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Comment favoriser la collaboration internationale en langues entre les institutions et à l’intérieur de l’institution ?
Par Guillaume Gimenes et Arber Shtembari
Publication en ligne le 11 avril 2024
Résumé
This article aims to explore the challenges and strategies for encouraging international language collaboration within and between institutions. It is based on three workshop restitutions from the 'Transferring University Language Policy' one-day conference on 16 March 2018, dealing with: the challenges of learning in a plurilingual context; foreign language acquisition for linguistic intercomprehension; and linguistic diversity in bilingual education, illustrated by Irish children learning English. A complementary analysis examines a parallel with a transfer of research carried out at the University of Poitiers. The discussion highlights the importance of interdisciplinary cooperation, of adjusting language policies to specific contexts, and of the crucial role played by on-the-ground stakeholders in effectively integrating such policies. It emerged that institutional flexibility and transparent communication are key to removing obstacles and facilitating productive language exchange.workshop reports, transfer, language policies, linguistic diversity, plurilingualism
Cet article vise à explorer les défis et les stratégies pour encourager la collaboration internationale en matière de langues au sein et entre les institutions. Il s'appuie sur trois restitutions d’ateliers issues de la journée d’études « Transferring University Language Policy » du 16 mars 2018, traitant des enjeux d'apprentissage en contexte plurilingue, de l'acquisition de langues étrangères pour l'intercompréhension linguistique et de la diversité linguistique dans l'éducation bilingue, illustré par l'apprentissage de l'anglais chez les enfants irlandais. Une analyse complémentaire examine un parallèle avec un transfert de recherche mené à l'université de Poitiers. La discussion met en lumière l'importance de la coopération interdisciplinaire, de l'ajustement des politiques linguistiques aux contextes spécifiques et le rôle crucial des acteurs de terrain pour intégrer efficacement ces politiques. Il apparaît ainsi que la flexibilité institutionnelle et une communication transparente sont primordiales pour lever les obstacles et faciliter un échange linguistique productif.
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Table des matières
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Comment favoriser la collaboration internationale en langues entre les institutions et à l’intérieur de l’institution ? (version PDF) (application/pdf – 393k)
Texte intégral
1. Présentation générale
1De 2012 à 2020, l’université de Poitiers a bénéficié d’une aide de l’État nommée IDEFI PaRé1, gérée par l’ANR au titre du programme Investissements d’Avenir. Dans ce cadre, des ingénieurs de recherche — Guillaume Gimenes et Arber Shtembari — ont été recrutés en tant que chargés du transfert et de la valorisation des recherches scientifiques dans le domaine des pédagogies et des apprentissages, vers des applications pratiques pour étudiants et enseignants. Le processus de transfert avait pour but de pouvoir créer des actions et des outils à visée pédagogique, des formations et un appui à destination de toute la communauté éducative de l’université. Cette mise en application s’est alors heurtée à la réalité concrète du terrain et aux difficultés survenant à tous niveaux, aussi bien individuels qu’institutionnels. Outre qu’accroître les connaissances ou sensibiliser les publics de l’université sur une question donnée, le transfert de recherche contribue également à la mise en œuvre opérationnelle des politiques de l’établissement dans divers domaines, dont celui des politiques linguistiques.
2C’est au cours de discussions sur la thématique du « transfert » avec Anne-Marie Barrault-Méthy2 – organisatrice de la journée d’études « Transferring University Language Policy » du 16 mars 2018 – qu’a ainsi émergé l’idée de la mise en place d’une table ronde. L’objectif visait à questionner la mise en application de politiques linguistiques et les leçons à en tirer. La thématique choisie faisait écho aux communications de cette journée d’études, à savoir la collaboration internationale en langues entre les institutions et à l’intérieur de l’institution. Le regard extérieur porté par un psychologue cognitiviste pouvait alors être perçu comme un atout dans ce contexte, en permettant de dégager des invariants au-delà de la diversité des approches disciplinaires.
3Lors de la table ronde, des sous-groupes de travail ont été constitués d’étudiants du Master 1 Didactique des Langues et du Français Langue Étrangère et Seconde (DidaLang-FLES) et de conférenciers, avec la consigne de travailler, pendant 30 minutes, sur des expériences spécifiques de collaboration internationale en langues. Ce travail devait permettre, dans un premier temps, de faire ressortir des applications concrètes, pour pouvoir ensuite les discuter avec les autres groupes. Dans un second temps, d’une durée de 40 minutes, une mise en commun des travaux des sous-groupes a permis aux participants d’échanger sur différentes thématiques. Les éléments exposés pouvaient également être complétés par des apports annexes des conférenciers présents ou questionnés par les étudiants pour approfondir leurs connaissances. L’atelier se terminait par une restitution des travaux en plénière ayant pour but d’extraire de grands principes à la fois sur les leviers et sur les facteurs limitants. La réflexion collective sur les divers thématiques de cette journée d’études a contribué à éviter un biais identifié, qui était celui de la création de « recettes préconstruites ».
4Dans le cadre de cette restitution, nous allons donc relater les discussions qui se sont tenues au sein des trois sous-groupes de travail et qui portaient sur les enjeux et défis d'apprendre en contexte plurilingue, l'acquisition d'une langue étrangère pour favoriser l'intercompréhension linguistique en situation d'apprentissage, et la diversité linguistique et l'éducation bilingue dans le cas de l'apprentissage de l'anglais chez des enfants irlandais. Afin de remettre ces interventions dans le contexte général de la question du transfert linguistique, une quatrième partie, non présentée en atelier, a été ajoutée dans l’intention de montrer les proximités de cette problématique au sein du transfert de recherche à l’université comme un cas spécifique du transfert linguistique. Nous conclurons enfin sur une synthèse globale que l’on essayera de tirer sur ces différents cas de figure en reprenant et complétant l’analyse faite au cours de l’atelier.
5Avant de continuer dans le descriptif des propos tenus au cours de cette table ronde, il est important de souligner les limites de la retranscription. Le texte qui suit n’est pas un verbatim de l’atelier. En effet, au moment de la session, aucun enregistrement audio ou vidéo n’a été effectué, aucun document de travail n’a été récupéré. Cet écrit repose donc uniquement sur la prise de notes en cours d’atelier. Le texte se veut ainsi une retranscription des idées, adaptées et complétées, afin que le sens de la réflexion originelle soit le plus fidèlement possible retranscrit.
2. Apprendre en contexte plurilingue : enjeux et défis (Groupe 1)
6Le premier groupe de travail s’est attelé à la difficulté de devoir apprendre dans une langue officielle de son propre pays, mais non maîtrisée par les élèves. Le cas de langues vernaculaires différentes des langues officielles n’a rien d’anecdotique dans le monde. Cette situation est identifiable sur tous les continents, mais le groupe a plus particulièrement échangé autour des langues parlées sur le continent africain avec entre autres le français, l’anglais ou l’arabe qui se retrouvent comme langue officielle de multiples pays. L’Europe n’en est pour autant pas en reste avec des particularités linguistiques pouvant créer des difficultés dans la vie courante entre habitants d’un même pays. On peut citer, en exemple le cas français qui possède ses langues régionales (ex. le corse, le basque, le tahitien, etc.) et les pays frontaliers dotés de plusieurs langues officielles (ex. : Belgique, Luxembourg, Suisse, etc.). Cette thématique abordée par le groupe a été notamment choisie, car c’est un terreau fertile pour des discussions transférables à d’autres contextes.
