous venons de citer, voici le début de la préface :

(5) C’est une entreprise ardue que de vouloir composer une grammaire pour enseigner une langue qui pâtit de la défectuosité de s’écrire d’une façon et de se parler d’une autre. Le français écrit, où certaines lettres sont superflues et d’autres ne reçoivent pas leur son naturel, a subi bien des changements et se trouve soumis aujourd’hui soit au caprice soit à des usages arbitraires introduits de temps en temps sans raison ni fondement. (1714, préface).

9Avec ces propos, et comme nous l’avons déjà dit, il est aisé d’imaginer que la fidélité de l’abbé aux usages académiques est presque sans faille. Il approuve les traits de l’orthographe nouvelle que l’Académie a elle-même adoptés dans la première édition de son dictionnaire :

(6) Le i ne s’écrit plus dans la syllabe agne : pour montaigne, Espaigne, écrivez simplement montagne, Espagne... (1714 : 20).

(6a) [On ne prononce pas le f de] chef-d’oeuvre, briefveté, vefve, Juifve. De plus, ces termes s’écrivent à présent sans f. (1714 : 68).

(6b) [On ne prononce pas le l de aulne, faulx, fils, poulx, poulce, poulmon], tu prononceras donc aune, faux, fils, poux et tu pourras les écrire, si tu le veux, sans le l, fils excepté. (1714 : 86).

(6c) [On ne prononce pas le p de nepveu, niepce, nopces] et on peut même supprimer ce p dans l’écriture. (1714 : 93).

10Par contre, il n’accepte pas les traits modernes exclus de l’orthographe académique de 1694. Dans notre corpus, de fait, Vayrac est le seul auteur à reconnaître l’autorité de l’Académie en matière d’orthographe avant son changement de cap en 1740. Il le fait soit de façon implicite, comme on vient de le voir dans les citations précédentes ou comme on peut le constater dans la première ci-dessous, soit de façon tout à fait explicite, comme dans la seconde des deux citations suivantes :

(7) Le e ne se prononce pas dans les termes induement, nuement, ingenuement. De nos jours, beaucoup les écrivent sans le e et avec un accent circonflexe sur le : ingenûment. Mais cette manière de les écrire ne me semble pas la meilleure. (1714 : 53).

(7a) Beaucoup d’auteurs modernes ont également voulu supprimer le y grec [...], mais l’Académie française (dont les règles sont inviolables en matière de langue) écrit j’aimeray, j’étudieray ; moy, toy, luy. (1714 : 2-3).

11On aura constaté que Vayrac, comme l’Académie de son temps, n’aime pas l’accent circonflexe. Il ne préconise donc pas la suppression de s muet intérieur, ce qui l’oblige, après avoir expliqué quelques règles sur la non prononciation de ce s, à donner, bien paradoxalement, la liste des mots écrits avec un s intérieur prononcé :

(8) Mais comme il est très difficile pour les étrangers de comprendre ces règles, je crois qu’il sera plus profitable de consigner tous les termes où le s doit être prononcé. (1714 : 99).

12Sa liste de mots s’étend sur une vingtaine de pages à deux colonnes, le tout pour finalement reconnaître qu’il y avait une alternative plus économique pour surmonter la difficulté à laquelle il avait consacré tant d’espace :

(9) Pour ce qui est du reste des mots avec un s intérieur, tu dois le supprimer totalement dans la prononciation. En fait, on le supprime aussi dans les textes écrits selon la nouvelle orthographe. À sa place, la voyelle précédente est marquée avec un accent circonflexe : abisme, adolescence, arbaleste, apprester, asne, aspre, aussi-tost, bastard, blasmer, baston, Chrestien, etc. se prononcent et peuvent être écrits abîme, adolêcence, arbalête, apprêter, âne, âpre, aussi-tôt, bâtard, blâmer, bâton, Chrétien, etc. (1714 : 118).

13À lire ce texte, on a l’impression que Vayrac finit par mentionner cette alternative malgré lui, de façon incomplète (puisqu’il ne commente pas le dernier cas : Chrétien) et en cachant ou, du moins, sans expliciter qu’elle était condamnée par l’Académie de son temps. Il est légitime, nous semble-t-il, de se demander si les usagers espagnols de sa grammaire ont été à même de décider s’il valait mieux suivre les réformateurs, adhérer à l’ancienne orthographe ou adopter, comme l’abbé semble le suggérer parfois, la solution qui sera celle de l’Académie une trentaine d'années plus tard : le mélange des deux. En tout cas, nous supposons que ses lecteurs ont dû être aussi surpris que le lecteur d’aujourd’hui lorsque, une fois les explications sur chaque lettre de l’alphabet terminées, ils arrivaient au long chapitre (onze pages, 156-167) intitulé « Traité de l’orthographe française où sont démontés les arguments des étrangers qui s’effraient du fait que la langue française s’écrit d’une façon et se prononce d’une autre », dont voici les conclusions :

(10) De tout cela découle que les étrangers n’ont pas de fondement pour se plaindre des prétendus défauts de la langue française, étant donné que, au cas où elle en aurait, on doit avouer que les autres langues n’en sont pas exemptes non plus. (1714 : 165).

