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La correspondance de la comtesse d’Albany et sa graphie (1774-1823)
Par Francesca Piselli
Publication en ligne le 20 octobre 2022
Résumé
Épistolière infatigable et polyglotte, salonnière brillante et cultivée, Louise de Stolberg Gedern, comtesse d’Albany (1752-1824), choisit le français comme lingua franca et langue seconde pour correspondre avec l’élite européenne. Le présent article a pour objet d’étudier la graphie de ses lettres qui reflètent les traits et les usages à une période cruciale pour l’élaboration et la fixation de l’orthographe. Il s’interroge également sur la manière dont les changements en cours au XVIIIe siècle affectent la graphie de Madame d’Albany. Pour ce faire, un aperçu succinct du corpus informatisé sur lequel se fonde cette étude est d’abord donné. Ensuite, des remarques sur l’accès à l’écrit de cette dame cosmopolite, sur ses acquis en matière d’orthographe et sur ses idées concernant l’apprentissage et l’enseignement de l’orthographe du français sont avancées. Après, les caractéristiques principales de sa graphie et ses particularités sont passées au crible en focalisant l’attention sur les variantes, les évolutions et les flottements observables au fil des années. Enfin, dans la conclusion, on revient sur le questionnement initial, ainsi que sur les résultats de l’analyse, et des pistes de réflexion sont proposées.
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Table des matières
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La correspondance de la comtesse d’Albany et sa graphie (1774-1823) (version PDF) (application/pdf – 799k)
Texte intégral
Introduction
1Cultivée, cosmopolite et polyglotte, Louise de Stolberg Gedern, comtesse d’Albany (Mons 1752 - Florence 1824) fut une salonnière brillante et une épistolière assidue qui choisit le français comme langue seconde et langue de communication. La présente contribution s’intéresse à sa riche correspondance et se propose d’en examiner les caractéristiques et les particularités orthographiques, ou plus précisément graphiques1, qui s’avèrent particulièrement propices à l’étude du large éventail des graphies à une période cruciale pour l’élaboration et la fixation de l’orthographe, celle comprise entre les années 1740 et les premières décennies du XIXe siècle2. Les questions liminaires que nous nous posons sont les suivantes : quelles sont les caractéristiques principales et les particularités de la graphie de la comtesse d’Albany ? Quelles sont les variantes graphiques à relever ? Les changements en cours au XVIIIe siècle affectent-ils sa graphie ? Quelles évolutions sont à remarquer au fil des années dans les lettres de Mme d’Albany ? Les traités sur l’orthographe qui découlent des différentes théories en présence, notamment au XVIIIe siècle, influencent-ils la pratique de la comtesse d’Albany ? Des pulsions normatives se font-elles jour dans ses lettres et l’idée de standard commence-t-elle à prendre le pas sur les habitudes d’usage de Mme d’Albany ?
2Pour mener à bien cette étude, nous avons constitué un corpus informatisé rassemblant des autographes qui s’étalent sur 49 ans, de 1774 à 1823. Nous donnons, en premier lieu, un aperçu succinct de la correspondance de la comtesse d’Albany et de ce corpus (composition, critères de transcription adoptés et particularités formelles des autographes). En second lieu, nous nous attardons sur l’accès à l’écrit de Mme d’Albany, sur ses acquis en matière d’orthographe et sur ses idées concernant l’apprentissage et l’enseignement de l’orthographe du français. En troisième lieu, nous envisageons d’explorer sa graphie, ses particularités et ses habitudes graphiques en nous penchant également sur les évolutions et les variantes observables dans le corpus. Enfin, dans la conclusion, nous revenons sur le questionnement initial, ainsi que sur les résultats de l’analyse, et des pistes de réflexion sont proposées.
1. La comtesse d’Albany et sa correspondance. Aperçu du corpus
3L’écriture épistolaire est au cœur des occupations quotidiennes de la comtesse d’Albany3, femme brillante, issue d’une famille d’origine allemande, éduquée au couvent, plus tard reine in partibus par son mariage avec Charles-Édouard Stuart (1720-1788), le Prétendant au trône d’Angleterre, et, après son divorce, égérie du poète Vittorio Alfieri (1749-1803). Ses lettres relèvent plus de la correspondance privée que des « lettres d’affaires4 » et elles prolongent et parfois se substituent à la conversation salonnière5. Nous livrant le fond de sa pensée et de sa sensibilité, elles nous révèlent également l’évolution de ses idées politiques, littéraires, philosophiques et artistiques6. Chacun de ces autographes n’est qu’un petit morceau d’une mosaïque de personnages, de lieux, de noms, d’événements qui reviennent et se répondent d’une lettre à l’autre. Abordant des sujets variés, ces autographes mêlent, entre autres, l’actualité politique aux affaires de famille, la chronique mondaine aux nouveautés littéraires, les nouvelles sur le temps à la santé, l’art à la gastronomie, la philosophie aux sciences naturelles et les conseils pédagogiques à l’argent et aux jeux.
4Les correspondants recensés sont plus de cent et parmi eux figurent des écrivains et des poètes, comme André Chénier, Mme de Staël, Mme de Genlis, la romancière irlandaise Lady Sidney Morgan, la poétesse danoise Friedricke Brun, deux habitués de Coppet comme Simonde de Sismondi et Charles Victor de Bonstetten, des rois, comme Gustave III de Suède et George IV d’Angleterre, des princesses comme Elisa Bonaparte, des papes et des cardinaux, tels que Pie VI et Henry Stuart, des diplomates, comme le baron suédois Carle Sparre et des bibliophiles, par exemple le comte russe Dmitrij Petrovič Buturlin. Parmi les noms d’Italiens influents qui peuplent l’épistolaire de la Comtesse, mentionnons le grand sculpteur néoclassique Antonio Canova, le poète Ugo Foscolo, l’historien et homme politique Gino Capponi, l’écrivain Ludovico di Breme, le libéral Giuseppe Poerio, ainsi que d’illustres siennois, tels que la salonnière Teresa Regoli Mocenni, l’archiprêtre Ansano Luti et le chevalier Alessandro Cerretani.
