Les correspondances des dames van Hogendorp (fin XVIIe-début XIXe siècles), une mine d’informations sur l’éducation des patriciennes néerlandaises

Par Madeleine van Strien-Chardonneau
Publication en ligne le 20 octobre 2022

Résumé

The correspondence of the Frisian aristocrat Carolina van Hogendorp, née Van Haren (1741-1812), and that of her daughter Annette (1766-1802) abound with information on the education of the Dutch upper classes, particularly its female members. The letters are mainly written in French and illustrate the prominent use of that language in Holland, which by the end of the eighteenth century was being encroached by German and English. They equally provide interesting material as to the quality of their command of written French.

La correspondance de l’aristocrate frisonne Carolina van Hogendorp née van Haren (1741-1812) et celle de sa fille Annette (1766-1802) sont riches en informations sur l’éducation des élites néerlandaises, dont celle des femmes de ce milieu. Rédigées pour leur plus grande partie en français, elles illustrent l’usage de cette langue en Hollande et l’évolution de son statut, concurrencé à la fin du XVIIIe siècle par l’allemand et l’anglais. Elles offrent également un matériau intéressant pour l’étude de la maîtrise du français écrit et des variations dans les usages orthographiques.

Mots-Clés

Texte intégral

Introduction

1Les lettres de Carolina van Hogendorp née van Haren (1741-1812) et de sa fille Anna dite Annette ou Antje (1766-1802) présentées dans cet article ne constituent qu’une infime partie des très riches archives Van Hogendorp soigneusement rassemblées et classées par le fils de Carolina, Gijsbert Karel van Hogendorp (1762-1834), le membre le plus illustre de cette famille, du fait du rôle important qu’il a joué, à partir de 1813, dans la vie politique du nouveau royaume des Pays-Bas1. Rédigées pour leur plus grande partie en français, elles offrent un exemple parmi d’autres de la pratique de cette langue par les élites néerlandaises. Présent depuis le XIVe siècle dans l’aire linguistique néerlandaise, le français voit sa position renforcée par l’afflux de réfugiés protestants francophones aux XVIe et XVIIe siècles. Langue du commerce international, de la diplomatie, de la République des lettres, le français acquiert progressivement le statut de langue de « distinction » dans les milieux du patriciat et de l’aristocratie qui l’utilisent en particulier dans leurs correspondances non seulement avec des non-néerlandophones mais aussi entre parents et amis (Frijhoff 2017 : 110 ; Van Strien-Chardonneau & Kok Escalle 2017 : 21-44).

2Les archives Van Hogendorp (non numérisées) conservent sur trois générations un grand nombre de documents personnels (outre les correspondances, des journaux de voyage, journaux intimes, mémoires, essais divers) rédigés en français. Ceux concernant Gijsbert Karel ont fait l’objet d’une édition en 7 volumes2 : les correspondances des femmes de la famille n’y ont été exploitées que sporadiquement et essentiellement dans ce qu’elles apprennent sur le « grand homme ». Or elles sont en elles-mêmes fort intéressantes par leurs témoignages sur la période, les détails concrets de la vie des élites, les relations entre époux, parents et enfants, les questions d’éducation, entre autres l’éducation des filles ainsi que par le niveau du français langue seconde qui y est utilisé.

3Le corpus utilisé ici (environ 400 lettres pour la plus grande partie inédites) se borne grosso modo aux années 1773-1784, période dans laquelle les échanges épistolaires sont particulièrement abondants : en effet l’aristocrate frisonne, Carolina Van Haren, qui a épousé en 1760 le patricien Willem van Hogendorp (1735-1784), doit à partir de 1773 élever seule ses six enfants, après le départ pour les Indes néerlandaises de son époux ; ce dernier, ruiné, comptait y refaire fortune, il périt en mer en 1784 sur le chemin du retour en Europe. Les deux fils aînés, Dirk et Gijsbert Karel partent en 1773 pour Berlin où ils passent huit ans à l’école militaire des cadets fondée par le père de Frédéric II en 1717. Le plus jeune, Fritz, est accueilli à Maastricht par l’une des sœurs de Carolina, elle-même a ses deux filles (Annette et Gertrude) et un fils (Willem) sous sa garde. Pour préserver les liens familiaux distendus par l’absence, Carolina ne cesse d’inciter ses enfants à correspondre entre eux, avec leur père ainsi qu’avec d’autres parents et relations. Elle-même entretient une correspondance intensive avec ses fils aînés. Ses lettres contiennent de très nombreuses remarques sur l’éducation de ses enfants, garçons et filles. Celles de sa fille Annette permettent de voir l’évolution d’une génération à l’autre, en particulier en ce qui concerne la pratique du néerlandais et des langues modernes autres que le français, ainsi que le rôle de mentor joué par Gijsbert Karel, impliqué très tôt par leur mère dans l’éducation de ses sœurs.

4En s’appuyant sur les lettres de ces trois épistoliers, il est possible d’esquisser un tableau, lacunaire sur certains points, de l’éducation reçue par les femmes des élites néerlandaises.

