L’intermédialité pasolinienne. Contamination et explosivité : l’hybridité à l’œuvre

Par Aurélie Leclercq
Publication en ligne le 23 décembre 2024

Résumé

Pasolini’s plural work, placed under the sign of a poetic «hypergenre», is characterized by the richness and variety of his intermediate practices. Far from being unifying, the poetic form presides over a break-up of the work, essentially «impure», crossed by contradictions, defined by a constitutive ambiguity. Such practices, which take on various forms in Pasolini’s work, are therefore intended to make this ambiguity exist. Images, texts and music contaminate, enrich and collide each other. The poetry is visual, the cinema is crossed by pictorial images, the art of montage favors rhythm and poetic expressiveness. Far from being an aesthetising, mannerist or even decadent posture, intermediality allows to preserve and translate an essential part of otherness and contradiction. It is an essential role of the poet: to make heard or show the «difference» denied or hated by a conformist world. La Rabbia, this «ideological and poetic essay», perhaps carries to its highest degree such mission of the poet. Pasolinian intermediality is both contamination and clash: generic borders become blurred and explode, enriching the work while destroying its unity. A mixture and an excess: the metaphor of the «hybrid» body is thus a particularly relevant image of Pasolini’s work.

L’œuvre plurielle de Pasolini, placée sous le signe d’un « hypergenre » poétique, se caractérise par la richesse et la variété de ses pratiques intermédiales. Loin d’être unifiante, la forme poétique préside à un éclatement de l’œuvre, essentiellement « impure », traversée par des contradictions, définie par une ambiguïté constitutive. Ces pratiques, qui prennent dans l’œuvre de Pasolini des formes variées, ont donc pour objet de faire exister cette ambiguïté. Au sein de l’œuvre, images, textes, musiques se contaminent, s’enrichissent, se heurtent. La poésie est visuelle, le cinéma est traversé d’images picturales, l’art du montage privilégie le rythme et l’expressivité poétiques. Bien loin d’être une posture esthétisante, maniériste voire décadente, l’intermédialité permet de préserver et de traduire une part essentielle d’altérité et de contradiction. Il s’agit d’un rôle essentiel du poète : celui de faire entendre ou de montrer la « différence », au sein d’un monde conformiste qui la nie et la hait. La Rabbia, cet « essai idéologique et poétique », porte peut-être à son plus haut degré cette mission du poète. L’intermédialité pasolinienne est à la fois contamination et heurt : les frontières génériques se brouillent et explosent, enrichissant l’œuvre tout en en détruisant l’unité. Un mélange et un excès : la métaphore du corps « hybride » est ainsi une image particulièrement pertinente de l’œuvre pasolinienne.

Texte intégral

1C’est essentiellement en poète que Pasolini conçoit son rapport au monde : il faut « vivre en poésie1 » ; et la poésie est la forme première qui innerve toutes ses œuvres. En atteste sa volonté de faire un « cinéma de poésie », de concevoir son dernier roman inachevé, Petrolio, comme un « poème du Retour »  poema del Ritorno »). Ce poème du retour n’est pourtant pas un ‘‘retour au poème’’ : ce que Pasolini y expérimente, fidèle à ce qu’il s’impose comme son « devoir d’écrivain », c’est la nécessité de « fonder ex novo [s]on écriture2 ». Déjà dans ses premiers romans, qui relèvent d’une veine naturaliste, un auteur sensible comme Franco Fortini souligne le « lyrisme du ‘‘petit poème’’ de ses chapitres », lyrisme participant d’un sentiment de « désagrégation » du temps3. Ces éléments témoignent du fait que, chez Pasolini, la poésie est une sorte « d’hypergenre », selon les termes de Rinaldo Rinaldi. Mais reconnaître la primauté de la poésie ne doit en aucun cas occulter la part d’œuvre ouverte, ni la volonté de Pasolini d’agir sur le réel, au risque d’en donner l’image d’un poète enfermé dans un univers esthétique, voire esthétisant.

2L’interprétation de la permanence de cet « hypergenre » varie : Andrea Zanzotto, prenant pourtant acte du travail de Pasolini dans « les champs d’activité les plus variés », voit dans cet attachement à la forme poétique une fidélité presque « désuète4 ». Hervé Joubert-Laurencin y perçoit, lui, une sorte « d’utopie avant-gardiste d’une unité super-poétique : elle seule permet de transcender les genres5 ». La référence joycienne que Joubert-Laurencin donne à son essai sur Pasolini cinéaste (Pasolini. Portrait du poète en cinéaste) n’a ainsi rien d’une coquetterie : elle nous rappelle que Pasolini – cinéaste, romancier, homme de théâtre – est essentiellement poète, mais aussi que son œuvre est héritière d’une modernité qui se caractérise avant tout par une foi (« avant-gardiste ») dans les formes. Cette question révèle ainsi la profonde ambiguïté de l’œuvre : esthétisante et agissante, désuète et résolument avant-gardiste.

