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Le genre chez Anne Serre, un jeu de rôles ?
Par Anne Debrosse
Publication en ligne le 05 novembre 2025
Résumé
While it is essential for us to address the question “what is a woman” for Anne Serre, we intend to show instead that for her, gender is here a hollow role-playing game, incapable of capturing the reality of the individual. Her writings take the form of a permanent, shifting interrogation, as if she were scrutinizing femininity, a task she assigns to the cinema. As we shall see, everything happens as if, by dint of scrutinizing femininity, it were to evaporate, like the three governesses at the end of the eponymous novel– or rather, to evaporate or undergo metamorphosis.
Il nous sera indispensable de passer fugitivement par la question « qu’est-ce qu’une femme » pour Anne Serre, mais nous comptons montrer plutôt que les genres sont chez elle un jeu de rôles somme toute bien creux, inapte à rendre compte du réel de la personne. Son écriture se présente comme une interrogation permanente et mouvante, comme si elle scrutait la féminité, tâche qu’elle assigne prioritairement au cinéma. Nous le verrons, tout se passe comme si, à force de scruter la féminité, celle-ci devait s’évaporer, comme les trois gouvernantes à la fin du récit éponyme – ou plutôt, s’évaporer ou faire l’objet de métamorphoses.
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Texte intégral
1Lorsque l’on s’intéresse à une autrice, un certain nombre de voyants s’allument automatiquement dans l’esprit du lecteur·rice et dans celui du/de la chercheur·se. Dans Des femmes en littérature, Martine Reid écrit que « la littérature n’est pas constituée d’hommes et de femmes qui, dans une parfaite égalité́, auraient exercé́ leur talent sans souci de genre1. » Nous pourrions mettre cette phrase au présent. Anne Serre elle-même le dit : « il y a un présupposé largement répandu aujourd’hui (très commun en France) qui veut que les écrivaines (pas tant les hommes) doivent avoir souffert d’un traumatisme dans leur enfance, qu’elles essaient de maîtriser en écrivant des romans2 ».
2On cherche dès lors des traces d’échos entre femmes et autrices. Anne Serre ne fait pas exception. On souligne son travail de maîtrise sur Madame d’Aulnoy, qui se trouve en plus avoir écrit des contes : voilà le lien ! Cependant, Anne Serre rétorque invariablement que ce sujet lui a été imposé par Marc Fumaroli et à aucun moment elle n’évoque ses délices de lectures dans la confection de son mémoire. Chez elle, pas particulièrement d’échos d’autrice à autrice, même si bien sûr on peut toujours trouver des références. En tout cas le procédé n’est pas poussé au systématisme, et elle cite bien plus d’auteurs que d’autrices dans ses interviews. Elle repousse ce genre d’approche avec une constance remarquable. Dans une interview de janvier 2020, Tristan Foster l’interroge sur son féminisme :
un critique a mis l’étiquette de « contes féministes » sur vos textes. Que pensez-vous de ces interprétations ? AS : Je ne peux pas vraiment me dire féministe parce que je suis plus enfant qu’adulte. Et un enfant ne peut pas être vraiment féministe3.
3Qui pourrait croire pareille affirmation, qui a tout du mouvement de la main pour balayer une mouche – à la fois l’interrogation et le féminisme. En effet, un enfant, et particulièrement une enfant, peut être féministe, du fait qu’elle expérimente déjà les injustices sociales à son égard, même si sa pensée n’est pas encore formellement politique. Ensuite, si Anne Serre dit parfois être restée fixée à l’âge de 12 ans, alors elle n’aurait pas pu vivre le désir réciproque, car, dit-elle,
si j’ai choisi le roman de Nabokov, Lolita, comme emblème [de la passion], c’est parce que, ce qui est admirable dans ce roman métaphorique (qui n’est pas un roman sur la pédophilie), c’est comment l’auteur a su inventer un personnage qui caractérise l’impossibilité de la réciprocité dans la passion : un enfant. On ne pouvait pas trouver mieux4.
4Or, elle affirme bien l’avoir vécu, ce désir réciproque. Voici donc la mouche revenue, voletant de plus belle. L’étiquette de féministe lui est donc volontiers appliquée par ses commentateur·rices, quitte à ce qu’ils et elles définissent ledit féminisme dans l’espace laissé par les dénégations et les silences d’Anne Serre, par exemple en écartant ce que ses adversaires ont requalifié, à tort, de « néo-féminisme », présenté comme une moulinette idéologique peu fine et indigne de la « chère vieille dame auteur ». Ainsi d’Alix Mary :
Féministe, elle l’est sans doute, et insurgée contre la domination masculine, mais sans allégeance à une idéologie ni penchant pour ce qu’on appelle l’emploi « inclusif » de la langue. Les gouvernantes de son premier roman, réjouissantes ménades qui partent à la chasse à l’homme, cèdent la place à d’autres personnages marqués par l’ambiguïté sexuelle. Comme son amie Paula Rego, artiste plasticienne portugaise, Anne Serre peut faire surgir un univers très original, dur, énigmatique, d’une grande puissance, où règne l’inversion des valeurs et des formes5.
5Il y a comme une petite lumière féministe et même sororale, qu’Anne Serre le veuille ou non, malgré ou à cause d’elle, qui sait. En anecdote, on en veut pour preuve les propos de Diglee (Maureen Wingrove), qui se présente comme « illustratrice, lectrice, féministe » et qui raconte la réception des Débutants par la poste, après qu’elle l’a acheté sur un site de revente d’occasions6 :
Je cherchais le roman Les débutants d’Anne Serre, une écrivaine dont je dévore tous les livres avec la même frénésie depuis quelques semaines. […] Je ne sais pas pourquoi cette urgence soudaine, ce besoin impérieux de lire ce livre-là, mais c’était presque viscéral. »
6Elle le reçoit dans une enveloppe ornée d’un timbre représentant Germaine Tailleferre. Dans l’enveloppe, une carte postale :
Une carte postale de Mexico, datant probablement des années 70 ou 80. Et sur cette carte, un mot qui m’a désarçonnée. Il disait ceci : MERCI MAUREEN d’avoir offert une deuxième vie à ce livre. Je vous souhaite une belle vie pleine d’amour de joie de sérénité exempte d’angoisse et de manipulation 😃 V.
7Un message qu’on aurait pu trouver sur des blogs féministes promouvant la sororité et l’amour et le respect de soi. Diglee continue :
Qu’est ce qui avait bien pu motiver cette inconnue à me présenter ses vœux de la sorte ? Sans raison, comme ça, simplement de femme à femme ? Le timbre de collection à l’effigie de Germaine Taillefer, le fait de citer mon prénom… Je me suis sentie étrangement protégée. Puis, j’ai tapé dans Google le site Mexicain qui apparaît sur la carte. Il s’agit d’un temple zapotèque, issu, je cite, d’une civilisation amérindienne précolombienne à structure… matriarcale. La messe était dite. Scintillement sororal imprévu, incongru, qui a éclairé mon début d’année.
8C’est en 2021 aussi que Diglee travaillait à son anthologie personnelle de poétesses, Je serai le Feu, qui présente des « Filles de la Lune, prédatrices, mélancoliques, magiciennes, excentriques, insoumises, alchimistes du verbe et consumées », « énergumènes illuminées, assoiffées d’absurde et de rêve ». N’est-ce pas un programme de lecture pour Anne Serre, chez qui les héroïnes sensuelles sont des prédatrices dévorantes, des insoumises, des énergumènes illuminées et des mélancoliques ? Cependant, ce n’est pas ce versant-là de l’œuvre que nous voulons analyser aujourd’hui. S’il nous sera indispensable de passer fugitivement par la question « qu’est-ce qu’une femme » pour Anne Serre, nous comptons montrer plutôt que les genres sont chez elle un jeu de rôles inapte à rendre compte du réel de la personne. Son écriture se présente comme une interrogation permanente et mouvante, comme si elle scrutait la féminité, tâche qu’elle assigne au cinéma7. Nous le verrons, tout se passe comme si, à force de scruter la féminité, celle-ci devait s’évaporer, comme les trois gouvernantes à la fin du récit éponyme – ou plutôt, s’évaporer ou faire l’objet de métamorphoses. C’est ce que nous tenterons de dégager, à travers trois pôles de réflexion qui nous semblent porteurs pour la question.
