Le monstre enfant de la nature

Par Jean-Paul ENGÉLIBERT
Publication en ligne le 19 décembre 2017

Texte intégral

1Il y a une part de provocation à affirmer que le monstre créé par Victor Frankenstein est un enfant de la nature. Le paradoxe est pourtant là : le roman de Mary Shelley est en partie construit sur un scénario bien connu au XVIIIe siècle et identifié aujourd’hui par les spécialistes sous ce nom1. Bien que le monstre soit fabriqué de main d’homme, le récit qu’il fait de sa première année d’existence, récit qui occupe les chapitres XI à XVI du roman, dépend assez étroitement de ce « mythe » des Lumières, selon lequel l’enfant isolé de la société dès sa naissance, exempt de toute empreinte causée par d’autres hommes, puisqu’élevé selon la loi naturelle, révèlera la nature de l’homme. C’est, mutatis mutandis, la condition du monstre abandonné par son créateur et forcé d’acquérir toute son éducation seul, par l’observation, sans pouvoir parler à un être humain. Sa solitude et la démarche intellectuelle à laquelle elle l’oblige renvoient à ce scénario-type alors que, sur ce sujet des questions des origines et du rapport nature-culture, la critique shelleyenne s’en tient généralement à évoquer le bon sauvage2. Il n’est donc peut-être pas inutile d’essayer de tracer le parallèle : tenter de lire dans Frankenstein le récit d’un « enfant de la nature », pour observer le déplacement que le mythe inventé par Mary Shelley fait subir aux discours qui lui préexistaient et qui l’ont rendu possible.

2Le mythe moderne de l’enfant de la nature a deux sources, l’une ancienne et l’autre plus récente. Le premier récit revient à Hérodote3, qui relate brièvement une expérience tentée par le roi égyptien Psammétique pour déterminer quel était le peuple le plus ancien entre tous. Il s’agissait d’élever deux nourrissons dans une cabane isolée où viendrait les nourrir un berger ayant l’ordre de ne jamais prononcer un mot devant eux. La première parole des enfants appartiendrait nécessairement à la langue originelle des hommes. Après deux ans de cette vie, ils accueillirent le berger en disant « bécos », qui signifie pain en phrygien. Depuis lors, conclut Hérodote, les Egyptiens « tiennent les Phrygiens pour plus anciens qu’eux-mêmes ». Mais l’expérience n’est pas pour autant incontestable et l’historien ne semble pas la prendre vraiment au sérieux. « Bécos » ressemble à une onomatopée imitant le cri de la chèvre et la première langue de l’humanité viendrait du troupeau qui accompagnait le berger... Peut-on alors reconstituer l’origine des langues ? Les connaissances nous viennent-elles de l’intérieur (grâce à des idées et une langue innées) ou de l’extérieur (acquises par l’intermédiaire des sens et d’une langue elle-même acquise) ? La même fable sert, selon l’interprétation du mot, les deux réponses possibles. C’est sans doute pourquoi cette anecdote est souvent évoquée aux XVIIeet XVIIIe siècles. Sa fortune vient de cette plasticité : elle peut être citée à l’appui de la thèse innéiste comme de la thèse sensualiste. Le siècle des Lumières reposera sans cesse la question et sollicitera nombre d’adaptations de ce scénario pour y répondre.