7La discussion du groupe a porté sur une diversité de situations tout au long de leur présentation. Pour l’Europe, il a notamment été évoqué, la coexistence du français avec plusieurs langues régionales dans les départements d’outre-mer3 ; le cas des langues grecques et turques à Chypre, et de l’usage de leurs versions vernaculaires au quotidien. Néanmoins, il a été préféré une ouverture sur les langues du continent africain où peuvent se côtoyer au sein d’un pays plusieurs langues et dialectes (à titre d’exemple, l’Éwé et le Kabiyè au Togo) lorsque la seule langue officielle est le français. Pour les deux experts à la table, Jean-Claude Beacco et Jean-Paul Narcy-Combes, il a fallu trouver des points communs entre des situations disparates et se focaliser sur un unique contexte. Le groupe s’est arrêté pour sa présentation sur le cas concret de l’Algérie avec l’enseignement à l’école en arabe standard moderne au détriment de l’utilisation de l’arabe dialectal. Outre ce point d’ancrage dans le contexte algérien, les étudiants ont été amenés à réfléchir plus largement sur les enjeux et défis d’apprendre dans un contexte plurilingue. La problématique commune à tous ces contextes était donc assez simple à formuler : peut-on employer différentes ressources linguistiques et langagières en classe quand une seule langue est prescrite de manière officielle ?
8Le cas algérien sert d’exemple concret pour illustrer la problématique qu’il peut exister entre une langue officielle reconnue dans un État et une langue vernaculaire ou véhiculaire faisant part des usages quotidiens. Cette situation amène inévitablement des difficultés lors de l’apprentissage quand la langue dans laquelle se fait l’enseignement, quelle que soit la discipline, peut elle-même être considérée par l’apprenant comme « étrangère ».
9Il a été rappelé par le groupe qu’en Algérie, la langue officielle d’enseignement à l’école est l’arabe standard moderne. En revanche, pour beaucoup d’apprenants, cette langue n’est pas la langue vernaculaire. On retrouve principalement l’arabe algérien, langue maternelle pour 85 % de la population (Queffélec, Derradji, Debov, Smaali-Dekdouk & Cherrad-Benchefra, 2002 : 31-39), mais on identifie aussi 30 à 40 % de berbérophones, et un tiers d’entre eux savent parler et écrire en français bien que la proportion d’Algériens ayant le français comme langue maternelle soit très faible. Ainsi, pour beaucoup d’enfants vivant dans ces familles, il s’agit tout bonnement d’une situation de bilinguisme dans leur propre pays. À l’école, cette situation soulève des questions tant du point de vue didactique (à la transmission du savoir), que du point de vue pédagogique (à la relation pédagogique maître/élève). La réflexion a donc visé la compréhension du transfert des apprentissages et du lien entre apprentissages en langue vernaculaire et nouveaux apprentissages en langue officielle à l’école. Cette relation doit prendre en compte les enjeux en termes de difficultés et de ressources à mobiliser de la part des apprenants qui doivent acquérir de nouveaux savoirs, tout en apprenant une nouvelle langue.
10Le levier principalement ressorti de la discussion est la place prépondérante qu’ont les enseignants comme acteur de la réussite des élèves. En effet, ceux-ci sont à la charnière entre une institution prescriptrice et des apprenants qui arrivent avec leur propre bagage linguistique, bagage qu’eux-mêmes peuvent diffuser et partager. En tant que premier acteur de cette relation, les contacts directs avec les élèves amènent à ce que les enseignants comprennent et s’adaptent, aussi bien sur la forme – la langue utilisée pour transmettre le savoir – que le fond pour s’assurer que la connaissance soit bien passée. Le levier tient donc dans cet ajustement et cette flexibilité qu’ils doivent montrer dans le suivi des cursus et des contenus. Cela demande également du travail supplémentaire et de la volonté en n’ayant pas un recours automatique et de manière descendante aux programmes des institutions. La charge de l’adaptation n’est donc pas aux élèves, mais à l’enseignant qui doit construire des leçons par le bas, afin de se servir de la langue des apprenants pour élaborer son discours.
11La discussion s’est ensuite rapidement tournée vers la limite de ce levier. L’acteur qu’est l’enseignant se retrouve confronté au frein principal de l’adaptation : l’institution prescriptrice d’une langue de scolarisation, de pratique et de contenu. Ainsi, l’imposition de l’arabe standard moderne semble être une entrave à cette adaptation indispensable. Les élèves se retrouvent obligatoirement à devoir intégrer deux éléments à la fois, un programme et une langue non maîtrisée. Or, les étudiants du groupe ont évoqué que pour qu’un apprentissage puisse se faire, il faut une première base de compréhension passant par le vocabulaire et la langue. À l’école, quelle que soit la discipline, il est difficile d’assimiler une définition d’un concept lorsqu’on ne saisit pas le sens des mots qu’il contient. Quand celui-ci s’écarte de ceux de la langue scolaire, cela provoque de l’incompréhension en créant inéluctablement un frein.
12Le groupe a relativisé ce frein en évoquant sa levée si l’institution permet des programmes adaptés à la population des apprenants et une souplesse. Cependant, ce n’est souvent pas le cas avec des prescriptions d’enseignement généralisées et non élaborées pour des contextes particuliers, même si ceux-ci sont fréquents. Il apparaît malheureusement plus simple — notamment par souci de cohésion linguistique — que dans une classe soient imposées des normes définies par les institutions de l’État dans le cadre de sa politique des langues. Ce cadre permet à la pratique d’enseignement une certaine « unité » et « cohérence » au détriment de la réalité des différences interindividuelles et des difficultés qu’elles engendrent.
13Outre des prescriptions par l’institution, la société véhicule son lot de représentations des langues dont certaines portent une charge morale, positive ou négative, prestigieuse ou commune, et ayant un lien avec la réussite. L’encrage de langues, valorisées ou dévalorisées, a un impact quant à l’enseignement. Les multiples langues peuvent attiser les craintes de voir des revendications linguistiques comme vecteurs politiques dans des processus de scissions politiques. Dans le cadre de l’Algérie, l’usage exclusif de l’arabe standard moderne a produit l’effet d’un déclassement social des langues dialectales qui ne sont plus considérées comme des langues symboliquement valorisées à part entière, y compris par les locuteurs eux-mêmes. Le fait qu’il y ait des langues favorisées au détriment d’autres se retrouve dans presque tous les pays : les langues officielles exercent un effet de domination non seulement du point de vue normatif, mais aussi sur le plan symbolique sur les langues locales. Aussi, il ne faut pas oublier que la langue a son importance d’un point de vue de l’État en lui-même qui peut mener des politiques d’aménagement linguistique lui permettant d’assurer une cohésion et sa souveraineté.