5Conservées dans différentes archives nationales et bibliothèques européennes et américaines, les 613 lettres7 en français réunies dans notre corpus jalonnent les étapes de la vie de la comtesse d’Albany. Elles vont de 1774, quand la jeune princesse, surnommée « Reine des cœurs » (Charles Victor de Bonstetten, 1991 : 180), signait fièrement ses missives « Louise Reine » (ibid. : 181), au 13 septembre 1823, soit quelque quatre mois avant sa mort8. Nous avons écarté les autographes dont nous ne sommes pas parvenue à consulter l’original, même si elles ont été déjà publiées, sauf dans le cas d’une lettre adressée à Simonde de Sismondi en 1811 et de quatre lettres adressées à Charles Victor de Bonstetten entre 1774 et 1775 parues dans l’édition critique de la correspondance de celui-ci9. L’exclusion des lettres publiées dont l’original n’a pas pu être consulté est motivée par la modernisation de l’orthographe, de la ponctuation et parfois par des modifications de la syntaxe apportées par les éditeurs des XIXe et XXe siècles.
1.1. Particularités graphiques et critères de transcription des lettres
6L’ensemble des lettres de la comtesse d’Albany a fait l’objet d’une transcription intégrale respectant l’ordre chronologique. Les normes de transcription retenues répondent à deux critères majeurs, qui ne sont pas toujours faciles à concilier : la fidélité à l’original et la lisibilité du texte. Seule une transcription scrupuleuse peut faire ressortir non seulement les caractéristiques et les particularités du français de cette épistolière, mais aussi son évolution au fil du temps. Ainsi, la graphie de la comtesse d’Albany a été reproduite telle quelle. Toutefois, les lettres et les dates omises ont été rétablies et les abréviations ont été résolues. Toutes ces modifications ont été indiquées au moyen de crochets. Les décryptages douteux ont été indiqués par un point d’interrogation placé entre crochets carrés. Les corrections et les ajouts de Mme d’Albany ont été signalés entre crochets pointus10. En outre, une lettre entre barres obliques marque la présence d’une lettre corrigée à partir d’une autre lettre.
7L’omission des accents a été respectée11 et quand l’accent n’a pas d’inclination, sans doute à cause de la rapidité de la rédaction, le choix entre accent aigu ou grave est basé sur l’interprétation et sur la connaissance de la graphie d’usage de la comtesse.
8La comtesse d’Albany tend à omettre l’apostrophe, agglutinant les éléments (il ny a pas, parceque, aujourdhui, audelà, apresent, apeine, Lhistoire) ou insérant un espace intermédiaire que nous avons signalé au moyen d’un tiret bas (n_avoir, l_ile, les_quels)12. Celui-ci est également utilisé pour indiquer l’apostrophe suivie ou précédée d’un espace intermédiaire (il n’_y a pas, qu_’il reusisse, qu’_a, qu’_ils parraissent). Ayant trait aux majuscules, qui sont parfois mal différenciées des minuscules, nous avons choisi d’avoir recours aux petites capitales pour indiquer cette sorte de catégorie intermédiaire (le dessin de la lettre est celui d’une majuscule, mais elle a quasi le format d’une minuscule).
9La distribution graphique des paragraphes, dans la mesure des possibilités de la mise en page, a été respectée, aussi bien que les alinéas. Les phrases sont parfois assez longues, ce qui comporte quelques obscurités. Néanmoins, la ponctuation n’a pas été modifiée. Nous ne reviendrons pas ici sur celle-ci13, mais il est sans doute utile de souligner qu’elle est peu présente dans les lettres des années 1774-1784 et progressivement plus abondante dans les missives des décennies suivantes. Les lettres de la comtesse d’Albany simulent l’oralité et son emploi de la ponctuation semble s’inscrire dans le sillage de Beauzée la qualifiant comme « l’art d’indiquer par des signes reçus la proportion des pauses que l’on doit faire en parlant » (Nicolas Beauzée, 1765 : 15).
1.2. Brèves remarques sur les particularités formelles
10Le format des lettres de la comtesse d’Albany est toujours le même : une feuille blanche pliée, cachetée avec un sceau rouge et la quatrième face réservée à l’adresse. La plupart des lettres adressées aux amis et correspondants réguliers ne sont pas signées, en tant que marque de proximité avec le destinataire. Aussi la disposition des lettres est-elle codée et leur structure ne varie pas : la date en haut et à droite, les lignes régulièrement disposées avec peu d’alinéas et les marges latérales presque absentes. Le blanc restant au bas et/ou à gauche ou à droite de la dernière page se remplit souvent et les dernières lignes sont parfois écrites dans le sens contraire.