1.3. José Núñez de Prado6

14On a dû remarquer combien il était difficile au temps de Vayrac d’opter décidément pour l’une des deux orthographes en concurrence. D’une part, on commençait à reconnaître plus ou moins timidement l’autorité de l’Académie, mais, de l’autre, son système graphique posait aux apprenants étrangers du français beaucoup plus de problèmes que l’orthographe simplifiée. C’est ce que l’on perçoit aussi dans la grammaire de Núñez de Prado, parue en 1728 (Lépinette 1995a : 46-55). Ses commentaires laissent également entrevoir ses réticences à s’éloigner du modèle traditionnel, peut-être parce que, suivi encore par beaucoup d’imprimeurs français, il était nécessaire de le transmettre aux apprenants espagnols :

(11) La nouvelle orthographe supprime dans l’écriture le s de bien des mots où il ne se prononce pas ; mais, comme les livres sont habituellement écrits en ancienne orthographe, je tiens pour nécessaire de donner quelques règles pour discerner si le s se prononce ou non. (1728 : 36).

15Il explique donc toujours les usages graphiques de l’Académie, mais sans oublier de signaler, d’une façon neutre, les alternatives possibles :

(12) [...] aimés, portés, verités, amitiés ; ou veritez, amitiez, car on les trouve écrits des deux façons. Il en est de même pour la dernière syllabe de la deuxième personne du pluriel des verbes, terminée par és ou par ez : vous chantés ou vous chantéz, vous dirés ou vous direz. (1728 : 4).

(12a) Dans les prétérits (seus, peusses), les participes (veu, creu), les noms dérivés de verbes et terminés par eue ou par eure (veuë, piqueure) et dans les termes seur, meur et leurs dérivés, ainsi que dans l’adverbe àjeun, eu se prononce, et s’écrit même souvent, comme le simple u voyelle : sûs, pûsses, vû, crû, vûë, piquûre, sûr, mûr, àjûn. (1728 : 16).

16Núñez de Prado ne se montre pas aussi militant que l’abbé de Vayrac en matière d’orthographe, certainement parce qu’il n’était pas Français. Néanmoins, il permet au lecteur de deviner, malgré sa retenue, qu’il était plutôt partisan de la nouvelle orthographe7 :

(13) Il est certain que la meilleure orthographe est celle autorisée par l’usage des écrivains les plus réputés et que, entre deux orthographes jouissant de la même autorité, on doit préférer celle qui donne le moins de travail, c’est-à-dire celle qui permet d’écrire plus vite. (1728 :49).

(13a) On supprime dans la nouvelle orthographe un grand nombre de lettres que, bien que non prononcées, on écrivait auparavant. C’est le cas du dernier t des noms au pluriel ; au lieu de sentiments, compliments et d’autres similaires, on écrit, sans t, sentimens, complimens, etc. [...] On supprime l’une des deux consonnes (bb, dd, ll, pp, etc.) qu’on écrivait autrefois si elles sont prononcées comme une seule... (1728 : 54-55).

2. Vers le milieu du siècle

17Comme c’est le cas chez Vayrac, l’idée que l’orthographe française était plus complexe que l’espagnole et qu’il s’agissait là de l’une des principales difficultés pour les débutants dans l’apprentissage du français reviendra de façon réitérée dans la plupart des grammaires destinées aux Espagnols. Selon les ouvrages, la complexité graphique française sera justifiée ou elle sera présentée comme un inconvénient incontournable, mais, comme nous le verrons, cette idée réapparaîtra tout au long du XVIIIe siècle, c’est-à-dire même après la grande réforme orthographique menée à bien par l’Académie dans son dictionnaire de 1740.

2.1. Jean-Henri Le Gallois de Grimarest8 et Antoine Galmace9

18Vers le milieu du siècle paraissent deux nouvelles grammaires du français pour Espagnols, toutes deux postérieures au dictionnaire académique de 1740 : celle de Grimarest (1747) et celle de Galmace (1748). Malgré les nouvelles simplifications graphiques adoptées par l’Académie, ces deux auteurs proposent un système de prononciation figurée (Bruña Cuevas 2001), ce qui semble indiquer que les Espagnols continuaient à percevoir une grande distance entre la prononciation et l’écriture du français. On le constate clairement dans le discours tenu par les censeurs qui ont signé les approbations de ces ouvrages, des censeurs qui expriment ouvertement l’idée reçue :

(14) À mon avis, l’auteur tranche le nœud gordien de la langue française : la différence qu’elle présente entre l’oral et l’écrit. En notre langue espagnole, la prononciation est le guide principal pour savoir écrire ; en français, par contre... (Grimarest, 1747, approbation anonyme).

(14a) Par ce moyen [la prononciation figurée employée par l’auteur], on pourra surmonter la difficulté dérivée de la grande différence que les Espagnols perçoivent entre les termes français écrits et leur prononciation. (Galmace, 1748, approbation d’Antonio Gaspar de Pinedo).