3Désagrégation, contradiction, refondation ex novo : autant de termes nous indiquant que la dimension poétique de l’œuvre pasolinienne n’est pas un donné qui va de soi. L’hyper-genre poétique n’a précisément rien d’unifiant. Il nécessite des déplacements constants, une coexistence maîtrisée de contraires, qui vise à cultiver l’hétérogénéité, à laisser une place, au sein des œuvres, à l’altérité. Placée sous le signe de cette hyper-forme, l’œuvre pose sans cesse la question de l’élection et de la porosité des genres, des médias et des formes. Celles-ci font l’objet d’abandons, de corrections, de superpositions, de contaminations réciproques. Non seulement Pasolini a, avec bonheur, expérimenté des formes et médias différents, mais encore a-t-il mené à un degré parfois vertigineux des formes d’expérimentations intermédiales.

4Ces expérimentations, multiples et aux contours divers, interrogent une certaine conception de l’art pour Pasolini : celui-ci doit être aux prises avec l’impur, l’œuvre étant le lieu d’une ambiguïté constitutive. Il appartient au poète de faire exister, vibrer cette ambiguïté, pour se tenir au plus près d’un réel qu’il traduit dans ses plus riches contradictions6 :

Toute œuvre est ambiguë. Mais je ne dis pas cela pour défendre son unité. Toute unité est en fait idéaliste. L’ambiguïté de l’art n’est donc pas, malgré les apparences, un élément négatif, parce qu’irrationnel, et donc bourgeois et décadentiste. C’est un élément positif parce qu’elle présuppose, au sein de l’œuvre, deux moments différents qui la déchirent et en détruisent l’unité.

5La pratique intermédiale apparaît comme une manière de rendre compte de cette ambiguïté propre à l’œuvre. Loin d’être une pratique esthétisante, relevant d’un idéalisme, il s’agit de contaminer, creuser les oppositions, de suivre les sutures, pour prendre acte d’un réel divers et divisé.

1. Formes et fonctions de l’intermédialité

6L’intermédialité prend chez Pasolini des formes diverses. L’une d’elle est l’adaptation (on sait combien Pasolini a adapté de mythes, de textes, de simples formes de récits – en témoigne sa prédilection pour la forme du récit enchâssé). Mais les adaptations constituent constamment un objet de relecture ou de pastiche. Patrick Rumble utilise ainsi l’expression plaisante, à propos de Il Decameron : « framing Boccace7 ». Car adapter, du texte à l’image, c’est tout aussi bien le traduire en cadrages cinématographiques, que le prendre au piège.

7Notables aussi sont les adaptations internes à l’œuvre : Teorema paraît en roman en 1968, et est conçu en parallèle avec le film sorti la même année ; tandis que la pièce de théâtre Porcile, composée en 1966, fait aussi l’objet d’un film, avec Jean-Pierre Léaud, sorti en 1969. Ces effets concertés d’adaptation, du roman ou du théâtre à l’œuvre filmique, montrent bien combien Pasolini pense les unes avec les autres, comme un miroir et un enrichissement.

8L’intermédialité prend donc la forme d’allers-retours saisissants : la poésie de Pasolini est contaminée par des formes visuelles et cinématographiques – ainsi de Poesia in forma di Rosa, paru en 1964, et dont Pasolini débute la composition en 1961. Le titre dit d’emblée le lien tissé entre poésie et image, d’autant que la section Nuova poesia in forma di rosa relève de la poésie visuelle ou du calligramme. Dans le même temps, c’est un extrait de ce même recueil qui est lu, par Orson Welles, à la fin de La Ricotta (1963). L’extrait prononcé par Welles dit bien l’ambiguïté constante du travail pasolinien, visible dans le choix même de formes parfois antinomiques : Pasolini, à la fois « force du passé » et « plus moderne que tous les modernes8 ».

9Un poème fameux de Poesia in forma di rosa, « Una disperata vitalità » débute ainsi sur la traduction poétique de visions filmiques, évoquant À bout de souffle9 :

Comme dans un film de Godard : seul
dans une voiture qui file sur les autoroutes
du Néo-capitalisme latin – revenant de l’aéroport
[Moravia est resté là-bas, pur au milieu de ses valises]
seul « conduisant son Alfa Roméo »
sous un soleil indescriptible en rimes
non élégiaques, parce que céleste,
– le plus beau soleil de l’année –
Comme dans un film de Godard.

10Le recours à l’image oblige même à s’interroger quant à l’efficacité poétique pour penser la réalité : le soleil est « indescriptible en rimes », si ce n’est en rimes élégiaques. Le rejet (« rimes / non élégiaques ») porte d’ailleurs son ambiguïté, la première lecture incitant à penser une impuissance de la poésie : incapable de « dire » la réalité d’un ciel « en rimes ».

11Le rapport à l’image filmique est d’ailleurs déroutant ; en un sens, le texte est privilégié à l’image. Si dans le film Jean-Paul Belmondo répond à propos de sa veste « Je l’ai laissée dans mon Alfa Roméo » (mention de la voiture elle-même précisée dans le scénario original de Truffaut), il s’agit d’une image absente : il n’y a pas d’Alfa-Roméo dans le film, et c’est le texte ici qui dépasse l’image filmique, et la poésie qui en fait exister la présence spectrale.