1. Carolina van Hogendorp-van Haren : pratiques d’autodidaxie

1.1. Éducation des filles

5Alors que les jeunes Néerlandaises de la bourgeoisie fréquentent le plus souvent les écoles « françaises », pour les jeunes filles de l’aristocratie et du patriciat, la formation se déroule essentiellement dans le cadre domestique (Van Strien-Chardonneau & Kok Escalle 2021 : 21-44). Même si on constate dans la seconde moitié du XVIIIe siècle une vogue grandissante des pensionnats français, c’est-à-dire où le français est langue d’enseignement et de communication, le recrutement de gouvernantes, de préférence francophones, reste la règle et il se poursuivra jusqu’au début du XXe siècle (Huisman 2000 : 179-199). La qualité de cet enseignement est variable et, pour des filles avides de savoir, souvent trop limitée, d’où le désir chez certaines de développer par d’autres moyens leurs connaissances et leur jugement. Ainsi l’écrivaine néerlandaise francophone Belle de Zuylen / Isabelle de Charrière (1740-1805), contemporaine de Carolina van Hogendorp-Van Haren, fait remarquer vers la fin de sa vie à une amie : « A onze ans Mes instructions ont fini, j’entens celles que j’ai receues » (lettre 1890, 9 février 1798), opposant implicitement ces « instructions » à celles qu’elle s’est données elle-même. Elle s’affirme ainsi – pour reprendre les termes de l’historien Willem Frijhoff, dans son étude sur les phénomènes d’autodidaxie, comme « le moteur principal ou la source essentielle de son savoir » (Frijhoff 1996 : 10).

6À la lecture des correspondances des dames van Hogendorp, on découvre une formation qui présente nombre d’analogies avec celle de Belle de Zuylen : l’éducation traditionnelle réservée aux filles et relativement brève est prolongée et complétée par des pratiques d’autodidaxie qui s’appuient sur un certain nombre de médiations, des personnes, par exemple des maîtres engagés pour l’éducation des garçons mais dont profitent aussi leurs sœurs, des parents ou amis qui jouent le rôle de mentors, et aussi des pratiques spécifiques, comme celle de la lecture partagée ou individuelle, et de l’écriture (extraits de lectures, anthologie de morceaux choisis, journaux personnels, de voyage et bien sûr lettres).

1.2. Carolina : une éducation négligée ?

7On a peu d’informations concrètes sur l’éducation que Carolina van Haren a pu recevoir dans son enfance, il a été suggéré que celle-ci avait dû être assez négligée (Verberne 1931 : 16). Elle-même confie à son fils Gijsbert Karel qui se prépare à rentrer en Hollande et lui demande de lui écrire en néerlandais car il veut « réapprendre » sa langue maternelle en partie oubliée à Berlin :

Je Ne puis Vous ecrire en Hollandois, je N’ai pas la tete aʃez bonne en Ce Moment, Pour aprendre Cette langue Comme il Convient a Un Hol :[Hollandais] qui voudroit etre employè, de la Savoir – Vous devrez pren=dre Un Maitre, et Vous donner beaucoup de peine pendant quelque tems – Pour Moi On Ne M’aprit les regles d’aucune langue, j’ecris en françois par routine, et en Hol : [hollandais] Je N’ai pas Seulement Cette routine, N’ayant ecrit en Cette langue que par Neces∫itè depuis l’ab∫ence de Votre Pere. (29 mars 1781)

8Cependant elle a grandi dans un milieu cultivé, son oncle Willem van Haren et son père Onno Zwier van Haren furent des hommes de lettres reconnus en leur temps. Ce dernier semble s’être quelque peu soucié de l’éducation de ses filles : Carolina évoque en effet le souvenir de son père s’efforçant de lui apprendre ainsi qu’à sa sœur aînée l’italien et l’anglais en leur faisant lire Le Tasse et Pope. Elle regrette d’avoir tout oublié de ces deux langues et comme pour la musique de n’avoir pas appris « ces choses assez a fond » (lettre à Gijsbert Karel, 18 janvier 1780).

9On remarque l’importance attachée à la connaissance des langues modernes et, même si Carolina reconnaît n’avoir pas retenu grand-chose des leçons paternelles, elle inculque à ses enfants cet intérêt pour les langues. Elle pratique aisément le français bien qu’elle n’en connaisse pas vraiment les règles et l’utilise pour la correspondance, pratique héritée de son milieu familial où il était courant de s’écrire en cette langue. On peut d’ailleurs noter sa meilleure connaissance du français écrit par rapport au néerlandais, nécessaire dans la correspondance plus « officielle », et donc mieux maîtrisé par les hommes appelés à exercer des fonctions publiques.

1.3. Une mère éducatrice et apprenante

10Le français est également langue de médiation3 permettant d’accéder par exemple aux auteurs allemands, entre autres Gellert et Gessner que Carolina lit en traduction française, ainsi qu’à la culture classique. Elle regrette d’ailleurs vivement de ne pas connaître le latin :

le Latin Comme Une Langue Mere, doit être Scuë de tout Ceux qui aiment l’etude Comme etant la Clé de tout ce qu’il ij a de Mieux en fait de Savoir, de Combien de beautez ne ∫e prive t’on pas en dedaignant Cette langue ! Si jamais Vos Sœurs ou du moins Anette prenoit envie de l’aprendre, je Vous jure que je Me Mettrois de la partie pour les encourager, et pour Mon propre plai∫ir. Mon cher Horace, que ne pui∫-je le lire en original ! allez Si vous n’aprennez le Latin, et que vous ne le Sachiez avant de Me revoir je Crois que je Vous renierai pour Mes Enfans (lettre à Dirk et Gijsbert Karel van Hogendorp, début mars 1775)

11Carolina met à profit les leçons que les maîtres viennent donner à domicile à ses enfants. Le souci d’assurer le mieux possible leur éducation est l’une des motivations essentielles qui l’incite à parfaire ses connaissances avec eux et pour eux ; avec ses deux fils aînés, élèves de l’école militaire de Berlin, cette interaction se fait par le biais des lectures partagées et commentées dans la correspondance. Son entourage lui était favorable : son mari Willem van Hogendorp se piquait de littérature, avait correspondu avec Diderot et s’intéressait lui aussi à l’éducation de ses enfants. Carolina s’était liée d’amitié avec Amalia von Schmettau (1748-1806), princesse de Golitsyn, dont le mari était ambassadeur de Russie à La Haye depuis 1770 : très cultivée, la princesse était passionnée par les questions d’éducation et s’occupa de très près de celle de ses enfants4. Cette passion, Carolina la partage et elle s’implique dans l’éducation des siens, par lettres pour les deux aînés, directement pour ceux restés au domicile familial. En voici un exemple :