(14b) Grâce à ce livre, on pourra surmonter la seule difficulté de la langue française qualifiable de terrible, mais qui la caractérise : le fait que presque tous ses mots se prononcent autrement qu’ils ne s’écrivent. (Galmace, 1748, approbation de Juan de la Concepción).

19Mais ce ne sont pas seulement les auteurs des approbations qui s’expriment de la sorte. Grimarest et Galmace eux-mêmes ne manquent pas de renforcer la même idée :

(15) Il est vrai que le français, comme l’anglais, présente le défaut de ne pas être toujours parlé comme il est écrit. Toutefois, il y a eu une grande amélioration depuis quelques années. Beaucoup de lettres non prononcées ont été supprimées et elles ont été remplacées dans beaucoup de mots par des accents pour signaler la manière de les prononcer. On pourrait encore atteindre une plus grande perfection, pour le soulagement des étrangers qui souhaitent apprendre le français, en supprimant les lettres doubles prononcées comme les simples et d’autres lettres muettes... (Grimarest, 1747, préface).

(15a) Mon intention dans cet ouvrage est de faciliter, dans la mesure du possible, le difficile accès au français, un accès qui, à cause de la différence entre l’oral et l’écrit, était, est et sera une entreprise terrible pour tout débutant. (Galmace, 1748 : 246).

20De fait, il saute aux yeux que, pour ces deux auteurs, la réforme de 1740 n’a pas été suffisante, du moins en ce qui concerne les consonnes doubles, comme on peut le lire dans la partie en caractère gras de la déclaration de Grimarest citée ci-dessus. Cet auteur, en fait, a donné l’exemple avec sa pratique. Dans les avertissements préliminaires de sa grammaire, il déclare :

(16) Conformément à ce que l’on pratique depuis quelques années, je simplifie les lettres doubles qui ne servent à rien du fait qu’elles ne se prononcent pas. Inutile de défendre qu’elles servent à marquer les longues et les brèves, car pour cela il y a les accents, les lettres doubles ne servant qu’à jeter la confusion parmi les apprenants. Toutefois, comme on trouve encore cette ancienne orthographe dans beaucoup de livres, je la commente dans... (1747, « Avertissement »).

21Son choix en faveur de la suppression des lettres doubles se trouve, en effet, confirmé à l’intérieur de son ouvrage par des injonctions similaires à celle-ci :

(17) Dans le reste des cas où il y a deux ll, on doit en prononcer un seul ; de fait, la plupart des gens n’en écrivent qu’un à présent. Il vaut donc mieux écrire apeler, non pas apeller ; aler, non pas aller. (1747 : 43).

22Grimarest s’avère être le plus grand partisan des simplifications graphiques dans notre corpus du XVIIIe siècle. Et son penchant réformateur n’est nulle part aussi évident que lorsqu’il demande certaines simplifications rarement proposées avant ou après lui :

(18) Dans le reste des termes [ceux qui ne commencent pas par un h aspiré], le h ne sert à rien. Le mieux serait de l’éliminer pour éviter toute confusion. Et on pourrait faire de même en espagnol à l’instar des Italiens, qui l’ont supprimé à cause de sa superfluité. (1747 : 39).

2.2. Sebastián Roca y María

23Face à Grimarest, partisan de réformes plus poussées que celles adoptées par l’Académie en 1740, son contemporain Roca y María représente justement le contraire.

24Roca y María, un Français qui avait espagnolisé son nom10, publie sa grammaire en 1750, trois ans après celle de Grimarest. Il y opte dès la préface pour la défense sans faille des positions académiques en matière d’orthographe et pour la condamnation de tout modèle graphique qui pourrait les enfreindre. Et ce au point qu’il ose même condamner le dictionnaire bilingue franco-espagnol le plus prestigieux à son époque : celui de Sobrino. Il le condamne du fait que Sobrino pratiquait la simplification des consonnes doubles, non adoptée par l’Académie en 1740 :

(19) Le lecteur ne doit pas être surpris de constater que beaucoup de termes sont ici écrits autrement que dans le dictionnaire de Monsieur Sobrino. Puisque je me suis proposé de suivre l’usage de l’Académie (comme le fait aujourd’hui toute la France), j’ai jugé bon de ne pas défigurer nos termes en enlevant une consonne des mots où elle est double, contrairement à ce qu’a fait cet auteur pour beaucoup de termes et contre ledit usage. (1750 : 233-234).

25Si Grimarest était catégorique dans sa condamnation de l’emploi des lettres doubles, Roca y María ne l’est pas moins dans la défense de leur emploi. Voici un exemple des commentaires qui lui servent de conclusion, avec les variantes nécessaires, pour les nombreux chapitres qu’il consacre aux consonnes doubles dans la troisième partie de sa grammaire : « Quoique mal, il y en a qui écrivent ces termes avec un seul b. » (1750 : 234).

