L’Écoute dans l’« Introduction À la peinture hollandaise » de P. Claudel :
la peinture comme rythme

Par Emmanuelle KAËS
Publication en ligne le 13 octobre 2015

Texte intégral

Ce sont de tristes tableaux, ceux auxquels il est impossible de prêter l’oreille.
(P. Claudel, La Lecture de Fragonard)

L’oreille en nous est construite pour l’appréciation de la mobilité. Le son est ce qui colore et façonne le mouvement spirituel, ce qui […] transforme par la figure intelligible qu’il lui imprime sa fluidité intarie en un objet visible et durable.
(P. Claudel, Présence et Prophétie, O.C., XX, p. 264)

1En 1946, Claudel rassemble ses essais et articles sur l’art, peinture et musique, en un recueil qu’il intitule L’Œil écoute. Il a alors 78 ans. Son intérêt pour la peinture, tardif, coïncide avec l’entrée dans la vieillesse et se poursuivra jusqu’à sa mort.

2Deux grands domaines se partagent le musée claudélien. En premier lieu, la peinture baroque, à laquelle il donne une extension chronologique et stylistique considérable, qualifiant de baroque la peinture de Michel-Ange, du Greco, de Titien mais aussi celle de José-Maria Sert, un peintre catalan néo-baroque mort en 1945. La peinture baroque est pour Claudel un art apologétique, un art dans l’histoire, au service de la lutte contre l’hérésie. La diversité des œuvres qu’il qualifie de baroques s’organise autour de deux principes mis au premier plan par la Contre-Réforme : la peinture baroque est Présence Réelle, Rubens et Titien sont les peintres de « la chair spirituelle» :

le monde spirituel est, sinon découvert, au moins reconnu et ouvert à notre désir sous les espèces de l’affection, en même temps que la grâce s’étend au corps humain, qu’elle pénètre sous les espèces de la beauté. (Pr., p. 214)1

3D’autre part, « les exhibitions athlétiques » des figures du Greco ou de Michel-Ange, « les grandes attitudes héroïques et symboliques » de Tintoret représentent pour lui « l’énergie réactive » de la Contre-Réforme, symbolisent la spiritualité catholique comme effort, lutte, tension :

Le message du Greco dans l’art espagnol est celui du baroque, qui est un des aspects de la Contre-Réforme. L’essor gothique de la foi qui allait directement au ciel par la verticale a rencontré l’opposition et la ligne qui le traduisait a subi, comme un ressort, une compression qui, à son tour, produit une énergie réactive.
(Pr., p.221)

4L’autre grand champ pictural exploré par Claudel est la peinture hollandaise définie comme domaine de l’âme. Nommé ambassadeur de France à Bruxelles, deux ans avant sa retraite, il fait de fréquents voyages aux Pays-Bas. L’« Introduction à la peinture hollandaise » cristallise la rencontre d’un moment de la vie de Claudel et d’une iconographie fondée sur le repli sur l’intimité et sur l’occultation de ces tumultes de l’histoire contemporaine qui, selon lui, ont produit l’art baroque :

Le Siècle d’Or est la période la plus violente, la plus tumultueuse de l’histoire hollandaise, celle des émeutes populaires, des controverses religieuses, des batailles et des coups de main. Tout cela n’a pas enfiévré une minute le paisible pinceau des artistes. (Pr., p. 179)

5Cette peinture méditative et intériorisée rejoint, chez le sujet spectateur, la résolution des grandes crises religieuse et amoureuse. C’est une « âme soulagée, desserrée » qui parle dans la prose ample et pacifiée de l’« Introduction à la peinture hollandaise » : au lyrisme de l’espace fondé sur le mouvement, «le besoin de l’autre chose et de l’autre part » (Pr., p. 263) succède un rapport contemplatif, méditatif au réel défini comme écoute. Claudel, dans les marges de son texte sur la peinture, dans le prologue de l’« Introduction » ou dans le « Post-scriptum » qu’il ajoutera à ce texte, s’attache à définir ce nouveau rapport au réel, insistant à plusieurs reprises sur le dégoût qu’il éprouve pour le solide et le compact :

Las de ce plein où je me suis trop heurté et meurtri, las du compact et de la masse, las du dur et du durant, las des volumes et de tout cette repoussante solidité, n’était-il pas temps qu’en ce jour le plus inquiet d’un mois comme volatile et pareil à rien, que je descendisse enfin jusqu’au niveau de la mer et m’associasse aux derniers soupirs d’une réalité en train de disparaître et partout déjà en mal de sa propre image, préparée par l’aplanissement à l’effacement de tout contour ? (« Avril en Hollande, Post-scriptum à l’Introduction à la peinture hollandaise » Pr., p. 205).

6Dans ses textes sur la peinture baroque, tout au contraire, se déploie un imaginaire matériel et formel de la massivité, de la plénitude, de la solidité. Claudel jubile par exemple en regardant les espaces comblés, saturés des fresques de Sert, « la masse de choses », « la vision innombrable et retentissante que Sert avait à caser » (Pr., p. 293). C’est donc « l’autre Claudel », pour re­prendre l’expression de Maurice Blanchot, qui transparaît dans ces textes, l’envers du catholique dogmatique, du « marteau-pilon», qui place au cœur de sa réflexion esthétique une thématique du vide, de la musique, de l’impondérable et du silence. Il s’agit en 1934 d’écouter ce qu’il nomme les « sous-entendus » de la peinture hollandaise, ce qu’elle « dit tout bas » :

Il n’est aucune des compositions des anciens peintres qui à côté de ce qu’elle dit tout haut n’ait quelque chose qu’elle veuille dire tout bas. C’est à nous de l’écouter, de prêter l’oreille au sous-entendu. (Pr., p. 176)

7Il s’agira ici d’interroger cette notion métaphorique d’écoute de la peinture, qui semble assimiler celle-ci à la musique ou au langage, mais qui va au delà d’une banale synesthésie ou correspondance des arts. Elle s’élabore à partir de deux sources principales ; il faut d’abord faire sa part à l’œuvre même de Claudel : des figures en position d’écoute traversent son œuvre poétique et dramatique. Cette notion apparaît ensuite comme l’héritage dans sa prose critique de l’esthétique symboliste et décadente. Processus de réception de la peinture, l’écoute pose la question du rapport du visible et de l’invisible, du matériel et du spirituel dans la peinture.

Genèse de la notion d’écoute

8L’écoute picturale rencontre des échos dans la première des Cinq Grandes Odes, « Les Muses ». Mnémosyne, dont Claudel fait non pas la mère mais la sœur aînée des Muses, écoute :

L’aînée celle qui ne parle pas ! l’aînée, ayant le même âge ! Mnémosyne qui ne parle jamais !
Elle écoute, elle considère.
Elle ressent (étant le sens intérieur de l’esprit).
[…]
Elle ne parlera pas ; elle est occupée à ne point parler.
Elle coïncide. (Po., p. 223)

9Ainsi l’écoute, dès 1900, a une signification esthétique, elle est la posture de Mnémosyne, source profonde de l’inspiration, à l’origine de toute création ; elle est liée, comme dans le texte pictural, à la durée et au silence.