14Les étudiants ont ensuite abordé le revers de la médaille qui tient également à la posture même des enseignants quant à l’usage de la langue vernaculaire. Si l’adaptation linguistique en classe dépend du seul pouvoir discrétionnaire de l’enseignant, cela peut entraîner des freins quant à l’accès à l’apprentissage. En effet, si certains enseignants témoignent d’un manque d’investissement à l’égard des langues vernaculaires, ou d’un manque d’intérêt, cette posture peut être justifiée par l’obligation de suivre la politique officielle de l’État défendant l’imposition de l’arabe littéraire en tant que fonctionnaire de celui-ci. L’élève peut alors se retrouver dans une situation compliquée si certains enseignants donnent cours exclusivement dans une langue non maîtrisée quand d’autres de leurs collègues sont dans une démarche d’adaptation linguistique. Entre rigueur et flexibilité, la position globale peut amener à plus de mal que de bien demandant en plus des apprentissages et de la compétence de cette langue perçue comme « étrangère » un ajustement en fonction du contexte. Pour peu que les enseignants accompagnent le manque d’ouverture et d’adaptation de sanctions lors d’une entorse à la règle, les élèves se retrouvent alors dans une triple difficulté. Ils doivent à la fois maîtriser la langue, les savoirs transmis en cours et accommoder leur propre posture vis-à-vis des attentes des différents interlocuteurs et contextes à l’école.
15À partir de ces éléments, le groupe a exposé ses réflexions quant à la mise en application de politiques éducatives de transfert linguistique. La question principale s’est donc posée de la manière dont il est possible d’assurer l’éducation plurilingue interculturelle et d’essayer de développer des façons d’enseigner tout en conservant l’identité des apprenants et de l’institution. Malheureusement, les étudiants ne sont pas arrivés à trouver des solutions satisfaisantes. Leur conclusion a été qu’à l’heure actuelle et dans ces différents contextes, la résolution de cette équation était insoluble. Selon eux, il existe des frontières imperméables entre disciplines et utilisation de la langue d’enseignement. Les enseignants sont formés uniquement à la didactique de leur propre spécialité. Un professeur de mathématiques, par exemple, s'approprie les concepts, calculs et exercices, mais ne se pose pas nécessairement la question du moyen linguistique de les transmettre. Ceci représente un angle mort pour l’enseignant qui risque d’ignorer les difficultés langagières des étudiants, quand bien même il ne serait pas « opposé » à travailler sur celle-ci. Il faudrait cependant amener à pouvoir développer la compétence de l’interculturalité et une compréhension des enjeux linguistiques. Ce problème ne peut alors se résoudre à titre individuel et ne dépend pas du bon vouloir des enseignants, mais requiert plutôt une approche systémique et des décisions politiques.
16Afin de répondre à cette problématique, il faut donc dès le départ une volonté de mise en place d’une politique globale qui dépasse le seul cadre éducatif « de la classe ». Il faudrait amener à ce que le corps enseignant puisse voir leur spécialité comme faisant partie d’un ensemble cohérent, comme cela peut être le cas dans d’autres pays et de différentes cultures. Ouvrir les disciplines pour créer des ponts entre matières, permettrait peut-être d’intégrer les langues aux objets d’apprentissage. Sans les citer, les étudiants ont exprimé l’existence d’autres contextes, qui reposeraient moins sur le poids des traditions, d’une représentation monolingue de l’enseignement, aussi bien au niveau enseignant qu’institutionnel. Dans le cas algérien, pris en exemple par les étudiants, une seule « identité » est véhiculée par les lieux de savoir. La règle linguistique existe sans possibilité d’adaptation, alors qu’elle pourrait s’insérer dans un processus d’intégration. Cela demanderait, par conséquent, d’ouvrir l’institution sur la réalité des liens multiples qui peuvent se créer entre l’État, les langues enseignées et les identités langagières des apprenants.
17Malgré l’impossibilité de mise en place d’une politique globale relevée par les étudiants, des actions concrètes locales ont néanmoins pu être formulées par le groupe pour soutenir une intégration linguistique. Un exemple donné par les étudiants serait l’élaboration de guides linguistiques préparés en lien avec les parcours éducatifs et les curriculums. Ces livrets mettraient en avant une ouverture plurilingue et interculturelle comme il a pu être présenté dans les interventions de la journée. Ces livrets peuvent servir de base à une action collective et une simplification du transfert. Il faut cependant pour que cela puisse se faire qu’il y ait concordance de trois points de vue : ceux de l’institution, de l’enseignant et de l’apprenant. Malheureusement, les livrets ne résolvent pas les problèmes évoqués plus haut qui font que chacune des parties peut avoir ses propres finalités et ses enjeux incompatibles entre eux.
18Pour conclure, si on ne peut faire évoluer les institutions, le transfert ne peut se faire que par des acteurs individuels qui sont dans ce cas les enseignants. Pour réduire les distances linguistiques, il faudrait alors d’abord qu’il y ait une vraie compréhension des cultures et conceptions de chacun. Une hypothèse évoquée dans ce sens consisterait à travailler sur trois aspects : l’image identitaire et les représentations que les enseignants (leviers primordiaux du changement) projettent sur les langues vernaculaires, sur l’apprentissage de la langue officielle et de ses spécificités et sur l’interférence linguistique entre langues parlées et langues officielles. Les représentations ainsi clairement identifiées, comprises et intégrées pourraient permettre de réduire les écarts entre prescripteur du message et receveur (enseignants-étudiants) pour une pédagogie plus efficace intégrant à la fois la compréhension de la langue et la compréhension de la discipline.
3. L’acquisition d’une langue étrangère pour favoriser l’intercompréhension linguistique en situation d’apprentissage (Groupe 2)
19Le deuxième groupe a quant à lui choisi de faire sa présentation dans la continuation d’une thématique abordée plus tôt dans l’après-midi. Le cadre de la réflexion s’est porté sur les étudiants de Licence en Catalogne qui doivent apprendre une langue étrangère avec un niveau B2 pour obtenir leur diplôme.
20Ce groupe de travail a réfléchi sur le contexte linguistique de la Catalogne. Évidemment, le statut des langues en Espagne relève d’une question politique. Dans le cadre de ce compte-rendu, nous ne développerons pas ce point qui aurait pu constituer en lui-même le sujet du groupe sur la difficulté de langues parlées et maîtrisées (catalan et castillan) différentes dans un même pays. Lors des discussions, les échanges ont porté plus particulièrement sur l’article 211 de la loi du 27 janvier 2014 qui vise l’obtention d’une langue étrangère (autre que le castillan ou le catalan) avec un niveau B2 pour acquérir une licence (Grau). Cette loi a finalement été modifiée le 3 mai 2018 pour spécifier que cette mesure s’appliquait aux étudiants commençant leurs études de premier cycle dans une université catalane à partir de l’année universitaire 2018-2019. L’objectif était donc de voir les éléments qu’entraîne cette loi d’un point de vue du transfert linguistique et des leviers et freins pour arriver à y répondre.
