QU’EST-CE QU’ÊTRE L’AUTEUR D’UN « ÉCRIT ILLUSTRE » ? SUR QUELQUES OUVRAGES JÉSUITES DES XVIe ET XVIIe SIÈCLES

Par Pierre-Antoine FABRE
Publication en ligne le 13 octobre 2015

Texte intégral

1Trois horizons de lecture : le premier, très large, viserait la «relève» de l’image dans l’histoire de l’imprimé à la Renaissance : comment l’écrit – ou comment le lisible – s’autorise-t-il de l’image – ou du visible – pour fonder son propre pouvoir de faire voir? Comment l’écrit destitue-t-il dans l’image qui l’illustre le pouvoir de faire voir qu’il s’arroge pour lui-même? Mais comment, de ce fait, l’image se retrouve-t-elle dépositaire du pouvoir qui l’exclut, comment sa défaillance à faire voir fait-elle voir l’image même? Comment aussi, et l’on toucherait ici à un second horizon de lecture, devient-il essentiel pour l’auteur d’un ouvrage écrit et illustré de n’être pas seulement l’auteur de la part écrite, mais de s’autoriser des images qui l’illustrent, et dont la part écrite tient son pouvoir ? Comment, enfin, l’image elle-même articule-t-elle, selon ses contraintes propres, cette force de faire voir dont elle est dessaisie et qui lui est rendue?

2J’ouvrirai ce propos, en manière d’apologue, par un récit de voyage du XVIe siècle, extrait du Chronicon de Juan de Polanco, chronique des premières décennies de la Compagnie de Jésus rédigée par le secrétaire d’Ignace de Loyola, fondateur de l’Ordre, mais rapportée par un savant du XXe siècle, François de Dainville, jésuite et historien de la géographie, lui-même cité par Christian Jacob dans son Empire des Cartes1. Nous sommes en août 1555, quelque part au large du Cap de Bonne-Espérance :

De nuit, l’on se précipita vers des bancs de sable, dont le pilote ne voulait pas croire l’existence parce qu’ils ne figuraient pas sur sa carte; la carte d’un marin les portait. Le pilote s’entêtant, le Père Quadros s’en alla trouver le commandant de la flotte, et usant d’autorité, le contraignit à éloigner le navire de ce lieu : «Si on ne le faisait, le navire sombrerait là, comme ils le verraient de leurs yeux avant peu ».

3Deux cartes, donc, deux images de ces fonds marins, entre lesquelles une décision doit être prise : et je dis bien entre lesquelles, car la décision ne sera pas dans le choix, par le capitaine de la flotte, de l’une des deux cartes, mais dans la soumission de ce capitaine à l’autorité de l’aumônier du navire, qui, passant par-dessus le bord des cartes, pointe l’imminence d’une catastrophe qu’ils «verraient de leurs yeux avant peu». Le récit reproduit les paroles du prêtre comme une sorte de légende de la carte du marin – celle d’entre les deux cartes qui représente les bancs de sable où le navire menaçait de s’échouer – mais sa légende s’impose à cette carte; elle la recouvre même au point que c’est maintenant moins la carte qu’elle légende que le fait imminent du naufrage, que «[tous] verraient de leurs yeux avant peu». L’image se dissipe dans le récit, elle s’ouvre sur l’événement, les paires d’yeux s’écarquillent, entre les cartes, face aux flots ténébreux, éclairés par la seule autorité prophétique du jésuite. Mais si la prise de décision doit se fonder, entre deux cartes et aux revers de ces deux cartes, sur le réel, sur l’instance du réel comme argument d’autorité, alors même que le «phylactère» du P. Quadros semblait venir célébrer la bonne carte, celle du marin – qu’en sera-t-il d’une décision à prendre devant une seule image, devant une carte unique? Le développement des cartes imprimées aurait du mettre un terme aux rivalités cartographiques, et le navire du P. Quadros aurait pu en être équipé : le récit de 1555 m’apparaît de ce point de vue moins comme un vestige archaïque de l’époque des cartes manuscrites que comme une interrogation indirecte sur le lieu de l’autorité à l’époque du développement des cartes imprimées.

4Je dois faire revenir ici l’histoire de ce récit. Alerté, en effet, par le court extrait qu’en produit Dainville, et que cite Jacob, je suis retourné au texte latin du Chronicon de Polanco2 et, de là, à la lettre écrite, en langue portugaise, par Antonio de Quadros3. Ce parcours renforce l’hypothèse d’un déplacement, dans le récit de l’épisode tel que le reformule le Chronicon, du choix qu’aurait effectué l’aumônier entre deux cartes – entre deux cartes définies par leurs écarts – vers l’adoption d’une position (ce que j’appelai un lieu d’autorité) entre ces cartes, c’est-à-dire dans l’indifférence de ces deux cartes et donc, virtuellement – Polanco rédige son Chronicon en 1570, et les cartes imprimées gagnent du terrain, comme le savent bien les cartographes du Collège romain de la Compagnie de Jésus – devant une carte unique. On lit en effet dans la lettre adressée le 18 décembre 1555 depuis Goa par Antonio de Quadros à ses compagnons de Coïmbra, qu’il a quittés pour s’embarquer vers les Indes :

Cette Nuit-là, nous allions droit vers des hauts-fonds qui n’étaient pas sur la carte du pilote. Grâce à Dieu, un marin avait sa propre carte, et l’on sut comme cela que nous allions nous perdre. Le capitaine réunit ses gens pour voir si cela était vrai. Ils conclurent que, que cela fût vrai ou non, il fallait dévier. Mais le pilote, faisant peu de cas des hauts-fonds, parce qu’ils ne figuraient pas sur sa carte, ne nous fit dévier que fort peu. Quand je vis cela, je ne pus faire autrement que me faire marin moi-même [quando isto vi nao me pude ter que nao me fizese marinheiro] : je m’en fus voir le capitaine et lui expliquai les raisons pour lesquelles nous suivions un mauvais chemin; et il en tomba d’accord, parce que lui aussi en était mécontent. Il nous fit dévier davantage, et davantage encore, et nous nous éloignâmes.

5Le même péril revient «quelques jours plus tard», mais

ceux qui gouvernaient le navire ne voulaient pas dévier, disant que les marins voyaient mal et qu’il n’y avait aucune terre. Il fut alors nécessaire que le capitaine commande de son pouvoir absolu que nous déviions de beaucoup vers la mer [Foi necesario ao capitao mandar de seu poder absoluto desviar a nao muito ao mar].

6On observera que dans ce récit, la vue directe des hauts-fonds est directement prêtée aux marins, au lieu d’être seulement annoncée par le narrateur à la communauté du navire. On observera aussi que le Père jésuite emprunte le costume du marin avant de prêter son autorité à celle du capitaine, pour que celui-ci use finalement de son «pouvoir absolu». C’est revêtu du costume de marin – du marin armé de sa propre carte – que le jésuite s’en remet au pouvoir du capitaine. Le Chronicon de Polanco – relayé par la traduction de Dainville – opère une contraction violente de ces deux mouvements, et de ces trois positions, dans la personne unique du P. Quadros. Polanco résume :

Le P. Quadros se rendit auprès du capitaine et, usant de son autorité [auctoritate sua usus], enjoignit au pilote de s’éloigner de ce lieu; car, s’il ne le faisait pas, le navire périssait ici, comme tous le virent après de leurs propres yeux.