10L’écoute en peinture prolonge, plus spécifiquement, une méditation entamée dans le théâtre : dans L’Annonce faite à Marie (1912), Claudel donne une portée spirituelle à la conversion de la vision en audition. La cécité de Violaine manifeste le passage du plan humain au plan divin2. Violaine aveugle dit : « J’entends les choses exister avec moi » ; l’écoute est ici posée comme le moyen d’un contact avec l’univers Total. C’est l’audition et non la vision qui est, pour le poète, le sens de la Totalité ; l’image de Violaine sculptée par Pierre de Craon au sommet de la cathédrale aura les yeux bandés

Afin qu’elle écoute mieux ne voyant pas,
Le bruit de la ville et des champs, et la voix de l’homme avec la voix de Dieu en même temps.
Car elle est Justice elle-même qui écoute et conçoit dans son cœur le juste accord. (Th. II, p. 108)

11Enfin, dans Le Soulier de satin, les deux registres sensoriels de l’œil et de l’ouïe interviennent dans un débat sur les mérites respectifs de la jeunesse et de la vieillesse. Deux scènes se font pendant : la sixième scène de la Première Journée où domine le sens visuel, la quatrième de la Quatrième Journée où l’audition prévaut. L’analogie de ces deux scènes au plan dramaturgique invite à les lire parallèlement : les deux Rois successifs du Soulier adressent à leur Chancelier une méditation sur la transformation opérée par la vieillesse dans le rapport du sujet au monde. Ces deux scènes offrent, dans leur tension même, une remarquable préfiguration de l’esthétique picturale ; le drame annonce très exactement ce que seront les conditions d’exercice du regard sur la peinture, hollandaise notamment.

12La première scène voit s’opérer un renversement dans la définition initiale de la jeunesse, renversement souligné par la reprise : « Ne dit-on pas que la jeunesse est le temps des illusions? […] Et je dis en effet que la jeunesse est le temps des illusions, mais c’est parce que […] » :

le roi. – Ne dit-on pas que la jeunesse est le temps des illusions,
Alors que la vieillesse peu à peu
Entre dans la réalité des choses telles qu’elles sont?
Une réalité fort triste, un petit monde décoloré qui va se
rétrécissant [...]
Ils disent que le monde est triste pour qui voit clair ?
le chancelier. – Je ne puis le nier contre tous.
le roi. – C’est la vieillesse qui a l’œil clair ?
le chancelier. – C’est elle qui a l’œil exercé.
le roi. – Exercé à ne plus voir que ce qui lui est utile.
le chancelier. – A elle et à son petit royaume.
le roi.– Le mien est grand ! oui, et si grand qu’il soit, mon cœur
qui le réunit
Dénie à toute frontière le droit de l’arrêter, alors que la Mer même, ce vaste Océan à mes pieds,
Loin de lui imposer des limites ne faisait que réserver de nouveaux domaines à mon désir trop tardif ! […]
Et je dis en effet que la jeunesse est le temps des illusions, mais c’est parce qu’elle imaginait les choses infiniment moins belles et nombreuses et désirables qu’elles ne sont et de cette déception nous sommes guéris avec l’âge. (Th. II, p. 686-687)

13C’est un personnage conquérant, travaillé par le désir de totalité qui définit la vieillesse comme prise de conscience de l’infinie beauté du monde. Le rapport au réel se confond avec un désir d’appropriation, constamment assimilé à la vision (« l’œil clair », « l’œil exercé », « le monde décoloré »). Dans l’« Introduction à la peinture hollandaise », Claudel définira l’œil comme « l’organe de l’approbation active et de la conquête intellectuelle » (Pr., p.189).

14La tirade du second Roi marque précisément l’abandon de ce désir illimité : il ne s’agit plus désormais de conquérir mais de « s’arranger avec ce qui existe ». Et c’est en termes d’écoute et de résorption musicale du monde sensible qu’est ici décrite la vieillesse, cette entrée « dans la réalité des choses telles qu’elles sont » :

le roi. – Ce n’est pas la même chose d’imposer sa volonté, de donner une forme à la matière plastique comme il l’a fait jadis de l’Amérique,
Ou de s’arranger avec les choses qui existent et d’intervenir à point nommé avec une oreille infaillible,
Car ce sont elles qui fournissent le mouvement et nous l’intelligence.
Toutes ces choses qui semblent disparates cependant elles vont naturellement vers l’accord.
Et maintenant qu’il [Rodrigue] est vieux, je suppose qu’il a compris que le moment est venu pour lui moins d’agir que d’écouter.
(Th. II, p. 893)

15Ce passage de la vue à l’ouïe marque la conversion de la passion de l’Univers en écoute du « cours » du monde. Le second Roi montre que la Totalité est inaccessible à l’action historique ; seule « l’oreille infaillible » de celui qui écoute est apte à percevoir et à connaître un monde rendu à sa totalité. Il y a un personnage, et non le moindre, du Soulier qui incarne cette vocation à l’écoute : Rodrigue. Dans la Quatrième Journée, une fois devenu… peintre, « colporteur de peinturlures », il abandonne et condamne les en­treprises historiques, cesse d’agir pour écouter. C’est précisément la fabrication et la diffusion d’images peintes, les Feuilles de Saints, qui constituent le premier jalon de son déliement, de sa délivrance. La Quatrième Journée du Soulier pose ainsi un rapport d’implication réciproqueentre la peinture, la vieillesse et le renoncement à « la passion de l’Univers » défini comme écoute.

16Les premières pages de l’« Introduction à la peinture hollandaise », dix ans plus tard, ne disent rien d’autre : la parole sur la peinture, indique d’emblée le poète, sera parole de la vieillesse pacifiée. La mise en écoute du sujet est rendue possible par le retrait des affaires du monde et « la liquidation » des grandes crises3, décrite, on en verra toute l’importance, en termes de rythme la tension est suivie d’une détente, la saisie d’un «desserrement ». Claudel ouvre son texte sur une évocation du paysage hollandais et révoque, dès les premières lignes, le sens visuel :

Si j’essaie de définir, de fixer par l’écriture l’impression qu’après de trop courts contacts me laisse ce pays, ce n’est pas à la mémoire visuelle que j’éprouve aussitôt le besoin de recourir. L’œil en Hollande ne trouve pas autour de lui un de ces cadres tout faits à l’intérieur de quoi chacun organise sa rêverie. (Pr., p. 169)

17L’écoute met en contact le sujet avec un univers qui communique dans toutes ses parties, où tout tient ensemble. L’incipit de l’« Introduction » décrit, précisément, la sensation de ce totum simul qu’il s’agit désormais d’écouter :

Ce n’est pas ce souffle seulement entre ses reprises qui infond en nous ce sentiment du temps, la conscience de cette allure métaphysique, de cette communication générale, de ce cours infiniment subtil et divers des choses qui existent ensemble autour de nous. Nous prenons acte de cette espèce de travail paisible et unanime, ou dirai-je plutôt de pesée et comme de lente computation, à quoi une âme soulagée, desserrée, dilatée, cesse bientôt d’être étrangère. (Pr., p. 170)

18Le fondement même de l’écoute picturale s’établit ici, avec la notion de rythme. La totalité du réel (la nature, le sujet, la peinture) est décrite par Claudel comme Rythme ; la nature : la Hollande est « un corps qui respire », l’art : dans les tableaux de Rembrandt, dira le poète,

il y a quelque chose d’analogue à ce phénomène de la marée dont je vous parlais tout à l’heure, à cette vie alternative qui anime la Hollande, à cette plénitude si complète que déjà elle donne prise au reflux. (Pr., p. 197)

19Et le sujet est sensible à ce rythme par le moyen de sa propre existence. La peinture et la Nature sont parcourues par la même puissance rythmique que celle qui nous anime :

Il faut renoncer à comprendre les Pays-Bas, si, dès que l’on s’y est enfoncé pour de bon et en plein, on ne ressent pas sous ses pieds cette élasticité secrète, si l’on ne s’entend pas soi-même participer à cette espèce de rythme cosmique comme une poitrine alterna­tivement qui se soulève et qui s’abaisse. (Pr., p. 171)

20Rythme périodique que Claudel rapporte à un modèle physiologique (la respiration) ou cosmique (la marée). C’est ce primat du rythme qui induit la conversion de la vue en écoute.