21Les étudiants ont réintroduit en préambule les éléments constitutifs de discussions initiées lors de la présentation de colloque par Mme Silvia Ruiz-Babot sur cette loi et les problématiques associées. Dans le cadre de cette loi, les étudiants catalans doivent certifier de la maîtrise d’une troisième langue – si on considère le fait de parler castillan en plus du catalan — dans leurs études. Cette langue n’est pas restreinte à l’anglais mais peut aussi être le français, l’italien, l’allemand. Sans un niveau certifié de B2 ou plus à la fin de la licence, l’étudiant ne peut donc obtenir son diplôme. On peut alors énumérer plusieurs difficultés. Cette loi ne prend pas en compte d'une part, que les étudiants n’ont déjà pas tous le même niveau dans leurs deux « premières » langues (castillan et catalan), qui peuvent être leur domaine d'étude, et d’autre part, que tous les étudiants ne partent pas égaux sur la maîtrise d’une langue étrangère, quand bien même elle ne serait par leur domaine d'étude.
22Les étudiants ont continué en rappelant le cadre de la proposition de cette loi. Un constat a motivé cette législation, le modèle catalan n’est pas à la hauteur des attentes européennes. En effet, si on demande aux étudiants la maîtrise d’une langue étrangère supplémentaire, il est dans l’intérêt de la Catalogne de pouvoir s’ouvrir sur le monde et plus particulièrement sur l’aire géographique avec laquelle celle-ci a le plus de relation : l’Union européenne. Il est vrai qu’au sein de l’Union, chaque langue parlée par les États est représentée lors des échanges officiels entre les pays. Cependant, il est intéressant de noter ici qu’en réalité seule la maîtrise de l’anglais est visée plus qu’aucune autre langue, mise en avant et très valorisée pour tous les échanges internationaux. Ainsi, une telle loi n’a pas pour but une diversification linguistique au sein de la Catalogne — et ce même si des langues différentes peuvent être parlées avec un niveau B2 — mais une imposition d’une langue d’interaction principale. Or, cette vision vers l’extérieur peut être vue comme réductionniste et peut amener à délaisser la maîtrise de langues locales (on pourrait citer le basque comme autre exemple supplémentaire au catalan en Espagne) qui présentent également une plus-value, mais qui, elles, ne sont pas mises en avant.
23Une fois exposée la problématique d’un gouvernement catalan soucieux de favoriser ses échanges avec l’Europe et le monde, la discussion s’est alors portée sur les éléments de sa contestation et le retard de son application. Cette loi a été soumise au vote en 2014, mais à l’heure de l’atelier, celle-ci n’était pas encore appliquée pour les étudiants en licence et faisait face à de vives critiques et des pétitions. Les étudiants ont tenté d’expliquer les éléments de cette contestation. On pourrait en effet penser que ce n’est pas un réel souci avec 50 % des étudiants qui arrivent déjà avec cette certification, et n’ont donc pas de difficulté par rapport à cette loi. Cependant, tous les 50 % des étudiants restant que le problème se pose, car plusieurs facteurs compliquent son application. Si les nouveaux étudiants arrivant en licence à partir de septembre 2018 n’ont pas un niveau B2 en langue étrangère à la fin de leur formation, ils ne pourront pas valider leur diplôme.
24Les discussions ont permis d’identifier plusieurs facteurs liés à l’apprentissage des langues et à la mise en place des formations. En premier lieu, des dispositifs d’aide à l’obtention de cette certification au niveau B2 existent. Cependant, au-delà de l’efficacité effective de ces aides qui n’est pas remise en question, c’est évidemment le problème de l’accès à ces aides qui pose question. Le groupe de l’atelier rapporte que le nombre d’étudiants en demande est bien supérieur au nombre de bourses. Il y a une inadéquation entre les moyens et les besoins, ce qui est d’autant plus problématique quand la mesure est obligatoire. Ceci pose un problème d’équité face à la réussite : quelles possibilités se présentent à ceux qui ne bénéficient pas de ces aides ? Doivent-ils se tourner vers des cours particuliers et donc devoir payer des sommes supplémentaires pour valider leur licence ? Tout laisse à penser que lorsque le diplôme est mis dans la balance, ainsi que la possibilité de progresser dans une langue potentiellement utile dans leur futur métier créant ainsi de meilleures perspectives professionnelles, la motivation est bien présente. Le nombre de bourses allouées aux étudiants est trop faible par rapport à une loi qui s’adresse à tous et quand bien même elles seraient en nombre suffisant, chaque programme a ses critères.
25Les étudiants se posaient alors naturellement la question du coût et inévitablement des inégalités que cette loi peut engendrer. Ne pas toucher cette aide pour se former signifie que l’étudiant doit se procurer les moyens d’y parvenir par lui-même et ce, afin de pouvoir s’instruire. Ces moyens peuvent alors peser de manière très importante si une charge supplémentaire de travail est requise pour constituer des dossiers de demandes afin d’accéder aux bourses ou aux programmes privés, et cela sans compter le coût temporel de telles démarches au détriment d’autres charges indispensables à l’étudiant (études, travail, etc.). Ainsi, plutôt que d’aider les étudiants en leur proposant un meilleur futur par l’obtention d’un niveau de langue, ce dispositif risque au contraire d’accroître les inégalités aux dépens de ceux qui sont déjà en grande difficulté, financière notamment.
26Le deuxième point abordé dans l’argumentaire du groupe 2 concernait l’intérêt même de l’apprentissage d’une langue supplémentaire. De fait, parmi les 50 % d’étudiants qui n’ont pas cette certification B2, certains ne verront pas l’utilité de la maîtrise d’une langue étrangère. On peut se demander en effet l’intérêt personnel que peut avoir cette mesure généralisée pour toute discipline, sans distinction. Cette loi, comme exprimée en amont, est d’abord poussée dans une perspective collective pour la Catalogne plutôt que dans une réflexion individuelle. Il se trouve ainsi un problème motivationnel concernant l’apprentissage de ces langues. Quel intérêt d’une motivation extrinsèque, l’objectif de la seule obtention d’une certification, quand il s’agit d’une formation aussi conséquente qu’une langue étrangère ? Il apparaît alors difficile aux étudiants d’y trouver une source de motivation pour la matière s’ils n’y voient pas de valeur intrinsèque pour leurs études ou leur future profession. Cette décontextualisation ne parait pas être au bénéfice d’un maintien de la langue sur un long terme avec ces objectifs de « performances ».