Dedans / Dehors : l’espace domestique, un monde de femmes. Oui, mais…
9L’univers d’Anne Serre se caractérise par la place importante de la maison et de l’enfermement et par l’autonomie propre et quelque peu vivante de cette maison. Elle en parle elle-même pour son enfance, disant que ses sœurs et elle vivaient, et écrivaient comme les Brontë, dans « une vieille maison sombre pleine d’une atmosphère de pressentiments8 ». Elle ajoute : « Nous n’aimions pas le monde extérieur ». Puis, pour la façon dont elle a vécu le confinement en 2020, qu’elle fait correspondre, dans un rapport d’analogie, à une nature féminine de fantaisie sous des apparences de réalité biologique objective :
Tout le monde réfléchit beaucoup à cette pandémie, j’essaie de suivre. Mais, au vrai, je suis plus occupée par le surgissement de ces iris noirs dans mon jardin. Parfois je me dis que je suis pareille à ces femmes d’autrefois qui laissaient les débats politiques et les affaires du monde aux hommes, œuvrant de leur côté à la confection d’un couvre-lit ou d’une tapisserie. Cette indifférence, frisant la sottise, me préoccupe depuis longtemps (et certains amis ne se privent pas, fort légitimement, de tenter de me secouer à ce propos), mais je me rappelle y avoir trouvé une espèce d’autorisation, très tôt, dans un livre de Lou Andreas-Salomé dont je ne sais plus si c’est La maison, ou L’érotisme (et je ne peux vérifier, ces livres étant dans ma bibliothèque à Paris), où elle faisait une comparaison entre le mouvement et l’agitation des spermatozoïdes et l’immobilisme des ovules, pour expliquer le besoin masculin d’aller dans le monde et celui, féminin, de rester chez soi. Cette analyse (pourtant assez bizarre) me frappa tellement, que je me revois très bien, à vingt ans, place de l’Odéon à Paris, m’arrêtant soudain de marcher pour y réfléchir9.
10Cet univers fermé, caractérisé par son immobilité qui n’est pas de la passivité, associé au féminin, se retrouve de façon flagrante dans ses ouvrages, comme cela a été souligné par certaines lectures qui en ont été faites. Dans tous les cas, « tout part du lieu imaginé, étroit comme une maison, pauvre comme une lande, circonscrit comme un îlot. Et […] ce lieu fonctionne comme un départ de fusée10 ». La double dynamique de la circonscription et de la fusée est en effet typique des écrits d’Anne Serre et recoupe l’usage des questions de genre dans son œuvre.
11Dans Les Gouvernantes et dans Petite Table sois mise ! 11, le lecteur se trouve face à un monde clos, pris en charge par une narratrice dans Petite Table sois mise !, et mettant en scène, dans les deux cas, trois jeunes femmes – des sœurs dans Petite Table sois mise !, les trois gouvernantes dans le livre du même nom. Bien plus, la mère de la narratrice ne sort jamais, dans Petite Table sois mise !, à l’inverse du père. Inversement, dans Grande Tiqueté12, trois hommes, racontés par un narrateur au masculin, se retrouvent en mouvement, au sein d’un récit des grands chemins, de la marche et du grand air. La narratrice d’Au Secours trouve le besoin de se vêtir en homme pour quitter son île et prendre la route, comme si le départ devait se placer sous le signe du masculin13. Bien sûr, les femmes peuvent voyager, dans les ouvrages d’Anne Serre : l’héroïne des Débutants14, Anna-Lore, voyage entre Sorge et Bordeaux, de même qu’elle voyage entre deux hommes, mais aussi à Paris, qui constitue finalement son univers propre où sa parole est différente. La narratrice d’Au Secours, de son côté, quitte son île pour partir à la recherche de Paula, et reçoit les visites extérieures sans y répugner particulièrement – elle est même heureuse de recevoir Monsieur Aridon qui, tel un spermatozoïde, rejoint la narratrice-ovule immobile sur son île. Mais les visites, rares, lui permettent de ne pas devenir totalement « un ours », qu’elle a tendance à être15. Il n’y a donc pas systématisme, mais tout de même, retour constant d’un lien entre le féminin et l’intérieur domestique.
12Il s’agit là d’un cliché millénaire, qui correspond également à une réalité sociale millénaire, les femmes du gynécée répondant aux bourgeoises femmes de maison du XIXe siècle – et l’on sait que les réalités et clichés anciens pèsent sur les modernes que nous sommes. On sait également que la question de l’intérieur, du repli sur soi et sur son univers propre, est familier aux autrices et constitue un motif important dans les productions féminines16, dont on retrouve des mécanismes familiers chez Anne Serre. Le refus de l’extérieur entraîne un certain nombre de conséquences qui forment le cœur du propos dans Les Gouvernantes et dans Petite Table sois mise ! Les murs clos de la maison permettent une forme de tranquillité et de liberté, hors du regard social conçu éventuellement comme perturbateur. La présence de l’assistante sociale dans Petite Table sois mise ! entraîne la nervosité et l’ennui de la famille. La narratrice, l’une des enfants incestés, annonce qu’elle n’a jamais été aussi peu heureuse que lors de cet épisode de sa vie. Quant aux gouvernantes, elles ne franchissent que rarement la grille qui sépare la demeure des Austeur du monde extérieur. Si une pulsion vers l’extérieur est lisible, puisqu’elles se saisissent avidement des étrangers qui pénètrent le jardin ou qu’elles s’exhibent aux grilles du parc, elles se retrouvent empêchées et malheureuses lorsqu’elles sont hors de leur élément. Lors du mariage où elles sont invitées,
passent aussi certaines jeunes femmes qui représentent une concurrence non négligeable pour les gouvernantes. De souples jeunes femmes aux yeux noirs cheveux brillants, toutes sortes de personnes enfin qui font craindre aux gouvernantes de n’être plus seules au monde. Aussi deviennent-elles muettes, un peu raides, cent fois moins attirantes que dans le périmètre enchanteur de leur parc17.
13La maison, le domaine constitue un lieu où la liberté permet l’expression pure de soi, qui revient aussi à l’expression pure de sa folie personnelle. À l’extérieur, la contrainte sociale bride la fantaisie, impose des bornes, inhibe toute folie, sans doute plus pour les femmes que pour les hommes, qui sont moins scrutés. Dans Un Chapeau léopard, l’héroïne tente de se conformer à des attentes sociales :
D'ailleurs, les tailleurs qu'elle portait n’étaient pas accordés à la mode, au tout-venant, à la joie féminine du renouvellement annuel des vêtements. Ils reflétaient une idée de l’élégance qui n’appartenait pas à Fanny mais à son père. Elle s’habillait comme elle imaginait l’élégance, et comme elle ne l’imaginait pas d’elle-même, elle avait choisi la vision de son père18.