2. Apprendre à bien orthographier
11En dépit de sa maîtrise de l’anglais et de l’italien et d’une connaissance moins approfondie de l’allemand, qu’elle ne pratiqua que pendant son enfance, la comtesse d’Albany choisit le français comme langue de conversation et de commerce épistolaire. D’ailleurs, de 1759 à 1766 son instruction au couvent se fit en français, comme il convenait aux jeunes filles nobles de l’époque14. Puis, elle quitta le couvent pour devenir chanoinesse au chapitre de Sainte-Waudru à Mons. Pourtant, elle garda un mauvais souvenir de son passage au couvent « Je n’ai rien appris15 » pendant ces années, écrit-t-elle à sa correspondante Teresa Regoli Mocenni le 9 juillet 1798. Quant à son orthographe, bien des années plus tard, dans une lettre du 30 juin 1821 adressée au baron de Castille, elle avance ne pas l’avoir améliorée. Ainsi, après avoir été reçue chanoinesse le 20 juin 1767, elle choisit l’enseignement privé pour perfectionner son instruction, ainsi qu’elle le rappelle à quelques décennies d’intervalle :
Je n’aime pas l’éducation du couvent, […] elle est détestable pour tout le monde, […] on n’y apprend rien ; […] on en sort bête comme une oie […]. Je suis entrée au couvent à sept ans et j’écrivais comme je fais à présent […]. Heureusement j’étais née sans aucun mauvais penchant et avec une dose suffisante d’esprit ; j’ai d’abord jugé ma situation et j’ai tâché d’y remédier. […] J’ai dû commencer mon éducation et […] ne voulant pas être une sotte, je me suis mise à étudier et à me payer des maitres. (Louise, comtesse d'Albany, en abrégé LCA, à Gabriel-Joseph de Froment, baron de Castille, 30 juin 1821 dans Gratien Charvet, 1878 : 13)16.
12La comtesse d’Albany nous donne peu d’informations directes sur son apprentissage de l’écriture et, plus généralement, de la langue française. Toutefois, souhaitant enseigner cet idiome à Vittorio Mocenni (Sienne 1784 - Milan 1810), fils de sa correspondante Teresa Regoli Mocenni, elle nous fournit des indications précieuses dans ses lettres des années 1798-1800 sur la méthode qu’elle avait suivie. Au début, explique Mme d’Albany le 19 février 1800 à son amie Teresa, « je conois […] que ne sachant pas une langue on écrit comme on peut17 », mais c’est par des exercices répétés de transcription « d’un bon livre bien ecrit18 », comme les Lettres de Mme de Sévigné, les ouvrages de Fénelon ou de Bossuet « qui font texte de langue19 », l’Abrégé de l’histoire romaine de l’abbé Millot et par la lecture de la grammaire que l’on parvient à maîtriser cette langue, suggère-t-elle le 16 octobre 1798. Dans une autre lettre de la même année, elle précise :
(1) Vous avez besoin de lire beaucoup en François avant de commencer a écrire, pour attrapper la phrase […]. Il faut prendre garde aussi aux accents. Lisez la grammaire, et copiez souvent un livre françois, cela apprend plus_que t[ou]t le reste, sur t[ou]t en observant les phrases. (BIS, Porri 86/ 4, LCA à Vittorio Mocenni, 16 février 1798)20.
13Il s’agit d’une méthode assez traditionnelle calquant en gros l’enseignement du latin. Pour en revenir au passage ci-dessus, il n’est pas sans doute inintéressant de souligner que faire de la grammaire signifie apprendre à orthographier (André Chervel 2007), et il signifie également disposer d’une construction mentale s’identifiant à un modèle, celui de la phrase, comme l’avait souligné Lhômond dans ses Élémens de la grammaire françoise (1780)21.
14Notons aussi que la méthode d’apprentissage de l’écriture préconisée par la comtesse d’Albany n’exclut pas la pratique de la traduction :
(2) Il faut copier du françois et puis le traduire en italien, et apres fermer le livre et le retraduire en françois, pour voir si on a entendu, et se donner de la peine et chercher dans le dictionnaire. On n’_apprend rien sans se donner beaucoup de peine et travailler beaucoup. Plus j’aime Vittorio, plus je serai sevère pour lui. Il se trompe s_’il croit qu’on apprend l’ortographe en apprenant la grammaire. On n’apprend pas a placer les accents si on n’en sait pas la regle. Vailly ou Restaut a un traitté a la fin de la grammaire, qui regarde l’ortographe et les accens. (BAM, ms. Y 184 sup., n° 44, LCA à Teresa Regoli Mocenni, 2 octobre [1798])22.
15Ce passage, qui n’est pas dépourvu d’intérêt pédagogique, témoigne d’une attention accrue portée à l’orthographe. Rappelons qu’au XVIIIe siècle celle-ci n’a qu’une importance relative ne concernant que les écrivains, les imprimeurs et les secrétaires et qu’elle est régie par un « usage » encore imprécis à maints égards23.
16La comtesse d’Albany évoque ici la « grammaire », le « dictionnaire », la « regle » et les « accents », autant d’enjeux qui interpellent les grammairiens du XVIIIe siècle. Pierre Restaut (1696-1764) et Noël-François de Wailly (1724-1801) sont les deux auteurs de référence qu’elle retient. Le premier, en particulier, semble être visé par la comtesse dans le passage ci-dessus quand elle parle de l’apprentissage de la grammaire et de l’orthographe. Elle y évoque le thème de la double orthographe, à savoir l’« orthographe de principe » que l’on apprend par l’étude de la grammaire et l’« orthographe d’usage » qui n’a pas de règles générales et pour laquelle le recours aux dictionnaires, à la lecture et même à la copie s’avèrent incontournables24. En ce qui concerne le second, Wailly, ses Principes généraux et particuliers de la langue française (1777) figurent dans la liste des lectures de la comtesse d’Albany de l’année 178225.
17Pour en revenir à l’un des thèmes qui occupent la comtesse d’Albany dans le passage cité plus haut, soit les accents et l’importance de l’acquisition des règles, nous ne saurions passer sous silence que le nouveau système d’accentuation visant à normaliser l’usage de l’accent aigu et de l’accent grave dans l’édition du Dictionnaire de l’Académie de 1762 proposé par l’abbé d’Olivet ne s’imposa qu’avec difficulté (Nina Catach, 2001 : 234-235). Ce sont ces mêmes difficultés auxquelles se heurte Vittorio Mocenni, ainsi que le souligne la comtesse d’Albany dans deux lettres de 1798 adressées respectivement à celui-ci et à sa mère Teresa. Elle s’en prend notamment aux flottements dans la mise en place de l’accent aigu et circonflexe. Pour autant, nous ne pouvons pas nous empêcher de remarquer qu’elle ne semble pas non plus avoir les idées très claires à ce sujet :
(3) Vittorio doit aussi faire attention aux accents sur les è fermé et ouvert auquels il ne prend pas garde. (BIS, Porri 86/4, LCA à Teresa Regoli Mocenni, [mars 1798]).