26On pourrait penser que, avec l’accroissement de plus en plus intense du prestige de l’orthographe académique à partir de 1740, nos auteurs ont cessé de faire référence aux anciennes graphies du début du siècle ; or il n’en est rien. Il est vrai qu’ils enseignent le nouveau système académique mais, tout en reconnaissant l’autorité de l’Académie en matière d’orthographe, un grand nombre de nos auteurs ne renoncent pas à instruire leurs lecteurs sur les anciens usages graphiques. Ils le font, sans doute, pour faciliter la lecture des livres imprimés en ancienne orthographe, mais certainement aussi parce que la nouvelle orthographe semble s’être répandue plus lentement que les écrits imprimés ne le font accroire. C’est ce que l’on peut déduire des déclarations de Roca y María dans sa grammaire de 1750 :

(20) On n’écrit plus d devant les consonnes j ou ; et devant m non plus : Aviser, Avocat, Amiral, que beaucoup écrivent encore, contre l’usage, Adviser, Advocat, Admiral, etc. (1750 : 30).

(20a) On enlève de nos jours le e de l’ancienne orthographe placé devant le u dans les deux prétérits ; on y supplée par l’accent circonflexe. On écrivait J’ay conneu, apperceu, leu, etc. et on écrit maintenant J’ay connû, apperçû, sçû, lû. [...] Ceci dit, ils sont aussi bien écrits avec que sans le e, car les opinions sont très divergentes à cet égard. (1750 : 38).

2.3. José Dacosta11

27Deux ans plus tard (1752), Dacosta se montre plus strict en ce qui concerne l’acceptabilité de l’ancienne graphie avec e diacritique, mais, en revanche, il n’est pas rigoureux en ce qui concerne l’application de la règle qui accompagne sa suppression, c’est-à-dire son remplacement par un accent circonflexe sur la voyelle voisine :

(21) On employe quelque fois l’accent circonflexe ou ouvert dans plusieurs mots, pour marquer la difference de l’anciénne orthographe, comme aux mots de vû, reçû, pû, connû, &c. que l’on écrivoit auparavant veu, receu, &c. mais quoique l’on ne mette pas cet accent, ce n’est pas une grande faute d’ortographe. (1752 : 296-297 ; texte original de l’auteur).

28Dacosta nous révèle par-là l’un des inconvénients de la nouvelle graphie, un inconvénient rarement mis en avant dans les grammaires du français pour les Français : la multiplication des accents. Elle était, certes, plus simple que l’ancienne, mais elle obligeait, en écriture manuscrite, à interrompre continuellement le cours de la plume, à lever continuellement la main pour placer les accents ; or, il est bien connu que, depuis le Moyen Âge, ces interruptions avaient été l’une des choses à éviter, ce qui explique la multiplication des ligatures, passées même dans les imprimés. D’où cette tolérance que montre Dacosta pour l’absence des nombreux accents circonflexes caractéristiques de l’orthographe nouvelle. De fait, la quatrième édition du dictionnaire de l’Académie (1762) supprimera un certain nombre des emplois de l’accent circonflexe prescrits dans la troisième.

3. Seconde moitié du siècle

3.1. Pierre Contaut12 et Pierre-Nicolas Chantreau13

29Comme nous l’avons déjà signalé, les simplifications graphiques appliquées en français depuis 1740 ne feront pas disparaître chez les Espagnols la perception que l’orthographe française restait compliquée. Nos grammairiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle devront donc en tenir compte ; leur discours tend, dès lors, non pas à les convaincre que ce n’est pas ainsi, mais à les convaincre que, malgré la complication graphique française, leurs méthodes d’enseignement leur serviront à surmonter toute difficulté. Il faut dire qu’ils trouvaient là leur intérêt professionnel : si le français écrit ne pouvait pas servir de base pour apprendre le français parlé, recourir à un maître de langues était indispensable pour apprendre à parler français. C’est l’idée que transmet Contaut (Bruña Cuevas 2016), à plusieurs reprises, en 1763 :

(22) La langue française présente deux grandes difficultés. La première consiste à la parler [...]. La seconde consiste à l’écrire, car il y a en français écrit plus de lettres qu’on n’en prononce. Il est impossible de décider laquelle est la plus importante. Certains écrivent très bien la langue française sans savoir la parler ; c’est ce qui arrive à un nombre très élevé d’étrangers. D’autres la parlent bien, mais ils ne savent pas l’écrire ; c’est principalement le cas des Français qui n’ont pas fait d’études. [...] La bonne orthographe s’apprend dans les livres, mais on apprend à parler avec un maître. (1763 : 11).

(22a) Étant donné que le français ne se prononce pas comme il s’écrit à cause de ses nombreuses et difficiles règles, on ne peut atteindre sa vraie prononciation uniquement à l’aide des livres, sans le recours à la vive voix d’un maître... (1763 : 305).

30Vers le dernier quart du siècle, le discours à cet égard se maintient, mais avec quelques nuances. Le fait de la dissymétrie entre français parlé et français écrit sera toujours mis en avant, mais les auteurs de nos grammaires insisteront surtout, plutôt que sur le besoin d’avoir un maître de langues, sur les vertus de leur méthode d’enseignement pour surmonter cette dissymétrie. C’est le cas de Chantreau (1781), dont la grammaire (Lépinette 1995b) deviendra le modèle pour la plupart des grammaires pour l’enseignement du français en Espagne pendant les trois premiers quarts du XIXe siècle.