14Le personnage féminin ignore tout des codes sociaux de la féminité et s’ingénie à se plier à ce qu’elle en perçoit, ce qui provoque, comme pour les gouvernantes lors du mariage auquel elles sont invitées, un effet bizarre, guindé, incongru, fort éloigné du naturel de la personne. La chère vieille dame auteur, de son côté, change d’attitude lorsqu’elle se rend nuitamment à « la réunion secrète sous la lune (et les étoiles) dans la grosse maison carrée » dont les murs abritent les personnages du récit en grand conciliabule, une fois partis les intrus ou étrangers – le petit groupe de trois personnes venues interviewer l’autrice – et les lieux purgés de leur présence et proprement réintégrés19. La vieille dame alitée en fin de vie fait place à une femme beaucoup plus alerte et capable de se mouvoir sans difficultés majeures. La chère vieille dame auteur symbolise cette double face des personnages : ils doivent et savent parfaitement se conformer au regard extérieur, tout en se dissimulant – de préférence entre leurs murs – pour vivre leur véritable vie. Pour vivre heureux, vivons cachés.
15Cependant, les maisons constituent aussi le réceptacle d’un microcosme poisseux et inquiétant, où se déchaînent les violences et les transgressions les plus horribles, qui forment l’avers peut-être nécessaire de l’extrême liberté qui y règne. L’aspect paisible de la demeure s’oppose à la violence et aux cruautés qu’elle recèle – ce qui produit un effet littéraire assuré. Sous le miroir lisse et propre, dans la maison ordonnée et impeccable, glissent les pires turpitudes et se déroulent les histoires les plus horribles, comme en témoigne Petite Table sois mise ! au premier chef, mais aussi Les Gouvernantes, qui mettent en scène une sorte de lieu où tout est permis, y compris la pédophilie. Lorsque Laura accouche, on se demande qui est le géniteur :
Un prétendant hardi ? Un étranger ? Le vieux monsieur d’en face soufflant dans sa lunette comme dans une pipette ? Le plus grand des petits garçons ? Les pistes, hélas, étaient innombrables20.
16Elle accueille des monstres, la plupart du temps féminins, qui dévorent volontiers les enfants. La narratrice d’Au Secours donne une hypothèse à sa réclusion, qui pourrait paraître le bénin reflet d’un désir d’isolement méditatif, mais qui se révèle possiblement un garde-fou (ou folle) bénéfique pour la société. Partie de son île, elle croise des petites filles, pour lesquelles elle éprouve une attirance trouble :
J’ai souvent envie d’exercer sur elles un ascendant puissant et pas forcément bienfaisant. Les petites filles suscitent le diable en moi. [...] C’est peut-être pour éviter de faire du mal à une petite fille que je me suis retirée sur mon île. C’est une possibilité21.
17La maison n’est pas forcément un refuge si sûr pour elle, d’ailleurs. Elle formule un malaise difficile à exprimer envers sa maison et son île :
Une fois que je me serai éloignée de quelques mètres je me sentirai déjà un peu mieux. Je ne sais pas si c’est le fait d'agir qui réconforte, ou si, dans mon cas, c’est de m’éloigner de ma maison. Bizarre pensée. Est-ce que ma maison me ferait peur ? N’y serais-je pas bien ? C'est un comble lorsqu’on a décidé de vivre retirée et que, l’on a tout mis en œuvre – acheter une île, difficile d'accès – pour donner corps à ce désir. Voilà tout de même cinq ans, presque six, que je vis ici22.
18Les deux, maison et île, se trouvent dans une dynamique de terreur. La première est un refuge quand des phénomènes étranges terrifient la narratrice sur le rivage :
J’étais folle de peur, je me suis ruée vers la maison, j’ai sorti la clé de ma poche en tremblant de tous mes membres, j’ai réussi à ouvrir, je me suis précipitée à l’intérieur, j’ai mis la barre de fer derrière moi et je me suis effondrée sur le sol en sanglotant d'effroi23,
19– jusqu’au moment où la terreur s’installe dans la maison, poreuse aux événements métamorphiques qui envahissent l’île. La maison, chez Anne Serre, est donc aussi l’espace ambivalent du rêve, du cauchemar, de la transgression imaginaire désignée comme réelle par le récit qui la matérialise.
20C’est pourquoi les récits mettent aussi en scène des fuites et des ruptures, dans une dynamique de tension forte entre l’intérieur et l’extérieur, entre circonscription et fusée. Anne Serre, dans ses interviews, s’en explique d’ailleurs pour ce qui la concerne : à propos de son éducation renfermée, exempte de voyages, tournée vers le passé (qu’il soit familial ou patrimonial), elle affirme que « quand des jeunes filles sont élevées ainsi, elles peuvent développer une rage de vivre similaire à celle que [s]es gouvernantes éprouvent24 ». L’autrice, on le sait, a ensuite beaucoup voyagé, à commencer par son séjour prolongé auprès des grands lacs italiens. Comme si l’extrême fixation, le retrait hors du monde, nécessitait par retour une fuite constante, une absence de fixation – en tout cas pour certains personnages. C’est le cas pour la narratrice de Petite Table sois mise !, qui s’évade à l’âge de 15 ans pour ne plus revenir. Ça ne l’est pas pour sa sœur, à laquelle elle rend visite à la fin de l’ouvrage, et qui au contraire a eu besoin d’une fixité absolue, mais investie d’un autre sens : l’accession à la conformité, garante de tranquillité et de repos. Les fuites et les ruptures sont parfois impossibles tellement le lieu est magnétique et dévorateur : les gouvernantes sont prisonnières de la propriété des Austeur, au point de disparaître à la fin, lorsqu’elles pensent en partir définitivement. La narratrice d’Au Secours est à plusieurs reprises bloquée sur son île, contre son gré, comme si ses tentatives de fuite étaient vaines, victimes d’un lieu dévorateur – ce qui provoque un plaisir trouble, « comme satisfaite d'avoir constaté que j'étais bien enfermée25 ». Quoi qu’il en soit, la maison constitue le point de départ incontournable pour un certain nombre de personnages féminins, comme pour l’autrice elle-même semble-t-il. En cela, les personnages masculins se distinguent : eux aussi occupent la maison, mais ils semblent la régir ou l’occuper différemment. C’est le cas pour le père d’Anne Serre bien sûr, au fil des interviews, mais aussi de Monsieur Austeur qui apparaît comme un centre rayonnant et ordonnateur face au désordre apporté par les femmes et les enfants (« La maison avait retrouvé un centre : c’était l’endroit où il se tenait26 ») ; c’est aussi le cas de Guillaume dans les Débutants, Guillaume qui possède la maison où l’héroïne et lui se sont installés. Les hommes n’éprouvent pas la nécessité de fuir un lieu, alors même qu’ils sont volontiers errants, comme les trois amis de Grande Tiqueté. Ils vagabondent et voyagent, mais sans presse, sans fuite pour échapper au lieu à la fois rassurant et inquiétant et dévorateur. Chez Anne Serre comme dans le reste de la société, le lieu domestique n’est pas investi de la même façon, que l’on soit femme ou que l’on soit homme. Elle met en place des mécanismes de fixation et de fuite qui représentent une variation riche sur un thème important de la littérature écrite par des femmes. Ils instaurent une légère disharmonie grinçante qui montre un jeu avec le thème. Dans Petite table sois mise !, la narratrice et sa sœur représentent deux choix féminins opposés : explorons-en les enjeux.
Définir les femmes : échec d’une définition et recours aux figures et aux clichés
21Ce qui frappe le/la lecteur·rice d’Anne Serre, c’est la labilité des personnages féminins, en fuite, difficiles à saisir et à comprendre, familiers et étranges à la fois, si on leur applique la grille de lecture des clichés de genre. Un Chapeau léopard est tout un livre sur un personnage féminin insondable, qui laisse à sa mort des interrogations plus que des réponses. Il ne s’agit pas d’agiter le cliché de la femme mystérieuse, ni de faire étalage du brio du romancier capable de décrire les moindres rouages de la psychè féminine (Bovary ou Karénine). Peut-être que ce personnage aurait pu être masculin. Cependant, aventurons-nous sur cette piste de l’insondabilité du personnage féminin. En effet, si Anne Serre semble « scruter la féminité », plus elle scrute, moins elle trouve matière à saisie, c’est bien là ce que nous voulions montrer, car c’est bien là ce qui ressort de ses ouvrages.