3D’où le succès de la seconde source du mythe, le roman philosophique d’Ibn Thofaïl, Havy ben Yaqdhân, écrit à la fin du XIIe siècle et connu en Europe à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle par des traductions qui se succèdent rapidement4. Ce récit est une allégorie exposant une méthode qui mène le héro à la connaissance rationnelle des êtres sensibles, puis celle de l’auteur de toutes choses, puis à une pure contemplation mystique. L’expérience qui isole l’enfant de la société est ici tout à fait pure : Hayy, le héro, vit sur une île déserte et n’a jamais rencontré d’autre être humain5. Nourri par une gazelle, il grandit en observant et en imitant les animaux. De là, il conçoit des désirs, des aversions et des représentations. Vers l’âge de sept ans, il étudie la physiologie et l’astronomie, puis développe une physique d’inspiration aristotélicienne qui lui permet de découvrir seul la division du cosmos en partie sublunaire et supralunaire, les catégories de corruption et de génération, de forme et de matière, d’acte et de puissance, etc. Plus âgé, il conçoit un « auteur de la forme » et une âme incorporelle à même de le connaître. Son parcours le conduit enfin à une extase mystique dans laquelle il communie avec Dieu. L’intérêt du récit est de montrer la plus grande continuité dans l’acquisition de connaissances de Hayy : chaque découverte procède directement des précédentes et c’est ainsi un ordre a priori des raisons que l’enfant découvre. Ainsi, même si l’observation conserve une grande place dans sa philosophie, c’est un rationalisme rigoureux que développe Ibn Thofaïl, jusqu’à la fin de son roman où la connaissance métaphysique mène son héro à une contemplation dans laquelle l’intelligence de l’être se mue en union spirituelle avec son objet.

4La redécouverte européenne du texte fournit l’occasion de lui faire servir des causes multiples. En France et en Angleterre, une demi-douzaine de réécritures paraissent jusqu’en 17676. On peut résumer leurs intentions en quatre points sur lesquels les efforts démonstratifs de ces fictions se concentrent. Leur simple exposé montre ce que Frankenstein doit à ce mythe :

a) Une connaissance naturelle de Dieu est-elle possible et, le cas échéant, comment s’articule-t-elle avec la Révélation ?
b) Les connaissances proviennent-elles d’idées innées ou s’acquièrent-elles par les sens ?
c) Peut-on définir, à partir de la table rase initiale de l’état de nature, une progression « naturelle » des savoirs ?
d) La sociabilité naturelle de l’homme étant présupposée, la civilisation s’oppose-t-elle radicalement à l’état de nature ou y a-t-il continuité de l’une à l’autre, de sorte que l’enfant isolé puisse, son apprentissage terminé, (ré)intégrer la société de ses semblables autrement que comme un paria ou un révolté ?

5On voit que le roman de Mary Shelley reprend à nouveaux frais ces questions, à l’exception de la première, évacuée par le sujet même de la fable. Par contre, il traite les trois autres. Concernant les questions b et c, le parallèle est assez évident pour qu’on le présente rapidement. Le dernier point demandera davantage d’attention.

6Comme celui de ses prédécesseurs, l’esprit du monstre à sa naissance est vierge et doit tout apprendre. Qu’il vienne au monde à l’âge adulte n’y change rien, si ce n’est la vitesse avec laquelle il découvre le monde qui l’entoure7. Quant à l’inné et l’acquis, son parti-pris philosophique est clairement empiriste et lockien : le monstre ne comprend que ce que ses sens lui offrent, ses idées surgissent du chaos des sensations par essais, erreurs et corrections8. L’exemple du feu le montre bien9. La créature trouve un feu et, jouissant de sa chaleur, y plonge ses mains... pour les retirer immédiatement, étonnée que la même cause produise « des effets si opposés ». Elle conçoit l’idée du feu par tâtonnements, grâce aux témoignages successifs des sens. Elle reproduit la même démarche pour alimenter le feu en bois : observant d’abord le matériau qui brûle, jetant ensuite des branches sur le feu, elle observe alors ce qui se produit, comprend que le feu exige du bois sec et non mouillé et met ses branches à sécher. S’esquisse ainsi une progression des savoirs qui va du plus sommaire et trivial (la distinction de ses propres sensations) au plus complexe et élevé (la lecture de Milton), dans un ordre qui n’est pas indifférent. On peut la résumer en distinguant trois étapes.