Mes petits [Annette 9 ans, Gertrude 8 ans, Willem 10 ans] commencent joliment a de∫∫iner, ils prennent au∫∫i du gout pour la lecture, au∫∫i Sommes Nous toujours occupéz, Vous Vous rapellerez encore le degout que j’ai contre l’oi∫iveté, J’ai beaucoup de peine avec Willem qui est d’un naturel fort pare∫∫eux. par exemple pour le faire Sortir du lit, pour le faire depecher a S’habiller &c. pour aprendre ∫es leçons, pour achever ∫es écritures traductions &c. Sa Sœur Anette e∫t toujours plus prompte que lui (lettre à Gijsbert-Karel , 7 février 1775)5.

12C’est elle qui s’occupe de recruter les maîtres divers (écriture, français, géographie, histoire, anglais, allemand, géométrie, religion, danse, dessin) nécessaires à l’éducation d’Annette, de Gertrude et de Willem ; elle assiste parfois aux leçons pour en surveiller le déroulement, et ce faisant, compte bien s’instruire elle-même. Un exemple parmi d’autres : Carolina a réussi à vendre un lit et avec cet argent elle peut engager un nouveau maître : « il S’appelle Mr de Croyssi, […] il Nous en∫eignera le françois dans les regles, et apres Cela la religion Un peu de Geographie et d’hi∫toire par des lectures que Ns [nous] ferons en famille » (29 mars 1774).

13Il semble bien que ce soit la pratique de la lecture qui constitue le principal facteur de sa formation, lecture individuelle ou partagée soit de vive voix, soit par l’échange épistolaire avec ses deux aînés, Gijsbert Karel en particulier à qui elle conseille bon nombre d’ouvrages ; à son tour elle s’instruit en suivant les travaux et les lectures de son fils, comme on peut le voir dans ce passage :

Je Vous prie Mon Cher Enfant de Vous rappeller Votre prome∫∫e en M’envoyant Votre extrait de l’hi∫toire grecque quant il Sera prêt, Je pourroi peut-etre en faire U∫age pour Vos Sœurs. Je Suis charmée de Voir que Votre gout Soit tombé la de∫∫us, L’hi∫toire des grands Hommes que la Grece a produite M’a toujours parue on Ne peut pas plus intere∫∫ante, J’ai quelque fois Souhaité d’être homme pour M’egaller à quelques-un d’eux, Mais j’ai en∫uite trouvé qu’il y avoit tout au∫∫i bien eu des femmes Spartiates ou autres que je pouvois prendre pour Modele. Jamais Mon Cher Enfant Vous Ne pourrez Me faire de plus grand plai∫ir qu’en M’envoyant des extraits de Vos etudes. Je Vous prie tres Serieusement de ra∫∫embler pour Moi toutes Vos traductions de Cornelius Nepos. Je Me fais Un plai∫ir de les lire et de les envoyer apres à Votre cher Père. (31 août 1776)

14Ce passage est intéressant à plus d’un titre, en ce qu’il informe sur son vif intérêt pour les auteurs anciens, réservoir d’exempla, son désir de se cultiver, également ses préoccupations d’éducatrice à la recherche d’exercices pour ses filles et son souci constant de renforcer le lien familial en impliquant le père absent dans l’éducation de leurs enfants.

15Carolina cite nombre de livres dans sa correspondance des années 1773-1781, une bonne trentaine de titres, sans compter les grammaires et dictionnaires français et hollandais. Ces titres révèlent à la fois ses objectifs éducatifs et ses goûts personnels. Des ouvrages à portée pédagogique sont recommandés à plusieurs reprises, avec parfois des passages recopiés joints à ses lettres6 : les Contes moraux de Marmontel, Les Avis d’une mère à sa fille et à son fils de Mme de Lambert, le Télémaque de Fénelon, L’Instruction d’un père à son fils qui part pour l’Université de Gellert : elle apprécie particulièrement ce dernier ouvrage, car elle le recommande non seulement à Gijsbert Karel, mais en fait aussi copier des passages à sa fille Annette7.

16Il se pourrait que Carolina se soit inspirée de certaines idées d’Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles, Marquise de Lambert, car, à son instar, elle apprécie Fénelon, n’est pas opposée à ce que les filles apprennent le latin (son « désir » de latin est même très vif), insiste sur la nécessité de bien parler et écrire sa langue maternelle mais attache plus d’importance que la marquise à la connaissance des langues étrangères. Elle partage son goût pour l’« l’histoire grecque et romaine, qui nourrit le courage par les grandes actions qu’on y voit » ainsi que pour la culture antique et adhère à son principe : « il n’est pas permis d’ignorer l’histoire de son pays » (Buisson 1911 : notice Lambert). Carolina insiste beaucoup sur ce point et recommande à maintes reprises des ouvrages sur le sujet.

17On constate d’ailleurs la place prééminente donnée à l’histoire8 parmi les titres cités, que ce soit l’histoire universelle – par exemple le Discours sur l’Histoire Universelle écrit en 1681 par Bossuet à l’intention du Dauphin de France et qualifié de « livre admirable » (lettre du 16 août 1774), l’histoire moderne (Histoire de Charles-Quint, les Mémoires pour servir à l’histoire de la Maison de Brandebourg (Fréderic II, 1751), l’Histoire d’Angleterre de David Hume, l’Histoire d’Écosse de William Robertson ou l’histoire nationale (ainsi une histoire de la République de 1555 à 1713 en néerlandais9, un poème sur le siège de Leiden par les Espagnols, une biographie de Hugo de Groot). Plus tard en 1782, c’est Gijsbert Karel qui, en lui exposant son propre plan d’étude, lui suggère à son tour d’autres lectures : celles de Wagenaar, célèbre historien néerlandais, et divers Mémoires historiques.