22La réduction du personnage féminin et de ses attitudes à des clichés ou à des figures féminines de référence est assez fréquente dans ses œuvres. Elle semble se réaliser faute de pouvoir saisir entièrement ce personnage, pour tenter de le saisir. Nous pourrions recenser un certain nombre d’attitudes plus ou moins stéréotypiques (le tricot27, la prédatrice etc.). En même temps, il y a une réflexion continue sur ces images. Les choix opposés de la narratrice et de sa sœur dans Petite table sois mise ! soulignent le refus du rôle stéréotypé par la narratrice, qui est explicité dans Couple under umbrella, petit écrit autour d’une sculpture de Ron Mueck28, qui commence par une phrase très provocante : « Je suis absolument passée à côté de ma vie, car je ne voulais ni me marier ni avoir d’enfants. Je ne voulais même pas tellement aimer. » Alors que le cliché veut qu’une femme ait raté sa vie si elle n’a pas de mari ni d’enfants, le texte en prend le total contrepied en présentant un personnage qui, pendant quarante-cinq ans, a effacé ses propres désirs au profit des projets de vie de son mari. Quant à la narratrice d’Au Secours, elle ne s’est pas laissé prendre au piège des attentes sociales :
En vivant seule sur mon île est-ce que je me prive d'expériences nécessaires – partager ma vie par exemple, être mère moi-même –, privations qui, pour finir, feront de moi une personne racornie, joyeuse sans doute mais de ses joies internes, joyeuse comme ces gens qui se racontent à eux-mêmes des histoires en marmonnant et rient tout seuls ? Mais pourtant, Paula, je n’envie pas vos vies de mères. Vous dites que vous en êtes heureuse mais je sens en vous une sorte d’accablement dès que vous avez mis au monde votre premier enfant. […] Quelque chose ne va pas : vous êtes toutes déçues quand vous êtes mères, vous ravalez votre chagrin de n'avoir pas débouché sur ce à quoi vous vous attendiez, vous sentez que quelque chose s’est ouvert qui s’est refermé aussitôt, reprenant vos désirs, reprenant votre vie, et vous, vous pensiez que cela allait désormais toujours rester ouvert. Je me trompe ? Cela passe, sans doute, avec le temps. Mais c’est quand les enfants s’en vont que vous renouez avec votre grand désir ancien, à moins qu’incapables d’y avoir désormais accès, vous restiez prises dans la nasse des émotions familiales jusqu’à la fin de vos jours. Je trouve qu’elles sont rares, aujourd’hui, celles que la maternité enchante29.
23Comment ne pas entendre un écho avec les propres choix de vie de l’autrice, qui s’est fait interroger sur son parcours personnel :
J’ai entendu que vous parliez de votre décision de rester célibataire – et de ne pas avoir de famille. Est-ce que vous diriez que ce choix est politique, d’une façon ou d’une autre ? – Non, il n’y a rien de politique dans mon choix. C’est juste que je n’ai jamais eu envie de me marier, jamais eu envie d’avoir des enfants, jamais eu envie de vivre sous le même toit que quelqu’un […]. Peut-être que c’est parce que j’avais besoin d’une indépendance totale pour écrire comme je l’entends, mais je pense que l’explication de mon célibat a plus partie liée à une grande part de moi qui a perpétuellement l’âge de 12 ans30.
24L’indépendance totale d’Anne Serre, si l’on conserve cette idée, n’est pourtant pas loin du cliché – mais un cliché hélas vérifié – qui veut qu’une autrice peine à passer une vie heureuse maritalement et familialement tout en conservant la latitude pour écrire, et écrire librement. Parcours normés et écriture sont incompatibles. C’est la leçon qu’on lit chez nombre d’écrivaines, à commencer par Germaine de Staël, dont la locutrice de Woman with shopping souhaite « jouer » le rôle plutôt que celui de Cosette qu’on lui a imposée31. Plutôt que la potiche mère de famille, l’autrice au destin amoureux houleux, et qui a théorisé l’impossibilité de l’amour heureux pour les écrivaines dans Corinne ou L’Italie.
25On le voit, outre les attitudes, les personnages réels ou fictifs servent à tenter de définir les femmes chez Anne Serre. L’autrice elle-même, on l’a vu, compare son enfance à celle des sœurs Brontë. Peut-être y a-t-il une préférence d’en passer par ce prisme plutôt que d’opérer un dévoilement : dans la nouvelle « Cet été-là », dans Un été tout en or, alors que la narratrice rend visite à son père interné en Suisse, elle pense :
peut-être ce jour-là serait-il mieux et plus sensé ? Il l'était parfois. Mais je ne suis pas sûre que c’était ainsi que je le préférais. Je crois malheureusement que je le préférais fou. Dans le train, je me préparais à être prise pour George Sand ou pour d'autres personnages32.
26Le fait d’être prise pour un personnage féminin plutôt que pour elle-même la rend profondément heureuse – ce qui contrevient à l’idée majoritaire que nous sombrons dans la tristesse lorsqu’un proche ne nous reconnaît plus. Est-ce une façon d’échapper à soi-même ou une façon de mieux se connaître à travers l’usage de « personnages » ? Il y a de toute façon un élément définitoire dans ce détour par des figures connues. Dans les œuvres d’Anne Serre en effet, la définition d’un personnage passe volontiers par les figures mythologiques et religieuses, qui ne sont pas rares pour définir les femmes. Dans Petite Table sois mise !, la mère est comparée à une sylphide :
Je répondais alors : « mais non, tu n’es pas grasse, tu es une sylphide ! », parce qu’une fois l’agent d’assurances lui avait dit : « Marianne, vous êtes si belle, une vraie sylphide ! » et que j’avais vu à un certain petit sourire que cela lui avait plu33.
27Mais certaines figures reviennent particulièrement souvent. Certaines sont investies de sens multiples, en fonction du moment, et malmenées. C’est le cas de la Vierge. Fanny, dans le Chapeau léopard, est comparée à la Vierge :
Elle pourrait être une apparition. Elle a le poids spirituel d’une apparition. Et quand les petits bergers ici ou là décrivent avec émotion leur vision de la Vierge, son sourire, sa douceur, ce quelque chose de flottant plus pareil à la lumière qu’à la matière, cela ressemble assez à l’impression curieuse – et assez affolante – qu’a le Narrateur lorsque Fanny disparaît34.
28Dans Les Gouvernantes, Laura est semblable à une Artémis, puis, lors de ses premiers jours d’accouchée, elle apparaît comme une parodie de Vierge à l’enfant. La Vierge dans Grande Tiqueté n’a pas même de nom, elle est singularisée par le mot doté d’une majuscule, et soumis à des variations graphiques qui invitent à la reconsidérer dans son essence, dans une réécriture parodique et iconoclaste, dont l’apogée se trouve dans une description de Petite Table sois mise ! : lorsque le docteur Mars saille la mère, il aime avoir les trois filles autour, « un peu comme de petits anges nus autour d'une Vierge en gloire (maman figurant la Vierge)35. » C’est d’ailleurs l’une des premières figures évoquées, après la mère, lorsqu’Anne Serre pose directement la question « Qu’est-ce qu’une femme », dans un texte intitulé Jean-Jacques Rousseau dans mes prés36 : « une femme est ma mère, est la Vierge Marie, est la statue de la Vierge qu’on monte sur un brancard de l’église de Saint-Hippolyte ». Pour cette définition, après la Vierge vient la folle, au gré des folles rencontrées dans la vie et non dans la fiction ; puis la malade – sa mère, toujours. Se fait jour le recours aux figures romanesques enfin, pour fixer la femme, qui semble naviguer entre monde réel et monde fictif.