12Plus loin dans le poème, il ajoute10 : « Comme dans un film de Godard – redécouverte du romantisme dans le cadre / du cynisme néocapitaliste ». Les divers registres poétiques (la poésie élégiaque, seule capable de dire un soleil « céleste », et le romantisme) viennent en retour contaminer les images filmiques auxquelles il fait une allusion directe. Il crée ainsi, au sein du poème, deux sortes de divisions, ou contradictions : le régime filmique et le régime poétique qui se contaminent, et une contradiction, plus profonde, entre le romantisme propre aux images évoquées (filmiques et poétiques), contre le cynisme capitaliste. L’éclatement formel, intermédial, sert ici à faire entendre une voix profondément singulière, contre le capitalisme qui écrase toute altérité sous le conformisme, et l’« homologation11 » des comportements qu’il génère. C’est par cette vitalité « désespérée » et à bout de souffle que Pasolini prétend incarner une posture de résistance : l’intermédialité a ici une fonction résolument politique.

13Enfin, une des formes d’intermédialité la plus régulièrement travaillée par Pasolini est l’intégration de « traces » d’un art au sein d’une œuvre ; la peinture, notamment, faisant l’objet de citations ou de représentations dans son cinéma autant que dans son théâtre. Ces citations peuvent générer des formes de récits : Pasolini favorise volontiers des constructions baroques, telles que le récit enchâssé, hérité des Mille et une nuits et du Décaméron, ou d’autres formes de mise en abîme. La pièce Calderon, ainsi, dont le titre indique assez l’ambition baroque, fait allusion aux Ménines. La citation apparaît dans le stasimon 2, épisode 3, de la pièce, et structure l’ensemble de celle-ci, témoignant de l’appétence de Pasolini pour les formes baroques, voire maniéristes ; mais elle permet aussi une réflexion sur le Pouvoir et sa représentation, nourrie de l’analyse que Michel Foucault consacre au tableau de Velasquez dans Les Mots et les Choses.

14Exprimant son goût pour les formes picturales, Pasolini s’exprime ainsi, à propos de sa conception du cinéma12 :

Mon goût cinématographique n’est pas d’origine cinématographique, mais figurative. Ce que j’ai en tête comme vision, comme champ visuel, ce sont les fresques de Masaccio, de Giotto, – qui sont les peintres que j’aime le plus, ainsi que certains maniéristes (Pontormo par exemple). Et je ne peux concevoir des images, des paysages, la composition de figures hors de cette passion picturale initiale.

15Il ne faut pas, à notre sens, percevoir dans ces figurations, ces mélanges et superpositions un geste maniériste, ni purement esthétique. Il est vrai qu’ils participent, dans un premier temps, d’une conception esthétique de ce que Pasolini nomme poésie : celle-ci, en un sens, doit être toujours mise à l’épreuve de l’impur, de l’hétérogène. Chaque figuration d’un art dans l’autre permet d’en enrichir la portée, d’en déplacer le sens. Un plan, dans Il Decameron, nous semble remarquable à cet égard. Pasolini joue le rôle d’un peintre ; le pinceau qu’il tient est orienté vers une flamme au premier plan : peindre avec de la lumière, en poète – c’est peut-être une des définitions même du cinéma. Il est d’ailleurs notable que, dans les rares occurrences où Pasolini s’attribue un rôle dans un film, ce n’est que pour souligner la contamination intermédiale : dans I racconti di Canterbury, il joue lui-même le rôle de l’écrivain Chaucer, dans Il Decameron, il est, précisément, un disciple du peintre Giotto. Dans Edipo Re, il incarne le grand prêtre, celui-là même qui vient prononcer les premières paroles issues du texte de Sophocle. Le film tire par ailleurs la pièce dans de tout autres directions, psychanalytique et socio-politique, comme en attestent les prologue et épilogue contemporains. Le grand-prêtre n’est-il pas, d’ailleurs, celui qui vient prévenir le village d’une souillure, ou d’une contamination ?

16Ces figurations viennent soudain trouer le tissu du texte, le réseau d’images filmiques, pour provoquer des ailleurs – une altérité. En ce sens, il existe bien une « fulgurance » de ces figurations13. Loin d’être la marque d’une pure esthétisation, elles viennent soutenir un geste idéologique. Cette présence d’un autre registre d’image relève d’un travail fondamental de contamination, et constitue une des stratégies permettant de faire « coïncider l’inconciliable » (« coincidere l’inconciliabile14 »). Surtout, elle permet de faire entendre, de montrer l’autre : un autre registre de langue, un autre monde, un regard singulier, qui opère une trouée au sein d’un texte, dans le flux des images. C’est en ce sens que l’œuvre de Pasolini est travaillée par une passion de l’impur : l’hétérogène à l’œuvre livre l’homme à un magma vital, brouille les hiérarchies entre les formes, la frontière entre la poésie et l’existence.