18Comme on l’a déjà signalé, la culture antique l’intéresse vivement. Elle y accède par le biais des traductions en français, lit les historiens (Tacite, Suétone, Cornelius Nepos) et peut satisfaire son goût pour les grands hommes grâce aux Vies des Hommes illustres de Plutarque (26 juin 1775)10. À propos des Pensées de Cicéron, elle écrit : « quand je Saurai que Vous avez Ce dernier livre, et que Vous le li∫ez, Je Vous Citerai quelques pa∫∫ages qui Me frappent chaque fois que je les lis. » (19 février 1776). Elle apprécie Ovide et surtout son cher Horace dont elle lit et relit les Épîtres, Odes et Satires. En ce qui concerne la littérature moderne, on note l’intérêt pour la littérature allemande (en traduction française : Gessner, la mort d’Abel). On repère aussi dans cette correspondance quelques titres de romans entre autres de Fielding (Joseph Andrews), de Richardson (Clarisse Harlowe), mais assez peu, car ce ne sont pas des lectures recommandées par les pédagogues. De même on ne trouve que deux mentions d’auteurs dramatiques, Racine et Diderot (en sa qualité d’auteur du Père de famille, 1758). Cependant on peut aussi inclure le théâtre dans cette formation : les dames van Hogendorp fréquentent très régulièrement le théâtre français de La Haye ou des représentations privées (par exemple à l’Ambassade de France)11. Si le théâtre constitue un divertissement et un instrument de socialisation, c’est aussi un bon moyen de perfectionnement de la langue française.

2.Annette van Hogendorp : une éducation domestique

2.1. Maîtres et lectures

19Alors qu’il était habituel dans les familles appartenant aux élites d’avoir un gouverneur pour les fils, une gouvernante pour les filles, on n’en trouve aucune trace dans la correspondance des années 1773-1784, mais à cette époque, les Van Hogendorp ayant connu des revers de fortune, il ne leur était guère possible de s’offrir les services d’un gouverneur ou d’une gouvernante à demeure. Lorsque le père part en 1773 pour les Indes néerlandaises, c’est Carolina qui endosse le rôle de gouvernante ou plutôt de « gouverneur » 12, car elle supervise les études de ses fils aussi bien que celles de ses filles, tout en s’estimant plus compétente pour l’éducation de ces dernières. Ainsi lorsque son fils Willem est placé en pension en avril 1775, elle écrit à Gijsbert Karel :

Vous Savez par experience Mon Cher Charle, que j’ai toujours regardé l’education de Mes Enfans Comme Un point Capital pour Moi auquel j’ai tout raporté. Apresent Vos deux Sœurs Vont faire toute Mon occupation, Mes trois garçons M’ont donné bien de la peine ! le Soin des filles e∫t plus Selon Mon genie au∫∫i Ne Veux-je M’en remettre a per∫onne. Je l’ai dejà commence et Compte le continuer de Ne jamais ∫ortir ∫ans Elles. Nous Serons les in∫eparables (17 avril 1775).

20Si Carolina se charge de l’éducation de ses filles, elle a aussi recours à des maîtres : après le départ de Willem, elle continue à en recruter pour elles, parfois non sans mal car elle dispose de moyens réduits ; aussi déplore-t-elle « la privation ou je Me Vois reduite de Ne pouvoir donner les Maitres que je de∫irerois a Vos Sœurs » (lettre 19 mai 1776). Mais elle y réussira : Annette fait allusion en 1780 à des leçons de religion13 et l’année suivante - elle a alors près de 15 ans - elle se réjouit à l’idée que dans deux ans elle n’aura plus de maîtres, non qu’elle ne désire plus étudier, bien au contraire, mais parce qu’elle pourra organiser elle-même son emploi du temps14.

21Qu’a-t-elle appris entre temps ? D’abord les connaissances élémentaires incluant lecture, écriture, calcul, des notions d’histoire et de géographie, la morale, la religion. On note l’importance accordée à l’écriture, c’est-à-dire à une « belle main » ; ainsi en 1776, Carolina envoie à Gijsbert Karel, à qui elle reproche son écriture peu lisible, la copie d’une de ses lettres faite par sa sœur Annette, nettement plus appliquée.

22Le français occupe, comme il va de soi, une place importante dans cette formation ; il est parlé dans le cadre domestique à titre de seconde langue, peut-être à des moments choisis car Gijsbert Karel se rappelle que sa mère lui parlait aussi hollandais à la maison. Un autre témoignage de la part d’Annette laisse présumer que l’on pratique en effet les deux langues : quand son frère lui demande si elle parle davantage français que hollandais, elle répond qu’en présence des domestiques on parle français si on ne veut pas qu’ils comprennent la conversation, autrement elle ne se rappelle pas quelle est la langue qui est la plus parlée, ce qui semble indiquer qu’on les emploie toutes les deux quotidiennement (v. 1780).