27Le groupe a ensuite abordé les pistes de réflexion face à cette situation. La première consiste à s’interroger au sujet de la loi. Un des points fondamentaux soulevés est la décontextualisation de la loi par rapport à la réalité et la flexibilité du terrain. La législation est rigide et donne un cadre d’application général qui n’est pas approprié aux cas particuliers. Le groupe a en effet abordé le fait que la loi prévoit les spécificités de chaque domaine ou de manière plus réaliste une marge d’adaptation aux conditions des étudiants, des disciplines et des besoins. Autant la volonté générale de faire évoluer la société vers une plus grande internationalisation est compréhensible, autant cela ne prend pas en compte la réalité du vécu sur le plan individuel. La décontextualisation énoncée est un objectif seulement sur les moyens et non sur une finalité qui ne questionne ni la demande, ni les besoins, ni leurs applications individuelles sur le terrain. Ainsi, alors même qu’au niveau licence on demande aux étudiants de se spécialiser pour obtenir un diplôme dans des disciplines spécifiques, la loi en elle-même est trop générale et crée des disparités. Par exemple, cette loi semble faire porter un fardeau lourd à ceux qui n’ont pas déjà cette certification quand bien même c’est à eux qu’elle est censée apporter son aide.
28Le groupe a naturellement abordé la question des moyens et il en est ressorti que l’investissement ne serait pas forcément utile pendant les études, mais en amont. En effet, plutôt que d’évaluer le niveau B2 comme une finalité pour une attestation, celle-ci pourrait être un outil afin même de suivre des études supérieures. La certification B2 pourrait être demandée avant la licence, lorsque les élèves ne sont pas encore dans un système plus tubulaire d’apprentissage et dans l’intention de renforcer une plus grande potentialité d’étude. Cela répondrait aussi à apporter une plus importante égalité dans le niveau supérieur étant donné que tous les étudiants auraient le niveau B2, alors qu’avec une loi actuelle 50 % se retrouveraient à être déjà certifiés et donc être avantagés dans le reste de leurs études.
29Une autre piste de réflexion présentait l’intérêt intrinsèque de l’acquisition d’une langue supplémentaire au sein des formations. L’idée serait qu’il n’y ait pas qu’une seule source motivationnelle à généraliser, c’est-à-dire « apprendre une langue étrangère pour l’avenir », mais des objectifs spécifiques. Pour ce faire, la mise en place d’une telle réflexion devrait inclure obligatoirement les équipes pédagogiques de chaque discipline afin d’intégrer la langue en tant que projet transversal plutôt qu’un apport ad hoc à la formation. Ceci ne peut se faire de manière « calquée » et automatique, et reste très subjectif et à la charge de chaque composante. La masse de travail supplémentaire que cela engendrerait devrait être réfléchie et planifiée en amont pour obtenir une transmission « personnalisée » de l’anglais à la discipline.
30Le problème toutefois reste le même que dans la première piste de réflexion concernant la loi, la flexibilisation et l’adaptation de la règle « générale » pour qu’elle soit appropriée aux cas particuliers. Sans flexibilité il ne peut y avoir de réelle compréhension de l’intérêt d’une langue étrangère pour une formation spécifique. Il en va de même lorsqu’on change de point de vue pour prendre celui de l’enseignement de la langue. L’ancrage dans un contexte spécifique et pragmatique ne peut être que bénéfique pour un cours. Si l’objectif d’une telle loi est réellement de favoriser l’échange avec des cultures et langues partenaires, afin d’obtenir une meilleure intégration professionnelle, cela passe par un vocabulaire adéquat sur des concepts communs. Il faut ainsi que la langue soit incorporée dans un programme pour transférer l’apprentissage à des situations particulières et sur un lexique propre. Une solution serait donc de réfléchir à partir d’objectifs opérationnels de formation intégrant la langue en tant qu’outil spécifique ancré dans une réalité d’enseignement. Par exemple, dans le cadre d’un cursus lié à l’ingénierie, cela pourrait commencer par des exemples, contextes exercices particuliers à la discipline pour les enseignants d’anglais. À l’autre bout de la chaîne, ces derniers pourraient dispenser leurs cours et proposer des activités pédagogiques dans la langue la plus appropriée. À cela s’ajoute donc la contrainte spécifique d’avoir des enseignants capables d’assurer la transmission d’une langue étrangère, en plus du temps supplémentaire que prendrait cette transformation de la formation. Le maître mot d’une telle intégration ne serait autre que de susciter l’intérêt pour une langue l’incluant dans une discipline plus globale plutôt que de la voir comme une finalité décontextualisée.
31Le groupe a fait émerger une dernière piste de réflexion sur la notion de l’attente d’un « niveau » B2. Plutôt que de raisonner à un standard, l’idée de compétences linguistiques spécifique à chaque discipline a été évoquée. Cette piste a en effet ouvert une discussion sur ce que signifie une certification à la place de compétences pragmatiques. Un niveau B2 ne peut révéler la réalité des usages et ne se pose aucunement la question de la compétence linguistique requise dans la future profession. Un seuil « fixe » serait décrété arbitrairement comme transversal à toutes les disciplines, or la richesse d’un lexique nécessaire, par exemple pour un étudiant en histoire de l’art, ne peut être comparable à un vocabulaire technique que l’on peut trouver dans d’autres formations. Le groupe s’est donc posé la question de ce qu’on pourrait attendre en termes de compétences définies spécifiquement en rapport à chaque discipline. Pour certaines, les habiletés d’expressions orales pourraient être privilégiées, l’expression écrite serait primordiale avec dans les deux cas un niveau de vocabulaire approprié à l’utilisation la plus commune. La transversalité dans l’apprentissage d’une langue étrangère est importante, mais son enseignement doit être contextualisé avec des exemples concrets selon les disciplines.
32Pour terminer sa présentation, plutôt que de réfléchir à un niveau » B2 » qui a posé question au groupe, celui-ci a pensé à la création de « points étapes » au sein du parcours licence. L’idée des étudiants serait de constituer une logique de progression dans l’acquisition de la compétence linguistique au fur et à mesure du cursus. Ainsi, toujours dans la pensée d’une intégration langue-discipline, l’anglais ne serait plus décontextualisé d’un enseignement spécifique, mais inclus comme un outil de compréhension, à plusieurs niveaux et se développant au cours de l’appropriation des connaissances et des compétences. En ce sens, la question de la mesure est importante également. Le groupe a mis en avant d’autres outils d’évaluation de compétences linguistiques tels que le TOEFL ou le TOEIC. Dans tous les cas, les étudiants ont appuyé l’importance de séparer les deux concepts de connaissances et de compétences afin de prendre en compte ce dont les apprenants ont réellement besoin au cours de leur formation.