7L’autorité du capitaine est ici transférée au jésuite, sans que celui-ci ait d’abord vu par les yeux des marins l’imminence du danger, sans non plus que la carte du marin, qui «grâce à Dieu en avait une», ait été produite devant le capitaine comme l’une des «raisons pour lesquelles nous suivions un mauvais chemin».

8La traduction de François de Dainville4 achève la transformation, amorcée par Polanco, du récit de Quadros en plaçant entre guillemets ce qui, dans le texte de Polanco, relève de l’instance du narrateur, et non de l’acteur de l’épisode; citation que j’ai à mon tour désignée comme la légende de ce tableau marin, ou encore comme le «phylactère» du P. Quadros. Si je l’ai fait, c’est parce que l’intervention du narrateur place bien Quadros, en tant qu’acteur, dans l’anticipation conjuratoire du naufrage du navire (quod si non fecisset, ibi peritura navis erat), en même temps qu’elle lui inspire, en tant que narrateur, l’anticipation prémonitoire du naufrage, effectivement survenu quelques semaines plus tard, de l’un des navires de la même flotte, dont Polanco, après le P. Quadros, rappelle l’événement.

9Mais retenons l’essentiel : le travail du récit de Quadros par celui de Polanco autorise le jésuite, sur le lieu du péril, à ouvrir les yeux des marins entre le déploiement des cartes. Et formulons maintenant ainsi notre question : si la décision, devant deux images (devant deux cartes manuscrites distinctes) n’est pas dans le choix fait de l’une des deux cartes, alors même que cette décision se prononce de fait comme la légende de l’une de ces deux cartes – le navire sombrerait , en ce lieu-ci, en ce lieu où la carte du marin mentionne des bancs de sable (mais comme nous l’avons dit, la légende troue la carte et la figure des bancs pour faire surgir l’écueil) – quel type de décision autorisera une seule image, une carte seule à bord, une carte dont nous savons par ailleurs que la légende se sera retirée – qu’elle ne viendra plus, comme le «phylactère» du P. Quadros, trouer la figure pour pointer l’écueil(la légende se sera retirée dans les marges de l’image) ? Deux aspects sont ici à distinguer : le retrait de la légende fait apparaître l’image comme signe, et non seulement comme le support contingent de la mise en signification, dans le texte qui se superpose à elle, d’une pure monstration, selon le statut que Paulin de Venise, cité par Ch. Jacob5, attachait aux mappemondes : «Sans mappemonde, je dirais volontiers qu’il est non pas difficile, mais impossible d’imaginer ni de comprendre tout ce que les textes tant sacrés que profanes rapportent au sujet des fils de Noé, des fils de leurs fils, des quatre monarchies et de tous leurs royaumes et provinces». Mais Paulin ajoute, cité cette fois-ci par P. Zumthor6 : «Mais cette mappemonde doit être double, existant comme peinture et comme écrit». Si Ch. Jacob ne retient pas ce tour du passage de Paulin de Venise, c’est – j’en fais l’hypothèse – parce qu’un second aspect du retrait de la légende en marge de l’image le retient davantage : non seulement l’image signifie, mais la légende, note Ch. Jacob7, «s’abstrait de la miniaturisation des énoncés déictiques, exclusivement concernés par les propriétés du local, pour parvenir à un certain degré de généralité». Et plus loin :

De la carte ancienne à la carte moderne, et du point de vue de la légende, le singulier a changé d’identité. Il n’est plus la curiosité isolée, intimement attachée à un lieu, à une unité discrète, dont la signification s’épuise à traduire l’essence du local, irréductible à toute généralisation […]. Cette évolution de la légende peut se résumer à un déplacement sur la surface de la carte : mêlée au dessin typographique lui-même et remplissant les vides des formes continentales ou maritimes, la légende va peu à peu se replier sur les marges de la carte.8

10Or il y a ici une difficulté : si comme le récit, on pourrait presque écrire la fable des bancs de sable, du navire, de son pilote, de son commandant et de son aumônier jésuite, nous le montrait, la carte ancienne – pour reprendre les termes de Ch. Jacob – désignait à ce point ce lieu-ci que «ce lieu-ci» se substituait à cette carte, ou plutôt surgissait entre les deux cartes anciennes dont le pilote et son marin étaient armés, si donc les lieux des anciennes cartes n’étaient pas seulement des lieux imagés, mais ce lieu où, entre ces cartes, l’autorité – ici le P. Quadros – énonçait l’imminence du naufrage, alors il ne suffit nullement à la «carte moderne» de parvenir, dans ses marges légendées, loin des lieux imagés, à «un certain degré de généralité», pour que la question du lieu de la carte n’ait plus lieu d’être. Si la décision de l’orientation se trouve prise, face à deux «cartes anciennes», entre ces deux cartes, si le lieu de l’autorité s’instaure dans l’intervalle de ces deux cartes, dans l’intervalle des lieux que ces cartes représentent, il ne suffira pas qu’une «carte moderne» déserte ces lieux imagés pour que sa légende commande par elle-même toute décision, pour que l’autorité de toute décision soit remise à la légende, et que le lieu de cette autorité ne soit plus questionné.

11Ce que l’on pourrait formuler ainsi : que la carte soit une n’empêche pas qu’une décision doive être prise devant cette carte. Qu’est-ce que décider entre une seule image? Comment la décision entre deux images devient-elle décision entre une seule image et comment le lieu de la décision est-il affecté par la transformation de la carte? La carte n’est pas seulement devenue une; elle est aussi devenue unitaire : elle articule désormais, dans son image que borde sa légende, un espace continu; elle résout dans la continuité de cet espace la pluralité des lieux imagés, de ces lieux qu’un texte venait signifier. Le lieu de la carte n’est plus un lieu ouvert entre les cartes, et entre les lieux imagés de ces cartes; ce lieu s’ouvre maintenant devant l’espace unique d’une carte unique. La décision de l’image, comme décision d’orientation devant l’image, ne s’effectue donc plus entre deux lieux imagés dans l’image; elle s’effectue, devant l’image, entre deux temps de perception de l’espace de la représentation. Il ne semble donc pas que la légende, par ce «déplacement à la surface de la carte» qu’évoque Jacob, résorbe seulement la différence des lieux imagés de la «carte ancienne», mais aussi qu’elle rejoue l’écart de ces lieux imagés dans une différence de l’espace de la représentation et du lieu de l’image, et dans l’exploration de ce lieu de l’image comme lieu de la décision entre l’image. La légende serait un opérateur de cette exploration. La réduction du lieu de l’image aux lieux imagés de la «carte ancienne» ne rend pas compte de la difficulté où nous sommes de concevoir le paradoxe de la promotion concurrente de la représentation et de sa légende dans la cartographie moderne; c’est-à-dire, plus généralement – et pour refermer ici cet apologue géographique – de définir le statut de l’image à l’âge de l’imprimé.

12Autre écho en aval de la même tradition, celui que donne Henri Bremond dans le premier volume de son Histoire littéraire du sentiment religieux, et plus précisément dans le chapitre qu’il consacre à Louis Richeôme (1544-1625), écrivain jésuite, auteur de nombreux ouvrages illustrés et aussi – je ne pourrai pas y venir ici, mais il faut le mentionner – d’un important Discours sur les images, traité de controverse lié à la réfutation de la critique réformatrice du culte des images. Bremond note donc : «En cet heureux temps, éloquence, poésie, peinture, tout les beaux-arts collaboraient aux livres dévots. Richeôme envoyait à ses illustrateurs des canevas, des cartons inépuisables».