31Chantreau commence son ouvrage par la même idée ressassée depuis longtemps :

(23) S’il y avait coïncidence entre la prononciation et l’orthographe du français, comme c’est le cas en espagnol, il suffirait de traiter de l’une d’entre elles pour expliquer toutes les deux. Mais le français suit un chemin différent : il ne se prononce pas comme il s’écrit. Il s’ensuit qu’il faut distinguer entre les règles de l’une et celles de l’autre. Je consacrerai donc ce chapitre à la prononciation et le suivant à l’orthographe. (1781 : 1).

32En fait, il est clair ici qu’il ne fait allusion à la dissymétrie oral-écrit que pour mettre en relief le bien-fondé de sa méthode, c’est-à-dire sa stricte séparation entre apprentissage de la prononciation, d’une part, et apprentissage de l’orthographe, de l’autre, ainsi que sa distribution de l’apprentissage de l’orthographe en deux sections, l’orthographe grammaticale (ou orthographe de principes) et l’orthographe d’usage, selon les critères défendus par Pierre Restaut (1696-1764).

33Quant à l’attitude de Chantreau à l’égard de l’orthographe de son temps, il accepte, évidemment, toutes les réformes répandues depuis le milieu du siècle, mais, influencé par Noël-François de Wailly (1724-1801), il trouve que celles-ci sont encore insuffisantes :

(24) Les étymologistes écrivent sc dans science, sçavoir, sçu, etc. ; mais la plupart des gens écrivent, sans c, sience, savoir, su, etc. La langue française aurait besoin d’une bien plus grande expansion de cette réforme des lettres inutiles. (1781 : 23).

(24a) Les lettres c, f, l, p, t s’écrivent doubles quand elles se trouvent entre deux voyelles dans la première syllabe d’un mot. Mais les écrivains modernes n’observent plus cette règle, même si elle est toujours suivie par le commun des gens. De fait, les grammairiens qui veulent simplifier l’orthographe tiennent cette règle pour absurde et nuisible. Voyez la Grammaire de Wailly, Moyens de simplifier notre orthographe, p. 9 de la 6e édition. (1781 : 45).

34Curieusement, et contre toute attente, Chantreau se résigne à l’emploi du digramme oi à valeur de [ɛ], si combattu pourtant par ses contemporains (Anglois, Polonois, monnoie, foible, connoitre, paroitre..., les terminaisons de l’imparfait et du conditionnel). Il s’y résigne, non pas parce qu’il le trouve bon, mais parce que son remplacement par ai ne lui semble pas la meilleure des solutions. Il aurait certainement souhaité la substitution de è à oi, comme le demandait ouvertement D’Alembert dans l’Encyclopédie, c’est-à-dire écrire français comme on écrivait procès, possibilité combattue, toutefois, par Voltaire :

(25) Dans les cas où oi se prononce è, l’un des célèbres écrivains de France [Voltaire ] écrit ai : Français, Anglais, je portais, connaitre, faible, etc. Beaucoup ont admis cette orthographe, plus facile parce que ai ne varie pas autant que oi. Cependant, toutes deux présentent le même inconvénient d’exprimer un son différent de celui que représentent leurs caractères. (1781 : 8).

3.2. Félix Martínez Saavedra14 et Jean-Thomas Laurès de Mayran15

35Nous arrivons à la fin du siècle avec deux maîtres qui ont composé leur grammaire en puisant dans les deux ouvrages à structure dialoguée de Restaut, les Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise (1730) et l’abrégé de cet ouvrage, l’Abrégé des principes de la grammaire françoise (1732). Nos deux maîtres sont Martínez Saavedra (1791) (Bruña Cuevas 2012) et Laurès de Mayran (1799) (Viémon 2016b). En fait, tous deux font une traduction littérale en espagnol de la partie concernant l’orthographe dans l’Abrégé de Restaut ; citons donc, directement extraits de l’original d’après sa septième édition (1774 : 115-116), les propos que voici :

D. Comment apprend-on cette orthographe [d’usage] ?

R. Par la lecture des Dictionnaires et des bons livres.

D. Ne peut-on pas diviser cette orthographe d’usage ?

R. Oui ; on peut la diviser en orthographe ancienne et en orthographe nouvelle.

D. Qu’est-ce que l’orthographe ancienne ?

R. C’est l’orthographe des Auteurs qui veulent conserver l’ancien usage, principalement pour ne pas perdre la connoissance des étymologies, qui font voir de quels mots latins ou grecs viennent certains mots françois.

D. Qu’est-ce que l’orthographe nouvelle ?

R. C’est celle des Auteurs qui retranchent des syllabes les lettres qui ne se prononcent point, et cela pour rendre, autant qu’il est possible, l’orthographe conforme à la prononciation.

D. Laquelle doit-on suivre de ces deux orthographes ?

R. L’orthographe nouvelle est la plus aisée, la plus naturelle, et même plus commune à présent que l’orthographe ancienne, et par conséquent plus conforme à l’usage.