4. La diversité linguistique et l’éducation bilingue : l’apprentissage de l’anglais chez les enfants irlandais (Groupe 3)
33La restitution du troisième groupe a porté sur la diversité linguistique et l’éducation bilingue, dans le cadre particulier de l’apprentissage de l’anglais chez les enfants irlandais. En Irlande cohabitent deux langues officielles, l’irlandais et l’anglais. Aidé par le professeur David Little, le groupe d’étudiants a rapporté le cas d’une école de l’ouest de Dublin, St Brigid’s School for girls (Scoil Bhríde [Cailíní]) qui propose une approche plurilingue de l’éducation des langues et dont la plupart des élèves (300 filles) ont des langues maternelles différentes. Dans cette école, on trouverait seulement 20 % d’anglophones et pour le reste des irlandophones, mais pas seulement, puisque plus de 50 langues maternelles seraient parlées par les enfants. Dans ce contexte, la question de la place de l’anglais dans une école irlandaise se pose et a fait l’objet de la réflexion de groupe. Dans ce cadre, comment peut-on apprendre aux enfants en école primaire à parler anglais au sein d’une école irlandaise ?
34La problématique du groupe s’est focalisée sur la diversité linguistique et la question de laisser coexister toutes langues entre elles. Bien qu’il y ait plusieurs langues parlées par les enfants de cette école, à cet âge les élèves arrivent naturellement à communiquer entre eux et à se comprendre notamment par le biais du langage corporel et la gestuelle. La communication ne se résume pas à la seule pratique d’une langue commune. L’avantage des enfants à cet âge est d’être dans un apprentissage constant tout d’abord de leur propre langue, et de montrer des facultés d’adaptations et de compréhension implicite que les adultes ne peuvent mettre en place. Ainsi, la prise en compte de cette aptitude est employée au service de la pédagogie de cette école pour assurer une éducation tout en sauvegardant la diversité linguistique des élèves.
35La communication est donc un point important qui ne semble pas insurmontable pour les enfants. Cependant, comment l’école fait-elle pour ne pas effacer les langues maternelles ? Au contraire, le groupe a fait remonter à l’assemblée que bien que les enfants n’utilisaient pas tous la même langue maternelle, et loin s’en faut, aucune n’était stigmatisée, mais inversement toutes étaient valorisées. Par exemple, les étudiants ont rapporté que pour compter, les enfants pouvaient employer l’anglais, l’irlandais, et en fonction des familles cela pouvait être également fait en polonais, ukrainien ou français. Il a été mentionné que l’équipe enseignante dans cette école ne stigmatisait pas les enfants quant à leur langue maternelle et n’essayait pas d’imposer un modèle linguistique particulier.
36L’équipe éducative composait ainsi avec la diversité, plutôt que par une uniformisation construite. Les enseignants mettent apparemment en avant chaque enfant en tant qu’individus singuliers pour que chaque jeune puisse s’affirmer au travers de sa propre langue maternelle. Ceci amène spontanément la question de la part de la langue dans la construction de l’identité culture, d’autant plus lorsqu’elle se développe dans un milieu d’une culture différente. Ceci a donc conduit le groupe à se poser de multiples questions. Ainsi, quels sont les besoins, aussi bien d’un point de vue éducatif qu’identitaires, pour les enfants ? Est-ce le rôle de l’équipe pédagogique de soutenir les identités personnelles et de mettre en avant l’identité de chaque élève ? Cette affirmation de soi ne se fait-elle pas au détriment de l’éducation et de la cohésion de la société dans laquelle ils vont grandir ?
37Il a finalement été dit que les enfants ressortent de cette école en étant capables de parler anglais et irlandais, mais sans perdre pour autant leur identité. Il semble donc que le pari de cette institution soit gagnant d’un point de vue à la fois éducatif, de l’identité, et très certainement aussi social. Cette école permet aux enfants d’être dans l’acceptation de l’autre et la réduction des stéréotypes vis-à-vis des différentes langues, communautés et cultures. Cependant, la réussite n’est possible dans cette école que par le travail et la coopération de l’équipe pédagogique. Pour que les enfants ne se perdent pas dans l’éducation prodiguée par cette institution, elle a dû s’adapter pour monter tout un projet en ce sens. Il parait en effet évident en reprenant un exemple précédemment cité qu’on ne peut demander à des enfants de compter dans leur langue, si les équipes sont incapables de les accompagner et de pouvoir les corriger.
38L’aménagement linguistique dans cette école ne concerne donc pas seulement les enfants, mais aussi, et surtout les équipes enseignantes. Ce travail préalable est indispensable pour amener à la création d’un socle commun pour les enfants d’un point de vue du contenu, tout en ne sacrifiant pas les langues et cultures. À la base des leviers, comme des freins éventuels se trouvent les enseignants. Les étudiants du groupe ont fait remonter que le personnel éducatif percevait positivement leurs actions par la création d’un cercle vertueux d’enrichissement mutuel avec les enfants. L’idée principale du projet éducatif était de partir de la base afin d’élaborer les formations. Le fondement reste la langue maternelle des enfants avec leurs caractéristiques linguistiques pour arriver à un programme utile à l’enseignement. Pour terminer, cela a ensuite était retranscrit en tant que politique linguistique. Cette action partant de la base vers le sommet, et que l’on peut donc qualifier de bottom-up se veut au plus proche des enfants, et sert à la fois dans l’éducation et les pratiques langagières.
39Le plus important écueil qui a été rapporté au cours de la discussion est la question de la continuité. En effet, l’équipe pédagogique ne se base pas sur des règles construites de manière explicite, mais sur une régularité de principes implicitement mis en place au fil des années. En cas de renouvellement du personnel, assurer une continuité devient alors assez difficile. La non-transcription explicite d’une règle en place en tant que politique d’établissement peut amener des décalages chez les nouveaux recrutés avec la pratique des « anciens ». La flexibilité qu’une telle organisation demande, amène à la découverte constante de situations inconnues et peut provoquer une incapacité d’anticipation et de connaissances des approches existantes afin de pouvoir accompagner efficacement les enfants. Les nouveaux arrivants se retrouvent alors empêchés par les politiques linguistiques mises ne places, alors qu’elles ne sont pas inscrites en tant que telles. Il faudrait ainsi mener jusqu’au bout la logique du bottom-up afin d’expliciter ces politiques sous forme de règles connues et partagées par tout le monde. Cette transformation permettrait alors de faire émerger une politique linguistique claire et sur laquelle les pratiques de chaque enseignant peuvent se reposer localement.
40La réflexion s’est portée ensuite sur la possibilité de généraliser ce cas particulier de transfert sur une plus grande échelle, mais l'initiative semble compliquée. Une préconisation globale consisterait à faire confiance aux forces en place sur le terrain. La raison pour laquelle cette expérience fonctionne dans ce cadre particulier tient certainement dans les capacités, les compétences et les connaissances des enseignants de cette école, en somme dans leur engagement. Le succès de cet enseignement semble donc être d’abord la réussite de l’accompagnement éducatif et la démonstration d’une confiance en l’aptitude des acteurs locaux à maîtriser les situations et à les tourner à leur avantage. Il apparaît compliqué de pouvoir montrer un tel niveau d’adaptation dans toutes les écoles.