23Le français est aussi pratiqué à l’extérieur avec si possible des francophones, mais aussi avec des parents, des amis, d’autres enfants : les enfants de la princesse Golitsyn viennent jouer avec les enfants Van Hogendorp, ils parlent bien français, mais avec la petite Gertrude « encore embarrassée »15 pour parler français (elle a alors 6 ans), ils passent au néerlandais. Carolina a aussi conscience qu’il est nécessaire de bien connaître les règles de grammaire et l’orthographe, ce qui n’est pas son cas, et pour ce faire, on l’a vu, engage un maître. Elle fait travailler ses enfants ; elle leur donne à recopier des passages de leurs lectures, leur fait rédiger des extraits de ces mêmes lectures, écrire des lettres. Elle leur donne aussi des exercices qui combinent différentes matières, par exemple l’histoire et l’apprentissage des langues : « Willem et Anette [elle a 8 ans] Copient L’abregè de L’Hi∫toire de la Patrie en Hollandois et L’apprennent par Cœur en françois » (14 février 1774).

24Il semble qu’Annette se soit mise de bonne heure à l’allemand car déjà en 1775 Carolina demande à Gijsbert Karel : « Comment trouvez Vous les efforts que fait Anette  Elle a fait l’impos=∫ible pour Vous ecrire Cette lettre en Allemand et Cela dans le Seul e∫poir que Cela Vous engagera a lui repondre un petit mot » (11 décembre 1775). La famille a apparemment l’occasion d’apprendre des rudiments d’allemand avec un certain sergent Nater, peut-être un domestique au service des Golitsyn (lettre 19 mars 1776). On met également les amis et les membres de la famille, comme la tante Aemilia, sœur de Carolina, à contribution pour la pratique épistolaire et pour les conseils en matière de lecture en cette langue. Plus tard, Annette aura un maître « officiel »16 mais c’est surtout au moment du mentorat de Gijsbert Karel qui a étudié très sérieusement la langue et la littérature allemandes à Berlin que l’on trouve le plus de traces de ses travaux en cette langue.

25Il en est un peu de même pour la géométrie, matière qui lui plaît mais qu’elle a pratiquée de façon discontinue et qu’en 1780 elle espère pouvoir reprendre :

Nous avons commences Gertrude et moi un Coursde Géométrie auprès de notre Maître, cette Science m’a toujours amusée, je dis toujours par ce que j’ai déja ∫ouvent commencé à l’apprendre et que tantôt la mort d’un Maître tantôt le depart de l’autre, m’a empechée de la continuer (Lettre à Gijsbert Karel, octobre 1780).

26Comme pour l’allemand, c’est sous la houlette de son frère qu’elle développera ses connaissances dans cette discipline.

27On conserve également une liste de livres appartenant aux deux sœurs et datant approximativement de 1780, qui donne une idée de leurs champs d’intérêts : elles ont alors respectivement 14 et 13 ans. Cette liste propose un programme de lectures variées où dominent les lectures pédagogiques, le petit Grandisson de Mme de Cambon-van der Werken (sans doute dans la traduction française de Berquin), les Conversations d’Emilie de Mme d’Épinay, des Dialogues entre une mère et une fille (probablement de la Marquise de Lambert) et surtout Mme Leprince de Beaumont (pas moins de 6 titres)17. On y trouve aussi des auteurs classiques français, Boileau, Racine (ses tragédies, La Religion), latins (Virgile, Les Géorgiques, Cicéron, Pensées) et grecs (Homère, l’Iliade) ; parmi les auteurs contemporains, le poète Jean-François de Saint Lambert (1716-1803) (Les Saisons) et Voltaire (Zaïre et La Henriade). Bibles et psautiers sont présents ainsi que des ouvrages de morale comme L’homme conduit par la raison (Paris, Pichot, 1770). Pour la pratique des langues, sont cités sans références précises grammaires, dictionnaires français-hollandais, un manuel épistolaire ; on note l’intérêt pour l’allemand avec la mention (outre grammaires et dictionnaires) de six titres allemands (entre autres les Leçons morales et les Fables de Gellert) destinés à Annette. On remarque aussi dans cette liste le roman de Samuel Richardson, Clarissa Harlowe (1748). Annette le cite également dans une lettre (6 août 1780) à son frère, comme une lecture distrayante à côté d’ouvrages beaucoup plus sérieux : La Vérité de la religion chrétienne (De veritate religionis christianae, 1627), de Grotius, les historiens René-Hubert Vertot (1655-1735) (Histoire des révolutions de la république romaine) et Claude-Xavier Millot (1726-1785). Gijsbert Karel lui répond :

Je me suis fort rejouï de voir que Vous êtes a∫∫ez Solide pour gouter un livre aus∫i Serieux que doit l’être Vertot (que je ne connais pas) S’il raisonne sur cette matiere philosophiquement, – et que nôtre Chere Mere croit déja Vôtre cœur et Vôtre esprit as∫ez murs, pour Vous donner Claris∫e… (14 août 1780)

28Sans que la lecture de romans soit bannie, histoire et religion sont des sujets pour lesquels Annette va manifester un fort intérêt dans les années ultérieures.

2.2. Mentorat de Gijsbert Karel

29Si Carolina continue encore à donner des maîtres à ses filles, à partir des années 1780, leur formation sera approfondie grâce au mentorat exercé par leur frère, Gijsbert Karel. Ceci vaut d’ailleurs essentiellement pour Annette beaucoup plus attirée par l’étude que sa sœur ; elle va instaurer un lien très fort avec ce frère qui va la guider spécialement dans les matières suivantes, mathématiques, histoire, allemand et latin.

30C’est à l’instigation de sa mère que Gijsbert Karel va endosser ce rôle de mentor. Carolina l’associe très tôt à sa tâche d’éducatrice puisqu’en 1773 (il a 11 ans) elle lui demande son opinion sur une lettre d’Annette, âgée alors de 7 ans. Il répond doctement:

Je trouve que Annette fait a∫∫ez bien Ses Lettres, mais pour l’arrangement de Ses mots, et pour ce qu’elle dit on voit que c’e∫t encore un enfant ; cependant si sous votre gouvernement elle avance bientôt, comme j’espere et comme je crois, ça me sera un grand plaisir de pouvoir lui ecrire des lettres semblables [?], et de recevoir au∫∫i de telles repon∫e∫. » (août 1773).