21Un changement s’est donc opéré dans le rapport du sujet à l’espace : de la « voracité » à la « contemplation », de la tentation à « l’attention », de l’œil comme « organe de l’approbation active, de la conquête intellectuelle » à l’écoute comme disponibilité réceptive au Rythme. L’exercice du regard sur la peinture s’inscrit, plus largement, dans ce rapport désormais contemplatif au visible : en Hollande, « la pensée s’élargit en contemplation » (Pr., p. 170), les paysages peints sont « des thèmes de contem­plation » (Pr., p. 173). Elle est indissociablement esthétique et religieuse : contempler, c’est à la fois se mettre en communication avec Dieu, avec la Création comme Totum simul, avec l’invisible qui travaille le visible, c’est aussi rapporter la beauté du Créé au Créateur.

22L’écoute est en effet pour Claudel le sens le plus approprié à la communication avec le divin. Dans l’exégèse, immense chantier qu’il met en œuvre dans les années trente et qui se développe en même temps que la réflexion sur la peinture, il s’attache à la portée symbolique et spirituelle des cinq sens. Il s’agit pour lui, dans ce qu’il nomme une « physiologie mystique », de les examiner en tant que « délégués par l’âme à nos communications avec Dieu ». Il affirme :

Le son est l’organe approprié de nos communications avec l’invisible et, puisque Dieu est invisible, de nos communications avec Lui.
On peut dire que l’appareil auditif est par excellence l’organe de la Foi.4

23Mais cette métaphore de l’écoute en peinture n’est pas une création claudélienne, le renvoi de l’image à l’ouïe, de la vision à l’audition est fréquent à la fin du XIXe siècle, dans la critique symboliste et post-symboliste. C’est donc toute une tradition critique que convoie la formule claudélienne. Historiquement, la métaphore de l’écoute est déterminée par l’accélération de la sécularisation de l’image, par la photographie en particulier :

Il faut rendre à leur temps ces méditations sur la Mimésis tympanisée […] renvoyée à l’oreille comme au lieu de son rachat, afin qu’elle s’y régénère suivant les lois d’une optique transcendante. Elles datent précisément du moment où les techniques de reproduction sont en train d’accentuer le caractère trivial et séculier de l’image.5

24La critique picturale entre 1880 et 1914 développe un antimatérialisme, un spiritualisme esthétique. La peinture exprime un mystère, un ineffable ; les maîtres-mots de la critique d’art sont « l’âme », « la profondeur », « le mystère ». Dans Les Maîtres d’autrefois de Fromentin (1876) :

Dans ce pâle, maigre et gémissant visage, rien qui ne soit une expression, une chose venant de l’âme, du dedans au dehors : l’atonie, la souffrance […], pas une touche dans cette manière de rendre l’inexprimable, qui ne soit pathétique et contenue.6

25Chez le décadent Jean Lorrain, on trouve, comme plus tard chez Claudel, cette « polyvalence » de l’âme, à la fois créatrice et réceptrice :

L’œuvre d’art enfin et ce n’est pas le moindre de ses enseignements – jette ses clartés jusque sur l’âme humaine, sur ses rêves, ses douleurs, ses aspirations, ses joies, ses doutes et ses tristesses, non seulement parce qu’elle en sort, mais aussi parce qu’elle lui sert souvent de motif, de soutien, de sujet.7

26Dans Greco ou le secret de Tolède, Maurice Barrès, en 1911, affirme au sujet d’un portrait du Greco : « Je me sentis devant une âme forte et singulière qu’il faut écouter »8.

27Quels sont les points de contact entre la critique du tournant du siècle et le texte de Claudel ? D’abord, l’alliance du visuel et de l’auditif dans le titre L’Œil écoute rappelle le dogme symboliste de la correspondance des arts ; Wagner prône l’art total, Odilon Redon parle de sa peinture en termes musicaux : « Mes dessins inspirent et ne se définissent pas. Ils nous placent ainsi que la musique dans le monde ambigu de l’indéterminé »9. Plus précisément, le titre claudélien renvoie à la promotion de la musique comme modèle de tous les arts, poésie, mais aussi peinture. L’écoute devient le paradigme de l’expérience esthétique ; un musicologue, Hughes Imbert, témoigne par exemple « des effets similaires de l’audition de Wagner et d’un regard sur Rembrandt »10. Par ailleurs, la science physiologique réfléchit sur le phénomène de l’audition colorée, Scriabine expérimente cette synesthésie avec un clavier en correspondance avec une gamme de couleurs11. Ensuite, l’écoute de la peinture chez Claudel est en corrélation avec une esthétique de l’allusion, de la suggestion, du « sous-entendu », du « latéral » héritée de l’esthétique symboliste, et plus spécifiquement mallarméenne : ce sont les « sous-entendus », les « occultes trafics de l’âme », le «charme secret », le « talisman », l’« indice secret » de la peinture que Claudel écoute.

28Enfin, l’écoute renvoie dans l’esthétique claudélienne, comme chez les symbolistes, à un anti-matérialisme ; elle est une protestation de l’âme contre un matérialisme exécré, celui de la peinture impressionniste et cubiste : les effets fugitifs d’atmosphère et de lumière de l’impressionnisme présentent « une palette au lieu d’une architecture, une qualité au lieu d’une substance, un jeu de réfractions, le moment au lieu de la durée et l’existence au lieu de la raison d’être » (Pr., p. 260). Avec le bouleversement cubiste de l’ordre des plans, la peinture devient pur effet matériel : « Ce n’est plus la composition qui empêchera le tableau de bouger, c’est la matière dont il est fait » (« Quelques réflexions sur la peinture cubiste », Pr., p. 261). Parce que le travail sur la matière picturale est devenu insupportablement visible, la modernité ruine donc pour le poète toute spiritualité de la peinture. A la fin du siècle, la référence à l’Ame, à l’intériorité, au mystère permettait à la critique de maintenir la lisibilité de la peinture face à la novation12. Or, l’âme et le mystère sont bien au cœur de la critique picturale claudélienne et constituent, incontestablement, comme chez les auteurs du tournant du siècle, un rempart contre une modernité sacrilège. En témoigne l’unique allusion à la peinture contemporaine dans l’« Introduction », au beau milieu d’une réflexion sur la scène domestique hollandaise ; celle-ci

compose une espèce de talisman, de formule intime, de charme secret, et l’on comprend que les personnages qui l’habitent ne puissent s’échapper de ce paradis domestique. Quelle différence avec certains tableaux modernes qui, on le sent, s’ils n’étaient contenus par le cadre, feraient explosion et se sauveraient de tous côtés, comme de la limonade gazeuse ! (Pr., p. 179)

29« Talisman », « formule intime », « charme secret », Claudel oppose à la matérialité triviale de « la limonade », l’idée d’un ordre invisible, secret et antirationnel. Jean-Pierre Guillerm, s’attachant à la représentation critique de l’héritage pictural entre 1880 et 1914, est donc en droit de reprendre la formule claudélienne L’Œil écoute pour affirmer que « la plongée vers l’invisible cœur secret de la peinture » de la critique décadente est « ce qui s’appelle parfois écouter la peinture »13.