29Les références à des actrices ou à des personnages de fiction, du cinéma ou de la littérature, plus précis, moins connotés que la Vierge ou Artémis, ont davantage valeur de figure exploratoire, permettant d’affiner la connaissance du personnage féminin lorsqu’il échappe. C’est particulièrement le cas avec Liz Taylor, qui revient à plusieurs reprises dans les œuvres d’Anne Serre. Dans Au cœur d’un été tout en or, dans la nouvelle liminaire, à défaut de pouvoir caractériser sa mère qui vient de lui apparaître de façon totalement insolite et nouvelle, la narratrice doit passer par la figure d’Elizabeth Taylor – et sans doute moins la véritable Liz Taylor que la femme prédatrice et passionnée des films où elle joue. Dans le Chapeau léopard, le narrateur s’exclame, à propos de Fanny : « comme elle se reconnaît dans la féminité blessée d'Elizabeth Taylor ! Comme elle connait le pouvoir effrayant de Katharine Hepburn37 ! » C’est donc, si l’on en croit le narrateur, Fanny elle-même qui doit passer par le détour de la figure de Liz Taylor pour se connaître elle-même. Nous pourrions aussi parler d’Emma Bovary, si présente dans Le.Mat38. Ce motif du recours à un personnage féminin de fiction est discret mais bien présent et récurrent dans les différents ouvrages. Parfois les personnages masculins s’affinent également à travers ce type de prisme : Le.Mat est le joueur d’Hamelin ou Orphée ou39… et Carl (le compagnon de la narratrice) est Le.Mat, c’est-à-dire Orphée, le joueur d’Hamelin, etc., dans un système d’équivalence remarquable. Cependant, notons que la figure de la Vierge ainsi que celle de Liz Taylor reviennent de façon récurrente dans les œuvres, contrairement aux figures évoquées dans Le.Mat. Est-ce parce que les hommes ont moins besoin de figures transitionnelles pour être définis ? C’est pourtant l’inverse qui se passe dans Jean-Jacques Rousseau dans mes prés : le premier homme cité est Diloy le chemineau, puis s’ensuivent uniquement des figures fictives, sans aller-retour entre monde réel et monde fictif, et sans aucune apparition du père ou d’un homme de la réalité.
30Autre différence notable entre les sexes, il y a quelque chose de l’ordre du jeu de rôle dès qu’on s’attache aux femmes, qui n’est pas présent chez les hommes. Les femmes jouent les femmes, avec plus ou moins de conviction, tandis qu’on a du mal à trouver des hommes qui jouent aux hommes, même si la virilité peut aussi faire l’objet d’un questionnement. Fanny, dans le Chapeau léopard, commence à s'habiller en fonction des situations, avec des tailleurs qui répondent à une certaine idée de l’élégance féminine. Cependant, elle est davantage elle-même, elle joue moins un rôle lorsqu’elle est vêtue de vêtements masculins40. Les Gouvernantes jouent avec application les jeunes femmes à marier lorsque Madame Austeur leur présente des prétendants. Le rôle féminin semble être le plus délicat à jouer, le plus difficile à s’approprier, ou le plus évidemment outrancier, que l’on soit femme ou homme, d’ailleurs.
31Car les hommes aussi jouent les femmes – alors que l’inverse n’est pas si visible. Témoin, le travestissement constant de la figure du père (qui ne correspond pas à une réalité vécue par l’autrice, comme elle le précise dans une interview41). Le passage par le personnage féminin prend plusieurs formes. Il peut avoir lieu de façon a priori anodine : dans Au cœur d’un été tout en or, une nouvelle décrit le père de la narratrice qui revient d'entre les morts lui rendre visite :
C’est moi, me voici, et il prenait sa voix théâtrale, cette voix qu’il aimait tant prendre quand il nous récitait quelque chose, un long passage, toute une scène qu’il savait par cœur. C’était alors très souvent le rôle de la femme qu’il jouait (Phèdre, Bérénice, Isé [sic]) et ma sœur détournait la tête parce qu’elle n'aimait pas qu’il prenne une voix de femme, qu’il se prenne, un moment, pour une femme. Mais […] tu n’as pas à t’en faire, dès que la scène est terminée il redevient papa. Certes, disait ma sœur, mais pourquoi, grands dieux, ce détour ? Pourquoi ce détour obligé42 ?
32Dans ce « détour obligé », il y a quelque chose qui dévisse, comme le montrent les multiples scènes de père travesti dans les œuvres d’Anne Serre. Le père use du maquillage, de façon trop voyante, même s’il n’est pas de l’ordre du travestissement dans Notre si chère vieille dame auteur :
Mon père est arrivé dans le village dans sa longue voiture blanche un peu cabossée, il en est sorti habillé d’une manière qui m’agaçait de son vivant et m’émut après sa mort, dans un blazer marine et lustré (lui aussi) à boutons d’argent mat, son pantalon de flanelle grise froissé, et beaucoup trop maquillé pour un père (il tenait toujours à enduire son visage de crème bronzante43).
33Marque de coquetterie qui ne va pas à un homme, la crème bronzante montre un décrochage qui devient feu d’artifice dans Petite Table sois mise ! Le père se travestit là de façon outrancière, dès l’ouverture du récit :
La première fois que je vis mon père vêtu en fille, j’avais sept ans. Je rentrais à la maison quand je vis venir à moi sur le trottoir une femme marchant sur de hautes sandales rouges, un manteau léger, peut-être en soie, en tout ça brillant, flottant derrière elle, mais le plus extraordinaire était sa chevelure ébouriffée, oxygénée, les énormes pendants d’oreilles qui s’agitaient, les paupières bleu vif et pailletées. Elle était effrayante, on aurait dit Laura Van Bing dans Crucifixion ou Crusoë Kiki dans sa « danse frénétique ». Je ne le reconnus pas tout de suite44.
34Le passage par le féminin outrancier est un signe de libération par l’outrance et le décalage. Et c’est justement lorsque le père joue la femme que la narratrice doit passer par des références : Laura Van Bing ou Crusoë Kiki.
35Il arrive même que le jeu féminin ne soit plus un plaquage sur le corps masculin, mais fusionne avec lui. Dans Notre si chère vieille dame auteur, le père devient une vieille femme :
Entrouvrais-je la porte du salon où il [son père] lisait, pour lui parler ou lui demander quelque chose, je lui surprenais parfois un regard qui n’était pas le sien, le regard d’un personnage qu’il était en train de jouer intimement, tout seul, dans son salon, sans bouger. Ce personnage était souvent une femme, une vieille femme dont je sentais qu’elle était à la fois bavarde et un peu excentrique. Une sorte de reine mère45.
36Le détour de l’homme par la femme, particulièrement insolite lorsque cet homme est un père, semble une nécessité. Peut-on y voir le destin de l’écrivain, dont Anne Serre souligne la narratrice intérieure qui prend les traits d’une mère : « Et je me rappelle un texte ou une interview de Pierre Michon qui disait que “c’est la mère qui écrit en nous46” » ? Il y a en tout cas une porosité du masculin au féminin. Dans Jean-Jacques Rousseau dans mes prés, la partie « qu’est-ce qu’un homme » le suggère à deux reprises : « un homme est presque une femme tant il est peu agressif » et « un homme a cette douceur maternelle quand il veut ». L’aspect masculin des femmes n’est pas évoqué dans ce texte, même si le thème se retrouve – très légèrement cependant – dans certains ouvrages. Comme Fanny habillée avec des vêtements de garçon. Comme la folle, La Berthe, dans le Chapeau léopard : « c’était une femme et l’on aurait dit d’un homme déguisé en femme, comme Norman Bates, le personnage de Psychose47 ». La folle ressemble à un homme déguisé en femme. La figure du fou ou du personnage limite échappe apparemment aux assignations de genre. Mais cela semble aller plus loin encore.