(4) Il [Vittorio] ne prend pas garde aux accens, il doit lire un traité d’orthographe, ou dans Restaut, ou dans Vailly, et il y vera que les accens fermé sont l’accent <sic>, et les autres ont l’accent aigus et circonflexe. (BAM, ms. Y 184 sup., n° 43, LCA à Teresa Regoli Mocenni, 24 septembre [1798]).
18Ce rapide survol de la formation et des acquis de la comtesse d’Albany en matière d’orthographe du français, ainsi que de ses idées sur l’apprentissage et l’enseignement de celui-ci montre que la préoccupation de l’orthographe se fait sentir de plus en plus au XVIIIe siècle. Les femmes cultivées et les jeunes apprenants sont de plus en plus formés au respect de la norme.
3. Sur les caractéristiques de la graphie des lettres de la comtesse d’Albany : particularités et variantes
19Avant de nous pencher sur la graphie des lettres de Mme d’Albany, ses particularités et ses variantes, force est de constater que dans les lettres remontant aux années 1774-1784 elle est phonétisante et que les homophones sont souvent confondus, comme dans les passages suivants :
(5) […] je vous prie davertir ses dames que se n’_est pas en persecutant le Roy quelles obtiendront se quelles desire, et il est tres resolu si elle vouloit venir ici de sadresser au Gouvernement pour les faire partir […]. (National Library of Scotland [dorénavant NLS], Acc. 8611, no 34, LCA à Hugh Seton of Touch, 5 décembre [1775], dans Francesca Piselli, 2005 : 279).
(6) […] comme une preuve certaine qu’en quittant mon mary j’ai eut l’aprobation de ceux de qui l’estime m’est presieuse […]. (British Library [désormais BL], Add. 34634, Stuart Papers, vol. 1, 63-64, LCA à Henry Stuart, 9 avril [1784] dans Piselli, 2013 : 160).
3.1. Consonnes
20Au cours du XVIIIe siècle, un très grand nombre de lettres étymologiques disparaissent. Restaut accepte savant et savoir au lieu de sçavant et sçavoir dès 1730 (1730 : 280) et le Dictionnaire de l’Académie dès 1740. Ces graphèmes ne s’imposent que très lentement dans les lettres de la comtesse d’Albany. En effet, dans ses lettres des années 1774-1784, elle utilise n_avoir pas scu, vous scavez, je scais, j’ai sçu, scavoir, sçavoir et vous scaurez26. Après 1800 et dans les lettres de la vieillesse, ces formes sont concurrencées par savoir, je sais, vous savez (Piselli, 2013 : 193-222).
21Notre épistolière ne garde pas la lettre étymologique p et elle choisit la graphie « tems » non seulement dans les lettres de la jeunesse, mais aussi dans celles de la maturité27, graphie adoptée par l’Académie dans la troisième édition du Dictionnaire, même si le Dictionaire <sic> critique de Féraud (1787) et le Dictionnaire de la langue françoise de Richelet (1759) ne nient pas la réalité de l’usage et enregistrent également la variante temps.
22En ce qui concerne le pluriel des mots en -ant et -ent, Mme d’Albany fait preuve de quelques hésitations, qui reflètent d’ailleurs celles des grammairiens. L’abbé d'Olivet, dont les idées ont été à la base des modifications introduites dans la troisième édition du Dictionnaire de l’Académie (1740), préconise la suppression du graphème t au pluriel (accens, enfans, parens). En revanche, Restaut et Le Roy, dans le Traité de l’orthographe françoise (1764), estiment plus raisonnable de « ramener tous les pluriels à une loi uniforme, en les formant par une addition d’une s […] dans les pluriels de tous les noms en ant et ent ». La comtesse d’Albany orthographie presque indifféremment avec t (differents, compliments, talents, parents, ardents, diamants, instants, ignorants) et sans t (amans, sentimens, paÿsans, traitemens).
23Quant aux lettres doubles graphiques, question complexe qui n’a pu être dominée par aucune édition du Dictionnaire de l’Académie, et pas même par d’Olivet, ainsi que le souligne bien à propos Catach (2001 : 223), la comtesse d’Albany, à l’instar de beaucoup de ses contemporains, flotte entre appeller et appeler, rappeller et rappeler, difficille et difficile, valloit mieux et valait/valoit mieux, follies et folies, ocuper et occuper, attraper et atraper. Il arrive aussi qu’elle ne redouble pas les lettres géminées (courier, imbecilité, comun, sucomber, que cela reusisse, je vous en suplie, tranquiliser, suportable, balon), ou, par contre, qu’elle introduise des redoublements abusifs (caravanne, sallon, ballancè, prette).
24Des variantes orthographiques sont à observer également pour les modifications introduites par l’Académie en 1740 dans les mots où le graphème s marquait l’allongement de la syllabe. Dans ces cas, ledit graphème a été remplacé par un accent circonflexe. Ainsi, nous remarquons les graphies ostages, mesler, aoust, meslé et maistre, aussi bien que maitre, otages, aout, meller/meler, presque toujours sans accent circonflexe.