13De ce flux d’images tendu par Louis Richeôme à ses graveurs, Léonard Gauthier en particulier (qui illustre aussi bien son Pèlerin de Lorette que ses très célèbres Tableaux sacrés), nous n’avons pas la moindre trace documentaire. Mais tel qu’il est ainsi énoncé par Bremond, l’état de symbiose du scripteur et du graveur nous renvoie à deux mythes fondateurs, étroitement emboîtés, de la Compagnie de Jésus : d’une part, la genèse du premier grand programme iconographique de l’Ordre, un recueil de gravures, les Evangelicae Historiae Imagines, dont l’«auteur», Jérôme Nadal, mourut en 1580, quatorze années avant sa publication, à Anvers en 1594, mais dont il reste néanmoins l’«auteur», bien qu’il n’ait nullement été l’exécutant des 153 planches dont il se compose ; Jérôme Nadal, dont la tradition veut – second mythe – qu’Ignace de Loyola, fondateur et premier général de la Compagnie de Jésus, l’ait désigné avant sa mort, en 1556, comme celui qui devait produire l’illustration de ses Exercices spirituels. De cet autre contrat, aucune trace documentaire ne nous est davantage restée – ni du côté d’Ignace, ni du côté de Nadal. Mais de la même manière que Nadal fait figure, dans la généalogie de l’Ordre, de «fils spirituel» d’Ignace (bien que la carrière institutionnelle de ce «fils» ait été marquée, après la mort du fondateur, par une série d’échecs successifs qui le retiennent en quelque sorte sur le seuil ou à la marge de l’institution à laquelle la mort du fondateur donne lieu), il demeure l’auteur d’une série de gravures qui non seulement ne virent le jour qu’après sa mort, mais encore que lui-même, de son vivant, n’en finit pas de «réviser» et «réviser» encore – selon les termes de sa correspondance tardive –, sans jamais s’en satisfaire. Il nous faut certes dénoncer ces mythes – mythes fondateurs de l’«art jésuite», comme on l’appelle. Mais plus encore, et ce sera ici ma préoccupation centrale, montrer comment l’échec de ce premier projet d’illustration des Exercices d’Ignace ne fait qu’un avec son terme positif, avec les images qui viennent finalement échouer sur la page; il nous faut montrer comment les images se constituent dans et par cet échec, comment elles en témoignent; comment elles portent l’échec de leur projet dans le rejet dont elles se trouvent l’objet – et qui ne fait qu’un avec leur effectif dépôt.

14Je reviens, pour amorcer cette démonstration, à Richeôme, dans les ouvrages duquel la rupture du contrat idéal dont la tradition le crédite avec ses graveurs ne fait justement qu’un avec la conclusion de ce même contrat – illustration du défaut de l’image, et par là même constitution de cette image, en tant que «défausse», en dépôt et en subsistance. Que les gravures du livre des Tableaux sacrés ne tiennent pas les promesses des descriptions qu’elles accompagnent, il suffira d’un seul exemple pour s’en faire une idée, et mesurer la déception de l’image, dont il semble que Richeôme s’acharne, en feignant de les décrire, à stigmatiser les défaillances. Ainsi pour le «tableau» du «Pain d’Élie» : à la gravure de Charles de Mallery (que l’on trouvait déjà, dans les années 1590, au nombre des collaborateurs des Evangelicae Historiae Imagines), représentant Élie dormant surplombé par un ange, répond – si l’on peut dire – ce texte :

C’est un ange revêtu de figure humaine. Le peintre lui a fait le visage lumineux en forme d’éclair, représentant par cet éclat sa nature spirituelle et subtile, sa perruque volante en arrière est de couleur d’or; il lui a mis aussi des ailes au dos selon que l’écriture même le dépeint, pour signifier la vitesse de leur mouvement. Vous les voyez étendues en l’air inégalement, l’une montrant le dedans et l’autre le dehors, merveilleusement belles et artistement tirées. Les guidons d’icelles et les deux grosses pennes premières sont de couleur de vert luisant, comme celui d’un pan, les autres de même rang sont entremêlées de jaune, orangé, rouge, et bleu à guise d’arc en ciel : les cerceaux et petites plumes qui revêtissent les tuyaux de celles-ci, et les autres qui suivent en divers ordres sont riopolées à proportion des premières; le duvet qui couvre le dos de l’aile est comme une entassure de menues et petites écailles de diverses couleurs mises sur du coton.9

15Mais pourquoi Richeôme attend-il la dernière page de son ouvrage pour produire cet «Avertissement au lecteur» : «S’il a quelque chose des tableaux gravés qui ne correspondent aux tableaux parlants, le lecteur suppléera le défaut de la peinture, s’il lui plaît, la corrigeant avec la parole du texte, qu’il suivra en tout comme meilleure guide du sens de l’histoire»? Avertissement bien étrangement placé, et qui renverse la donne : car cette peinture – cette gravure – au «défaut» si manifeste, c’est maintenant et maintenant seulement que son défaut s’accuse – et que par conséquent elle survit à ce défaut – à sa première apparence spontanée; elle survit, en tant qu’image, au défaut de la représentation; elle demeure, défaillante et présente, désormais en excès de son défaut; elle résiste. Tout doit alors être autrement considéré, mais c’est Richeôme lui-même qui nous y aide dans son avant-propos, où il écrit, cherchant à distinguer les «figures de religion», telles que les concevaient les Juifs, et les figures chrétiennes :

Les Juifs mangeaient les figures par lesquelles ils étaient enseignés; leur agneau pascal, leur manne, leurs sacrifices, leurs offrandes […], et en icelles s’ils étaient spirituels contemplaient la future vérité de la loi de grâce; les Chrétiens tiennent la vérité présente et en icelle contemplent les figures passées sans en plus user à la façon des Juifs […] voyant que [la suprême sagesse] a si divinement couché les vives et dernières couleurs de la loi de grâce, sur les ombres et linéaments qu’ils avaient tracés en l’ancienne loi.10

16Ainsi les Chrétiens ne mangent-ils plus les figures. Et les gravures que nous contemplons dans les Tableaux sacrés, absolument dépourvues de couleur – des «vives et dernières couleurs de la loi de grâce» – ne sont-elles que les «ombres et linéaments de l’ancienne loi », vestiges inconsommés, définitivment inconsommés, reliefs, témoins. Témoins de la consom­mation présente – celle du sacrement de l’Eucharistie, auquel Richeôme fait place immédiatement après, et auquel nous aussi allons venir. Témoins de la consommation présente de la grâce effective, parce que non consommés : les images signifient cette consommation en même temps qu’elles en marquent la limite. Les images ne se mangent pas – et cela ne va pas sans dire puisque la définition de l’image comme condiment, comme assaisonnement de la contemplation, comme ce qui la «fait passer», est, comme on le sait, un motif récurrent de la littérature dévotionnelle contre-réformée. Mais entre le rejet de l’image – le rejet de tout représentation sensible dans la contemplation spirituelle – et l’image-condiment, entre l’image que l’on vomit et l’image qui aide à avaler, il n’y a, me semble-t-il, qu’une scansion temporelle : c’est parce que l’image, sitôt qu’elle est vue, reste encore à voir, sitôt introjetée, reste projetée, et donc rejetée, qu’elle atteste aussi d’une consommation. Elle atteste par son relief même que quelque chose a été consommé. Or c’est aussi par cette brèche, en ce lieu, devant l’image, où je suis l’ayant vue et la voyant encore – c’est par cette brèche que l’auteur de l’«écrit», premier consommateur des images qui l’illustrent, passe du côté de l’«auteur» des images – des images qu’il revoit et re-produit.