17La reconstitution d’un tableau du peintre maniériste Pontormo – bien peu à la mode dans les années 1960 – dans La Ricotta, est exemplaire : « Pontormo con un cameraman », telle est l’image mobilisée par Pasolini dans ses Poesie mondane15. Peinture, poésie, cinéma sont ainsi étroitement liés et Pasolini fait de cette présence de l’art pictural au sein du film un usage politique fort. Le mélange des registres filmique et pictural est présent dès le premier plan du film, quoique de manière subtile. Sur un élément de décor du film dans le film, deux jeunes gens dansent le twist ; ce décor est constitué d’une nature morte : sur une table finement drapée, une profusion de nourriture, de paniers d’abondance. À l’arrière-plan, un léger flou sur la campagne romaine crée un effet de sfumato. Cette composition est immédiatement brisée par la présence anachronique d’un haut-parleur ; la scène prend alors une dimension burlesque, et sa beauté picturale, pastorale, coexiste soudain avec le registre du divertissement. Ce geste de figuration permet donc de souligner deux contrastes. En premier lieu, il interroge le médium, dont il dit le caractère hybride, toujours pris dans une contradiction essentielle, entre art et marchandise16. Il appuie aussi un discours idéologique, soulignant la coexistence scandaleuse de mondes épars : l’art et le divertissement, l’esthétisation infatuée contre le réalisme grotesque, l’indifférence bourgeoise contre la souffrance, la faim des laissés-pour-compte, expérimentée par le figurant Stracci. Au savant drapé de la nature morte répondent les « haillons » (Stracci) évoqués par le jeu onomastique. Deux tableaux sont par ailleurs empruntés par le metteur en scène du film dans le film : La descente de croix de Rosso Fiorentino (1521), et La Déposition de Pontormo (1527). Ces deux tableaux reconstitués en couleurs contrastent fortement avec le reste du film en noir et blanc, soulignant déjà le mauvais goût et la morgue du metteur en scène (joué par Orson Welles). D’autant que ces reproductions connaissent déjà une forme de contamination : par le cadre horizontal, format d’image typiquement cinématographique, qui vient écraser ou réduire l’élévation et la transcendance des images reconstituées – ce que vient concrétiser l’écroulement de l’échafaudage humain. Ici le changement de médium relève donc plus du pastiche et de la réappropriation que du prélèvement : le collage entre ces scènes et le reste du film repose sur un effet de rupture et vaut pour sa suture sensible.

18L’œuvre de Pasolini, reposant singulièrement sur une ambiguïté foncière, des coexistences de contraires jamais résolues, se fonde sur un tel art de la suture. Dans un texte intitulé La confusione degli stili, Pasolini propose, en lieu et place d’une confusion, de suivre précisément le chemin délicat de la « ligne de fracture » entre styles contraires17 :

Suivre, dramatiquement, les méandres de cette ligne de division, de cette suture, qui serpente de particularité en particularité, de superficie interne en superficie interne, de page en page, de stylème en stylème.

2. Intermédialité et explosivité des formes

19Une des œuvres les plus pertinentes pour interroger l’intermédialité chez Pasolini, dans sa double dimension esthétique et idéologique, est La Rabbia. Le projet est né de la proposition d’un petit producteur, Gastone Ferranti, qui lui confie des matériaux d’archives et propose de répondre à la question : « Pourquoi notre vie est-elle dominée par le mécontentement, l’angoisse, la peur de la guerre, la guerre ? ». Le film ne fera l’objet que d’une très courte exploitation en 1963, car Pasolini s’oppose au projet final. Inquiet d’un marquage trop à gauche du film, Ferranti propose à l’écrivain satiriste de droite, Giovanni Guareschi, de signer un second volet. Initialement d’accord avec l’idée d’un projet bipartite, Pasolini refuse finalement d’y être associé, estimant que la seconde partie dénaturait la sienne18.

20En réalité, La Rabbia n’a pas besoin d’un tel procédé, artificiellement dialectique : le film, tout entier construit autour d’oppositions formelles et thématiques, possède sa propre dialectique. Avec ce projet, Pasolini expérimente un nouveau genre cinématographique, qu’il conçoit comme « essai idéologique et poétique », avec « des séquences d’un nouveau type » (« Fare un saggio ideologico e poetico con delle sequenze nuove19 »), expression qui témoigne d’emblée de sa dispersion plurigénérique et intermédiale (entre film, essai, et poésie). Pasolini formule ainsi son projet, à l’orée du film : « j’ai écrit ce film, sans suivre un fil chronologique, ni même peut-être logique. Mais plutôt mes raisons politiques et mon sentiment poétique » (« ho scritto questo film senza seguire un filo cronologico e forse logico. Ma soltanto le mie ragioni politiche e il mio sentimento poetico »). Le film, en effet, est avant tout « écrit » ; la dimension scripturale des films pasoliniens est d’ailleurs essentielle : pour reprendre les termes provocateurs d’Hervé Joubert-Laurencin, Pasolini est « un très grand écrivain de scénario20 ». L’écriture qui précède le film, qui parfois excède le film, est déjà œuvre en soi.