25Dans les lettres de la comtesse d'Albany, le pluriel -ez pour les noms se terminant par -é fermé est presque complètement absent, sauf dans deux lettres à Charles Victor de Bonstetten datant de 1774, où elle orthographie pechez et amitiez. La comtesse préfère plutôt bontés et amities. En ce qui concerne les formes verbales, les finales -ez -ez sont les plus utilisées, mais, dans les lettres des années 1780, il n’est pas rare qu’elle garde -es : vous voiés, croies moi, puissies vous. Il convient également de noter la présence, dans les lettres de la jeunesse et de la vieillesse aussi, d’une graphie phonétisante dans laquelle -é fermé se substitue à -es ou -ez : vous avé, vous pensé. Il arrive aussi que les finales du participe passé, même dans les lettres rédigées après 1800, soient en -ez : vous avez preférez, vous m’avez inspirez.
3.2. Voyelles
26L’adoption des finales voltairiennes en -ai pour -oi dans les imparfaits et les conditionnels ne s’impose que lentement chez la comtesse d’Albany. Les graphies traditionnelles en -oi, très présentes jusqu’en 1802, ne disparaissent pas complètement dans les missives successives et les terminaisons -ois, -oit, -oient (il voulloit, je vous prierois, il falloit, je l’admirois), bien que moins fréquentes, alternent avec -ais, -ait, -aient (je connais, il fesait, je voulais, je l’admirais) :
(7) […] j_ai tenté plusieurs fois de lui parler delle et de lui faire sentir combien il etoit de son honneur et meme de Sa bontè de la reconnoitre pour Sa fille […]. (NLS, Acc. 8611, no 34, LCA à Hugh Seton of Touch, 5 décembre [1775] dans Piselli, 2005 : 279).
(8) Dans tout autre tems, ceci m’aurait peut-être un peu chagriné. (BIS, Porri 86/5, LS à Alessandro Cerretani, 25 août 1804).
(9) […] J’ai une seconde paires de lunettes pour supliant de la premiere si elle les perdoient ou les cassoient. (Bibliothèque Moreniana de Florence, Fondo autografi Frullani, 454-456, LCA à Luigi Manucci, 8 juin [1821] dans Piselli, 2013: 215).
(10) Je ne voudrois pas etre egoiste. (BRF, Lettres autographes, 4089, no 58902, LCA au comte de Bouturlin, 16 mars [1822], dans Piselli, 2013 : 225).
(11) […] j’avais continuellement besoin de quelque livre que je n’avois pas. (Ibid., no 58910, LCA au comte de Bouturlin, 7 août 1823, dans Piselli, 2013 : 231).
27Encore, les variantes des noms connoissance/connaissance, reconnoissance/reconnaissance, foible/faible, de l’infinitif connoitre/connaître et des adjectifs de nationalité anglois/anglais, françois/français figurent dans notre corpus. Néanmoins, il est de mise de préciser que les graphies traditionnelles sont plus employées dans les lettres de la jeunesse et moins dans celles de la maturité et de la vieillesse :
(12) Vous [...] trouverez Monsieur peut etre bien extraordinaires des propositions que je vais vous faire sans avoir l’honneur de vous connoitre que de reputation […] et jespère vous temoigner encore ma reconnaissance […]. (Bibliothèque publique universitaire de Genève, ms. suppl. 1909, F 1944, LCA à Samuel Tissot, 17 mars [1781], dans Piselli, 2013 : 144).
(13) Je suis curieuse de savoir son testament on dit qu’il a baucoup d’argent placè dans les fonds Anglois. (BRF, Louise d’Albany, Lettres autographes, 4089, no 58897, LCA au comte de Boutourlin, 26 juillet [1821], dans Piselli, 2013 : 221).
(14) Je vous remercie de vous l’etre rappellé et je vous en temoignerai ma reconnaissance a votre retour […]. (BRF, Louise d’Albany, Lettres autographes, 4089, no 58912, LCA au comte de Boutourlin, 28 août [1823], dans Piselli, 2013 : 237).
28La comtesse d’Albany maintient la terminaison -oi dans le futur de l’indicatif aussi. On trouve la variante je seroi même dans les missives des années 1820-1823.
29Une autre modification qu’elle n’adopte que graduellement est la suppression de l’y ornemental en faveur de l’i. Les graphies mary, roy, amy figurant dans la correspondance des années 1770 et 1780 sont remplacées par mari, roi et ami après 1800. Nous avons remarqué deux exceptions : pluye, variante de pluie, qui est employée dans les lettres des années 1820, et playe pour plaie, figurant dans celles rédigées après 1800.
30La lettre dite grecque y est également conservée dans des titres d’œuvres, telles qu’Eneyde et Heloyse. Rappelons que l’Académie francise de nombreux mots grecs à partir de la quatrième édition du Dictionnaire (1762). La tendance de la Comtesse à conserver des graphies plus anciennes se manifeste également dans le cas de certains noms écrits d'abord avec i puis, à la suite de modifications successives, avec y, tels que physique et style. La variante phisique revient dans des lettres de 1819, tandis que la variante stylistique figure dans des lettres écrites après 1820.
31Cependant, la comtesse d'Albany ne se révèle pas toujours conservatrice. Ayant trait à l’ancien hiatus eu, elle se conforme à l’usage moderne et écrit aperçu ou apercu, allure, assurer. Dans notre corpus, une seule occurrence de cette variante a été repérée, à savoir « on l’a seu28 » dans une lettre de 1800. Aussi supprime-t-elle le graphème e des adverbes et des substantifs en ée interne, sauf séeance, qui revient encore dans une lettre du 18 juin 181929. En outre, notre épistolière accueille des innovations introduites dans l’édition du Dictionnaire de l’Académie de 1762, comme museum, emprunt au latin, dans une lettre remontant à 1822 et gaitee, variante de gaieté, enregistrée dans l’édition du Dictionnaire de 1798.