7La première est la moins développée. Elle correspond au début de la vie du monstre et couvre en particulier les quelques semaines qu’il passe dans la forêt, apprenant à distinguer ses propres sensations et à « percevoir les objets sous leurs formes exactes »10. Elle se termine après trois pages, quand la créature, apte à se nourrir, se mouvoir et se chauffer, rencontre pour la première fois un être humain. La deuxième partie de l’éducation du monstre commence déjà. C’est la découverte des hommes et des émotions : quand le vieillard surpris pendant son déjeuner s’enfuit terrifié, le monstre découvre avec l’humanité la peur. Il lui faut même peu de temps pour en faire à son tour l’expérience : le soir même, chassé du village où il remarque le lait et le fromage « exposés aux étalages », il se réfugie, « effrayé », dans la hutte contiguë au chalet des De Lacey11. A peine a-t-il infligé la peur qu’il la subit dans des circonstances voisines.

8Son long séjour auprès de la famille exilée lui permettra d’expérimenter d’autres sentiments. C’est la musique qui l’initie aux émotions. En observant le vieux De Lacey jouer pour sa fille, il éprouve « un mélange de peine et de plaisir » inédit :

C’était un spectacle charmant, même pour moi, malheureux qui, auparavant n’avait contemplé nulle beauté. Les cheveux argentés et le visage bienveillant du vieux fermier éveillèrent mon respect, tandis que les attitudes délicates de la jeune fille suscitèrent mon amour.12

9Un peu plus tard, il déchiffre dans le comportement de Félix et d’Agathe « l’amour et le respect » pour leur père, ainsi que la tristesse, qu’il voit dans leurs pleurs. Désormais sensible à la beauté humaine, il « admire la forme parfaite de [ses] amis »13 et, par contraste, découvre sa propre laideur quand il aperçoit son reflet sur un cours d’eau. Cet apprentissage des émotions conduit donc le monstre à concevoir des idées abstraites. La prise de conscience de sa difformité coïncide d’ailleurs avec sa découverte du langage. Elle signale l’entrée dans la troisième et dernière phase de son éducation, celle qui lui procure une véritable vie intellectuelle, celle aussi qui est la plus développée dans le récit.

10Alors qu’il s’efforce d’apprendre la langue de ses « protecteurs », le monstre remarque que sa pensée devient « plus active »14. Ses progrès le conduisent vers de nouveaux objets d’étude et ses nouveaux savoirs le construisent, ce qu’il expose au début du chapitre XIII :

Les événements que je vais raconter m’imprimèrent les sentiments qui, de ce que j’étais, m’ont fait ce que je suis.15

11Ces « événements » sont en fait peu nombreux et le chapitre XIII relate la progression de l’élève clandestin. En écoutant Félix lire Les Ruines, il prend ses premières leçons d’histoire et de géographie, mais il dépasse aussitôt ce savoir positif pour s’interroger sur le Bien et le Mal. En entendant ses paroles sur la « distribution de la propriété », la fortune et la noblesse de sang, il aborde pour la première fois le mystère de sa condition. N’appartenant à aucune catégorie sociale, il se demande s’il est « un monstre, une tache sur la terre »16. En bon élève, à chaque leçon, il profite de son éducation pour pousser plus avant ses recherches et se pose maintenant des questions proprement philosophiques. Evidemment, celle de son origine est la plus térébrante. C’est pourquoi elle sera aussi la dernière à trouver réponse. Le monstre doit d’abord parfaire son éducation par des lectures qui distribuent classiquement les savoirs en trois objets : le moi (abordé à travers Werther), le monde (ou la politique comprise comme l’action des grands hommes, avec Les Vies) et Dieu (ou la création, avec Le Paradis perdu). Cette progression dans les objets de la connaissance se reflète dans celle des genres narratifs qui l’assurent du plus trivial au plus noble : d’abord le roman, puis la biographie, enfin l’épopée. A ce point, ne se pose plus que la question métaphysique de savoir qui est son créateur. Il peut enfin lire les notes de Victor et y faire l’épreuve d’une révélation terrible – révélation « odieuse et écœurante »17 d’une création qui horrifie le créateur lui-même.