30Même si L’Œil écoute rassemble des essais sur d’autres écoles, c’est spécifiquement à partir de la peinture hollandaise que Claudel définit l’écoute. Il choisit la seule école picturale du XVIIe siècle qui s’émancipe de ce qu’il nomme « l’anecdote littéraire et dramatique », qui n’a plus pour fin de raconter une histoire, une peinture où dominent paysages, scènes domestiques et portraits. Or quoi qu’en dise Claudel, qui s’oppose avantageusement à ceux qu’il nomme « les observateurs superficiels (encore la profondeur...) qui se sont plu à voir dans la Hollande le pays d’une littéralité bourgeoise et prosaïque » (Pr., p.189), l’école hollandaise est, depuis la fin du XIXe siècle, promue par la critique « lieu le plus éminent du spirituel dans l’art »14, peinture par excellence de l’intériorité.

31Ainsi des correspondances frappantes non explicitées unissent le texte claudélien à l’esthétique symboliste : le primat de l’âme, de l’intériorité et de la profondeur, l’élection du corpus hollandais, la référence musicale, la critique de la modernité. Mais en même temps, Claudel, dès les premières pages de l’« Introduction », établit son discours sur la peinture en réaction à la culture symboliste, avec l’allusion critique aux préraphaélites (Rossetti, Burne-Jones) : la vieille femme qui hante les scènes de genre hollandaises est

non pas une fée préraphaélite, non pas une de ces princesses de légende qui ont inspiré les poètes et les artistes de ma génération, mais une ménagère quelconque, vulgaire et par là même à mon goût plus émouvante, Anima elle-même, ceinte de son tablier, dans le train-train de ses occupations domestiques. (Pr., p. 190-191)

32C’est, de manière significative, la question de la représentation de l’âme, Anima, qui suscite cette critique de l’évanescence et de l’idéalisme esthétisant15. Voyons maintenant ce qui, de ces deux sources de l’écoute, l’une interne, l’autre externe, se maintient, mais aussi se transforme, se déplace dans le texte sur la peinture.

L’écoute des paysages

33La toute première référence à l’écoute et à « l’ouïe » dans l’«Introduction à la peinture hollandaise » apparaît dans la séquence consacrée au paysage. Elle est contextuellement liée à des notations temporelles ; l’écoute est sensibilité au suspens fragile du temps réalisé par la peinture :

Ces ensembles enchantés […] si justes que le temps, à qui dans l’instant de son suspens le plus fragile ils doivent naissance, sera désormais impuissants à les dissiper. (Pr., p. 172)

34Le tableau est une alliance d’immobilité et de mouvement, de fluidité et de fixité, un « ensemble à la fois fluide et fixe où la durée pour nous s’est congelée en extase » (Pr., p. 173). Le paysage est une vue prélevée sur le monde, une coupe sur un espace en devenir. C’est là un point fondamental que l’on retrouve dans tous les passages où il est question de l’écoute. Claudel évoque le « retard » dans la constitution de la forme, « la lenteur avec laquelle le ton sans cesse retardé par tous les jeux de la nuance met à se préciser en une ligne ou une forme » (Pr., p.173). C’est une conception tout à fait moderne de la forme qui sous-tend l’écoute : pour le poète, elle est formation, travail, processus. Loin d’être réalisée une fois pour toutes, elle porte en elle « le travail » par lequel elle se produit. Dans l’« Art Poétique», texte qui selon les dires mêmes du poète constitue l’armature conceptuelle de toute son œuvre, il distingue deux catégories de forme :

La première est de soi complète, et à l’abri d’une influence extérieure suffisante à en détruire la balance, n’implique de nécessité aucun changement.[…] La seconde espèce comporte une série d’états successifs obligatoirement et successivement reliés l’un à l’autre. […] Ici la forme se façonne et se produit elle-même. (Po., p.156)

35Or cette dernière définition est celle des formes vivantes. On peut déduire de cette correspondance entre l’essai philosophique et le texte sur la peinture que pour Claudel, toutes les formes, naturelles et esthétiques, sont le produit d’une même puissance naturelle. La peinture n’étant pas pour lui un artefact, la forme en peinture se rattache à la vie plus qu’à la géométrie. Dès lors, on peut définir l’écoute comme attention à la vie des formes, à leur mouvement. Plus précisément, à la notion de forme, Claudel substitue celles de « valeur », de « ton », de « nuance ». L’écoute du temps se confond avec la sensibilité aux valeurs et non aux formes cernées par la ligne, valeurs définies comme « rapports infiniment tendres et gradués que l’ombre entretient avec la lumière » (Pr., p. 172).

36Le temps est non seulement celui de la constitution de la forme mais aussi celui de la vision-écoute, la durée de l’itinéraire. Le tableau est un espace mais parcouru dans le temps : « Et l’on voit peu à peu, j’allais dire que l’on entend, la mélodie transversale…» (Pr., p. 173). Le parcours du regard est rythmé, Claudel évoque sa « scansion », son « impulsion ». Le rythme du regard (ses « pause » et ses « reprises ») est ici posé comme indissociable de la « spiritualité » du spectacle. L’invisible, sous les espèces du vide, travaille le visible, le vide est ce qui donne son rythme et, de facto, sa dimension spirituelle à la peinture. Il est, en effet, dit le poète, « expansion vers l’invisible », «abouchement avec l’esprit » ; il affirme : « Le vide, c’est l’âme» (Pr., p.892). L’« énorme importance des vides par rapport aux pleins » rapproche les paysages hollandais des «chefs-d’œuvre de l’art japonais ». La peinture des Pays-Bas (atypique dans la peinture européenne, « trop bourrée, trop bondée »16 selon Claudel) rejoint l’art d’Extrême-Orient dans cette promotion esthétique et spirituelle du vide. Il note dans un texte de 1925 :

Les Japonais apportent dans la poésie comme dans l’art une idée très différente de la nôtre. La nôtre est de tout dire, de tout exprimer. Le cadre est complètement rempli et la beauté résulte de l’ordre que nous établissons entre les différents objets qui le remplissent, de la composition des lignes et des couleurs. Au Japon, au contraire, sur la page écrite ou dessinée, la part la plus importante est toujours laissée au vide. Cet oiseau, cette branche d’arbre, ce poisson, ne servent qu’à historier, qu’à localiser une absence où se complaît l’imagination. (Pr., p. 1162)

37Ainsi donc, dimension sensible et spirituelle de l’expérience picturale convergent vers cette notion de rythme qui fonde la métaphore de l’écoute.