32Une autre variante concerne les digrammes et les trigrammes qui sont souvent simplifiés, comme baucoup/beaucoup, nouvau/nouveau, nouvauté/nouveauté, refrechi/refraichi30 dans ses lettres des années 1780. Cette tendance diminue après 1800, sans pourtant disparaître totalement, comme il ressort de l’exemple (13) ci-dessus et (15) :
(15) Je vous remercie mon cher Comte de votre aimable souvenir aumilieu de nouvauteès qui vous entourent. (BRF, Louise d’Albany, Lettres autographes, 4089, no 58902, LCA au comte de Boutourlin, 16 mars [1822], dans Piselli, 2013 : 223).
3.3. Accents et signes auxiliaires
33Malgré les propos avancés dans sa correspondance avec Teresa et Vittorio Mocenni (voir exemples (1), (3) et (4)), notre épistolière oublie de placer les accents et/ou elle les place de manière assez désinvolte et cela notamment jusqu’à la fin des années 1780. Dans les missives de cette période, les accents sont capricieusement inclinés ou sans inclinaison et ils sont placés surtout sur la syllabe finale des participes passés en -é, ainsi que le suggère l’exemple suivant :
(16) Pardon mille fois pardon Signor Secretario d_avoir etè si long tems sans vous donner de mes nouvelles acusé moi de paresse de negligence mais jamais de vous avoir oublié vous me feriez grand tort /d/e jours en jours je remettois a vous ecrire. (Bibliothèque Estense de Modène, ms. It. 1217=alfa G.2.14, LCA à Pompeo Baldasseroni, 10 novembre [1778]).
34Nul ne saurait nier que le nouveau système d'accentuation introduit par l’Académie dans la quatrième édition du Dictionnaire peine à s’imposer chez la comtesse d’Albany. La distinction entre accent aigu et accent grave, en particulier sur la voyelle e, ne s’impose pas complètement chez elle, nonobstant ses lectures, dont Restaut et Wailly font figure de proue. Si dans les lettres de la jeunesse nous trouvons apres, idees, premiere, age, bonte, amitie, plus tard, à côté de ces formes, apparaissent après et aprés, idées et ideè, premiére et premier, agé, bontè et bonté, amitiè et amitié.
35Les participes passés, au contraire, sont presque toujours accentués, mais l’accent peut être aigu, grave ou sans inclinaison (pensè, donneè, manquè, votè). Les variantes vù, vú, vû, pù, lù, lú, crû, bien qu’éliminées par les grammairiens, sont utilisées par la Comtesse.
36La réforme de l’Académie de 1740 qui introduit l’accent grave dans les syllabes finales ouvertes et dans les finales en -ème et -ère et le système d’accentuation proposé en 1762 pour les finales en -ète, -èbre, -ère, -èse ne sont adoptés que très partiellement par Mme d’Albany. Elle écrit onzieme, quatrieme, Therese, il repete, algebre, j’espere, frere et mere. En dépit des avis de grammairiens, tels que d’Olivet, Dumarsais, Restaut, Beauzée et Lhomond, qui préconisaient de placer un accent grave en tant que signe de distinction entre conjonctions et pronoms, adverbes et articles, préposition et verbes (où/ ou, là/ la, a/ à), la Comtesse continua à les écrire sans accent, notamment a qui n’est jamais accentué dans notre corpus, à une seule exception près, c’est-à-dire dans les lettres officielles adressées à des personnes de rang supérieur et que nous estimons avoir été relues par une seconde personne.
37Les accents circonflexes sont assez rares ; elle préfère presque toujours etre à être, tete à tête, meme à même, fete a fête, tantot à tantôt, plutot à plutôt. Le nom maitre n’a jamais d’accent, en revanche le verbe paraître a l’accent circonflexe à l’infinitif, mais celui-ci disparaît à la troisième personne de l’indicatif présent (parait). Les pronoms possessifs le/la nôtre, le/la vôtre sont orthographiés dans la plupart des cas le/la notre et le/la votre. L'adjectif sûr n’est jamais accentué, sauf dans une lettre de 1783, mais il s’agit en effet de la préposition sur. Il en va de même pour l’imparfait et le passé du subjonctif qui ne sont pas accentués (lut, aimat, apprit, eut accréoité).
38Par contre, la comtesse d’Albany supprime le graphème s, comme le souhaitait l’abbé d’Olivet, mais elle ne le remplace pas par un accent circonflexe (meler). Des graphies plus anciennes, comme ostages, mesler, meslé ou maistre, aoust, subsistent dans les lettres des années 1774-1790. Ensuite, la comtesse d’Albany s’aligne sur cette modification, mais généralement elle omet l’accent circonflexe.
39Ces flottements nous montrent à quel point la nouvelle orthographe, qui n’était pas pourtant encore fixée, avait des difficultés à s’imposer. Dans le cas de la comtesse d’Albany, la coexistence de formes plus anciennes à côté de formes plus modernes, peut s’expliquer par le fait, souvent mentionné, que les simplifications et les régularisations étaient toujours en cours. Toutefois, pour mieux comprendre les hésitations de la Comtesse, il convient de citer les mots de Girard à propos des difficultés à poser les accents, dans son volume Les vrais principes de la langue française :
la peine de suspendre le mouvement habituel de la main et les liaisons de l’écriture, pour revenir poser ces accens sur les lettres, fait qu’on les néglige, et que leur omission n’est pas regardée comme une faute dans ce qui part d’une plume courante. (Gabriel Girard, 1747 : II, 420).
40Au chapitre des signes auxiliaires, nous nous intéressons ici au tréma. Celui-ci perdait du terrain au XVIIIe siècle et Mme d’Albany s’en sert avec modération. Dans notre corpus, il n’est utilisé que dans les substantifs paÿs et paÿsans. Il s’agit d’une graphie ancienne et rare à son époque. Dans le Thresor (1606) de Nicot et dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694), les variantes pays ou païs sont enregistrées, tandis que dans la seconde édition la seule entrée pays est lexicalisée.