41Si nous devions en tirer des enseignements, ce serait justement de ne pas être dans une adaptation rigide de la règle, mais de développer une autonomie des acteurs afin de satisfaire de grands objectifs. C’est en connaissant les richesses et la diversité linguistique du côté des apprentissages au niveau local et les compétences des équipes pédagogiques qu’on peut construire une compréhension de la politique pour sa finalité et non pour ses moyens mis en place. Nous pouvons en extraire un principe qui semble fondamental dans l’exercice lié à l’éducation, qui consiste simplement à expliciter les règles implicites de fonctionnement. Le problème du turnover tel qu’il a été édicté n’est que le reflet d’un manque de capacité à expliciter ces implicites pour pouvoir transmettre une politique qui s’est constituée naturellement. En ouvrant vers ces aspects « non déclarés » et invisibles de ces situations cela évite de se fermer à des éléments sur lesquels peuvent se construire de vraies politiques éducatives et linguistiques.
42Pour conclure, dans une école de 300 filles avec au moins 50 langues différentes, aucune individualité ne se retrouve écrasée à partir du moment où la construction se fait sur la base de la reconnaissance linguistique des jeunes et de leur singularité. L’affirmation de l’identité peut être mise au profit des apprentissages et non pas être au détriment d’une langue « unique » à enseigner de force en opprimant les cultures et langues maternelles de chacun.
5. Le transfert de recherche à l’université comme un cas spécifique du transfert linguistique ? Réflexion suite à une recherche-action interdisciplinaire sur la prise de notes à l’université
43Le transfert de recherche4 est un processus qui consiste à sélectionner, traduire, diffuser et appliquer des savoirs issus de la recherche qui peuvent être mis en œuvre dans divers contextes au sein du monde universitaire. Or, ce processus ne peut pas être dissocié des acteurs universitaires qu’y participent et qui ont été socialisés avec une culture scientifique disciplinaire spécifique à leur parcours universitaire. Dans ce contexte, il est impératif de reconnaître que la transdisciplinarité ne doit pas devenir un frein, mais plutôt constituer un moteur essentiel pour l'amélioration des pratiques existantes. Les connaissances issues de la recherche scientifique en sciences sociales, même lorsqu'elles proviennent d'autres domaines tels que l'éducation, peuvent véritablement enrichir les méthodes en place uniquement si elles se traduisent par des actions concrètes sur le terrain, telles que des formations ou des outils. De plus, elles doivent jouer un rôle crucial dans l'orientation des décisions politiques au sein de l'université. Toutefois, on constate parfois la difficulté à réaliser le transfert des « données probantes » du domaine de la production des connaissances fondamentales à celui des interventions pratiques (Rey 2014).
44Par exemple, lors d’une recherche-action sur la prise de notes des étudiants réalisée en 2019 à l’université de Poitiers, une équipe de chercheurs, deux psychologues et deux sociologues ont travaillé étroitement ensemble afin d’étudier comment améliorer un dispositif d’enseignement dans le but de favoriser la prise de notes des étudiants (Shtembari et al., 2019). Dans une équipe interdisciplinaire, force est de constater que le processus de transfert des savoirs exige un fort degré de coopération entre les membres de l’équipe. La difficulté réside alors à dépasser les obstacles parfois dus aux différences de langages disciplinaires et de faire converger les intentions en s’appuyant sur la complémentarité des acteurs.
45Lors de ce projet interdisciplinaire, la première étape a été de construire un questionnement commun : si les réflexions pouvaient être proches du point de vue méthodologique, il est néanmoins important de noter que la difficulté principale consistait à trouver un langage scientifique commun facilitant ensuite la traduction des résultats des recherches, d’évaluer leur potentiel de transférabilité et de proposer les modalités de transfert envisageables. Le travail de coopération est passé par une phase de réappropriation partagée du vocabulaire scientifique entre les membres de l’équipe (Shtembari, Gimenes, Epinoux, Haller, & Olive 2023).
46Ce dernier point soulève plusieurs questions : comment « se libérer » des effets de la matrice disciplinaire et réduire les frontières qui opposent les disciplines scientifiques ? Quelle stratégie, voire posture, adopter face à cette situation pour produire des conditions saines permettant une coopération durable entre tous les acteurs engagés dans ce processus de transfert ?
47La recherche-action interdisciplinaire sur la prise de notes des étudiants a montré que ce travail collectif ne peut pas se faire sans l’inscription de tous les acteurs dans une démarche de coopération. Il faut toutefois préciser que cette dernière ne doit pas résulter uniquement de l’intention des acteurs qui y participent, mais elle doit surtout s’inscrire dans une logique conventionnelle qui permet à tous les acteurs de coopérer en suivant les mêmes principes, règles et normes. Pour une coopération fructueuse entre les sciences, la cohérence devient avant tout un principe de cohésion dans un projet commun. La condition de la production d’une action collective réside dans l’existence d’une base conventionnelle entre acteurs appartenant, pour parler comme le sociologue Howard Becker, à « des mondes communs » (Becker, 1983).
48La coopération interdisciplinaire signifie alors croire et adhérer à une vision spécifique commune pour le bien de tous qui exige le dépassement de certaines frontières symboliques. Par exemple, le travail entre sociologues et psychologues, dont la formation réside sur des socles méthodologiques et épistémologiques différents, pourrait sembler quasi-impossible. Bien qu’ils partagent certaines méthodes communes aux sciences sociales, les spécificités disciplinaires peuvent devenir parfois de véritables obstacles : les sociologues seraient plus sensibles à l’exploration des déterminants sociaux des phénomènes observés, alors que les psychologues cognitivistes seraient plutôt intéressés par les méthodes expérimentales.
49In fine, le succès dans ce type de projet repose alors sur un travail de transfert linguistique scientifique qui repose sur la complémentarité des points de vue entre les membres de l’équipe. Par exemple, participer activement à l’explicitation et à la reformulation de son langage scientifique afin de dissiper les malentendus concernant l’administration de la preuve pouvait être un facteur clé pour rapprocher des différences découlant des cultures de recherche différentes.
6. Synthèse générale : des langues et des cultures en contact
50Entre les trois ateliers et le transfert des recherches, on peut légitimement se poser la question de notre capacité à pouvoir généraliser des conclusions. Parmi ces quatre situations, on décrit effectivement des différences de contextes, de langues, et pourtant on peut également trouver des invariants que ce soit sur les leviers ou les freins permettant les transferts et la collaboration. Les éléments suivants ont été évoqués en fin de table ronde et se répercutent dans la plupart des cas énoncés précédemment.