21L’intermédialité, dans La Rabbia, est saisissante : le film se fonde sur des archives qui lui ont été confiées et dont il sélectionne aussi bien des images fixes que des images en mouvement ; à celles-ci il vient ajouter, en insert, des tableaux de Renato Guttuso, Ben Shahn, George Grosz, Jean Fautrier, Georges Braque et Jackson Pollock, qui reprennent parfois, de manière plus ou moins explicite, les motifs formels des images vues (écume, champignon atomique). Pasolini choisit aussi avec soin la musique qui vient accompagner les images, créant parfois des effets saisissants de choc : ainsi associe-t-il les images d’explosions nucléaires au poignant adagio d’Albinoni, les images de massacres de la décolonisation à des morceaux traditionnels africains ou cubains.

22La poéticité du film résulte ainsi d’un art consommé du montage. Pasolini distingue deux types de montage : le montage dénotatif, dont le but est de construire un discours articulé, et le montage rythmique ou connotatif, particulièrement représentatif du cinéma de poésie21, où il atteint son plus haut niveau d’expressivité. Il ne s’agit plus de tenir compte des plans en eux-mêmes, mais en fonction de leur interaction – fondée sur des jeux de durée et de significations. Le film d’archives proposerait ainsi, de manière paradoxale, un terrain particulièrement propice au cinéma de poésie. Les images, sélectionnées dans un ensemble d’archives, ne font pas en elles-mêmes l’objet d’un traitement concerté : seuls comptent en effet le montage, son rythme, et les jeux d’analogie ou d’antithèse qui les relient. Tout le travail que Pasolini mène dans La Rabbia révèle cette passion pour « les rythmes de montage obsédants » (« i ritmi di montaggio ossessivi »), qui constituent le véritable lyrisme des « grands poèmes cinématographiques, de Charlot à Mizoguchi et à Bergman22 » (« [I] grandi poemi cinematografici, da Charlot, a Mizoguchi, a Bergman »).

23Ce qui unit ces images, en justifie le montage heurté, c’est le texte que Pasolini rédige. Or ce texte est lui-même scindé : les passages en vers (dits par le romancier Giorgio Bassani) alternent avec des commentaires en prose (prononcés par le peintre Renato Guttuso), mêlant les registres lyriques, élégiaques, et l’analyse sociale et politique. Le texte redonne ainsi mouvement et réalité aux images, en les dépouillant d’une couche d’hypocrisie et de conformisme culturel, que traduit une troisième voix : la voix ‘‘officielle’’, qui stigmatise la violence de certaines images. L’association et le tressage de divers registres de langue, le montage de différents types d’image (fixes, en mouvement, picturales…), tout ce jeu intermédial permet ainsi de refaire émerger, des images montrées, la réalité profonde que le magma visuel masquait. La Rabbia accorde ainsi une importance particulière aux gestes et visages humains – isolés, par le jeu du montage et du texte – dans toute leur puissance d’expressivité. Ces oppositions en relaient une autre : celle entre un ailleurs, le « tiers-monde » en proie à la décolonisation, nouvelle puissance historique, et l’« ici » d’une Europe conformiste, de l’irréalité du monde bourgeois, marquée par une irresponsabilité politique et historique – un monde « posthistorique », selon le mot de Pasolini. Opposition, enfin, entre la « différence » (« Malheur à celui qui est différent ! Voilà le cri, la formule, le slogan du monde moderne23») et « l’indifférence » du monde occidental. Les deux termes de différence et indifférence redeviennent ainsi antonymes : à la haine de la différence professée par notre monde moderne, Pasolini répond par une « haine de l’indifférence24 » – nous reprenons à dessein le mot d’ordre d’Antonio Gramsci, figure fondamentale de la pensée du poète. Cette indifférence, que Gramsci nomme « aboulie », « lâcheté », « poids mort de l’Histoire », Pasolini la perçoit dans l’assoupissement généralisé d’une ère de la « normalité25 » :

Dans l’état de normalité on ne regarde plus autour de soi : tout se présente comme « normal », privé de l’excitation et de l’émotion des années d’urgence. L’homme tend à s’assoupir dans sa propre normalité.

24Le projet idéologique du film consiste entièrement en cette volonté de refaire émerger une différence : cette « rage » qui anime le poète et réalisateur est celle de « créer artificiellement l’état d’urgence26 », contre l’aboulie indifférente. Ce projet s’incarne très puissamment dans la pratique intermédiale : celle-ci cherche à recréer un dissensus entre les discours, entre les régimes d’images.

25Le texte poétique se donne pour objet de traduire la sacralité de l’ailleurs et de l’altérité : thrènes et énoncés litaniques, apostrophes et invocations, anaphores lyriques, la voix poétique se mue volontiers en prophétie ou en prière. Un des motifs poétiques récurrents, traduisant tant la sacralité que la beauté de la « différence » est celui de la « Couleur », « nouvel élargissement du monde ». La Rabbia, dans sa partition poétique, est ainsi un chant de la couleur, pour la couleur, auquel l’image d’archive, dans son noir-et-blanc brut et sans relief, vient se superposer avec une violence ironique et douloureuse. La Rabbia propose une réflexion sur la beauté – ou les beautés : celle que la richesse confisque, celle qui est aux prises avec la mort, et cette beauté plus antique de la douleur et de l’ailleurs. Le tressage des discours, des images, leur montage « fulgurant » en montrent la diversité, le chatoiement, mais aussi la réalité d’une violente guerre pour la beauté.