31C’est à un âge plus avancé qu’il va prendre ce rôle de mentor au sérieux. En 1781, lorsque sa carrière commence à se préciser, Carolina se réjouit à l’idée du retour prochain de son fils au bercail :

Je Me repre∫ente avec plai∫ir, Combien Vous pourrez Vous procurer d’occupations entre Vous autres freres et ∫œurs quand Un Jour Vous Serez ensembles, etude des langues, de∫∫ein, peinture, Mathematiques et puis pour ∫e di∫traire apres avoir bien travaillé que de Choses a ∫e dire, que de que∫tions reciproques […] l’heureux e∫poir d’un pareil tems me rejouit deja, que Sera-ce quand j’en Jouirai ! (Lettre à Gijsbert Karel, 18 janvier 1781)

32Une fois rentré en Hollande, Gijsbert Karel s’occupe en effet de l’éducation de ses sœurs et c’est surtout avec Annette qu’il exerce ses talents pédagogiques, dont il ne doute pas, comme on peut le voir dans ce passage :

Voici le billet pour Annette que Vous m’avez demandé ma chere Mere. Je lui parle en grande partie de la façon d’étudier le Second livre d’Euclide. Voilà ce qu’un Mr. La Faille n’en∫eigne pas, voilà en quoi mes Sœurs Sont plus heureuses que Willem. Un Maitre ordinaire, et tels Sont presque tous les mercenaires, ne Savent jamais coment on apprend, ils ne Savent que ce qu’on apprend. Pour moi, il m’est impos∫ible de me contenter de la Science, je dois connaitre un rapport plus intime qu’elle a à moi, c’est alors que je la retiens par ce que je me l’incorpore. Or come j’ai remarqué as∫ez de conformité entre la façon de voir et de Sentir d’Antje et de moi, je crois qu’elle concevra toujours plus clairement ce que moi je prens à tache de lui faire concevoir. (après le 14 mars 1782)

33Annette avait quelques années plus tôt manifesté son intérêt pour la géométrie, elle en fait remarquer, sans doute pour se justifier de son goût prononcé pour l’étude, l’utilité dans la vie pratique : « Depuis que le théorème d’Euclide sur l’hypoténuse m’a bien rendu service quand je cousais des mouchoirs, j’ai été encore plus qu’auparavant convaincue qu’une femme peut remplir ses devoirs mieux ou du moins plus facilement à proportion de son instruction et de ses connaissances »18.

34Quant à l’histoire, elle en avait déjà commencé l’étude par de solides lectures. Son frère la guide et, renouant en quelque sorte avec la tradition familiale, lorsque sa mère désirait utiliser ses extraits de l’histoire grecque pour ses jeunes sœurs, il utilise ses propres travaux pour instruire Annette :

Mais l’histoire de la patrie, isolée, je ne pourrais que difficilement la retenir, et encore me serait-elle de peu d’utilité. Il faut donc la lier à l’histoire générale, et à cet effet je veux lire Robertson et en faire ma principale lecture jusqu’à ce qu’il m’ait amené à son héros. En même temps je parcourrai mon extrait et formerai de cette double lecture un exposé succinct d’après lequel je mettrai Annette un peu au fait de l’histoire moderne, rapportée en grande partie à l’histoire de la patrie. (Plan d’études, 11 juin 1782)19.

35On n’a pas de réaction directe à ce projet de Gijsbert Karel mais, dans une lettre du 22 septembre 1784, Annette l’informe qu’elle lit avec plaisir « dans Maria de Robertson20 » avec sa mère. À la différence de son frère qui s’intéresse à l’histoire des nations, elle est surtout séduite par les biographies des individus, ressemblant sans doute en cela à Carolina, admiratrice des héros et héroïnes antiques. L’année suivante, après avoir assisté à une représentation de la tragédie de Thomas Corneille, Le Comte d’Essex, dont elle commente la représentation et le jeu des acteurs, elle se réjouit d’avoir lu l’Histoire d’Écosse, qui lui a ainsi permis de mieux comprendre et apprécier la pièce21.

2.3. Passion pour les langues

36Sa passion dominante est celle pour les langues. En ce qui concerne le français, l’approfondissement de ses connaissances se fait par les nombreuses lectures déjà citées, la pratique d’en faire des extraits, la correspondance dans laquelle elle se livre volontiers à l’introspection22 ; outre ses lettres, on conserve également de sa main deux journaux de voyage en français23.

37Son goût pour les langues étrangères ne lui fait pas négliger le néerlandais ; on n’a que peu d’informations sur la façon dont elle l’a appris (à part ici et là la mention de grammaires et quelques allusions à un maître de néerlandais). Mais c’est elle – bien plus que sa mère, moins compétente en la matière – qui corrige les lettres en néerlandais de Gijsbert Karel lorsqu’il est devenu évident qu’il fera sa carrière en Hollande et qu’il lui faut se « renationaliser » et donc réapprendre sa langue maternelle. Lui, de son côté, corrige ses lettres en allemand ; la correspondance entre frère et sœur dans les années 1780-1783 se poursuit encore en français mais avec de nombreux billets en néerlandais et allemand comportant les corrections réciproques dans les marges. Gijsbert Karel complète ses leçons par des exercices de traduction, dont certains ont été conservés24, lui conseille des lectures ; à une question que lui pose son frère (v.1780, en néerlandais) : « quelle langue préfères-tu des trois que tu connais ? », elle répond : « je trouve le haut-allemand la plus riche, et j’ai lu beaucoup de beaux livres en cette langue et jusqu’à présent, c’est pour moi la meilleure ».