17L’image n’est que d’être revue, elle n’est vue que d’être revisi­tée. Elle inscrit sur son plan – toute représentation destituée – le passage par lequel, du texte au texte, je franchis sa limite. Elle garde le temple. Mais comment pourrais-je bien désormais faire la part de cette image en tant que je la représente, en tant que j’en construis la représentation – moi, le dessinateur, le graveur, l’exécutant de cette image – et de cette même image en tant que je la re-présente, en tant que je la remets en présence dans le défaut de sa représentation – moi, le lecteur, mais aussi moi l’au­teur du texte qu’elle illustre, moi qui l’institue dans sa survivance? Moi qui l’autorise comme limite du texte, et qui la revois, et qui la «révise», non plus seulement comme une représentation dont je ne serais que le spectateur, mais comme un plan sur lequel viennent se déposer, indéfiniment, les vues qu’elle ne représente pas.

18Mais c’est l’image elle-même qui, à son tour, dans le rapport qui vient de se nouer entre sa représentation et sa tenue en présence, entre en travail. Le Pèlerin de Lorette, écrit de Richeôme publié à Bordeaux en 1604, et illustré par Léonard Gauthier, me paraît «illustrer» assez rigoureusement cette stratification de l’image déposée. Je n’en retiendrai que la première gravure, mais après un détour par l’un des derniers tours de ce gros ouvrage – quand les pèlerins Vincent et Lazare, parvenus à Lorette, se trouvent confrontés, dans leur déambulation à l’intérieur du sanctuaire – ou plus précisément sur ses marges, là où les deux pèlerins sont hébergés – à la représentation de ce même sanctuaire, ou plus précisément de son transport, puisque la Santa Casa, la chambre de Marie à Nazareth, a été transportée par les anges à Lorette, ce dont Richeôme nous rappelait l’histoire au début de son livre :

En l’année 1291, neuvième jour de mai, la maison de Notre-Dame fut enlevée de Galilée en Esclavonie, à la cime plaine d’une petite montagnette située entre deux bourgades appelées Tersat et Fiume, non loin de la mer Adriatique; auquel lieu elle demeura environ quatre ans; de là elle fut transportée pour la seconde fois en Italie l’an 1294, le neuvième décembre, en trois endroits. Premièrement en la marche d’Ancône joignant la mer en une forêt du territoire de Recanati, qui appartenait à une noble dame appelée Lorette, dont ce saint lieu a été surnommé. Secondement de cette forêt contaminée par les brigands, elle fut portée en une montagnette voisine, héritage de deux frères germains, dont aussi elle fut, par leur avarice, en peu de mois retirée pour la troisième fois, loin de là environ un trait d’arc, et posée en une autre montagne en la voie militaire, tirant au port de Recanati à demi-lieue de la mer environ, où elle est maintenant.11

19Revenons à nos pèlerins :

Après qu’ils eurent fait un peu d’oraison, Lazare et Vincent se mirent à contempler […] plusieurs tableaux de dévotion appendus aux parois […]. Au premier […], était la maison de Lorette portée par les Anges de Nazareth en Esclavonie […]. Les Anges étaient pendus en l’air en autant de diversité de postures d’ailes, bras, jambes et de toutes les parties du corps, qu’il y avait de personnages, avec des ombragements et raccourcissements qui relevaient et représentaient si naïvement les membres et les actions, qu’il semblait que les images fussent en bosse, et se remuassent sur le tableau; mais sur tous faisait bon voir le petit Jésus et sa sainte Mère qui le tenait lié de la main du cœur, et le serrait de la droite.12

20Dans l’une de ces «images vivantes» qui ont tressé sa gloire, Richeôme ne représente pas le transport de la maison de Lorette, mais seulement les Anges qui la transportent, et dont le dépla­cement figure celui de la maison. Nul lieu, nulle maison. Le tableau échappe, par cette double suppression, à la double gageure d’une représentation du transport de la maison de Lorette : comment représenter le lieu de cette maison, en tant qu’elle l’a quitté, et figurer ce lieu qu’aucune figure ne vient plus habiter; comment, inversement, représenter cette maison et rendre compte de son transport; comment figurer l’absence de cette présence, sinon par ces anges qui, traversant l’air de tous leurs membres, jusqu’à abandonner la surface du tableau, jusqu’à pousser «en bosse» dans l’air qui l’environne, désignent le tableau comme ce lieu même que le transport de la maison découvre?

21Pourtant, l’image de ce lieu s’impose à la pérégrination du lecteur dès l’entrée de cet édifice, en préambule de son préambule : une brève série de gravures, lettrées et légendées, qui se heurte frontalement aux apories que l’«image vivante» qui leur fait écho dissipe dans un tourbillon d’ailes.

22Effectuons ici le premier transport, de Nazareth en Esclavonie.

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Ill. 1 : « La Sainte Chambre en Nazareth », gravure de Léonard Gauthier (Louis Richeôme, Le Pèlerin de Lorette, 1604, p. 18).

23La première gravure, «La Sainte Chambre en Nazareth» (ill.1), qui devrait nous montrer la «sainte chambre» sur son lieu primitif – son lieu originaire –, expose pourtant la maison toute entière, la chambre devenue maison par son transport, soulevée dans les airs par une cohorte d’anges. La légende de la gravure donne pour la lettre E (à droite de l’image) : «Nazareth, cité de la Basse Galilée, où était le domicile de Joachim, père de la glorieuse Vierge Mère de Dieu, et la chambre où elle naquit»; une chambre que l’image ne montre pas, pas plus qu’elle ne désigne le lieu que son premier transport a découvert. Mais la glose de la lettre B nous dit ceci : «petite chambre de la Vierge […], transportée par les Anges de Nazareth en Esclavonie l’an 1291». Or cette lettre B ne figure nulle part sur l’image. La maison transportée s’impose sans lettre. Miracle de la légende : le transport serait-il, entre image et légende, dans ce double manquement d’une lettre à son image et d’une image à sa lettre, dans la surprise d’une image qui surimpose à la représentation qu’elle était supposée donner de la «sainte chambre» une maison qui constitue cette représentation comme son support, son «assiette», son lieu?

24Contrainte de l’image : elle ne peut pas ne pas se déposer elle-même dans cette superposition de sa représentation et de son plan. L’«auteur» – l’auteur du texte qu’elle illustre – l’accule à ce déni; mais du même coup – et c’est bien ce conflit et cette contradiction que j’interroge, parce que me semble s’y inscrire l’enjeu fondamental de l’autorisation de l’image, comme captation de sa propre puissance – du même coup donc, l’image sursaute et se repose sur elle, se refonde sur elle-même, fait fond d’elle-même pour se représenter. La syncope de la lettre B est en ce point.

25C’est à la recherche d’une autre syncope que j’ouvre maintenant le recueil des Evangelicae Historiae Imagines, dans la longue durée de son histoire – où l’on verra comment une certaine autre lettre, elle aussi égarée, signale et trahit la passation de pouvoirs entre l’image et l’écrit.