26L’œuvre s’ouvre – et se referme, ou presque – sur une série d’explosions atomiques. Celles-ci sont à double-sens : comme images d’archives, elles renseignent sur une société occidentale traversée par une pulsion de « suicide atomique27 ». Mais le traitement visuel qu’en fait Pasolini leur confère aussi une sorte d’abstraction : ces images liminaires valent aussi comme métaphore d’un projet qui se place sous le signe de la fission et de l’explosivité. La bande-son qui accompagne ces images muettes – l’adagio d’Albinoni – en dit la dimension sacrale. Ce film de la rage doit devenir, pour Pasolini, un « engin où le sacré est toujours en imminence d’explosion28 ». La sacralité de l’autre, de l’altérité, doit produire une déflagration au sein de l’œuvre – tel est le rôle que se donne le poète ; le dissensus créé par la diversité des voix et des images, la violence du montage, la logique purement personnelle et poétique qui préside à celui-ci, en sont les moyens privilégiés.

3. L’œuvre intermédiale, monstre hybride

27L’intermédialité chez Pasolini relève ainsi de deux gestes : une contamination – poésie visuelle, présence des arts au sein des films – et une volonté de jouer de la violence de ces frontières et sutures intermédiales, quitte à en exploiter la part d’explosivité : un excès, une hybris. Le choc intermédial enrichit l’œuvre tout en en détruisant l’unité.

28Pasolini semble posséder, pour les figures d’hybrides, une affection réelle. Elles ne relèvent pas tant de la création oxymorique, que de créatures propres à repenser une position au sein du monde : lui-même, « fœtus adulte » se figure comme alliant l’amour de la tradition et l’incarnation même de la modernité ; dans Petrolio, le protagoniste Carlo se trouve soudain métamorphosé, mi-homme mi-femme. Figures de dualité, l’un et l’autre engagent à une compréhension renouvelée du monde, soucieuse de toute altérité. Mais, essentiellement seuls, ils font figure de martyrs.

29Ces créatures hybrides peuvent appartenir au bestiaire mythologique et tragique : ainsi du Centaure, présent au début de Médée, qui représente les derniers feux d’un passé mythique, « barbare ». Figure mythique de la nature double, animale et humaine, des origines, celui-ci est l’instructeur de Jason enfant. Son enseignement se limite à une monstration des lieux alentours, doublée d’une parole récitante : « tout est saint, tout est saint » (« tutto è santo, tutto è santo »), dit-il à Jason, dont il sent déjà qu’il se détourne du monde des origines.

30Soulignant l’« impureté » essentielle du médium filmique, son « incurable contradiction » (« contraddizione insanabile ») – celle notamment d’être partagée entre art et marchandise, Pasolini utilise la métaphore du monstre hybride. La coexistence de natures contradictoires ne peut être résolue de manière dialectique, et doit être décrite comme une simple monstruosité29 :

Leur coexistence, en fait – énoncée de cette manière – n’est pas un rapport dialectique, mais simplement une monstruosité ; une sirène, moitié femme et moitié poisson, ou un hermaphrodite, moitié homme et moitié femme ; en somme, un phénomène de carnaval. […] Les deux concepts appartiennent à deux univers incommensurables et différents ; c’est pourquoi ils ne peuvent être intégrés, mais peut-être peuvent-ils simplement coexister en un seul corps, qui est donc un “monstrum”.

31L’hybridité possède toujours, ainsi, une dimension tragique, cet écartèlement entre un monde disparu, la sacralité d’un ailleurs, et cet ici où il faut se tenir et résister, comme poète-prophète. Entendue de cette manière, l’hybridité renoue avec son étymologie, elle-même singulièrement hybride : celle qui allie le bâtard (ibrido en latin), figure de martyr renvoyant à l’auteur lui-même, à l’hybris, par contamination du grec. L’hybridité pasolinienne, d’essence tragique, est celle de l’excès, de la prophétie qui permet de repenser toute altérité, de faire exister, à nouveau, la beauté douloureuse de la différence.

Notes

1 Pier Paolo Pasolini, entretien avec Achille Millo du 20 septembre 1967, publié dans La Repubblica du 24 février 1990, repris dans Europe, n° 947, 2008, p. 110.

2 Petrolio, Milan, Mondadori, 2006, p. 97 : « Il mio dovere di scrittore è quello di fondare ex novo la mia scrittura ».

3 Franco Fortini, « Ancora sul naturalismo di Pasolini » [1959], dans La barriera del naturalismo, Milan, Mursia, 1964, p. 222-223.

4 Andrea Zanzotto, Pasolini poeta, dans Scritti sulla litteratura, vol. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 153-160.