Androgynie et changements de sexe : un motif obsessionnel
37L’androgynie est certes un motif bien connu dans la littérature, cependant, chez Anne Serre on ne peut que constater la très grande fluidité avec laquelle il est utilisé, en particulier dans le domaine du désir, qui échappe aux assignations hétérosexuelles grâce à lui. L’usage de la comparaison permet d’hétérosexualiser assez conventionnellement un désir homosexuel dans Au Secours :
Je vous ai regardée partir comme si vous étiez une femme et moi un homme. Vous aviez mis votre robe rouge, cette robe qui avait un tel chic, une telle singularité qu’à plusieurs reprises j’avais tenté de vous convaincre de me la donner48.
38Des éléments diffus et beaucoup plus troublants apparaissent çà et là : le marin de Poinsec, qui ressemble à une figure très virile, capable de sauver la Vierge en détresse, devient de façon impromptue et inexpliquée « le grand Vagin de Pointec49 » et magnétise les trois compagnons voyageurs, tout comme la Vierge. L’identité du marin se redéfinit du fait de cette re-dénomination inattendue : de fait, si Poinsec fait penser à l’eau – normal pour un marin – et à la Bretagne – on dirait un toponyme bretonnant – n’est-il pas mieux également, en fin de compte, que le grand Vagin ne soit point sec ? Mais ce grand vagin a aussi la particularité de pointer : Pointec, ce qui peut faire référence au clitoris en érection ou au phallus, l’organe étant alors mixte. Car le marin est tout de même du côté du phallique si l’on considère que les trois voyageurs, qui sont fixés globalement du côté du masculin, le désirent, sans plus vouloir des femmes :
Mais nous aussi nous voulons du marin. Les fames on en a trop soupé et leur fibule nous exaspère. Un marin ! Un marin ! (...) Oui, c’est de tout cela que nous voulons, Élem, Tom et moi. Un marin ! Un marin pour nos désirs du soir. Un grand marin sérieux comme un poge50.
39La description désirante précise le regard :
Mais il est vrai qu’il est beau comme un daimort. Honnêtement, toute proportion gardée, c’est un daimort avec son or, ses branches noires, ses durette glaçante, sa poniérose qui nage, ses avulantes arogities51.
40Ce mort particulier, daimort, doit être rapproché du daim du texte intitulé « Le jars et le daim52 », « cher et pauvre jeune homme gracieux, si semblable à un chevalier, le daim aux fesses marquées d’un écusson blanc, aux grands bois plats et palmés appelés “palmures” ». Le texte décrit l’union homosexuelle et trans-spéciste du jars et du daim. Le grand marin, quant à lui, ou daimort, cristallise un désir homosexuel teinté de misogynie de la part des trois compagnons. À la question de la pénétration difficile entre le jars et le daim (le texte s’interroge assez longuement sur qui va pénétrer l’autre et comment, la chose n’étant pas facile à concevoir), Grande tiqueté répond par une transformation en vagin du marin. Mais est-ce la seule raison ? Non, car la question de la pénétration n’est pas du tout la même entre espèces différentes et au sein d’une même espèce qui la pratique de façon régulière entre personnes du même sexe. Il s’agit sans doute de souligner moins un changement d’identité de genre qu’une cohabitation de plusieurs identités de genre au sein d’un même individu.
41On retrouve ici l’art du conte, qui s’amuse souvent avec la plasticité du genre. De fait, c’est lorsque l’écriture s’amuse et devient très inventive, c’est lorsqu’elle joue sur les mots et propose des histoires farfelues, qu’elle suggère des glissements, de façon beaucoup plus visible alors que dans les ouvrages comme Les Débutants, où la distribution du genre est beaucoup plus classique. Les changements d’identité de genre sont insérés de façon assez discrète, mais ont la densité du pavé dans la mare, comme le Vagin de Poinsec ou, ailleurs dans Grande Tiqueté, la révélation de Tom : « jadis j’ai été une fille soufflotte Tom, allons bon, encore un selin53 », ou dans Au Secours, quand l’aspirant jardinier se métamorphose en femme sous les yeux incrédules et horrifiés de la narratrice :
Et puis il est arrivé une chose bizarre, tellement bizarre que j’ose à peine vous en parler parce que vous allez me prendre pour une folle : tout doucement, il s’est mis à se transformer en femme. Je tournais les yeux vers lui, il avait les yeux d’une femme, je regardais à nouveau devant moi en parlant puis me tournais vers lui, et maintenant c’étaient les mains, les contours du visage, le vêtement qui changeaient. J’étais folle de peur, je me suis ruée vers la maison, j’ai sorti la clé de ma poche en tremblant de tous mes membres, j’ai réussi à ouvrir, je me suis précipitée à l’intérieur, j'ai mis la barre de fer derrière moi et je me suis effondrée sur le sol en sanglotant d’effroi54.
42Ce qui caractérise ce personnage « si trouble qu'il devenait une femme, oscillant entre une forme et une autre pendant que vous lui parliez55 », tout comme les autres personnages du même type, c’est un genre double intrinsèque. La cohabitation du masculin, du féminin (et parfois du neutre) en un seul corps, les glissements aléatoires et brusques de l’un à l’autre proposent des portraits saisissants et troublants, de l’ordre du « bizarre » et propres à susciter « l’effroi », jusqu’à ce qu’un apprivoisement ait lieu, jusqu’à ce que le bizarre devienne normal. Le jardinier / vieille femme finit par pénétrer dans la maison et même devenir une mère de substitution étrange, pour laquelle la narratrice semble éprouver plus d’affection que pour sa véritable mère.
43Et à vrai dire, même l’autrice subit des brouillages, à travers l’usage du/de la narrateur·ice : c’est-à-dire que les deux dialoguent et qu’il arrive que le/la narrateur·ice l’emporte sur l’autrice. Le narrateur se voit attribuer un sexe dans les ouvrages, sexe mouvant selon les besoins des différents ouvrages, mais il semble exister une sorte de Narrateur intrinsèque dominant, d’un sexe ou de l’autre – ou d’un autre encore – selon l’auteur qui en est habité.
Un ami m’a prêté un roman intitulé Loin des bras, de Metin Arditi, un écrivain suisse de langue française et d’origine turque. C’est probablement le seul roman que j’ai lu qui, bien qu’écrit par un homme, donne l’impression, du début à la fin, d’avoir été écrit par une femme. Je ne sais pas si Metin Arditi en était conscient lorsqu’il écrivait son livre. Sans doute que non. Mais je pense qu’il a une narratrice en lui56.
44Qu’est-ce qu’Anne Serre entend par là ? Qu’est-ce qui constituerait les marques distinctives qui permettent de dire que le livre a été écrit par une femme ? Un ancrage social qui dénote des préoccupations propres aux femmes, dans le droit-fil de l’« écriture-femme » théorisée par Béatrice Didier57, ou quelque chose de plus proche de l’inconscient et d’une corporéité de l’écriture, comme l’« écriture féminine » d’Hélène Cixous58 ? Impossible de trancher en l’absence de plus amples indications. En tout cas, le narrateur chez Anne Serre est bien, en effet, doté d’une vie propre et semble tempérer la féminité de l’autrice. Dans Grande Tiqueté, dans la préface qui décrit le projet à l’œuvre, il se réjouit de la mort du père de l’autrice, nourriture particulière pour faire un nouvel ouvrage, et est décrit comme neutre :
Lorsque je souhaite raconter quelque chose de terrible, un narrateur surgit en moi. [...] On dirait un enfant. Lui, il sait comment dire. Moi, je raconterais comme une femme ; lui, il est neutre. Il aime raconter des choses terribles, il est surexcité par l’émotion comme je le fus peut-être enfant59.