38Bon pédagogue, il ne manque pas de l’encourager. Annette s’en réjouit : « Mon cher Charles ! Vous m’avez fait beaucoup de plaisir en me disant dans votre dernière Lettre que j’avois fait des progrés en Allemand, et je voudrois que vous me le disiez, ou plutôt que je méritas∫e, ∫ouvent cet éloge » (février 1781). Passionnée par les langues, dès qu’elle en apprend une nouvelle, elle se met à lire des ouvrages dans la langue originale et s’entraîne à l’écrire. Lorsque Gijsbert Karel part pour l’Amérique en 1783-1784, elle se met à l’anglais mais cette langue lui est plus difficile que l’allemand et elle ne semble pas en avoir poursuivi l’étude25.

39On a vu que Carolina regrettait vivement de ne pas connaître le latin et qu’elle était favorable à l’idée que ses filles l’apprennent. Alors que les jeunes gens qui se destinaient à une carrière civile étaient censés maîtriser le latin, cette langue ne faisait pas partie du curriculum des jeunes filles. Annette s’y met cependant, apparemment vers 1783-1784, et c’est son frère qui, là aussi, va la guider dans son apprentissage, comme on peut le voir dans des exercices, non datés, mais conservés avec les lettres de 1783-1784 : diverses traductions, entre autres des Métamorphoses d’Ovide et en marge les corrections de Gijsbert Karel et ses réponses à la liste de questions d’Annette sur les problèmes qu’elle n’a pu résoudre. Elle ne désire pas se vanter de cette étude car il n’est pas de bon ton pour une jeune fille de son milieu de s’y livrer, aussi trouve-t-elle gênant que sa mère en ait parlé à un ami venu leur rendre visite ; heureusement ce dernier a promis de n’en parler à personne, même pas à ses parents26.

40Annette est morte jeune et, dans les lettres écrites dans la dernière période de sa courte vie à son frère préféré, elle ne parle guère d’elle-même ; la correspondance est centrée sur les nouvelles familiales. Dans l’un des rares articles qui lui ont été consacrés (Rogier 1974 : 197-221), on la dépeint comme une représentante caractéristique de son époque, à la fois femme savante des Lumières et héroïne préromantique. Cette sensibilité préromantique se manifeste surtout dans le journal de son voyage à Bonn en 1792, sa soif de connaissances et son goût indéniable pour l’étude ressortent de sa correspondance ; elle-même le reconnaît pleinement dans une lettre (en néerlandais) à Gijsbert Karel, mais elle y exprime aussi sa crainte que cette passion l’éloigne du « droit chemin », en l’occurrence du rôle qui lui est assigné par sa condition de femme et qu’elle ne songe pas à remettre en question. « Je crois en général », écrit-elle, « qu’une femme doit être chez elle vertueuse, sensée et raisonnable pour obtenir l’estime et l’amour de sa famille et maintenir tout en bon ordre ; et en compagnie, être modeste, gaie et aimable pour là aussi se faire aimer » (6 octobre 1784). Peut-être songe-t-elle à l’exemple donné par sa mère.

Conclusion

41Pour compléter cet aperçu, il faudrait utiliser également les lettres échangées entre Carolina et son amie la princesse Golitsyn ainsi qu’avec sa protectrice la princesse d’Orange, Wilhelmine de Prusse, férues elles-aussi des questions d’éducation. D’une part, les lettres postérieures à 1784, aussi bien celles de Carolina que d’Annette et d’autres femmes de la famille, par exemple Hester Clifford (1766-1826), épouse de Gijsbert Karel permettent de voir, parallèlement à la revalorisation du néerlandais, l’évolution du statut du français qui, de langue seconde, devient, à côté de l’allemand et de l’anglais, langue étrangère (Frijhoff 2013 : 41-42), mais conserve encore une place privilégiée, entre autres comme la langue des journaux personnels et des échanges épistolaires (par exemple ceux de Gijsbert Karel et de sa fille Hester (1791-1853). D’autre part ces lettres offrent un matériau intéressant pour l’étude de la maîtrise du français écrit et des variations dans les pratiques orthographiques.

Bibliographie

Sources inédites

NA (Nationaal Archief), Archives Nationales, La Haye, NA, 2.21.006.49, Collection G.K. van Hogendorp; NA, 2.21.006.49, no 172, Van Hogendorp, Anna C.W., [Journal], 1787 ; NA, 2.21.006.49, no 173, Van Hogendorp, A. C.W., Journal d’un Voyage de la Haye jusqu’à Bonn et de retour en l’Añée 1792.


Sources publiées et études

Buisson, F., 1911, Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, notice Lambert (madame de), 1686-1733, consulté le 20-08-2020. URL : inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/ 

Charrière, I. de, 1979-1984, Œuvres complètes, Candaux, J.-D., Courtney, C.P. & al.(eds.), Amsterdam, G.A. van Oorschot, 10 vol.

Frijhoff,, W., 1996, « Autodidaxies, XVIe-XIXe siècles. Jalons pour la construction d’un objet historique », Histoire de l’éducation, 70, p. 5-27.

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Huisman, G., 2000, Tussen salon en souterrain. Gouvernantes in Nederland, 1800-1940, Amsterdam, Uitgeverij Bert Bakker.

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Verberne, L., 1931, Gijsbert Karel’s leerjaren, Amsterdam, H.J. Paris.

Notes

1 Ces correspondances se trouvent avec les documents relatifs aux Van Hogendorp aux Archives Nationales à La Haye, voir bibliographie en fin d’article.

2 Voir bibliographie en fin d’article.

3 À ce propos, Frijhoff (2017: 119) souligne la fonction émancipatrice du français qui permet aux filles d’accéder au monde de la culture et de la science.