« Comme une liquidation de la réalité »

38La deuxième référence à l’écoute intervient immédiatement après le commentaire de deux grands tableaux de corporation de F. Hals, les Régents et les Régentes où Claudel se montre fasciné par « l’aura vampirique », « l’émanation phosphorescente » des cinq figures féminines qu’il compare à celle « d’une âme qui se décompose » (Pr., p. 188). « Aura », « émanation », «décomposition » sont autant de termes qui s’opposent à la notion de forme limitée et précise. Or c’est bien à partir de cette récusation de la forme « nette et dure » que Claudel, dans un mouvement de généralisation, définit l’écoute, répétant et variant l’expression du mélange :

Limite des deux mondes ! Il n’y a pas de pays où il me semble qu’elle soit plus facile à franchir. Ce n’est même pas le mot net et dur de limite à la française que j’aurais dû tracer ici, mais plutôt celui de liaison, d’aptitude au contact et au mélange. De même que la Hollande est autour de nous une espèce de préparation de la mer, un aplanissement de tous les reliefs et une généralisation jusqu’au terme de la vue de la surface, […] ainsi il ne faudrait pas me presser beaucoup pour avancer que l’entreprise de l’art hollandais est comme une liquidation de la réalité. A tous les spectacles qu’elle lui propose, il ajoute cet élément qui est le silence, ce silence qui permet d’entendre l’âme, à tout le moins de l’écouter. (Pr., p. 189)

39L’art hollandais abolit la netteté des contours, le découpage des formes par le cerne du dessin mais il met aussi en question la solidité des formes, « liquide » la réalité. On voit transparaître ici la séduction qu’exerce sur Claudel une matière inconsistante, subtile. Alors que la solidité et la consistance (dans la peinture baroque entre autres) impliquaient un rapport tactile à la peinture est ici reconnue comme pure surface : le paysage est libéré de toute référence à la tactilité.

40L’écoute de la peinture récuse donc toute définition de « formes nettes et dures »17, conception « à la française », dit Claudel, et plus largement, occidentale de la forme. Elle ne repose plus non plus sur « la logique » ; le poète écoute « cette conversation au delà de la logique qu’entretiennent les choses du seul fait de leur coexistence et de leur compénétration » (Pr., p. 189). Ainsi, l’écoute s’oppose à la logique rationnelle de type occidental qui privilégie la vue, « organe de la conquête intellectuelle ».

41La définition de l’écoute est, dans cette séquence, aussi en corrélation avec une définition antithétique des rapports de la peinture au temps : « le peintre saisit le temps sans en arrêter le travail », et en même temps « délivre les êtres du moment, les congèle sous le glacis », « suspend leur droit à la disparition ». Ici encore, mouvement et fixité coexistent. Claudel, à la page suivante, synthétise ces deux postulats antagonistes dans l’expression « équivoque continuelle entre la permanence et le contingent » (Pr., p. 190), formule qui suggère un battement, une oscillation. Seul « l’arrêt du temps » réalisé par le peintre permet la perception du « travail », de ce qu’il appelle plus loin « la conscience de la durée ».

« Un arrangement en train de se désagréger » : la nature morte

42Ce principe de la peinture comme rythme, tension entre permanence et contingence est théorisé par Claudel dans la partie de l’« Introduction » consacrée aux natures mortes. Les motifs n’y sont pensés qu’en termes de fonction, l’interprétation est totalement libérée du sujet, de l’iconographie :

Quant à la composition, il est impossible de ne pas remarquer que partout elle est la même. Il y a un arrière-plan stable et immobile et sur le devant toutes sortes d’objets en état de déséquilibre. On dirait qu’il vont tomber. C’est une serviette ou un tapis en train de se défaire, une gaine de couteau qui se détache, une miche de pain qui se divise comme d’elle-même en tranches, une coupe renversée, toutes sortes de vases ou de fruits bousculés et d’assiettes en porte-à-faux. (Pr., p. 202)

43Claudel ne dit rien des allusions symboliques qu’elles comportent ou de leur filiation iconographique avec le genre de la Vanité. Dans son ouvrage, La Nature morte de l’Antiquité au XXe siècle, Charles Stierling note que

depuis le XVe siècle, un des procédés courants de la nature morte était d’installer en porte-à-faux sur un rayon de niche ou sur une table, des objets qui menacent de tomber ou pendent, et en saillant vers nous suggère l’espace illusoire qui sépare le spectateur des choses peintes. L’esthétique baroque remet à l’honneur ces vieux effets éprouvés. Il est difficile de trouver une nature morte hollandaise, flamande ou italienne où une longue pelure de citron, un pli de linge ou un fruit ne déborde sur le vide.18

44Ces effets de trompe-l’œil ne relèvent d’aucune manière pour Claudel de l’esthétique baroque. Il ne se place pas dans la perspective d’une esthétique de la représentation (la question de l’illusion de présence des objets) mais privilégie le rythme propre de la figuration. Le premier plan, constitué d’objets en déséquilibre, introduit l’impression de « quelque chose en proie à la durée », et amorce la défection de la construction solide : « On dirait qu’ils vont tomber ». L’arrière-plan, quant à lui, a fonction de témoin, de constante stable par rapport à quoi s’évalue le mouvement du premier plan, fonction remplie par « le long verre effilé comme une flûte » de la nature morte, ou « l’arrière-garde immobile » de la Ronde de nuit19 : « C’est cette immobilité quasi morale à l’arrière-plan, c’est cet alignement de témoins à demi aériens, qui sur l’avant donne leur sens à tous ces éboulements matériels » (Pr., p. 201).

45Cette tension entre les deux plans fait naître chez le spectateur la sensation concrète du temps, de la durée ; dès lors, la composition se définit en termes de mouvement et de rythme : «Toute la composition est faite sur le principe d’un mouvement de plus en plus accéléré » (Pr., p. 202). C’est là une théorie originale20 de la composition, oxymorique dans sa formulation, puisque la composition y est définie comme décomposition, écroulement d’un arrangement, défection de formes solides et durables. Partant, la signification funèbre, mélancolique de la nature morte naît non pas de la valeur représentative ou symbolique des objets mais de la défection, de la désagrégation de la composition. Le poète invente ici une sémantique propre au rythme des formes. Il ne s’agit là, soulignons-le, que d’un moment de l’esthétique picturale de Claudel, la définition de la composition qu’il proposera, vingt ans plus tard, dans « L’Art religieux » est radicalement opposée à sa théorie de l’«Introduction » ; « titulaire d’un sujet », donc subordonnée à l’iconographie (« l’événement », « l’anecdote »), elle arrête le temps, « soustrait à la fuite » (Pr., p. 111).