41La cédille est présente dans les lettres rédigées après 1800, dans les mots maçons (le seul nom toujours écrit avec la cédille), façon, français ou françois, reçu, je conçois, mais les variantes facon, faconnè, francais ou francois, recu, je concois l’emportent. Un cas particulier est représenté par le verbe savoir, écrit principalement par la comtesse d'Albany sçavoir, comme il était d’usage au XVIIe siècle. Cette variante est attestée pour la dernière fois dans la deuxième édition du Dictionnaire. Dans nombre de lettres, nous trouvons j’ai sçu, je sçais, où la cédille est considérée comme faisant partie de la lettre étymologique.
42Quant à l’apostrophe, une tendance à l’agglutination est à remarquer (il ny a pas, parceque, aujourdhui, audelà, apresent, apeine, Lhistoire) dans les lettres des années 1774-1800, tendance qui disparaît progressivement après. La tendance inverse est aussi à remarquer (t’alle, d’auphin, m’ettent). Il arrive aussi que Madame d’Albany omette l’apostrophe et insère une demi-espace (n_avoir, l_ile, j_ai) ou une espace (j ai, j espere, d amities).
En guise de conclusion
43Cette enquête sur les caractéristiques et les particularités graphiques de la correspondance de la graphie de la comtesse d’Albany atteste l’existence d’un large éventail de formes graphiques et de variantes, notamment dans les autographes des trois dernières décennies du XVIIIe siècle. Sa graphie nous semble celle d’une dame cultivée, influencée par les usages classiques, mais ouverte aux innovations et aux modifications orthographiques de son temps, qui, n’étant pas exemptes d’inconséquences, contribuent à quelques flottements. Les zones de variantes que nous avons essayé de mettre en valeur coïncident largement avec celles prises en compte dans la troisième (1740) et la quatrième (1762) édition du Dictionnaire de l’Académie. Mme d’Albany n’accueille pas l’intégralité des reformes proposées par l’Académie française au cours du XVIIIe siècle, dont l’autorité, sans doute convient-il de le souligner, ne s’affermit qu’à partir du milieu du siècle et notamment de l’édition du Dictionnaire de 176231. Les changements en cours ne s’imposent donc que lentement chez notre épistolière. Qui plus est, les variantes diminuent non pas tant au regard de leur typologie que du point de vue du nombre surtout après 1800. Pour autant, elles ne disparaissent pas totalement, ainsi que le témoignent les exemples fournis plus haut.
44À y regarder de plus près, ces éléments suggèrent que la préoccupation de l’orthographe se fait de plus en plus sentir au cours du XVIIIe siècle dans la correspondance de la comtesse d’Albany et que des pulsions normatives se font jour. La lecture des traités sur l’orthographe découlant des différentes théories en présence au XVIIIe siècle s’inscrit dans la pratique de cette dame sous plusieurs points de vue. Premièrement, elle enrichit sa formation, qui n’avait pas été systématique pendant son enfance et sa jeunesse. Deuxièmement, elle contribue à moderniser sa graphie, même si elle maintient des habitudes d’usage jusque dans ses lettres de la vieillesse. Troisièmement, cette lecture contribue à lui inspirer l’idée de l’importance des normes et d’une graphie correcte. Ses remarques sur l’attention à accorder aux traités sur l’orthographe, aux dictionnaires et aux règles sont autant d’indices de l’enjeu social d’une graphie correcte pour les dames et les jeunes apprenants aussi. Autrement dit, les femmes cultivées sont de plus en plus formées au respect de la norme et le « joug de l’orthographe », selon une expression de Ferdinand Brunot (1930 : 59), s’appesantit.
Bibliographie
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Notes
1 Nous reprenons à notre compte la précision terminologique suggérée par Caron (dans ce volume) entre orthographe, qui présuppose l’existence d’un standard de référence par rapport auquel on évalue la déviance, et graphie, en tant que terme plus neutre qui prend en compte l’existence de plusieurs graphies en usage pour écrire un mot.
2 Comme l’observent bien à propos Cazal et Parussa (2015), le code graphique se fige après l’édition du Dictionnaire de l’Académie de 1835.
3 Née dans les Pays-Bas autrichiens, Louise de Stolberg Gedern est la fille aînée du prince Gustave-Adolphe de Stolberg Gedern (1722-1757) et d’Élisabeth-Philippine de Hornes (1733-1826). En 1772, Louise se maria avec Charles-Édouard Stuart. L’union fut malheureuse et elle divorça en 1784 choisissant d’abandonner tous ses droits sur la succession Stuart et ne conservant que le titre de comtesse d’Albany. Ensuite, elle vécut aux côtés de Vittorio Alfieri, dans un premier temps à Paris, puis à Florence. Après la mort de son compagnon, la comtesse se lia d’amitié avec le peintre François-Xavier Fabre (1766-1837), auquel elle avait commandé son portrait et celui d’Alfieri. En 1817, elle institua Fabre son légataire universel. Parmi les nombreuses biographies consacrées à la comtesse d’Albany, voir Pellegrini 1951, Lacretelle
4 Bibliothèque des Intronati de Sienne (désormais BIS), Porri 86/3, Louise Stolberg, comtesse d’Albany (ci-après LCA) à Ansano Luti, 29 mars [1800].
5 Ce fut notamment dans la ville toscane qu’entre 1792 et 1824 la comtesse d’Albany ouvrit un salon où défilaient d’illustres Italiens, ainsi que d’éminents étrangers et qui a été qualifié de « l’un des centres nerveux délocalisés de la civilisation européenne » (Fumaroli, 2003 : 530).