45On a noté que, dans Au cœur d’un été tout en or, interprété comme un auto-portrait de l’autrice, le « je » était souvent féminin, mais parfois masculin, comme s’il fallait parfois passer par le détour du masculin pour s’exprimer.
46Mais le narrateur n’est pas un simple habitant. Il fusionne parfois avec l’autrice, ou semble être son miroir – pour reprendre une image dont on a souligné l’importance dans ses œuvres. Un autre daim apparaît dans Grande Tiqueté, or ce daim a fort à faire avec l’autrice. Anne Serre joue sur la phonétique de son nom et sur celle du narrateur dans Grande Tiqueté : le nom du narrateur dévoilé par un dialogue avec la mère de Tom n’est pas sans évoquer Anne Serre, ou Anne Cerf, voire Âne Cerf : « Andaim, disait-elle (c'est mon nom), Andaim dis-moi la vérité60 ». Si la mère réclame la vérité, c’est parce qu’Andaim a l’habitude de raconter des histoires (tiens…). On pourrait penser que le vertige des emboîtements entre autrice et narrateur s’arrêtent là. Andaim serait un narrateur sorte de double fictionnel et masculin de l’autrice. Cependant, cet ordonnancement s’effrite dès lors qu’on le saisit. Juste après le passage où le nom du narrateur est révélé, le narrateur dit qu’il a toujours en lui « Madame Petite Mère » (la mère de Tom, la seule dont il veuille être aimé) qui commente et le guide. Le personnage d’Andaim est donc personnage, narrateur, double de l’autrice, un narrateur dans une autrice, qui héberge en lui une guide. Il n’est pas un hybride hermaphrodite, mais plutôt une sorte de construction multiple. Si la figure du double est présente chez Anne Serre, celle du triple l’est sans doute encore davantage. Triple, Andaim l’est assurément, et à chacune de ses dimensions correspond un genre ; il est aussi composite, loin de l’unité plurielle de soi, mais tout au contraire fragmenté en plusieurs faces.
47Au terme de ce parcours, nous espérons avoir montré la singularité de l’usage des genres chez Anne Serre. Il s’agit de jeux de rôle aux emboîtements vertigineux, oscillant entre performance et outrance, écart et fusion, ce qui revient à miner la façade sociale. Anne Serre n’est peut-être pas féministe, ou peut-être l’est-elle, mais au fond, peu importe. Ce qui compte, c’est le vertige de l’interrogation, de la surprise et des jeux, qui questionnent fondamentalement l’être plutôt qu’ils n’apportent des réponses. C’est aussi le goût d’une liberté nomade, qui passe chez Anne Serre non pas par la guerre politique et la bataille rangée ni par l’adhésion à un système de pensée ou son élaboration, mais par l’ambiguïté, le trouble, l’iconoclasme sciemment désinvolte. Le refus de se poser définitivement. L’autrice s’est plu et s’est construite dans les voyages et les errances, à califourchon sur sa mobylette ou sautant de car en car sur les bords des lacs italiens. L’enfant de douze ans est bien là : un être en formation, encore largement indéfini malgré le poids des stéréotypes de genre qui pèsent dès la naissance et les contraintes d’une existence dépendante de celles des adultes nourriciers et décideurs, à la fois aimés et détestés, suivis et fuis. Cet·te enfant – jouons nous aussi avec l’écriture pour faire régner l’indécision – s’ancre à l’aube de la puberté, au moment où les genres vont s’affirmer physiquement et socialement, où les questionnements sur l’identité sexuelle et de genre se font souvent plus vifs et bouillonnants, avant la fixation – celle qui semblerait définitive, mais qu’Anne Serre désigne comme souverainement mouvante. Dernier espace d’indécision et de liberté possible, avant que le couperet social ne tranche entre hommes et femmes, avant que l’on doive choisir – se marier, avoir des enfants, avoir telle ou telle carrière, marcher dans les clous sans possibilité d’opérer non pas des petits pas de côté, mais des sauts à pieds joints dans l’inconnu, le bizarre, voire le sale. C’est donc à une respiration qu’en appelle Anne Serre : desserrer l’étau du genre, envoyer promener les règles, tout en en jouant à fond, entre sérieux et amusement, comme un·e enfant s’applique à jouer toutes sortes de rôle dans un mimétisme espiègle et forcément infidèle. Nous aurions pu mobiliser davantage les grands textes théoriques des études de genre pour parler des productions d’Anne Serre. Les lecteur·ices averti·es entendent, sous « performance » et « trouble », le texte, fondateur pour les études de genre, de Judith Butler, qui dénonce les conditionnements de genre et propose une réflexion profonde sur les rôles que nous jouons, notamment à travers des figures subversives, les drag61, qui exhibent ce jeu, surjouent les assignations pour mieux les déjouer. Mais Andaim, les Gouvernantes, le grand marin de Poinsec et les autres, et les propos d’Anne Serre se dérobent sous un glacis défensif et volontairement provocant et corrosif. L’essai et la pensée théorique ne font pas sa joie ni son miel – au contraire, on dirait qu’elle fait tout pour y échapper. Et elle y réussit, nous enjoignant ainsi à déposer l’arsenal théorique, à la suivre nûment, à accepter, sans filet, comme de vrai·es et braves voyageur·ses, ce cache-cache folâtre et grave qui permet peut-être des plongées plus effrayantes et vertigineuses au fond de l’inconnu. Au fond, la littérature a souvent été le lieu de réflexion des féminismes et sur le genre, un laboratoire inestimable pour la pensée. Si Anne Serre a choisi la littérature, c’est sans doute pour cela aussi : la littérature est un monde où tout est permis, y compris les revirements et les contradictions.
Notes
1 M. Reid, Des femmes en littérature, Argenteuil, Belin, « L’extrême contemporain », 2010, p. 16.
2 M. South et A. Serre, « The Unnamable Inspires Me: Anne Serre Interviewed », Bomb Magazine, 14 novembre 2019, http://bombmagazine.org/articles/2019/11/14/anne-serre/ : « There’s this widely held belief today (it’s very common in France) that women writers (not so much men) must have suffered some trauma in their childhood, which they try to cope with by writing novels. »
3 T. Foster et A. Serre, « Fiction as Seduction: An Interview with Anne Serre », Asymptote Journal, 29 janvier 2020, http://www.asymptotejournal.com/blog/2020/01/29/fiction-as-seduction-an-interview-with-anne-serre/ : « one critic labelling your texts as “feminist fairy tales.” How do you feel about these interpretations? AS: I can’t really claim to be a feminist because I’m more of a child than an adult. And a child can’t really be a feminist ».
4 « La passion selon Humbert Humbert », intervention d’Anne Serre dans le cadre des Journées des Écrivains du Sud, créées et dirigées par Paule Constant, à Aix-en-Provence, 28 mars 2009 [sur son site personnel : https://anneserre.fr/textes/la-passion-selon-humbert-humbert/].
5 A. Tubman-Mary, « Elles étaient trois garçons », publié d’abord dans la revue Europe, déposé sur le site d’Anne Serre, janvier 2021, http://anneserre.fr/elles-etaient-trois-garcons/
6 Diglee, « La carte », site personnel, 13 février 2021 : http://diglee.com/la-carte/
7 G. Narguet et A. Serre, « Anne Serre : “J’écris toujours dans une langue inventée” », Zone critique, 24 novembre 2022, http://zone-critique.com/critiques/anne-serre-jecris-toujours-dans-une-langue-inventee/ : « le cinéma m’a toujours servi à scruter la féminité ».