5 Hervé Joubert-Laurencin, préface de Pier Paolo Pasolini, Théâtre 1938-1945, traduction française de Caroline Michel, Hervé Joubert-Laurencin, Luigi Scandella, Besançon, Les solitaires intempestifs, 2005, p. 15.

6 Pier Paolo Pasolini, Interrogativi, dans Franco Mariotti (dir.), Bianco e Nero, mensile di studio su cinema e spettacolo : « La Biennale di Venezia. Manifestazioni 1974 », septembre-décembre 1974, p. 157. « Ogni opera e ambigua. Ma io dico non in difesa della sua unità. Ogni unità è infatti idealistica. L’ambiguità dell’arte non è dunque, malgrado le apparenze, un dato negativo, in quanto irrazionalistico, e quindi decadentistico e borghese. È un dato positivo, in quanto presuppone nell’opera due momenti diversi, che la lacerano, e ne distruggono l’unità. » Ma traduction.

7 Voir Patrick Rumble, Allegories of contamination. Pier Paolo Pasolini’s Trilogy of Life, University of Toronto Press, 1996. Je souligne.

8 Il s’agit là d’un extrait essentiel de Poesia in forma di rosa, dont nous citons pour mémoire quelques vers : « Je suis une force du Passé. / Mon amour ne réside que dans la tradition. / […] Monstrueux celui qui est né / des entrailles d’une morte. / Et moi, fœtus adulte, je rôde / plus moderne que tout moderne / pour trouver des frères qui ne sont plus. » (« Io sono una forza del Passato. / Solo nella tradizione è il mio amore. / […] Mostruoso è chi è nato / dalle viscere di una donna morta. / E io, feto adulto, mi aggiro / più moderno di ogno moderno / a cercare fratelli / che non sono più. ») Poesia in forma di Rosa [1964] – Poésie en forme de rose, édition bilingue, traduite, préfacée et annotée par René de Ceccatty, Rivages Poche, « Petite bibliothèque », 2015, p. 74-76 (p. 75-77 pour la traduction).

9 « Una disperata vitalità », dans Ibid., p. 262 (p. 263 pour la traduction) : « Come in un film di Godard : solo / in una macchina che corre per le autostrade / del Neo-capitalismo latino – di ritorno all’aeroporto / [là e rimasto Moravia, puro fra le sue valige] / solo, « pilotando la sua Alfa Romeo » / in un sole irriferibile in rime / non elegiache, perché celestiale / – il più bel sole dell’ano – / Come in un film di Godard. »

10 Ibid, p. 264 (p. 265 pour la traduction) : « Come in un film di Godard – riscoperta del romanticismo in sede di neocapitalistico cinismo. »

11 Voir à ce propos, l’article de Pasolini intitulé « Il Potere senza volto », paru dans Il corriere della Sera, 24 juillet 1974, et repris dans les Scritti corsari. Pasolini voit, dans l’avènement d’un nouveau type de Pouvoir, le « nouveau fascisme », la cause première d’une « homologation » des comportements : « À quoi est due une telle homologation ? Êvidemment, à un nouveau pouvoir » (« A cosa è dovuta tale omologazione ? Evidentemente a un nuovo Potere. ») Il conclut ainsi de ce nouveau Pouvoir : « Sa finalité est la réorganisation et l’homologation brutalement totalitaire du monde. » (« Il suo fine è la riorganizzazione e l’omologazione brutalmente totalitaria del mondo »). Ma traduction.

12 Cité dans Adelio Ferrero, Il cinema di Pier Paolo Pasolini, Venise, Marsilio, 1977, p. 42 : « Il mio gusto cinematografico non è di origine cinematografica, ma figurativa. Quello che io ho in testa come visione, come campo visivo, sono gli affreschi di Masaccio, di Giotto – che sono i pittori che amo di più, assieme a certi manieristi (per esempio il Pontormo). E non riesco a concepire immagini, paesaggi, composizioni di figure al di fuori di questa mia iniziale passione pittorica ». Ma traduction.

13 Voir Alberto Marchesini, « Longhi e Pasolini, tra “fulgurazione figurativa” e fuga della citazione », dans Autografo, n° IX, 26 juin 1992, p. 3-31. L’expression est reprise par Hervé Joubert-Laurencin, « Fulgurations figuratives. La présence brève des arts dans les écrits de Pasolini pour le cinéma et le théâtre », dans Angela Biancofiore (dir.), Pier Paolo Pasolini. Pour une anthropologie poétique, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2007, p. 49-61.

14 Voir l’expression de Carla Benedetti, Pasolini contro Calvino. Per una letteratura impura, Turin, Bollatti Boringhieri, 1998, p. 49.

15 Pier Paolo Pasolini, Poesie mondane, dans Tutte le poesie, vol. I, a cura di Walter Siti, Milan, Mondadori, « I Meridiani », 2003, p. 1100-1101.

16 Pier Paolo Pasolini, cité dans Antonio Bertini (ed.), Teoria e tecnica del film in Pasolini, Rome, Bulzoni, 1970, p. 112-113 : « Le cinéma en tant qu’art est impur, étant aussi une marchandise ; et en tant que marchandise est impur, étant aussi de l’art ». (« Il cinema in quanto arte è impuro essendo anche merce ; e in quanto merce è impuro essendo anche arte »). Ma traduction.