6 Sur ces aspects, nous nous permettons de renvoyer à notre article Piselli 2017. À propos du rôle actif des femmes en tant que vecteurs de transmission interculturelle, voir Viollet 2012.
7 Les lettres de la comtesse d’Albany rédigées en anglais et en italien ne font pas partie du corpus. Pour une liste détaillée des lettres autographes de la comtesse d’Albany incluses dans notre corpus, voir Piselli, 2013 : 28.
8 Mme d’Albany mourut le 29 janvier 1824.
9 Voir Walser-Wilhelm & Walser-Wilhelm 1997, Walser-Wilhelm, Walser-Wilhelm & Kolde 2003.
10 L’emplacement (supérieur, inférieur, marge droite, marge gauche) a été indiqué à l’intérieur (et en tête) des crochets, par exemple <sup.>, <inf.>, <m.dr.>, <m.g.>.
11 La comtesse d’Albany n’utilise jamais l’accent grave sur les a. Celui-ci n’a pas été rétabli. Ce choix peut être discutable, mais nous estimons que cela n’est pas gênant pour la lecture.
12 Dans les exemples que nous empruntons aux lettres de la comtesse d’Albany, l’italique est notre fait, sauf avis contraire.
13 Voir, à ce propos, Piselli, 2013 : 69-84.
14 Voir Louthe, 2014 : 12-13. Sur l’éducation des filles dans les couvents et leur accès à l’écrit, voir Pellegrin (dans ce volume).
15 Bibliothèque Ambrosiana de Milan (désormais BAM), ms. Y 184 sup., no 34, LCA à Teresa Regoli Mocenni, 9 juillet [1798].
16 Cette lettre, dont Charvet a modernisé l’orthographe, ne fait pas partie de notre corpus car nous ne sommes pas parvenue à récupérer l’autographe.
17 BIS, Porri 86/3, LCA à Teresa Regoli Mocenni, 18 février [1800]. Voir Pélissier, 1904 : 246.
18 BAM, ms. Y 184 sup., n° 43, LCA à Teresa Regoli Mocenni, 24 septembre [1798]. Voir Pélissier, 1904 : 140.
19 Pour les conseils de lecture, voir BAM, ms. Y 184 sup., n° 45, LCA à Teresa Regoli Mocenni, 16 octobre [1798]. Voir Pélissier, 1904 : 149.
20 Voir aussi Pélissier 1904 : 442.
21 Voir, à ce sujet, Chervel 1977, Seguin 1993.
22 Voir Pélissier, 1904 : 142.
23 Rappelons que depuis Vaugelas, personne ne met en doute la suprématie de l’usage en matière de langue et donc d’orthographe. L’usage orthographique étant multiple et évolutif, l’Académie française intervient pour réguler, simplifier et systématiser. Voir Picoche et Marchello-Nizia, 1999 : 227-228, Caron (dans ce volume). Il ne sera pas hors de propos de rappeler que pendant le XVIIIe siècle un grand nombre d’ouvrages consacrés à l’orthographe, beaucoup d’entre eux réservés aux dames, voient le jour et sont réimprimés même au XIXe siècle. Sur les grammaires des dames, voir, parmi d’autres, Reuillon-Blanquet, 1994 : 55-76, Minerva 2012.
24 Ce thème de la double orthographe avait été lancé par Restaut dans la deuxième édition de ses Principes généraux et raisonnés de la grammaire françoise (1732). Signalons que cet ouvrage est répertorié dans le Catalogue des ouvrages composant la bibliothèque de la comtesse d’Albany, BMM, ms. 311, f. 87. Sur ce fonds, voir Pélissier 1900.
25 Voir Lectures de la comtesse d’Albany de 1782 à 1798, BMM, ms. 62 A30 (15). En 1782, elle lut également l’ouvrage d’un autre tenant de la réforme de l’orthographe, soit Logique et Principes de grammaire (1769) de César Chesneau Dumarsais. La comtesse d’Albany avoue avoir lu plus tard, en 1800, Des tropes ou des différents sens dans lesquelles on peut prendre un même mot dans une même langue (1775). Dans la bibliothèque de la comtesse d’Albany et dans la liste de ses lectures sont nombreuses les grammaires de la langue française : Bouhours 1693, La Touche 1710, Thoulier d’Olivet 1752, Panckoucke 1795, Roubaud 1796, Girard 1798, Lévizac 1801, Petitot 1803, Lequien 1807. En ce qui concerne les dictionnaires figurant dans le Catalogue des ouvrages composant la bibliothèque de la comtesse d’Albany (BMM, ms. 311, f. 87), mentionnons Menage 1694, le Dictionnaire de l’Académie française 1740, Féraud 1787-1788, Wailly 1795.
26 Ces exemples sont empruntés à des lettres inédites de la comtesse d’Albany publiés dans Piselli, 2013 : 141-164.
27 Cf. BL, Add. 34634, Stuart
28 BIS, Porri 86/1, LCA à Ansano Luti, 5 [janvier] 1800.
29 Bibliothèque nationale centrale de Florence, Raccolta Gino
30 La variante refraichir est attestée en moyen français avec refraischir et refreschir (Greimas et al., 1992 : 585). Voir aussi Rey, 2006 : 1480.
31 Sur cet aspect, voir Caron dans ce numéro.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Francesca Piselli
Université de Pérouse
Francesca Piselli est chercheur au Département de Sciences Politiques de l’Université de Pérouse. Ses recherches portent sur les correspondances féminines en milieu francophone aux XVIIIe-XIXe siècles et sur la traduction. Elle a consacré des essais et deux volumes à la langue de la comtesse d’Albany et est l’auteur de plusieurs études sur la traduction politique pendant la période révolutionnaire et napoléonienne.
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