8 M. South et A. Serre, « The Unnamable Inspires Me: Anne Serre Interviewed », op. cit. : « this shadowy old house filled with an atmosphere of foreboding. We didn’t like the outside world ».
9 A. Serre, « La maison de mon confinement », sur son site personnel, mai 2020 : https://anneserre.fr/textes/la-maison-de-mon-confinement/
10 A. Serre, « L’art de la joie », sur son site personnel, octobre 2022 : http://anneserre.fr/lart-de-la-joie/
11 A. Serre, Petite Table sois mise !, Rieux-en-Val, Verdier, 2012.
12 A. Serre, Grande Tiqueté, Ceyzérieux, Champ Vallon, 2020.
13 A. Serre, Au Secours, Cyzérieux, Champ Vallon, 1998 : « Ainsi vêtue je me sentirai un peu masculine, cela m'aidera à vivre dans ces circonstances », p. 8.
14 A. Serre, Les Débutants, Paris, Mercure de France, 2011.
15 A. Serre, Au Secours, op. cit., p. 12.
16 Voir notamment le colloque Retraits, replis, sorties hors du monde : des autrices en rupture ? organisé par Anne Debrosse et Irène Gayraud, Paris, 20-21 avril 2023 (en cours de publication aux PUR).
17 A. Serre, Les Gouvernantes, Ceyzérieux, Champ Vallon, 1994, p. 60.
18 A. Serre, Un Chapeau léopard, Paris, Mercure de France, 2008, p. 50.
19 A. Serre, Notre si chère vieille dame auteur, Paris, Mercure de France, 2022, p. 81.
20 A. Serre, Les Gouvernantes, op. cit., p. 73.
21 A. Serre, Au Secours, op. cit., p. 46.
22 A. Serre, Au Secours, op. cit., p. 9-10.
23 Ibid., p. 30.
24 Mary South et Anne Serre, « The Unnamable Inspires Me: Anne Serre Interviewed », op.cit. : « When young girls are raised that way, it can create a lust for life similar to what my governesses felt ».
25 A.Serre, Au Secours, op. cit., p. 24.
26 A. Serre, Les Gouvernantes, op. cit., p. 38.
27 Après la naissance du bébé de Laura dans Les Gouvernantes (op. cit., p. 85-86), les femmes tricotent et laissent des tricots partout, ce qui a le don d’énerver Monsieur Austeur. Dans Notre si chère vieille dame auteur, Édith et la vieille bonne tricotent.
28 A. Serre, « Sur des sculptures de Ron Mueck », Lecture à La Maison de la Poésie (Paris), dans le cadre des « Paysages de fantaisie » créés et mis en scène par Arthur Dreyfus, 2 juin 2013, déposé sur le site personnel : http://anneserre.fr/textes/sur-des-sculptures-de-ron-mueck/
29 A. Serre, Au Secours, op. cit., p. 97-98.
30 Tobie Ryan et Anne Serre, « An Interview with Anne Serre: “The importance of literature in my life? It is my life.” », Minor Literature[s], 03/11/2021 : http://minorliteratures.com/2021/11/03/an-interview-with-anne-serre-the-importance-of-literature-in-my-life-it-is-my-life-tobias-ryan/ : « I’ve previously heard you discuss your decision to remain single and not have a family. Would you describe this choice as political in any way? – No, there’s nothing political about my choice. It’s simply that I’ve never wanted to get married, never wanted to have a child, never wanted to live under the same roof with someone. […] It may be that I needed total independence to write in the way I wanted to write, but I think the explanation for my single status has more to do with a large part of me being perpetually the age of twelve. »
31 Voir « Sur des sculptures de Ron Mueck », suite de monologues écrits pour 'une lecture à la Maison de la Poésie, op. cit. : « On m’a forcée à jouer Cosette mais ce n’est pas du tout mon truc. Je serais mieux en Madame de Staël. J’ai toujours voulu jouer Madame de Staël, je n’sais pas pourquoi, à cause du nom sans doute. »
32 A. Serre, Au cœur d’un été tout en or, Le Mercure de France, 2020, p. 29.
33 A. Serre, Petite Table sois mise !, op. cit., p. 8.
34 A. Serre, Un Chapeau léopard, op. cit., p. 96.
35 A. Serre, Petite Table sois mise !, op. cit., p. 17.
36 A. Serre, Rousseau dans mes prés, Nouvelle parue dans la revue L’Infini, hiver 1998, déposée sur le site personnel : http://anneserre.fr/textes/jean-jacques-rousseau-dans-mes-pres/
37 A. Serre, Un Chapeau léopard, op. cit., p. 112.
38 A. Serre, Le.Mat, Verdier, 2005, p. 12, 25, 31 et 34.
39 Ibid., p. 14.
40 A. Serre, Un Chapeau léopard, op. cit., p. 117 « que fait-elle, sa petite amie blonde qui [...] porte le plus souvent des habits de garçon ? »
41 A. Serre, Comment j’écris mes livres, 6 avril 2013, Intervention dans le cadre des Journées des Écrivains du Sud, créées et dirigées par Paule Constant, à Aix-en-Provence, déposée sur le site personnel, http://anneserre.fr/textes/comment-jecris-mes-livres/ : « quand j’avais sept ans, je n’ai jamais vu mon père habillé en fille ».
42 A. Serre, Au cœur d’un été tout en or, op. cit., p. 103.
43 A. Serre, Notre si chère vieille dame auteur, op. cit., p. 54.
44 A. Serre, Petite Table sois mise !, op. cit., p. 7.
45 A. Serre, Notre si chère vieille dame auteur, op. cit., p. 127.
46 A. Serre, site personnel, op. cit., http://anneserre.fr/textes/la-passion-selon-humbert-humbert/
47 A. Serre, Un Chapeau léopard, op. cit., p. 110.
48 A. Serre, Au Secours, op. cit., p. 12.
49 A. Serre, Grande Tiqueté, op. cit., p. 75.
50 Ibid., p. 30.
51 Ibid., p. 42.
52 Lecture dans le jardin du Petit Palais (Paris), d’un texte commandé par la MEL (Maison des Écrivains et de la Littérature), dans le cadre de la manifestation : « Lire au jardin », 2 juin 2018, déposé sur le site personnel : http://anneserre.fr/textes/les-jars-et-le-daim/
53 A. Serre, Grande tiqueté, op. cit., p. 59.
54 A. Serre, Au Secours, op. cit., p. 30.
55 Ibid., p. 31.
56 A. Serre, « A Year in Reading: Anne Serre », The Millions, 20 décembre 2019 : https://themillions.com/2019/12/a-year-in-reading-anne-serre.html : « A friend of mine lent me a novel called Loin des bras by Metin Arditi, a French-speaking Swiss writer of Turkish origin. It’s probably the only novel I’ve ever read that, though written by a man, feels from beginning to end as if it were written by a woman. I don’t know if Metin Arditi was aware of this while writing the book. Probably not. But I think he has a female narrator in him ».
57 B. Didier, L’Écriture-femme, Paris, PUF, 1981.
58 H. Cixous, Le Rire de la Méduse, Paris, Gallimard, 1975.
59 A. Serre, Grande Tiqueté, op. cit., p. 10.
60 Ibid., p. 51.
61 J. Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité, Paris, La Découverte, 2005 [1990].
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Anne Debrosse
Anne Debrosse, maîtresse de conférences à l’Université de Poitiers, s’intéresse à l'auctorialité féminine, à la réception des figures féminines antiques (« La Souvenance et le Désir ». La réception des poétesses grecques, 2018) et aux questions de genre (avec M. Saint Martin Horizons du masculin. Pour un imaginaire du genre, 2020 et, avec M. Charrier-Vozel et A. Cousson, Femmes de guerre à l’époque moderne (domaine français, miroirs étrangers). Jouer avec les représentations, 2023).
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