46Ce qui importe à Claudel dans les natures mortes, ce n’est donc ni leur statut représentatif, ni leur valeur symbolique, mais leur rythme. L’écoute apparaît comme sensibilité à la structure rythmique, structure différentielle qui se définit comme tension entre deux termes, représentant l’un la permanence et l’autre le mouvement. Arrangement défaillant qui est la forme sensible du temps, la composition rejoint, dans son registre propre, la symbolique mélancolique de certains de ces tableaux. De manière tout à fait inattendue, l’interprétation claudélienne des natures mortes hollandaises prend à rebours la symbolique chrétienne. Elles représentent « presque toujours et parfois exclusivement, du pain, du vin et un poisson, c’est-à-dire le matériel du repas eucharistique » (Pr., p. 201). Or, pour le poète, leur signification ne repose pas sur ces symboles de résurrection et de vie éternelle21, c’est même exactement le contraire : « La nature morte hollandaise est un arrangement qui est en train de se désagréger, c’est quelque chose en proie à la durée » (Pr., p. 202). Gilles Deleuze montre que Claudel rejoint par là la vérité de la peinture du XVIIe siècle :

L’organisation classique fait place à une composition […]. Mais qu’est-ce qu’une composition par rapport à une organisation ? Une composition, c’est l’organisation même mais en train de se désagréger (Claudel le suggérait précisément à propos de la lumière).22

47Cette composition paradoxale, construction par défection, «arrangement en train de se désagréger », Claudel la met à jour dans La Rêverie de Nicolas Maes.Le poète s’attache d’abord à la valeur symbolique des objets représentés :

Au mur dans un enfoncement les objets symboliques, chers à notre Nicolas, qui sont un sablier, deux livres, l’un fermé, l’autre ouvert, deux clefs, une sonnette en qui je n’ai aucune peine pour ma part à voir symbolisée la Résurrection des Morts. (Pr., p. 240)

48Mais aussitôt il récuse cette symbolique chrétienne :

Toute l’explication de la composition est dans le coin de droite en bas. C’est presque invisible, un chat qui de la patte attire à lui la nappe, déterminant ainsi, dans une direction accentuée par le couteau, un triangle dont l’évasement embrasse toute la composition.

49On a bien, ici aussi, « un arrangement prêt à se désagréger » :

Ici donc, comme dans beaucoup de tableaux hollandais, il y a à la fois immobilité et mouvement, un état d’équilibre miné par l’inquiétude, dans l’espèce la patte avide du chat.

50Le mode d’expression du mouvement est la composition en forme de triangle évasé ; on se souvient que c’était aussi le triangle qui, par sa répétition et sa modulation, structurait le paysage. L’écoute se fait ici encore sensibilité à la qualité de suspens : le tableau s’ouvre sur son après, sur ce qui va arriver, Maes fixe l’instant qui précède la défection de la construction, déjà potentiellement présente, en l’espèce de « la patte avide du chat ».

Du rythme au symbole : la peinture hollandaise comme espace d’Anima

51Claudel tient ensemble le visuel, spatial, et le musical, temporel; c’est le rythme qui intègre l’audible au visible : rythme du parcours du regard, de son mouvement dans le temps, rythme intrinsèque de la figuration, de ses pleins et de ses vides où Claudel voit la dimension même de l’âme. Mais, dans l’«Introduction à la peinture hollandaise », le poète donne un visage et une forme picturale précise à l’âme ; la peinture hollan­daise y est décrite comme le domaine d’Anima fine pointe de l’âme, Grâce divine. L’âme profonde de l’homme est identifiée par Claudel à la femme, l’âme-femme est intérieure (d’où son intérêt pour les scènes intimes hollandaises où se meuvent des femmes, servantes, ménagères, lectrices, ou musiciennes) et profonde (Claudel souligne à plusieurs reprises le pouvoir d’attraction de ces espaces d’intimité : « c’est à l’intérieur qu’ils nous aspirent »). Anima hante la peinture hollandaise :

Dans un tableau on la voit grondant la servante qui pleure sur un vase cassé. La voici qui va à la cave, comme jadis, moi-même, j’y suivais mon père, étant enfant, portant le panier à bouteilles. Et plus bas une image réduite la représente en train de traire une antique futaille, le feu sourd de sa lanterne mélangé au rayon du soupirail […]. Maes peut la représenter à son rouet, ou pelant une pomme, il peut placer à côté d’elle un tambour de dentellière qui représente les épuisants entrelacements de l’herméneutique, c’est toujours Anima, Anima l’antique, aussi auguste que quand les yeux fermés elle fait sa prière toute seule devant la table servie.

C’est ce château d’Anima au milieu des Juifs, au milieu du capharnaüm et de la friperie de tout un Moyen Age désaffecté, […] qu’est venu habiter le fils du meunier de Leyde… (Pr., p. 191)

52La figure d’Anima apparaît pour la première fois dans la Parabole d’Animus et d’Anima en 1926, petit texte énigmatique inséré dans les Réflexions et Propositions sur le vers français, qui irradie dans l’ensemble de l’œuvre de Claudel, poétique, exégétique mais aussi critique. Ce court texte met en scène un ménage bourgeois : face à Animus, symbole de l’esprit, masculin et rhétoriqueur, il y a l’âme, Anima, « une pauvre simple » qui chante toute seule derrière la porte fermée « une étrange et merveilleuse chanson ». Elle profite d’un instant de solitude pour attirer par le seul pouvoir de la musique l’amant divin. Anima chante puis se tait, Animus regarde par derrière. On a bien les deux sens de L’Œil écoute dans la Parabole : Animus est lié à la vision, Anima à l’ouïe ; dans la peinture hollandaise, comme dans la Parabole, elle est associée à une thématique musicale : le motif du luth, la représentation du concert ou du chant attirent l’attention de Claudel.

53Ainsi deux esthétiques concurrentes sont à l’œuvre dans l’«Introduction » : une esthétique fondée sur l’écoute qu’on peut qualifier de moderne en ce qu’elle est disponibilité à la composante proprement picturale : le vide, la forme, la composition, le rythme de la peinture. Contre toute attente, Claudel néglige la symbolique chrétienne : la peinture hollandaise fait advenir le divin sans passer par le codage iconographique, en dehors de tout rapport illustratif avec un Texte Sacré. Une autre esthétique, fondée sur un dispositif symbolique, installe l’allégorie là où le peintre hollandais s’en était délivré ; Anima coïncide avec des motifs, des figures qui ont un signifié spirituel, l’âme. Claudel crée alors son propre code, ses propres conventions iconographiques : le concert, « quel sujet plus propre à suggérer le pacte intime des âmes » (Pr., p. 180) ; les femmes de la peinture hollandaises, de la Dentellière de Vermeer aux vieilles ménagères de Maes, seront des figures d’Anima, les objets transparents (« verre étincelant », fiole, miroirs) seront emblèmes de l’âme. La forme picturale n’a plus alors d’autre fonction que d’être le support d’un signifié spirituel. Lorsqu’il écoute, Claudel décrit la figure figurante, l’image comme procès, la forme comme « travail », la composition comme processus. Quand il met à jour des symboles, le poète s’attache à la figure figurée, résultat immobilisé en objet « transparent » et « évident » de contemplation (Vermeer, « le peintre le plus clair, le plus transparent qui soit au monde, et que l’on pourrait appeler un contemplateur de l’évidence », Pr., p. 183). Dans cette dernière approche, son regard vérificateur discerne et reconnaît des signes symboliques et parfaitement lisibles : « Dans tout cela, je sais, moi, qu’il s’agit des occultes trafics d’Anima ». Dans l’autre, le sujet, ébranlé, est dessaisi de tout savoir ; au sujet des Régentes de F. Hals : « Nous ne savons plus si ce sont des vivants ou des morts qui nous regardent » (Pr., p. 187).