12Ce cheminement intellectuel, progression empirique des savoirs du plus simple au plus complexe, du plus trivial au plus élevé, culmine dans la découverte paradoxale d’un créateur trop humain et avec elle de sa propre nature dévaluée. Au sommet de l’édifice des connaissances, au lieu d’une révélation sublime, se tient la vérité terrible d’une « origine maudite » et d’un « créateur abhorré »18. Couronnement ironique : la métaphysique n’aboutit qu’à cette dérision ! Les apprentissages du monstre rappellent évidemment le mythe de l’enfant de la nature, mais au prix de multiples déplacements qui font la singularité de cette nouvelle fable. A commencer par cette inversion de perspective qui renverse la quête métaphysique en enquête policière : la preuve avait toujours été là, il suffisait de la lire. La leçon de philosophie est clairement empiriste et matérialiste. L’ordre d’acquisition des connaissances est celui d’une complexité croissante, celle des objets offerts par l’expérience et que la conscience examine successivement. Mais sa fin est décevante : au lieu de s’élever à la connaissance de Dieu, le monstre ne peut en découvrir que la parodie.

13Il nous reste à voir la réponse que Frankenstein apporte à la question d posée ci-dessus : y a-t-il continuité ou rupture entre l’état de nature et la civilisation ? Pour cela, il importe maintenant de situer précisément d’autres déplacements opérés par le roman sur le mythe du XVIIIe siècle.

14Tout d’abord, il faut remarquer un autre point de convergence. Le XVIIIe siècle a souvent imaginé l’enfant de la nature en objet d’une expérience, c’est-à-dire en créature intégralement manipulée si ce n’est manufacturée. C’est l’héritage d’Hérodote, que Marivaux, avec La Dispute, a remarquablement développé : l’élève de la nature n’y est pas le moins du monde naturel – il est le produit d’une expérience savante qui prétend l’étudier et n’a rien à nous apprendre sur les origines. Rappelons brièvement l’argument de la pièce : le Prince pense que la première infidélité a été commise par une femme, Hermianne tient qu’un homme fut le premier coupable. Pour décider de la question, le Prince organise la rencontre d’adolescents qu’il a maintenus dans un isolement absolu depuis leur naissance. Des couples se formeront sous le regard des deux expérimentateurs qui observeront cette reconstitution des premières amours humaines. Mais à peine cette question posée, Marivaux s’ingénie à la défaire. Le savoir – ici amoureux – que les personnages découvrent ne leur vient pas de la nature. La nature ne produit par elle-même aucune idée, c’est seulement le dialogue de la séduction, c’est-à-dire la socialisation, qui, plongeant les enfants vierges de toute idée dans le bain du langage, les éduque. Marivaux démontre que l’enfant de la nature est un être social pour deux raisons : son esprit a été artificiellement maintenu pour les besoins de l’expérience dans un isolement qui n’a rien de naturel et il ne se forme qu’ensuite, quand il entre en contact avec d’autres esprits. Le monstre n’est pas si loin, lui qui est le fruit d’une expérience et qui n’acquiert son éducation qu’au contact des hommes.

15Car le déplacement essentiel opéré par Mary Shelley se tient sans doute là. La nature qu’observe le monstre est surtout la nature humaine. Après la première phase de son apprentissage, soit ses premières semaines solitaires où ce qu’il a appris le distingue tout juste des animaux (se vêtir et cuire ses aliments sont alors les seules conquêtes de son intelligence qui le séparent des bêtes, il est alors comparable aux enfants sauvages du XVIIIe siècle)19, le monstre ne découvre plus que des réalités humaines et sociales. Des émotions aux pensées métaphysiques en passant par le langage ou les relations familiales, rien de ce qu’il apprend n’est donné dans la nature. Celle-ci est présente, bien sûr, mais comme si elle n’était qu’objet de contemplation et de plaisir, pas de connaissance. Incidemment, le monstre confie que sa « joie principale était le spectacle des fleurs »20, mais il ne leur attache guère d’importance et ne se souciera jamais d’en distinguer les espèces ou de les nommer. Son monde est de part en part social. Il n’existe pas pour l’homme de nature autre que celle qu’il invente. Comme le monstre n’est enfant de la nature que d’être la créature de l’art, son savoir n’a de nature que d’être social.