26Les Evangelicae Historiae Imagines, ou ce recueil de gravures publiées à Anvers en 1593 par Martin Nutius, après la mort du célèbre imprimeur Christophe Plantin auquel il était d’abord destiné – gravures effectuées par les non moins célèbres frères Wierix, complétés de quelques autres burineurs anversois (dont Adrian Collaert), à partir d’une série de dessins signés pour la plupart de Bernardino Passeri, dessinateur (parfois aussi graveur) né à Ancône en 1530, mort à Rome en 1590, plusieurs fois employé par l’imprimeur Plantin; une série de dessins elle-même issue de deux séries antérieures, la première de Livio Agresti, peintre de Forli, actif à Rome dans les années 1540, la seconde de Giovanni Battista Fiammeri, membre – au grade inférieur de coadjuteur temporel – de la Compagnie de Jésus, dessinateur, peintre et sculpteur (il est l’élève de Bartolomeo Ammannati dans les années 1560)... Stoppons là ce parcours pour nous trouver dans l’étonnement de ceci, que j’annonçai plus haut : que ce recueil des Evangelicae Historiae Imagines, fruit très longuement mûri par trois générations d’artistes, soit attribué par la tradition à un seul auteur, Jérôme Nadal, Père profès et figure cardinale des premières décennies de la Compagnie de Jésus, qui n’était ni dessinateur, ni graveur, qui n’aurait préparé de ces images que les feuillets légendés où elles devaient prendre place, mais qui «révise» cette publication jusqu’à sa mort, et ne fait pas de ces gravures la seule illustration des vastes Adnotationes et Meditationes que le même Martin Nutius publiera en 1595, puisqu’il conçoit d’abord une publication séparée des gravures, avant la réunion des deux volets de l’entreprise, qui n’interviendra qu’un an plus tard, en 1596, dans une seconde édition des Adnotationes13. Par quelle voie cet auteur s’autorise-t-il à s’octroyer la paternité d’un recueil de gravures dont il découple cependant expressément les gloses qui lui correspondent? Par quelle transformation ce que Jérôme Nadal appelle lui-même la «révision» des images devient-il la production de «ses» images, comme il l’écrit aussi, alors que cette révision n’est que la vision renouvelée – et indéfiniment renouvelée jusqu’à la mort de leur «auteur» – d’images qui ne sont pas les siennes, mais celles de Livio Agresti, avant Giovanni Battista Fiammeri puis Bernardino Passeri? Comment se construit, dans la «révision» elle-même et dans l’osmose mythique qui lui fait suite entre l’illustrateur et le glosateur, cet engendrement, cette production par l’image elle-même de son auteur? Par quelle épreuve, au-delà de quelle épreuve l’image autorise-t-elle son «réviseur» à être son auteur?

27À cette série de questions – qui pourraient atteindre, me semble-t-il, tout le champ de l’imprimé illustré aux XVIe et XVIIe siècles en tant qu’il est tout en même temps le lieu d’une immense expansion des images gravées et l’enjeu d’une puissante rivalité d’auteurs, ou d’autorisation politique et religieuse de ces images – je répondrai par la formulation d’une hypothèse, évi­demment liée à l’objet spécifique considéré ici – ou plus précisément à une série d’objets articulant les Evangelicae Historiae Imagines sur l’enchaînement dynamique de leur constitution en «images autorisées». Cette hypothèse serait : la légende de la gravure est une voie de passage décisive de l’autorisation de l’image, c’est-à-dire de l’autodésignation de l’auteur de la glose virtuellement illustrée par l’image comme auteur des images elles-mêmes; mais cette voie de passage trace son chemin – et autorise le propos que je propose ici – entre la légende comme encadrement de l’image, c’est-à-dire comme ce dont les limites définissent l’espace propre de l’image, et la légende comme marge de l’image, c’est-à-dire comme ce qui participe de l’image en en pointant l’impropriété fondamentale à représenter ce qu’elle représente – c’est-à-dire, encore, en pointant la limite de l’image comme représentation. La légende encadre ce qu’elle dénonce – en même temps qu’elle énonce ce qu’elle décadre.

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Ill. 2 : « Annonciation », gravure de Jérôme Wierix (Jérôme Nadal, Evangelicae Historiae Imagines, 1593, planche 1).

28Soit la première des 153 planches du recueil des Imagines : l’Annonciation (ill. 2). La gravure est exécutée par Jérôme Wierix sur un dessin de Bernardino Passeri. Elle représente, sur sa scène principale, la visite de l’archange Gabriel à Marie de Nazareth, et, dans ses marges, certains des événements qui précèdent, qui accompagnent ou qui suivent l’annonciation de l’incarnation – l’annonciation de l’incarnation et l’incarnation du Fils de Dieu dans le ventre de Marie vierge : la création de l’Homme, l’assemblée des Anges et la décision de l’envoi de Gabriel, la descente d’un ange aux Limbes, qui annonce aux Justes l’incarnation du Fils, la crucifixion de Jésus-Christ. Or c’est par ce que j’appellerai un «décadrage» de l’image que ces marges apparaissent, qui n’apparaissaient pas dans l’esquisse réalisée quelques années plus tôt (avant 1589) par l’un des frères de Jérôme Wierix, Antoine, pour un projet d’illustration de bréviaire, sur ce même modèle (ill. 3).

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Ill. 3 : Projet pour un bréviaire, gravure de Antoine Wierix (M.Mauquoy-Hendrickx, Les estampes des Wierix, Bruxelles, 1978-1983).

29Ces marges révèlent le cadre comme cadre : elles dénoncent l’artifice théâtral de la représentation, ce «cubiculum» – comme le désignera la légende de l’image – dont un pan coupé, pan coupé à vif dans l’architecture représentée, ouvre à celui qui regarde l’image l’espace secret de cette scène d’intérieur. Mais c’est précisément parce qu’elles révèlent l’architecture représentée comme un dispositif de représentation, mais aussi parce qu’elles inscrivent ce cadre dans l’image par ce tour latéral d’où surgissent les marges – tour latéral que Louis Marin nous a appris à faire, pour construire l’espacement du lieu de la vierge, virtuellement ouvert par le déplacement latéral du point de fuite – c’est par ce et ces tours (car le tour latéral est en même temps une démarche en recul, par laquelle se révèlent non seulement les marges horizontales de la représentation, mais ses marges verticales), que l’image se «décadre» et se «recadre».

30Or dans son passage par ce décadrage, dans son passage dans les marges, dans ce temps de suspens des limites de l’image – qui est un temps indéfiniment suspendu dans le mouvement immobile de l’image ; mais le Père, et le Fils mourant à la mort, et les Justes dans leurs Limbes ne sont-ils pas eux-mêmes dans le suspens du temps? –, dans son passage aux marges, donc, l’image n’est pas seulement dans ses marges intérieures, c’est-à-dire celles qui, par son recadrage, se retrouveront inscrites dans les limites de la représentation, mais aussi dans ses marges extérieures. Il faut s’intéresser ici de plus près à ce geste de recul, par lequel l’image semble devoir être contournée, par lequel le plan d’image, l’image rabattue sur son plan par l’exposition de l’artifice de son espace, fait relief, fait relief en tant que plan, provoque par son plan un effet de recul. Dans ce recul, les marges supérieure et inférieure de la représentation surgissent : la marge supérieure, intérieure – l’Assemblée des Anges et la Création de l’Homme –, la marge inférieure, externe : la légende. Dans son passage aux marges, le décadrage de l’image fait passer la légende dans les marges de l’image. Image et légende se partagent les marges, se confondent dans les marges. Le décadrage de l’image est aussi un décadrage de la légende : la légende cesse de faire cadre pour la représentation, d’en marquer, avec le titre lui-même – Annunciatio –, les limites supérieure et inférieure. La légende passe du cadre de la représentation dans la marge de l’image. L’image décadrée embarque dans sa dérive le cadre de la légende – et nous commençons d’apercevoir comment l’auteur de la légende, Jérôme Nadal, le scripteur du texte de la légende, peut passer dans l’image, se retrouver l’auteur de cette image dont il habite les marges.