54Le dispositif symbolique élaboré par Claudel autour de la figure d’Anima met en péril l’écoute de la peinture, comme on le voit dans la séquence qu’il consacre à La Dentellière de Vermeer :

Voyez cette dentellière (au Louvre) appliquée à son tambour, où les épaules, la tête, les mains avec leur double atelier de doigts, tout vient aboutir à cette pointe d’aiguille : ou cette pupille au centre d’un œil bleu qui est la convergence de tout un visage, de tout un être, une espèce de coordonnée spirituelle, un éclair décoché par l’âme. (Pr.,p. 183)

55Le ton de certitude de l’impératif (« Voyez »), de la prédication attributive et de l’expression de la totalité (« un œil bleu qui est la convergence de tout un être ») indique que pour Claudel, le tableau traduit le sensible en spirituel, conduit du visible (qu’implique le « Voyez ») à « l’âme » qui clôt le texte et ferme le sens du tableau. Pourtant, si nous regardons le tableau comme l’a fait Georges Didi-Huberman, on n’y relève ni aiguille ni œil bleu:

A y regarder de plus près – c’est-à-dire à chercher dans le tableau ce dont nous parle le texte –, on s’aperçoit que l’ekphrasis claudélienne porte à l’extrême ce que j’ai appelé l’aporie du détail […] ; je ne vois pas quelque pupille que ce soit au centre de quelque œil bleu que ce soit : quant aux yeux de la dentellière, je ne vois, moi, que paupières, ce qui en toute rigueur m’interdit de les déclarer ouverts ou fermés... Je ne vois pas non plus cette pointe d’aiguille dont Claudel fait état : d’aussi près que je puisse regarder, je ne vois entre les doigts de la dentellière que deux traits blancs…23

56Le symbolisme spirituel de Claudel mène donc à l’aporie, à un «œil bleu » et à une pointe d’aiguille également « invisibles », inexistants à la surface du tableau.

57Écouter la peinture, c’est donc écouter son rythme qui naît du rapport du plein et du vide, des figures et du fond, des formes et de leur désagrégation, les rythmes propres de la figuration, ses «espacements divers », ses « masses relatives », ses « hauteurs correspondantes qui constituent quelque chose d’aussi lisible et chantant que la musique » (Pr., p. 895). Mais l’écoute renvoie aussi au rythme même de l’acte de regarder – « resserrement » et « détente » de l’attention–, de l’échange entre le moi et l’autre pictural (Claudel emploie les termes d’« appel », de «conversation »). Cette « sensibilité » se déploie dans le temps, la composition picturale est « quelque chose qui vaut la peine du temps que l’on met à [la] regarder » (Pr., p. 192). L’écoute est donc l’autre nom de cette considération durable de la peinture, mouvement du regard et travail du temps24. Elle trouve son fon­dement philosophique dans l’Art Poétique où elle est dotée d’une valeur ontologique :

L’oreille est cet instrument par qui l’homme peut apprécier tous les rythmes et allures de ce mouvement dont il est lui-même animé, se servant comme d’une base continue de son cours propre. (Po., p.169)

58Propos qui synthétise et programme toute l’esthétique picturale de l’écoute, sensibilité à un rythme qui traverse tout le Créé et que le sujet perçoit parce qu’il est lui-même traversé par ce rythme.

59Mais l’écoute, si elle métaphorise la réception de la peinture, figure aussi le processus de création. A lire de près l’«Intro­duction à la peinture hollandaise », on s’aperçoit qu’elle propose le récit de la conversion rembranesque de l’œil à l’ouïe, d’Animus en Anima. Claudel note d’abord au sujet du visage de Rembrandt « ces yeux avides au fond d’une énorme orbite, espèce de cratères dévorants. Tout est œil dans cette figure charnue, même la bouche faite pour happer et déguster puissamment » (Pr., p. 191). Et la séquence consacrée au peintre se clôt sur l’étonnante image de Rembrandt qui «écoute derrière lui avec cet œil que tout artiste a dans le dos » (Pr., p.197). L’écoute, ou plutôt la conversion de la vue en écoute, apparaît finalement chez Claudel comme la métaphore de l’art :

L’art […] c’est l’âme qui s’adresse à l’âme, à cette chose par qui le corps existe. Il ne regarde pas seulement les êtres, il les écoute en train d’exister, en train de vivre leur forme, en train de vivre ce par quoi ils sont les images de Dieu.25

60Le « train » renvoie aux « rythmes » et « allures » du mouve­ment fondamental décrit dans l’Art Poétique, on rejoint ainsi la première Ode : l’art « écoute les êtres en train d’exister » comme Mnémosyne était « posée sur le pouls même de l’Être » (Po., p.223).

61Cette portée générale, ontologique et esthétique, donnée par Claudel à l’écoute invite à l’interroger aussi du point de vue poétique. La formule L’Œil écoute en peinture pose comme indissociables l’image et le rythme. Or dans les Réflexions et Propositions sur le vers français, « l’œil écoute » trouve un écho frappant dans l’idéal poétique du « parler visible » (Pr., p. 29) – formule que Claudel emprunte à Dante –, une « musique » qui fait entendre « les vibrations de l’âme » (ibid.). Ou encore, varia­tion bouffonne du vieux poète dans son Journal, « l’œil écoute mais la voix voit » (J. II, p. 769). C’est indissociablement la dimension plastique de l’écriture poétique (le cadre visuel de la page qui inscrit le poème dans l’espace) et sa dimension rythmique qui motivent cette réversibilité peinture-poésie. L’exigence de l’« importance des vides par rapport aux pleins » est identique en peinture et en poésie : le vers est « une idée isolée par du blanc » ; le « rapport entre la parole et le silence, entre l’écriture et le blanc, est la ressource particulière de la poésie, et c’est pourquoi la page est son domaine propre » (Pr., p. 77), « le blanc n’est pas seulement pour le poème une nécessité matérielle imposée du dehors. Il est la condition même de son existence, de sa vie, de sa respiration » (ibid.). La poésie et la peinture appellent la même écoute visuelle ; Claudel parle du « dessin mélodique » (Pr., p. 519), du « dessin sensible à notre œil auditif » (Pr., p. 38) de la poésie de Rimbaud ; c’est là, presque mot pour mot, ce qu’il dit du paysage hollandais. C’est la dissociation du visuel et du rythmique et le primat absolu de l’image sur la musique que Claudel déplore chez « les jeunes écrivains » de 1925, les surréalistes :

Les jeunes écrivains les plus intéressants ne marchent nullement dans la direction que je crois la bonne. Les questions musicales paraissent leur être devenues totalement étrangères, ils sont obsédés par des images visuelles qu’ils plaquent l’une à côté de l’autre sur un mur, inscrites comme dans des cartouches. (Pr., p. 42)

62Ainsi la formule L’Œil écoute et celle de la peinture « Muse silencieuse et immobile » (Pr., p. 643) continuent certes les multiples variations de la tradition humaniste26 qui fait de la peinture une Poesis tacens. Mais elles se chargent d’une autre signification : en poésie comme en peinture, le visuel est indissociable du rythmique.