51Nous commencerons ainsi par faire ressortir trois freins principaux. Le premier avec lequel il faut composer est la prise de conscience de formes de rapport de forces qui empêchent la mise en œuvre d’un processus de transfert linguistique. Ces rapports de forces peuvent être de nature différente en exerçant leur influence en termes culturel (p. ex. une culture disciplinaire prévenant l’intégration de langue), linguistique (p. ex. dépréciation d’un dialecte au profit d’une langue valorisée) ou encore par la diffusion de représentations stéréotypées (p. ex. apprendre l’anglais pour réussir). Le deuxième point concerne la rigidité dont font preuve les institutions et qui empêche tout changement. À partir du moment où une règle est édictée elle entraîne une perte de sens de l’objectif de son existence au profit de la mise en place des moyens pour la faire respecter. Nous retrouvons un bel exemple de cette rigidité dans le cadre de l’obtention d’un niveau de langue B2 (groupe 2) ou de règles institutionnelles imposant l’emploi de tel ou telle langue sans ajustement possible (groupe 1). Enfin, un troisième élément concerne le poids non nécessairement pris en compte qu’engendre toute proposition de changement. La mise en place de politiques linguistiques peut amener à un surcroit de travail (p. ex. le temps à passer pour apprendre une langue se répercute sur d’autres activités) ; des efforts supplémentaires d’adaptation et de flexibilité (p. ex. adaptation de la langue utilisée pour trouver un lexique commun) ; ou de développement de compétences pour lesquelles on ne propose pas de formation. Tous ces éléments s’ils ne sont pas pris en compte peuvent entraver une bonne collaboration entre et dans les institutions.
52A contrario, on peut également dénoter plusieurs leviers communs aux quatre situations. Le premier est le corollaire du dernier frein : l’enseignant constitue une ressource essentielle et indispensable. À partir du moment où ceux-ci initient des initiatives de transfert linguistique favorisant l’inclusion de tous les élèves, il faut les accompagner, car ils composent le moteur du changement. La confiance envers les enseignants semble essentielle, puisque ce sont eux qui maîtrisent le volet didactique de leurs disciplines et qui connaissent les caractéristiques de leurs élèves, ainsi que leurs contraintes linguistiques. Un deuxième levier est un contrepoint de la rigidité des institutions, en laissant la capacité à proposer des adaptations des règles aux situations particulières. L’édiction de « recettes » ne peut s’appliquer aveuglément et sans réflexion sur le contexte et la langue. Une solution comme celle proposée par le troisième groupe consiste à ce que les règles émergent de « la base » laissant libre cours à des adaptations en fonction des circonstances.
53L’adaptation et la flexibilité semblent ainsi indispensables quand on se place dans une dynamique de transfert, mais celle-ci ne peut exister sans compréhension mutuelle de tous les acteurs en jeu. Dans le triptyque, enseignant, élève et institution, chacun de ces acteurs doit intégrer la place qu’il occupe dans la politique éducative. Un enseignant se retrouve dans l’intermédiaire entre les langues pratiquées de ses élèves, les cultures associées et le poids des règles institutionnelles et de ses propres aspirations. De même, les étudiants s’adaptent perpétuellement face aux règles et aux attentes spécifiques de chaque enseignant. Il en va pareillement pour l’institution, qui en en édictant les programmes et les règles impose à la fois des objectifs, les moyens et les contraintes de la réussite de ses agents et de ses élèves. L’explicitation et la compréhension réciproque des enjeux et objectifs permettent une meilleure adéquation des moyens pour la réussite des politiques linguistiques. Ceci demande obligatoirement un travail de tous les acteurs pour que rien ne soit édicté « d’en haut », sans volonté des acteurs ou connaissance des élèves, mais en œuvrant de concert à des perspectives communes plutôt que des règles perçues comme étant imposées. Cette explicitation passe également par la redéfinition des finalités, des acteurs et des moyens pour y parvenir. Il semble qu’il ne faille jamais que la règle devienne une finalité, mais toujours un instrument du développement des objectifs.
54Pour conclure, il apparaît que pour répondre à notre question principale il faille améliorer l’explicitation des implicites. C’est en définissant et en exposant des objectifs, en déterminant les attentes communes, en d’autres termes, en limitant toutes les parts d’ombre et les non-dits, que les transferts et la collaboration peuvent se mener. Derrière toute interaction se cachent des représentations qu’il faut formuler pour pouvoir construire sur des différences, et éviter d’opposer sur les malentendus. Ainsi, à la simple question posée en titre de cette table ronde : « Comment favoriser la collaboration internationale en langues entre les institutions et à l’intérieur de l’institution ? », la réponse peut être formulée sobrement : en favorisant une communication sans implicite entre tous ses acteurs.
Bibliographie
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Graham, I. D., Logan, J., Harrison, M. B., Straus, S. E., Tetroe, J., Caswell, W., & Robinson, N., 2006, « Lost in knowledge translation: Time for a map », Journal of Continuing Education in the Health Professions, 26(1), p. 13-24.
Mauz, I., Ronsin, G., Aubertie, S., Collin, A., Landrieu, G., & Le Bastard, A.-M., 2019, « La transdisciplinarité en pratique. Les collaborations entre chercheurs et gestionnaires d’espaces naturels protégés », Natures Sciences Sociétés, 27(2), p. 205-211. doi: https://doi.org/10.1051/nss/2019029
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Rey, O., 2014, « Entre laboratoire et terrain : comment la recherche fait ses preuves en éducation ». Dossier de veille de l'IFÉ, 89.
Shtembari, A., Gimenes, G., Epinoux, N., Haller, S., & Olive, T., 2023, « Améliorer les pratiques d’enseignement pour favoriser la prise de notes des étudiants-Un accompagnement pédagogique par la recherche-action ». Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 39(2). doi: https://doi.org/10.4000/ripes.4801
Notes
1 Initiatives d’Excellence en Formations Innovantes Parcours Réussite (réf. ANR - 11-IDFI-0028)
2 Maîtresse de Conférences d’études anglophones, Université de Bordeaux, UR 15076 FoRELLIS, Université de Poitiers
3 https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2023/Langues-et-usages-des-langues-dans-les-consommations-culturelles-en-France-CE-2023-3, consulté le 4 février 2024.
4 De nombreuses études dans le domaine de la santé se concentrent sur le transfert de recherche [en anglais « knowledge transfer »], cependant on observe encore peu d’études dans le champ de l’éducation. Voir, par exemple, Graham, Logan, Harrison, Straus, Tetroe, Caswell, & Robinson (2006). Pour une discussion critique sur le rôle des passeurs en éducation voir Gaussel, Gibert, Joubaire, & Rey (2017).
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Guillaume Gimenes
Guillaume Gimenes est depuis 2018 Maître de conférences en psychologie cognitive de l'éducation à l'université de Lille, ULR 4072 – PSITEC – Psychologie : Interactions, Temps, Émotions, Cognition. Actif en pédagogie, spécialisé dans les domaines de l'éducation, de la mémoire et de l'apprentissage, il intervient régulièrement lors de conférences pédagogiques.
Quelques mots à propos de : Arber Shtembari
Arber Shtembari, sociologue et chercheur à l'université de Poitiers, UR 15075 – Laboratoire GRESCO – Groupe de recherches sociologiques sur les sociétés contemporaines, a soutenu sa thèse de doctorat en sociologie à l'université de Limoges en 2016. Il occupe un poste d'ingénieur de recherche à l’université de Poitiers, où il enseigne également et anime des formations pédagogiques universitaires.
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