4 À l’âge de 24 ans (en 1772), Amalia von Schmettau se retire de la vie mondaine pour se consacrer à l’éducation de ses enfants et aidée par le philosophe Frans Hemsterhuis, elle étudie les mathématiques, la philosophie, les lettres classiques.

5 Voir aussi lettre du 19 mars 1776 : « d’ailleurs je suis Son repetiteur [de Willem] pour Ses leçons ».

6 Lettre à Gijsbert Karel, 19 août 1776 : « J’ai lu dans Un tres bon livre nommè la Morale Universelle, Un passage que j’ai tran∫crit, voyez Si Ce N’e∫t pas comme je l’appelle le tableau de l’education que vous etes a Meme de recevoir ? ».

7 Lettre à Gijsbert Karel du 4 février 1775.

8 L’étude de l’histoire est selon Rollin « la plus propre à orner l’esprit des jeunes demoiselles, et même à leur former le cœur » (cité dans Pellegrin 2003 : 119).

9 Verklaring van het Republiek, de gansche Historie van ons landt inbegrepen sedert de overgave van deze land van Carel de Vijfde aan Philippus de Tweede in 1555 tot aan de Vrede van Utrecht (1713) (lettre du 26 novembre 1774).

10 Elle recommande à Gijsbert Karel La vie de Coriolan : « Je l’ai lue Un de Ces jours pa∫∫é avec Une extreme Satisfaction », mais aussi l’Éloge de Marc-Aurèle (1775), œuvre toute récente d’un auteur contemporain, Antoine-Léonard Thomas (1732-1785), critique littéraire et académicien français, renommé pour sa grande éloquence.

11 Voici quelques titres de pièces que les dames Van Hogendorp ont vues à La Haye : La feinte par amour de Dorat, La Fausse Agnès de Philippe Néricault Destouches, Le marchand de Smyrne, de Chamfort, La veuve du Malabar d’Antoine Marin Lemierre.

12 À titre de comparaison, Belle de Zuylen confie à Constant d’Hermenches : « je hais les gouverneurs, me laissera-t’on en tenir lieu a mes fils ? Me laissera t’on tacher d’en faire des hommes heureux, des citoyens utiles ? » (O.C., vol.1, lettre 131, 26 août 1764 : 278).

13 Lettre du 6 août 1780 d’Annette à Gijsbert Karel: elle évoque un maître puis un ministre, le célèbre M. de La Saussaye (« il a été en Angleterre, et à Rotterdam comme Pasteur ») que sa mère a contacté « afin de lui parler sur les in∫tructions qu’il nous donnera ».

14 Lettre (en néerlandais) à Gijsbert Karel, 17 février 1781, p. 2.

15 Lettre de Carolina à Dirk et Gijsbert Karel, 5/6 septembre 1773.

16 « Voila Vos sœurs avec Un Maitre Allemand que Je leur ai donné pour perfectionner Un peu les In∫tructions que le bon vieux Serjant Nater leur donne. Ce Maitre S’étonne du plai∫ir qu’elles trouvent a Sa Leçon et aux Lectures Serieuses qu’elles font. » (Lettre de Carolina à Gijsbert Karel, 16-18 décembre 1780).

17 Sur la fortune de Marie Leprince de Beaumont aux Pays-Bas, voir Alicia C. Montoya (2018 : 207, 221). Les Magasins figurent parmi les titres les plus souvent utilisés dans l’apprentissage du français aux Pays-Bas (Kok Escalle 2013 : 225).

18 Lettre du 6 octobre 1784 à Gijsbert Karel, en néerlandais. Ma traduction, ainsi que pour toutes les citations ultérieures traduites du néerlandais.

19 Brieven en Gedenkschriften…, vol. 1: 228.

20 William Robertson (1721-1793), The History of Schotland, During the Reigns of Queen Mary and of King James VI (1759). Carolina et Annette le lisent probablement en traduction française (Histoire d’Écosse sous Marie et Jacques VI, 1764).

21 Lettre (en néerlandais) du 17 juin 1785.

22 Voir par exemple la lettre du 6 août 1780 à Gijsbert Karel.

23 Voir bibliographie en fin d’article.

24 Par exemple la traduction du français en allemand d’un passage extrait de l’Histoire ancienne des Égyptiens de Charles Rollin (1748), sur Cléobis et Biton, les jumeaux d’Argos, modèles de l’amitié fraternelle (v. 1780). 

25 Lettre (en néerlandais) du 22 février 1786 à Gijsbert Karel: « Je crois mon cher Charles que je dois maintenant cesser de vous écrire en anglais car cela m’est trop difficile et risque de vous ennuyer ».

26 Lettre (en néerlandais) du 17 septembre 1783.

Pour citer ce document

Par Madeleine van Strien-Chardonneau, «Les correspondances des dames van Hogendorp (fin XVIIe-début XIXe siècles), une mine d’informations sur l’éducation des patriciennes néerlandaises», Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], Revue électronique, 1700-1840 : Des femmes françaises et étrangères à leur écritoire. Autour des Archives d’Argenson, IV. Enquêtes de terrain, mis à jour le : 20/10/2022, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=1172.

Quelques mots à propos de :  Madeleine van Strien-Chardonneau

 

 

Université de Leyde, LUCAS (Leiden University Centre for the Arts in Society)
Madeleine van Strien-Chardonneau est maître de conférences de langue et cultures françaises (retraitée) et membre associé du Leiden University Centre for the Arts in Society. Ses recherches portent sur les récits de voyageurs français en Hollande (XVIIIe-XIXe s.), l’histoire de l’enseignement du français en Hollande (XVIe – XIXe s.), les écrits personnels en français de Néerlandais, dont Isabelle de Ch

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