31Mais revenons à cette zone de transit, par les marges, entre image et légende. La médiation des lettres distribuées sur la surface de l’image, du théâtre central de la représentation à ses marges, et qui convoient le spectateur de la gravure de l’image à la légende et de la légende à l’image, est évidemment essentielle. D’abord parce que la géographie même des parcours – quels qu’ils soient et quel que soit leur ordre – entre l’image et la légende situent l’une et l’autre sur un même plan, le plan de la gravure, le plan imagé, lettré et légendé de la gravure, et ouvrent les frontières des divers territoires ; ensuite parce que cette ouverture s’opère effectivement à la marge – là où l’image appelle sa légende (comme par exemple dans l’étroite déchirure de l’angle inférieur gauche de l’image, déchirure de l’espace de représentation, mais qui nous renvoie aussitôt, comme par une résistance du plan d’image, au plan de légende, qui nous fait glisser à la surface du plan, piégés par l’attraction de cette anfractuosité impénétrable); là ou inversement – j’y reviendrai – la légende retourne à l’image, porte à la revoir, à la «réviser». Ensuite parce que la lettre décompose très matériellement le cadre-légende; elle opère une dissection «lettriste» de ses phrases (et j’emploie à dessein ce terme de dissection en référence au grand modèle de la gravure lettrée et légendée à la Renaissance : les planches anatomiques, celles, en particulier, du De Humano Corporis Fabrica de Vesalius, publiées à Anvers en 1543); à la dissection de l’image par la légende, qui en découpe telle ou telle autre région, telle ou telle autre unité narrative, répond la dissection de la légende elle-même; mais la légende, par la voie de ses lettres, ne distribue pas seulement la représentation en autant de fragments, scènes ou surfaces enchaînées par le fil du récit et enfilées par les trajectoires du regard. Elle articule temporellement l’image dans une succession «photogrammatique» de ses états : elle l’épelle et elle la prononce dans l’acte même de sa propre décomposition : ainsi de la 54e gravure de ce recueil (ill. 4) :

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Ill. 4 : « Jésus enseigne dans le Temple », gravure de Antoine Wierix (Jérôme Nadal, op. cit., planche 54).

32«Jésus enseigne dans le Temple », où je pointe seulement ceci : dans la légende, deux «versets» pour une même lettre C, répétée dans chacune des deux colonnes de cette légende. Jésus s’adresse à ses contradicteurs : il leur parle (première occurrence de la lettre) : «Il dit qu’il est la lumière du monde»; puis il leur répond (seconde occurrence) : «Jésus répond; il enseigne et il argumente». Or on ne découvre dans l’image qu’une seule lettre C, jouxtant la silhouette profilée de Jésus : deux textes pour un seul fragment d’image, une seul fragment réeffectué – revu ou révisé – par ces deux textes successifs, qui vocalisent Jésus et articulent temporellement la figure parlante de Jésus sur le plan de l’image qui se trouve constitué comme le support d’une stratification d’images virtuelles; une stratification dont nous faisons également l’expérience non plus dans l’articulation d’une image sur elle-même, mais dans l’articulation des images entre elles dans la succession du recueil : ainsi de ces détails de la 56e gravure, sortes de reduplications internes du décadrage de l’image (ill. 5),

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Ill. 5 : « Violente opposition des Juifs, qui s’arment contre Jésus», gravure de Antoine Wierix (ibid., planche 56, détail).

33qui virtualisent dans la remémoration et dans l’anticipation les représentations de l’Annonciation (ill. 2), de la Crucifixion et de la Résurrection (ill. 6).

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Ill. 6 : « Résurrection glorieuse du Christ », gravure de Jérôme Wierix (ibid., planche 134).

34Cette dernière gravure figure l’achèvement d’une série d’esquisses, d’approximations successives, la somme stratifiée de vues rapprochées par lesquelles se trouve finalement déposé à la surface du plan le produit d’une traversée par le regard, de l’espace qui l’en sépare. Or je remarque en même temps, pour revenir ici à l’articulation de l’image (d’une image) sur son plan, qu’à la figure du Christ ressuscité de la 134e gravure (ill. 6) deux lettres sont adjointes, E et B : la seconde renvoie, dans la légende, à la résurrection du Christ; la première à sa descente aux Limbes, c’est-à-dire au temps de sa défiguration, entre sa mort terrestre et sa renaissance glorieuse. Le temps des Limbes est le temps de l’infigurable, et la figure du Christ ressuscité figure l’infigurable Christ aux Limbes, que la lettre E désigne au revers de celle du Christ ressuscité – dessous cette figure, dessous cette représentation, sur le plan de l’image. Les limbes de l’image du Christ ressuscité, cette image dans les Limbes dont je sondais à l’instant le dépôt progressif sur le plan de l’image, rencontrent ici, j’aimerais presque écrire à l’angle du plan, la virtualité nue du Christ aux Limbes, un lieu vide dont la légende redevient alors le cadre absolu.

35Car la dissémination des lettres de la légende à la surface du plan de représentation ne s’arrête pas à ces unités narratives : elle traverse le plan de représentation jusqu’à la limite de son cadre; elle re-cadre l’image dans l’épreuve même de son propre décadrage, de son passage par-dessus bord, pour rappeler ici au souvenir notre première embarcation.

36Soit en effet, une fois encore, cette première gravure – cette première gravure de cadre du recueil des Imagines (ill. 2). Je l’ai noté, le cadrage de la gravure, de la gravure dans sa totalité, s’effectue à travers l’épreuve d’un décadrage de l’image – ou plus précisément d’une mise en représentation du cadre de la représentation et d’un recadrage de l’image dans le travail de ses marges. Or nous trouvons à la jointure exacte du cadre représenté, du cadre de l’image et du cadre de la gravure, une lettre, la lettre D, découverte en marge du parcours narratif de la représentation, et que la légende glose ainsi : «La petite chambre, que l’on voit à Lorette dans le Picenium, où est Marie » (Cubiculum, quod visitur Laureti in agro Piceno, ubi est Maria). Si Marie «est» dans sa petite chambre, c’est parce que cette petite chambre, comme on sait, a été transportée par les Anges (ill.1) depuis Nazareth jusqu’à cette petite bourgade de la côte adriatique d’Italie, Lorette, où elle est présentement, où elle peut être vue présentement – et parce que cette petite chambre abrite une miraculeuse image de Marie peinte par saint Luc : si la légende met Marie en présence, c’est parce que son image est présentement en ce lieu, en ce lieu lui-même venu en présence : dans le passage à D, passage à la limite, le lieu de l’image s’effectue comme lieu, non plus de la représentation de Marie telle qu’elle était dans sa chambre de Nazareth, mais de l’image de Marie telle qu’en son lieu ici je la découvre, devant cette gravure même.