36Quoique réédité sans cesse jusqu’au XIXe siècle, l’Abrégé de Restaut date de 1732, raison pour laquelle l’auteur divise l’orthographe d’usage en ancienne et en nouvelle orthographe, ce qui entraîne qu’il explique les traits de l’une et de l’autre. Or, si en 1732 cela avait tout son sens, la réédition réitérée de l’ouvrage, à cause de son succès, pérennise ses explications sur l’ancienne orthographe jusqu’à sa dernière édition en 1824 ; et, par l’intermédiaire des traductions de Martínez Saavedra (1791) et de Laurès de Mayran (1799), ces explications sur l’ancienne orthographe du XVIIe siècle sont également arrivées aux Espagnols de la fin du XVIIIe qui s’initiaient au français.

37Un fait significatif : c’est justement parce que Laurès de Mayran part des ouvrages de Restaut qu’il est le seul des auteurs de notre corpus à faire référence à l’étude des langues étrangères par les femmes. En fait, il adapte et résume en un seul paragraphe les quelques pages que Restaut consacre dans la préface de ses Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise (1730) à l’étude du français oral et écrit par les dames ou par les demoiselles. Le discours de Restaut était pertinent pour la formation des femmes en français langue maternelle, mais Laurès de Mayran essaie de l’adapter tant bien que mal à l’étude des langues étrangères :

(27) Les demoiselles en particulier, qui écrivent rarement de la même façon qu’elles s’expriment, acquerront, grâce à cette grammaire, plus de facilité à transmettre sur le papier la délicatesse, l’énergie, la vivacité et le je-ne-sais-quoi qui les font tant briller dans la conversation, mais que, faute d’une étude raisonnée des principes des langues étrangères, elles perdent si souvent soit dans leurs discours, soit dans leurs lettres. D’autre part, qui plus qu’elles mérite davantage dans la société qu’on leur déblaye l’âpre chemin de l’étude des langues étrangères ? Ne sont-elles pas le principal ornement du monde ? (1799 : 2-3).

Conclusion

38Comme les auteurs des dictionnaires bilingues franco-espagnols (Bruña Cuevas 2021), les auteurs des grammaires du français à l’usage des hispanophones montrent majoritairement, pendant le siècle dont nous nous sommes occupé, leurs préférences pour les simplifications graphiques, et ce aussi bien avant qu’après la grande réforme orthographique de 1740. Cette réforme a renforcé l’autorité de l’Académie en matière graphique, une autorité dont elle ne jouissait vraiment pas auparavant. Il est vrai que, même avant le grand tournant de 1740, certains de nos auteurs penchent pour le respect scrupuleux des usages graphiques de l’Académie, mais, même chez eux, on découvre au détour d’une phrase ou dans un commentaire secondaire leur malaise à l’égard de l’opinion sur l’orthographe française que partageaient la plus grande partie de leurs lecteurs espagnols. C’est certainement à cause de ce préjugé, et parce qu’ils essayaient de mettre en place les moyens didactiques les plus adaptés à leur public, que la plupart de nos auteurs pratiquaient une orthographe simplifiée ou qu’ils admettaient, du moins, la possibilité de s’en servir.

Bibliographie

a) Sources primaires

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Chantreau, P.-N., 1781, Arte de hablar bien francés, Madrid, Sancha.

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Dacosta, J., 1752, Gramática nueva, francesa y española, London, Reily.

Grimarest, J.-H. Le Gallois de, 1747, Nueva gramatica francesa, Pamplona, Herederos de Martínez.

Galmace, A., 1748, Llave nueva, y universal, para aprender [...] la lengua francesa, Madrid, Ramírez.

Laurès de Mayran, J.-T., 1799, Compendio nuevo de gramática francesa, Madrid, Herrera.

Martínez Saavedra, F., 1791, Compendio de la gramática francesa, Sevilla, Vázquez & Hidalgo.

Núñez de Prado, J., 1728, Grammatica de la lengua francesa, Madrid, Balvás.

Restaut, P., 1730, Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise, Paris, Desaint.

Restaut, P., 1732, Abrégé des principes de la grammaire françoise, Paris, Desaint.

Roca y María, S., 1750, Arte francés, Barcelona, Surià.

Vayrac, J. de, 1714, El arte françes, Paris, Witte.

b) Études citées

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Bruña Cuevas, M., 2010, « Dos maestros de francés en el Madrid de finales del siglo XVII : Pierre-Paul Billet y Jean-Pierre Jaron » dans Maux-Piovano, M.-H. (éd.), Enseigner les langues modernes en Europe, XVe-XVIIe siècles, Strasbourg, Université de Strasbourg, p. 219-260.

Bruña Cuevas, M., 2012, « La enseñanza del francés en el colegio de San Telmo de Sevilla (1787-1812) » dans Curell, C., G. de Uriarte, C. & Oliver, J. M. (éds), Estudios franceses en homenaje a Berta Pico, La Laguna, Universidad de La Laguna, p. 55-70.