Notes

1 .Nous donnerons désormais dans le corps du texte les références aux œuvres de Claudel : Pr., Œuvre en prose, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1957 ; Po., Œuvre poétique, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1957 ; Th. II, Théâtre II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965.

2 .Plusieurs dans personnages de son premier théâtre sont aveugles. La Princesse à l’acte III de Tête d’Or, l’Empereur du Repos du Septième Jour, Pensée dans le dernier volet de la Trilogie et les deux personnages de l’Histoire de Tobie et de Sara.

3 .Les consonances entre cette séquence d’ouverture et le discours du Rodrigue des images dans Le Soulier sont frappantes : même mise en écoute du sujet âgé, même détachement des entreprises historiques au profit de « la vacance immense », même poétique d’un « lieu tout pénétré par la mer », l’Angleterre et la Hollande étant deux avatars de cet unique lieu.

4 .Présence et Prophétie, O.C., XX, p. 261.

5 .Ph. Bonnefils, « Mimésis tympanisée », Des mots et des couleurs, I, P.U. de Lille, 1979, p. II.

6 .E. Fromentin, Les Maîtres d’autrefois, Garnier, 1971, p. 240.

7 .J. Lorrain, Buveurs d’âmes, Fasquelle, 1929, p. 113.

8 .M. Barrès, Greco ou le secret de Tolède, A.M.G., Flammarion, 1966, p. 15.

9 .O. Redon, A soi-même, cité dans Ch. Chassé, Le Mouvement symboliste dans l’Art, p. 53.

10 .Le texte d’H. Imbert s’intitule Rembrandt et Richard Wagner – Le clair-obscur dans l’Art, Fishbacher, 1897.

11 .Il existe selon lui des correspondances très précises entre l’ouïe et la vue qui doivent être exploitées en vue d’une œuvre d’art totale. Pour sa symphonie Prométhée, il expérimente la projection de lumière colorée.

12 .« Le discours profond de l’âme maintient le fonctionnement fondamental du texte critique en en reculant le lieu d’émission au-delà des troublantes apparences sensibles. La surface est ignorée au profit d’une profondeur qui n’est plus celle de la scène fictive où paraissait le récit académiste, elle persiste cependant à renvoyer à l’émetteur sa propre voix, valorisée puisqu’elle est censée venir de l’invisible » (J.-P. Guillerm, Les peintures invisibles : l’héritage pictural et les textes en France et en Angleterre : 1870-1914, Atelier de reproduction des thèses, Université de Lille III, 1982, p. 1382).

13 .J.-P. Guillerm, ibid.

14 .J.-P. Guillerm, Tombeau de Léonard de Vinci, P.U. de Lille, 1981, p. 192.

15 .Une lettre de Claudel à Léon Guichard du 26 décembre 1930 préfigure cette dénonciation : « C’était l’époque des Quillard, des Hérold, des Fontainas, d’Édouard Dujardin et de toute la pâle friperie symbolardele règne de la nuance mauve et du crêpe Liberty – Hérold avait vidé toutes les casses de l’imprimeur de â ! » (J.I,p.1366).

16 .« Défaut de toutes les œuvres d’art occidentales, c’est trop rempli, trop bourré, on en veut trop. On a voulu tout dire sans rien passer, tout exprimer » (J. I, p. 601, juin 1923).

17 .Les très beaux passages que Claudel consacre à Rembrandt vont dans le même sens, le temps et le mouvement s’inscrivent dans la matière picturale : les personnages de Rembrandt reviennent « altérés » « d’un voyage qui indéfiniment se prolonge et qui se termine moins dans le contour que dans la vibration » (Pr., p. 196). L’écoute implique ici encore la mise en question de la forme : la « vibration » touche à l’intégrité et à la solidité de la forme plastique, Claudel écoute dans la peinture de Rembrandt non plus des formes aux limites nettes mais un rythme de lumière et d’ombre, une alternance de clair et d’obscur.

18 .Ch. Stierling, La Nature morte de l’Antiquité au XXe siècle, Macula, 1985, p.47-48.

19 .« Cette composition unique dans la peinture de tous les temps est l’étude et l’analyse d’une décomposition » (Pr., p. 203).

20 .Originalité dont Claudel avait conscience : « Confirmation de ma théorie des natures mortes » (J. II, p. 32).

21 .G.Deleuze cite l’« Introduction à la peinture hollandaise » à l’appui de son interprétation de la peinture du XVIIe siècle : « Il y a dans le christianisme un germe d’athéisme tranquille qui va nourrir la peinture ; le peintre peut facilement être indifférent au sujet religieux qu’il est chargé de représenter. Rien ne l’empêche de s’apercevoir que la forme, dans son rapport devenu essentiel avec l’accident, peut être non pas celle d’un Dieu sur la croix mais plus simplement celle d’“une serviette ou d’un tapis en train de se défaire, une gaine de couteau qui se détache, une miche de pain qui se divise comme d’elle-même” ». (G. Deleuze, Francis Bacon, logique de la sensation, Éditions de la Différence, 1981, p. 80).

22 .Ibid., p. 82.

23 .Devant l’image, Éd. de Minuit, 1990, p. 296-297.

24 .Les modalités concrètes du regard de Claudel sur la peinture sont à cet égard significatives : « Quand il a regardé les estampes de Rembrandt au Louvre, il a demandé qu’on le laissât seul et il y est retourné plusieurs fois, cherchant à retrouver le processus créateur […]. Je crois que s’il voulait visiter seul les musées (à la fin de sa vie, il a même obtenu certaines autorisations qui lui ont permis de s’y trouver aux heures de fermeture), c’est qu’il s’agissait pour lui d’un tête-à-tête avec un créateur » (témoignage de Pierre Claudel, Entretiens sur Paul Claudel, Paris-La Haye, Mouton, 1968, p. 173).

25 .Supplément aux Œuvres Complètes, L’Age d’ Homme, 1990, p. 266.

26 .Ainsi au XVIe siècle, Menestrier dans son Art des Emblèmes parle de la peinture comme d’« une parleuse muette qui s’explique sans dire mot » (cité par G.Mathieu-Castellani, La Pensée de l’image, op. cit., p. 6). C’est cette filiation que soulignent le titre et la préface du livre de M. Fumaroli, L’École du silence, le sentiment des images au XVIIe siècle, Flammarion, 1994, qui s’ouvre sur une citation de Claudel : «[le titre] je l’ai trouvé dans une phrase de Paul Claudel : La peinture est l’école du silence ». Cette version abrégée et moderne de l’antique adage : « La poésie est une peinture parlante, la peinture est une poésie muette », m’a paru correspondre à la cristallisation de mon propos » (p. 5). Sur ce topos, voir R. Lee, « Ut pictura poesis », the humanistic theory of painting, New-York, 1967.

Pour citer ce document

Par Emmanuelle KAËS, «L’Écoute dans l’« Introduction À la peinture hollandaise » de P. Claudel :
la peinture comme rythme », Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], Revue papier (Archives 1993-2001), Lisible/visible : pratiques, mis à jour le : 13/10/2015, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=343.