37Il se trouve donc qu’à ce moment précis où la représentation du cadre se confond au cadre de la représentation, ce sont aussi les marges de cette représentation – et ce que j’appelai leur temps suspendu, temps du Père éternel, présent, passé et avenir de l’événement de l’annonciation dans la circulation du regard sur la surface de l’image et dans la téléologie de l’Incarnation –, ce sont aussi ces marges qui, comme l’Ange fond sur Marie, fondent sur la figure de cadre de la muraille au pan coupé pour en remarquer la présence, qui est une présence du lieu de l’image, du lieu actuellement présent de l’image actuellement présente de Marie à Lorette – et ce par le détour de la légende, qui, de cadre était devenue marge, et qui réeffectue maintenant le cadre, mais un cadre qui, par ce nouveau tour, se trouve constitué en lieu de l’image. Le cadre localise l’image parce que la légende s’est faite marge. Le cadre de la légende a fait place au lieu de l’image dans l’épreuve d’une perte des limites, d’un égarement de la circonscription de la représentation, par lequel le cadre se perdait dans les marges, marges de l’image et marges de la légende; et c’est seulement à travers cette épreuve, à travers la circulation entre image et légende en marge de la représentation, sur le plan de la gravure, que le lieu de l’image se trouve découvert, incirconscriptible circonscription de l’être-devant-l’image, en pas de côté et en mouvements de recul, en arpentage indéfini d’un lieu d’où je contemple, dans son impossible représentation, la circonscription de l’incirconscriptible – l’Incarnation du Fils de Dieu.

38C’est en ce même lieu que se trouve placé l’«auteur» des images – Jérôme Nadal –, lui qui les revoit et qui les révise, lui qui les répète et qui, parce que la légende dont il est le scripteur entre dans l’image par ses marges, entre lui aussi en situation de les re-présenter, de les réeffectuer sur leur support et de devenir effectivement leur «auteur». Or je voudrais justement indiquer qu’une même logique me semble à l’œuvre, dans la genèse de ce recueil des Evangelicae Historiae Imagines, entre la répétition des représentations proposées à Nadal, puis à ceux qui le relaient, par les dessinateurs successi­vement mis à l’ouvrage entre la fin des années 1560 et la fin des années 1580 – Livio Agresti, Gian Battista Fiammeri et Bernardino Passeri –, la conversion progressive de la représen­tation au plan de gravure, c’est-à-dire l’articulation interne de l’image et de la légende comme orientation du regard sur la sur­face du plan, et l’autorisation de l’image, c’est-à-dire la constitu­tion de l’image comme représentation autorisée, représentation qui fera autorité pour ses futurs imitateurs.

39Une même logique, donc, entre l’élaboration d’une représenta­tion unique, la composition du lieu de sa contemplation, et l’auto­risation de sa reproductibilité, c’est-à-dire une continuité, par le passage au lieu de l’image, entre la pluralité différenciée des images dessinées et la multiplicité identifiée de l’image imprimée. Par où nous esquisserions une réponse à notre préoccupation initiale.

40À l’aval des Evangelicae Historiae Imagines, c’est-à-dire, pour ne pas aller plus loin, dans la Vita Christi publiée en 1607 par Bartolomeo Ricci, maître des novices au Collège romain de San Andrea del Quirinal, nouvel «auteur» de gravures cette fois-ci anonymes, mais expressément rapportées aux Imagines de Jérôme Nadal – à l’aval, donc, des Imagines, et plus précisément de la première gravure du recueil de Nadal, je trouve cette configuration de la représentation de l’Annonciation et de sa glose (ill.7).

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Ill. 7 et 8 : « Annonciation » (Bartolomeo Ricci, Vita Christi, 1607, p. 2-3).

41Comme on le voit, le cadre-marge de la légende a disparu; l’épreuve est franchie, la représentation est autorisée. Retour en amont des Imagines, à l’esquisse d’Antoine Wierix pour un projet de bréviaire (ill.3). Les lettres font à nouveau corps avec le texte que l’image illustre, un texte continu, le rappel des lettres figurant sur l’image ne venant qu’à peine troubler la lecture. Les marges intérieures de l’image ont elles aussi été résorbées. La lettre D désigne maintenant sur l’image (ill.8)

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Ill. 7 et 8 : « Annonciation » (Bartolomeo Ricci, Vita Christi, 1607, p. 2-3).

42– et bien qu’elle soit toujours située en bordure de son cadre – l’archange Gabriel appelé à sa mission terrestre, ou, pourquoi pas, revenant rendre compte au Père de sa mission, dans une circulation narrative désormais sans défaut. Pourquoi pas ? Car l’on cherche en vain, dans le texte correspondant (ill.7), l’inscription de cette lettre D – cette lettre, qui, on s’en souvient, marquait dans la légende comme dans l’image de la gravure des Imagines la «petite chambre […] où est Marie»; cette lettre D maintenant seule dans l’image, mystérieusement égarée par le texte – cette lettre D, lapsus de l’autorisation, trace de l’épreuve d’être-devant-l’image.

43Poursuivons l’examen du recueil de Ricci, non plus sous l’angle du dispositif commun à chacun de ses «chapitres», ni sous celui de ses figures les plus ressemblantes à leur «modèle», mais selon l’ordre des séries d’images qu’il organise. Le recueil des Evangelicae Historiae Imagines faisait de la répétition des images l’une dans l’autre (la première anticipant la seconde, la seconde remémorant la première) l’enjeu d’une différenciation de ces images dans la succession de leurs plans, qui composaient en quelque sorte dans leur intervalle le lieu de leur recueil. L’image se répétait jusqu’au paradoxe de n’être plus que l’exercice de cette répétition, au défaut de toute représentation «plénière», réitérant ou préfigurant des scènes que le recueil ne produisait pas. Le travail de la mise en représentation se trouvait ainsi mis à nu comme projet d’image et ce projet comme rejet d’une représentation abandonnée; la remémoration se trouvait d’autre part retournée en une anticipation dont rien ne venait plus la distinguer. Le baptême du Christ des Imagines, annoncé dans les marges de l’Adoratio magorum, n’est pas joué. L’adoration des mages de la Vita Christi supprime cette anticipation. La «fausse reconnaissance» de la même scène, remémorée par les Imagines, sans avoir été jouée, dans la représentation de l’arrestation de Jésus au Jardin des Oliviers, est également soustraite à la gravure correspondante de la Vita Christi, qui restaure en revanche en représentation «plénière» ce même baptême, issu d’un autre corpus.

44Mais, plus généralement, c’est l’articulation répétitive des images du recueil qui est méthodiquement rompue. Ainsi pour l’épisode de la femme adultère, représentée par les Imagines dans la gravure n° 53, puis rappelée, dans la gravure n°54 sur la marge gauche de l’image (ill. 4), où elle se trouve latéralement glissée, bougée, précarisée à la surface du plan; dans la Vita Christi, la même scène est suivie d’une représentation «allégorique» de l’asservissement du pécheur (ill. 9),

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Ill. 9 : « L’asservissement du pécheur » (ibid., p. 85).