Bruña Cuevas, M., 2016, « Contaut, Pierre » dans García Bascuñana, J. F. (éd.). Diccionario de historia de la enseñanza del francés en España (siglos XVI-XX). URL : http://www.grelinap.recerca.urv.cat/ca/projectes/diccionario-historia-ensenanza-frances-espana/entradas/50/contaut-pierre-siglo-xviii.

Bruña Cuevas, M., 2021. « La variation graphique dans les dictionnaires français-espagnols des XVIIe et XVIIIe siècles », Çédille (sous presse).

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Fischer, D., García Bascuñana, J. F. & Gómez, M. T., 2004, Repertorio de gramáticas y manuales para la enseñanza del francés en España (1565-1940), Barcelona, PPU.

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Jiménez Domingo, M. E., 2006, Las obras gramaticales del abate Jean de Vayrac (1664-1734), thèse de doctorat, Universitat de València. URL : http://www.uv.es/lepinet/Tesis doctoral M.elena Jimenez.pdf.

Lépinette, B., 1995a, « La grammaire contrastive franco-espagnole de la première moitié du XVIIIe siècle. Analyse de six ouvrages édités en Espagne », Historiographia linguistica, 22/1-2, p. 27-74.

Lépinette, B., 1995b. « El arte de hablar bien francés (1781) de P.-N. Chantreau (1741-1808), grammaire pour l’enseignement du français aux Espagnols », Le français moderne, 63/2, p. 138-165.

Lépinette, B., 2000, L’Enseignement du français en Espagne au XVIIIe siècle dans ses grammaires, Münster, Nodus.

Viémon, M., 2016a, L’Apprentissage de la prononciation française par les Espagnols aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, thèse de doctorat, Universidad de Sevilla. URL : https://idus.us.es/xmlui/handle/11441/40533.

Viémon, M., 2016b. « Enseigner le français en Espagne au début du XIXe siècle : les déboires de Jean-Thomas Laurès de Mayran », Anales de Filología Francesa, 24, 337-355. URL : https://dialnet.unirioja.es/ejemplar/449768.

Notes

1 Voir la contribution de Philippe Caron.

2 Né à Paris dans le deuxième tiers du XVIIe siècle, il s’établit à Madrid comme maître de langues (français, latin, espagnol) en 1664 ou 1665. Il est certainement mort entre 1708 et 1714. En plus de sa grammaire française, il publie une traduction en espagnol des mémoires de Maria Mancini (La verdad en su luz, Zaragoza, 1677), ainsi qu’un recueil de ses compositions latines en prose et en vers (Madrid, 1703). Il inclut certaines de ses compositions poétiques en français dans la dernière partie de sa grammaire.

3 Pour une liste des grammaires du français à l’usage des Espagnols publiées au XVIIIe siècle, voir Fischer et al. 2004 ; pour leur analyse, Fernández Fraile & Suso López 1999 et Lépinette 2000 ; pour leurs contenus grapho-phonétiques, Viémon 2016a. Sur les auteurs de ces grammaires et leurs œuvres, voir García Bascuñana 2016.

4 Les grammaires de notre corpus sont généralement rédigées en espagnol. Pour faciliter la compréhension de nos citations, nous les avons traduites en français ; des raisons d’espace nous empêchent de les donner également dans leur version originale.

5 Né à Vayrac (Lot) en 1664, il arrive à Madrid, vers 1701, comme interprète du premier Bourbon d’Espagne, Philippe V. En 1708 paraît sa Nouvelle Grammaire Espagnole, suivie de sa grammaire française (1714), postérieure donc à son retour en France vers 1711. D’autres ouvrages dus à sa vaste érudition sont L’État présent de l’Empire (1711), Nouvelle réfutation à la Lettre d’un Espagnol écrite à un François (1716), État présent de l’Espagne (1718) et quelques traductions, telles que les Mémoires du cardinal Bentivoglio (1713). Il est décédé, peut-être à Paris, vers 1734.

6 Oropesa (Toledo), 1666 – Madrid ? 1743. Jésuite, il a vécu quelques années à Paris, au début du XVIIIe siècle, avant de revenir en Espagne comme maître de français du Collège des nobles de Madrid, fondé en 1725 et tenu par la Compagnie de Jésus. C’est pour cet établissement qu’il publie sa grammaire française en 1728, plusieurs fois rééditée jusqu’en 1791.

7 Núñez de Prado a certainement suivi l’opinion de Claude Buffier (1661-1737), jésuite comme lui et dont la Grammaire françoise sur un plan nouveau (Paris, 1709) est sa source principale. Sur les positions de Buffier en matière graphique, voir la contribution de Philippe Caron.

8 Né à Paris dans les années 1690, dans une famille de grammairiens et littérateurs (son père a été Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, 1659-1713, et son frère Charles-Honoré, 1685-1730), il se met dès 1715 au service du roi d’Espagne dans l’armée de Navarre, où il publiera son seul ouvrage connu : sa grammaire de 1747, jamais rééditée soit à cause de la mort de l’auteur, soit à cause des critiques reçues de la part d’Antoine Galmace.