16La comparaison avec La Dispute s’en trouve renforcée. Tout l’épisode du chalet De Lacey semble en inverser le scénario scopique. Dans la pièce de Marivaux, toute la scène est observée depuis une galerie dissimulée par le Prince manipulateur et celle qu’il veut séduire. Ici le monstre-enfant observe et se dissimule. C’est ainsi qu’il apprend tout ce qu’il sait. Pour que son éducation soit complète, il faut un instituteur. Safie suivra donc les leçons de Félix pour qu’il puisse en profiter. Il révélera en passant qu’il est un élève docile et doué, puisqu’il dépasse rapidement la jeune fille pourtant dotée d’une « âme [...] accoutumée à des aspirations généreuses et à un zèle admirable pour la vertu »21. Son observatoire symbolise parfaitement sa situation d’entre-deux : près d’un village mais à distance des autres maisons, c’est une « misérable hutte » mais contiguë à un « chalet d’aspect propre et agréable »22, il se tient entre l’espace sauvage et l’espace civilisé. C’est, comme le monstre-enfant et comme son éducation, la contradiction développée de la nature et de la civilisation. A la question d posée par le mythe des Lumières, le roman répond qu’il n’y a aucune continuité entre la nature et l’homme. Ce dont Frankenstein est le mythe est peut-être justement cette harmonie entre l’homme et la nature que le monstre représente et congédie à la fois. Car il juxtapose deux impossibles. Le monstre est un être né de l’art : premier impossible ; il est élevé par la nature : deuxième impossible. Le sens du mythe se tient sans doute dans la tentative perdue d’avance de réconcilier la nature et l’homme, de suturer la nature et l’art. Tentative dont il est le rejeton promis à la mort. La difformité et le destin de la créature disent assez le fossé qui sépare la nature du monde humain. Le siècle des Lumières est fini. L’homme « naturel » n’est plus pensable ; le temps est venu de sa nostalgie. Dans la manière dont le récit essaie de surmonter la contradiction vécue en juxtaposant deux contradictions logiques, on reconnaîtra sans peine le fonctionnement du mythe tel que Claude Lévi-Strauss l’a exposé23.

17Reste à considérer la conséquence ultime que le monstre tire de son éducation. Elle est extrêmement rigoureuse. Puisque la nature n’existe qu’à travers l’art, lui-même étant un produit de la science, la seule nature à étudier, c’est l’artifice humain, ou mieux : c’est l’humanité comme production permanente d’artifices. Le savoir du monstre débouche donc sur la demande d’une nouvelle création artificielle qu’il observera attentivement. La logique de la contradiction se boucle ainsi : pourvu d’une compagne pareille à lui, le monstre pourrait cesser de hanter la société des hommes. Victor, un moment tenté de voir là une solution, s’en effraie finalement, comprenant que cela ne ferait qu’aggraver la contradiction que le monstre incarne en lâchant dans la nature une seconde espèce humaine, ou une seconde nature...

Notes

1  Lire en particulier J.-M. Racault, «  Le Motif de “l’enfant de la nature” dans la littérature du XVIIIe siècle ou la recréation expérimentale de l’origine », dans Ch. Grell et Chr. Michel (éd.), Primitivisme et mythes des origines dans la France des Lumières, 1680-1820, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1989, p. 101-117.

2  Voir par exemple J.-J. Lecercle, Frankenstein, mythe et philosophie, PUF, 1994 [1988], p. 28, ou bien l’article de J. Marigny dans ce volume.