45étrangère au recueil des Imagines : à gauche de cette image, la place de la remémoration de l’épisode de la femme adultère dans la gravure n°54 des Imagines (ill.6) est prise par l’épisode du Christ enseignant dans le temple, qui occupe au contraire la scène centrale de cette même gravure n°54. L’image de la Vita Christi refoule donc son modèle dans ses marges pour instaurer, contre la relation répétitive des deux images, une construction allégorique de l’image – pour une figure chargée, comme en nul lieu du recueil de Nadal, d’inscriptions en toutes lettres.

46J’insiste sur la portée, du point de vue de l’histoire de l’«image de mémoire» – et nous savons (pour réveiller ici le souvenir de notre apologue) la part qu’y prennent les «cartes anciennes» et l’inscription, en toutes lettres et sur l’image, de la mémoire des lieux qu’elles y figurent – de ce retour de l’inscription en toutes lettres sur le terrain d’une iconographie allégorique et dans le recouvrement d’un plan d’image dont toute inscription s’était retirée, à l’exception des lettres qui, disséminées sur sa surface, conduisaient le glissement du regard vers ses marges légendées.

47Mais il est essentiel de concevoir aussi comment la figure allégorique du pécheur asservi dans la Vita Christi de Bartolomeo Ricci est également l’achèvement d’un parcours dont les stratifications visuelles d’une image répétée armaient, dans les Imagines de Nadal, le protocole. L’allégorie et ses recouvrements sémantiques figurent en quelque sorte dans l’image ce que j’appelai l’orientation du regard sur le lieu de l’image, dont les visées successives du Christ ressuscité scandaient les stations. On comprend donc pourquoi le recueil de gravures de Bartolomeo Ricci pouvait très légitimement se présenter comme la reproduction du recueil de Nadal, et comment la «révision» des esquisses préparatoires des Imagines, à laquelle s’attache le scripteur de leur légende et par laquelle il s’institue comme l’auteur des gravures qu’elles sous-tendent, autorise aussi ceux qui «reproduisent» celles-ci à s’en réclamer.

48J’évoquerai pour finir, et pour revenir aux Evangelicae Historiae Imagines, la plus inconsommable et indéfiniment reproductible des images qui les composent, celle du sacrement de l’Eucharistie. C’est la 102e gravure, dont l’intitulé est : Sanctissimi sacramenti, et sacrificii institutio (ill. 10).

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Ill. 10 : « Très saint sacrement et institution du sacrifice », gravure de Jean Wierix (Jérôme Nadal, op. cit., planche 102).

49Le procédé de l’inscription en médaillon d’une représentation sur le fond d’une autre représentation – qu’elle dénonce de ce fait comme plan d’image, c’est-à-dire comme support d’une représentation – a été dans tout le cours du recueil, je l’ai noté, la voie par laquelle telle ou telle représentation se répétait, d’abord mal vue, puis plus précisément à nouveau regardée, revue et conservée jusqu’à son déploiement final sur tout le plan de la gravure, où elle apparaissait tout à la fois comme le produit d’un acheminement du regard vers elle et comme le dépôt d’une série de rejets successifs de ce regard, l’image s’instituant progressivement de la répétition de son être-mal-vu, et l’auteur de sa légende s’insinuant par là-même dans cette institution. Dans la gravure n°102, l’image et le médaillon qu’elle supporte se reproduisent quasiment à l’identique : à cette différence essentielle près que le médaillon représente la scène de la dernière Cène dans l’instant précédant immédiatement l’institution du sacrement eucharistique, et que la représentation centrale illustre cette institution. Mais la légende de cette représentation – dans la colonne de droite, au bas de la gravure – ne transcrit pas l’énoncé eucharistique lui-même. Tout se passe donc comme si cet énoncé était produit dans l’articulation des deux images, comme si c’était le médaillon lui-même qui, comme l’hostie que Jésus tend à ses apôtres, se donnait à être consommé; comme si cette articulation offrait l’image à la consommation de celui qui la regarde, dans sa présence réelle, au-delà de sa représentation – la représentation de l’instant immédiatement antérieur à la célébration eucharistique. Le lieu du corps voyant reçoit une image prononcée, articulée dans le temps de ce voir comme une parole. Mais s’il est bien vrai que la stratification des deux images produit l’une comme le support de l’autre, comme son «lieu», et que c’est dans cette localisation que l’image parle, qu’elle énonce la formule que la légende tait, il est tout aussi vrai que le médaillon, si tout se passe comme s’il était consommé, demeure devant moi qui le regarde, et que sitôt après l’avoir vu, je le revois; sitôt après qu’il est passé dans mon regard, sitôt après qu’il y a été injecté, il en est éjecté. La stratification visuelle et temporelle de la représentation de la célébration eucharistique sur le plan de l’image – sur le lieu de l’image comme support de la représentation – découvre par là même un autre lieu, le lieu du corps : ce lieu ne se définit pas par ce qui le remplit – le corps du Christ consommé – mais par ce qui passe par lui, par ce qui traverse le regard pour revenir sur le plan de l’image, par ce qui est vu et revu entre le lieu du corps et le lieu de l’image.

50Par où nous rejoindrions le paradoxe constitutif de l’image dans la culture jésuite, de ne s’autoriser que de son rejet; mais aussi par là-même, d’autoriser celui qui effectue ce rejet à s’en réclamer l’auteur. Ainsi vont les institutions, captatrices des pouvoirs qu’elles neutralisent. Mais les images, comme j’ai tenté ici de le montrer, ne dorment que d’un œil – et si l’on ouvre l’autre, on les voit remuer.

Notes

1 .Ch. Jacob, L’Empire des cartes, Albin Michel, 1993, p. 356. Le développement qui suit a trouvé une première expression en 1994 dans le cadre du séminaire de Jean-Marc Besse, « Voir la terre », au Collège international de philosophie. Qu’il soit ici remercié de son accueil.

2 .Vita Ignatii Loiolae et rerum societatis Iesu historia, tome 5, Madrid, 1897, p. 664.

3 .Lettre publiée dans le 3e volume des « Documenta Indica », Monumenta Historica Societatis Iesu, Rome, 1954, p. 396-397 pour le passage qui nous intéresse ici.

4 .F. de Dainville, La Géographie des humanistes, Beauchesne, 1940, p. 112.

5 .Op. cit., p. 181.

6 .P. Zumthor, La Mesure du monde, Seuil, 1993, p. 339.

7 .Op. cit., p. 313.

8 .Ibid., p. 316.

9 .L. Richeôme, Tableaux sacrés des figures mystiques du très auguste sacrement et édifice de l’Eucharistie, Sonnius, 1601, p. 301-302.

10 .Ibid., p. 14-15.

11 .L. Richeôme, Le Pèlerin de Lorette, Bordeaux, Millanges, 1604, p. 15.

12 .Ibid., p. 608-609.

13 .La surprenante incertitude de M. Fumaroli dans la datation de ces ouvrages (L’Âge de l’éloquence, Genève, Droz, 1980, p. 258-259 et L’École du silence, Flammarion, 1994, p. 326-327) donne la mesure des enjeux de l’entreprise de Nadal.

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Par Pierre-Antoine FABRE, «QU’EST-CE QU’ÊTRE L’AUTEUR D’UN « ÉCRIT ILLUSTRE » ? SUR QUELQUES OUVRAGES JÉSUITES DES XVIe ET XVIIe SIÈCLES», Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], Revue papier (Archives 1993-2001), Lisible/visible : pratiques, mis à jour le : 13/10/2015, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=338.