9 Galmace arrive à Madrid vers les années 1740, peut-être sous la protection d’une famille noble qui l’avait engagé comme précepteur à Paris et qui a peut-être favorisé son incorporation comme maître de langues au Collège des nobles de la capitale espagnole. Après une première publication qu’il présente comme un complément pour la grammaire de français du Collège (Adiciones a la gramatica francesa, que compuso el R. P. Nuñez, para el uso de los Cavalleros del Seminario de Nobles, Madrid, 1745), il publie sa grammaire en 1748, plusieurs fois rééditée jusqu’en 1800.

10 Tout ce que l’on connaît sur cet auteur dérive de ce que l’on peut lire dans les pages préliminaires de son seul ouvrage publié : son Arte de 1750, jamais réédité. Il s’y présente comme étant d’origine française et comme maître de français établi à Barcelone.

11 Sa grammaire française, publiée premièrement en 1751, à Londres, en version trilingue français-anglais-espagnol, sera postérieurement rééditée – Londres, 1752 ; Bruxelles 1752 ; Amsterdam, 1754 – en version bilingue français-espagnol. L’auteur semble être le fils de J. Dacosta, juif d’origine ibérique et auteur du Tratado de cortesía y política (Anvers, 1726).

12 Peut-être après avoir fait quelques études universitaires à Paris, Contaut arrive à San Fernando (près de Cadix) vers 1754. Il y enseigne le français avant de s’établir à Madrid vers 1763, date où il commence à s’annoncer dans les gazettes comme maître de français et de latin et où paraît son premier ouvrage (Gramática española y francesa). En 1765, il publie à Madrid Le véritable portrait de l’Espagne moderne, réédité la même année sous le titre de Portrait de l’Italie et de l’Espagne moderne. En 1767, il ouvre à la capitale une école de langues, ce qui, pourtant, n’entraînera pas la réédition de sa grammaire. Par contre, il publie en 1779, toujours à Madrid et sous le pseudonyme de Monsieur Ronchon, un nouvel ouvrage à caractère didactique : un recueil de lettres d’enfants, bilingue espagnol-français, portant le titre d’Entretien des enfans, avec des réflexions et des instructions pour la jeunesse et élargi en 1783 avec une nouvelle et longue lettre, cette fois éditée sous son propre nom (Instructions morales pour les jeunes gens. Suite de l’Entretien des enfans).

13 Paris, 1741 – Auch, 1808. Disciple de Nicolas Beauzée (1717-1789) à l’École militaire de Paris, Chantreau arrive en Espagne vers 1762 et devient maître de français à l’école militaire d’Avila en 1767, ce qui rend compte de la publication de son excellente grammaire française (Madrid, 1781). Revenu en France vers 1782, il exerce plusieurs fonctions d’espionnage international au service de la Révolution et publie de nombreux ouvrages à caractère politique ou historique. Parmi eux, son célèbre Dictionnaire national et anecdotique (1790, réédité en 2008 par Agnès Steuckardt), portant sur les changements langagiers liés aux événements politico-sociaux de l’époque. Il a été nommé en 1796 professeur d’histoire à l’école centrale du Gers, puis, en 1803, à l’École militaire de Fontainebleau.

14 Maître de français depuis 1787 au collège de la Marine de Séville, il publie pour ses élèves une brève grammaire (1791), mieux adaptée à leur niveau que celle de Chantreau, avec laquelle ils apprenaient le français auparavant. Il y exerçait toujours ses fonctions lorsqu’il est mort le 30 octobre 1799.

15 Né à Montpellier vers les années 1740-1750, il embrasse la carrière militaire, comme son père et son grand-père. De ce fait, il est fait prisonnier et conduit à Barcelone, où il finit par s’établir. Vers 1775, il se fixe à Madrid, où il obtient le poste de maître de français au Collège des nobles. Sommé de quitter l’Espagne à cause de la Guerre de la première coalition (1792-1797), il y revient vers 1796. L’année suivante, il publie à Madrid son Tratado de conjugación francesa, suivi de son Compendio nuevo de gramática francesa (1797), réédité en 1803, à Valladolid, lorsqu’il était professeur de français dans une école militaire. Après la première tentative d’occupation de l’Espagne par les troupes de N. Bonaparte, il sera mis en prison en tant que Français. Ayant ouvert en 1810 une école de langues à Madrid, il entame en 1815 les procédures pour acquérir la nationalité espagnole, mais tout porte à croire qu’il n’a pas réussi à l’obtenir. Il est certainement mort peu après 1817.

Pour citer ce document

Par Manuel Bruña Cuevas, «Les modèles orthographiques proposés aux apprenants espagnols du français au XVIIIe siècle», Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], Revue électronique, 1700-1840 : Des femmes françaises et étrangères à leur écritoire. Autour des Archives d’Argenson, III. Autour de la variété orthographique au siècle des Lumières, mis à jour le : 20/10/2022, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=1129.

Quelques mots à propos de :  Manuel Bruña Cuevas

 

 

Professeur des universités, Departamento de Filología Francesa, Universidad de Sevilla.
Ma recherche actuelle est centrée sur l’histoire de la lexicographie bilingue français-espagnol et espagnol-français et, plus généralement, sur l’histoire de l’enseignement du français en Espagne.

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