3  Hérodote, Histoires, II, 2. Ed. et trad.. Ph.-E. Legrand, Paris, Belles Lettres, 1930, p. 64-67.

4  I. Thofaïl, Havy ben Yaqdhân, Ed. et trad.. L. Gauthier, Paris, Vrin, 1983. Ce texte a pu être lu en Europe dans une traduction en latin dès la fin du XVe siècle, mais il n’a été que largement diffusé que grâce à la traduction latine d’E. Pockoke (Philosophus autodidactus, 1671), à partir de laquelle ont été réalisées les deux premières traductions anglaises (G. Keith en 1674, G. Ashwell, 1686). La première traduction anglaise à partir  de l’arabe, due à Simon Ockley, paraît dès 1708. On en connaît également une traduction hollandaise (1672) et une allemande (1726). En France un compte-rendu de la traduction de Ockley paraît en 1709 dans la Bibliothèque universelle et historique. Mais la fable peut circuler aussi largement à partir du Criticon de Baltasar Gracian (1651), dont les trois premiers chapitres, l’histoire d’Andrenio, forment une version simplifiée de abrégée de l’histoire de Hayy. Sur les sources du mythe, lire J.-M. Racault, art. cit., p. 105-107.

5  Le narrateur donne deux versions de son histoire : dans la première, le berceau de l’enfant abandonné dérive jusqu’à l’île, dans la seconde, Hayy naît spontanément de l’argile sous l’effet de la chaleur.

6  Il faut citer le texte anomyme anglais The History of Autonous (Londres, 1736), sa réécriture par J. Kirkby, The Capacity and Extent of human Understanding exemplified in the extraordinary case of Automathes (Londres, 1745), le récit de Henri-Joseph Dulaurens, Imirce ou la fille de la nature (Berlin, 1765) et celui de Louis-Sébastien Mercier, L’Homme sauvage (Amsterdam, 1767). Montesquieu imagine une histoire qui évoque l’anecdote d’Hérodote, cf. Pensées, I, 5, Gallimard, « Bibl. de la Pleiade », 1949, p. 1213. Mais le seul chef-d’œuvre inspiré par ce mythe reste la pièce de Marivaux, La Dispute (1744). Sue cesd textes et leur interprétation, voir l’article cité plus haut de J.-M. Racault, auquel je dois l’essentiel de mon information.

7  Vitesse qui rappelle celle des découvertes d’Adam au livre VIII de Paradise Lost, qui est une source directe de Mary Shelley.

8  Cf. J. Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, 1690, livre II, chap. 1, particulièrement les chapitres 4 à 8 avec la distinction des sensations et des réflexions et l’exemple de ce que perçoit l’enfant qui vient de naître. Les premiers souvenirs du monstre en sont comme la paraphrase.

9  Frankenstein, Paris, Garnier-Flammarion, p. 177.

10  Ibid., p. 177.

11  Ibid., p. 179.

12  Ibid., p. 181. « It was a lovely sight, even to me, poor wretch ! who had never beheld aught beautiful before. The silver haïr and benevolent countenance of the aged cottager won my reverence, while the gentle manners of the girl enticed my love. » Frankenstein, Harmondsworth, Penguin classics, 1992, [ci après F], p. 104.

13  Ibid., p. 189.

14  Ibid., p. 190.

15  Ibid., p. 193. « I shall relate events, that impressed me with feelings which, from what I had been, made me what I am », F, p. 113.

16  Ibid., p. 197.

17  Ibid., p. 210.

18  Ibid., p. 210.

19  Les Lumières connaissent bien l’enfant sauvage, qui fournit une autre piste de réflexion quant à l’articulation nature-culture. Cf. J.-J. Lecercle, op. cit., p. 29.

20  Frankenstein, op. cit., p. 212.

21  Ibid., p. 203.

22  Ibid., p. 179.

23  « L’objet du mythe est de fournir un modèle logique pour résoudre une contradiction (tâche irréalisable quand la contradiction est réelle) ». Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1954, p. 254. J.-J. Lecercle reprend cette théorie dans son ouvrage cité plus haut, particulièrement p. 24.

Pour citer ce document

Par Jean-Paul ENGÉLIBERT, «Le monstre enfant de la nature», Cahiers FoReLLIS - Formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l'Image et de la Scène [En ligne], Revue papier (Archives 1993-2001), Autour de Frankenstein – Lectures critiques, mis à jour le : 19/12/2017, URL : https://cahiersforell.edel.univ-poitiers.fr:443/cahiersforell/index.php?id=515.