17 Pier Paolo Pasolini, La confusione degli stili [1957], dans Passione e ideologia, Milan, Garzanti, 1960, p. 348 : « Seguire, drammaticamente, il serpeggiare di quella linea divisoria, di quella sutura, di particolare in particolare, di superficie interna in superficie interna, di pagina in pagina, di stilema in stilema. » Ma traduction.

18 La polémique opposant Pasolini à Guareschi prit une telle tournure que Pasolini s’en expliqua, dans une rhétorique particulièrement provocatrice, dans les colonnes de Il Giorno (13 avril 1963) : « Si Eichmann pouvait sortir de sa tombe et faire un film, il ferait un film du genre. […] Je croyais avoir un interlocuteur avec lequel serait possible un minimum de dissensus, non pas quelqu’un qui en est carrément au stade prélogique. Ça n’est pas seulement un film qualunquiste, ou conservateur, ou réactionnaire. C’est pire... » (« Se Eichmann potesse risorgere dalla tomba e fare un film, farebbe un film del genere. […] Credevo di avere un interlocutore con cui fosse possibile almeno un dissenso, e non uno che è addirittura in fase prelogica. Non è un film solo qualunquista, o conservatore, o reazionario. È peggio… ») Ma traduction.

19 Pier Paolo Pasolini, La Rabbia, « Il Trattamento », dans Tutte le Opere, Per il cinema, vol. I, Milan, Mondadori, « I Meridiani », 2001, p. 408.

20 Hervé Joubert-Laurencin, « Fulgurations figuratives... », art. cit., p. 49.

21 Voir Pier Paolo Pasolini, L’Expérience hérétique. Langue et cinéma, traduction française d’Anna Rocchi Pullberg, Paris, Payot, 1976, p. 182-196.

22 Pier Paolo Pasolini, « Il “cinema di poesia” » (1965), Tutte le opere..., op. cit., p. 1483-1484. Traduction française d’Anna Rocchi Pullberg, op. cit., p. 152-153.

23 Pier Paolo Pasolini, La Rabbia, « Il Trattamento », Tutte le Opere, Per il cinema, vol. I, Milan, Mondadori, « I Meridiani », 2001, p. 408 : « Guai a chi è diverso ! Questo il grido, la formula, lo slogan del mondo moderno. »

24 Antonio Gramsci, « Odio gli indifferenti », [Fev.1917], dans La Città Futura, 1917-1918, Turin, Einaudi, 1982, p. 13 : « Je hais les indifférents […] L’indifférence est aboulie, elle est parasitisme, lâcheté, elle n’est pas la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents. L’indifférence est le poids mort de l’histoire. » (« Odio gli indifferenti. […] L’indifferenza è abulia, è parassitismo, è vigliaccheria, non è vita. Perciò odio gli indifferenti. L’indifferenza è il peso morto della storia. »). Ma traduction.

25 Ma traduction. Pier Paolo Pasolini, « Il Trattamento », op.cit, p. 408 : « Nello stato di normalità non ci si guarda intorno : tutto intorno si presenta come “normale”, privo della eccitazione e dell’emozione degli anni di emergenza. L’uomo tende a addormentarsi nella propria normalità. »

26 Ibid. : « È allora che va creato, artificialmente, lo stato di emergenza : a crearlo ci pensano i poeti. »

27 Voir Elsa Morante, Pro o contro la bomba atomica, dans Opere, Milan, Mondadori, « I Meridiani », 1990, p. 1540 : « [la] cultura piccolo borghese burocratica già infetta da una rabbia di suicidio atomico. »

28 Pier Paolo Pasolini, Les Dernières Paroles d’un impie. Entretiens avec Jean Duflot, Paris, Belfond, 1981, p. 121.

29 Ma traduction. Cité dans Antonio Bertini, Teoria e tecnica del film in Pasolini, Rome, Bulzoni, 1970, p. 112-113 : « La loro coesistenza infatti – enunciata così – non è un rapporto dialettico, ma semplicemente una mostruosità ; una sirena, metà donna e metà pesce, o un ermafrodita, metà uomo e metà donna ; insomma un fenomeno da baraccone. […] I due concetti appartengono a due universi incommensurabili e diversi ; e perciò non possono integrarsi, ma semplicemente se mai coesistere in un solo corpo, che è dunque un ‘‘monstrum’’. »

Pour citer ce document

Par Aurélie Leclercq, «L’intermédialité pasolinienne. Contamination et explosivité : l’hybridité à l’œuvre», Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], Revue électronique, Italie : médialités, intermédialités, transmédialités, mis à jour le : 23/12/2024, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=1502.

Quelques mots à propos de :  Aurélie Leclercq

 

 

Aurélie Leclercq est docteure en littérature comparée de l’Université de Paris Cité, où elle enseigne. Ses travaux portent notamment sur la question de la modernité chez des auteurs tels que Baudelaire, Pessoa ou Pasolini.

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