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Cinéma et censure en Grande-Bretagne les années cinquante et soixante
Par Bernard GENSANE
Publication en ligne le 27 octobre 2015
Texte intégral
Pourvu que je ne parle ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs.
(Figaro)
1Un institut de sondage a-t-il demandé, vers 1960, aux Britanniques si la censure existait dans leur pays ? Gageons que si cela a été fait, la réponse a dû être massivement « non ». Il n’existait pas alors outre-manche (et il n’existe toujours pas) de censure gouvernementale ou étatique chargée de donner son accord à la diffusion de productions intellectuelles ou artistiques. On vérifiera dans ce qui suit que, en matière de cinéma, une censure a bel et bien fonctionné dans les années cinquante et soixante selon des pratiques « douces », reposant sur le sentiment consensuel de la population ou, plus exactement sur l’idée que l’institution censurante se faisait de ce sentiment.
2On peut faire remonter les premiers actes de censure institutionnelle dans le domaine du divertissement public en Grande-Bretagne à 1751 : une loi sur les maisons de débauche (Disorderly Houses Act) frappe alors les lieux galants, les théâtres, les tavernes, les jardins publics dans Londres et dans un rayon de 30 kilomètres autour de la capitale1. Un établissement public doit être dûment « autorisé » (licensed) sous peine de poursuites. Cette loi est toujours théoriquement applicable2. Plus près de nous, les deux catastrophes nationales de l’incendie du Bazar de la Charité à Paris en mai 1897 (120 morts), et, bien sûr, la fin pour le moins inattendue du Titanic en 1912 traumatisèrent les esprits à un point tel que des deux côtés de la Manche on se montra, au début du XXe siècle, très sensible aux problèmes de sécurité dus aux risques matériels engendrés par les nouvelles techniques. On se souvient que la première projection publique d’un film par les Frères Lumières eut lieu dans un café (le « Grand Café ») à Paris en décembre 1895. Onze ans plus tôt, la loi française avait conféré aux maires des pouvoirs de police qui serviront par la suite à autoriser ou interdire les représentations cinématographiques. Pour finir, un décret du 25 juillet 1919 instituera une commission de contrôle préalable auprès du ministre de l’instruction publique et des Beaux-Arts. En Grande-Bretagne, le premier texte réglementant les représentations filmiques sera la Loi sur le Cinématographe de 1909 (Cinematograph Act, complétée en 1952), visant, a priori, à prévenir les risques liés aux conditions de sécurité (pellicules inflammables, éclairage aux chandelles).
3Naturellement, dans le pays alors le plus urbanisé de la planète, les salles de cinéma s’implantèrent de préférence dans les villes, donc dans des aires populaires et parfois « rouges ». Les polices municipales, les classes possédantes, les juges, préoccupés par le climat de délinquance qui pouvaient naître de ces lieux de rassemblement – voire du contenu des films – en vinrent à réclamer des procédures de censure. Pour contourner un danger réel et devancer les désirs des autorités locales qui, généralement, ne visionnent pas les films mais qui détiennent formellement le pouvoir d’interdire une projection, la profession proposa de créer sa propre structure de réglementation : le Conseil Britannique des Censeurs de Films (British Board of Film Censors) en 1913. Des membres de l’industrie cinématographique s’instituaient donc en censeurs de leur propres activités, et le changement de « Censors » par « Classification » n’altérerait pas l’esprit correctif ou directif de cette institution officieuse.
4Le B.B.F.C. est, depuis ses origines, constitué de manière informelle, après accord entre les différentes branches de la profession, le ministère de l’intérieur et les représentants des autorités locales. Il comprend un président, un secrétaire (dont le rôle est prépondérant) et au moins quatre membres, nommés par le gouvernement mais indépendants de lui (non révocables). Il est financièrement autonome, tirant ses ressources des droits qu’il perçoit pour visionner les films3. Son pouvoir est censément celui d’un groupe de sages dont la tâche est d’attribuer à tous les films de fiction (courts-métrages, longs-métrages, bandes annonces) un certificat : on connaîtra les films « U » pour universels, « A » pour adultes (et enfants de 12 à 16 ans accompagnés de leurs parents), « H » pour films d’horreur et « X » (rien à voir avec la classification actuelle) pour films réservés aux plus de 16 ans. Cette dernière catégorie, introduite en 1951 sur proposition du gouvernement travailliste de Clement Attlee, provoqua des réactions ambiguës dans la profession. D’aucuns redoutèrent des pertes de recettes quand d’autres, nous le verrons, virent tout le profit publicitaire qu’ils pourraient tirer de cet étiquetage. Les premiers producteurs à jouer avec les mots furent ceux des studios Hammer en 1955 qui transformèrent le titre de la série télévisée The Quatermass Experiment en The Quatermass Xperiment.
5De 1948 à 1957, le B.B.F.C. a pour secrétaire Arthur Watkins. Le Conseil rejette cinquante films, soit six par an en moyenne4. La Grande-Bretagne connaît alors une période de prospérité indéniable qui tranche avec les difficultés de la guerre et de l’immédiat après-guerre. Le discours dominant est traversé par les concepts de croissance (growth) et d’abondance (affluence)5. Le paysage politique est marqué par le consensus : on forge à l’époque le concept de « Butskellism », mot-valise reprenant les noms de R.A. Butler, figure de proue de la gauche du Parti Conservateur, et de Hugh Gaitskell, leader (modéré) du Parti Travailliste. La croissance permet à la droite qui gouverne d’annoncer la fin de la lutte des classes et un choix de société différent de celui de la social-démocratie, tandis qu’à gauche on veut croire à des lendemains meilleurs pour la classe ouvrière, sans avoir à attaquer le capitalisme et l’Establishment de front. Bref, la tendance est à l’embourgeoisement, à une amélioration du statut d’une frange importante de la classe ouvrière grâce à la formation permanente (professional training, Open University), beaucoup étant certains que la Grande-Bretagne est en train de créer un nouveau modèle de société reposant sur les piliers suivants : croissance, technologie, consommation, bien-être6.
6C’est en cette ère d’harmonie et de lendemains chaque jour meilleurs que vont surgir des expressions radicalement contestataires dans le théâtre, le roman et le cinéma7. Car sous la surface d’une amélioration globale indéniable persistaient des tensions, des poches de pauvreté, des expressions récurrentes d’une véritable névrose sociale, sans oublier les premières difficultés d’intégration pour les immigrants en provenance du Commonwealth8. D’où, assurément, une très grande vigilance – sur laquelle nous reviendrons – de la part des censeurs face au cinéma à vocation sociale de la fin des années cinquante et des années soixante. La censure se montre très sourcilleuse dans le domaine moral. Un exemple fameux est Psychose d’Alfred Hitchcock. La scène de l’assassinat dans la douche est d’autant plus saisissante qu’on entend de manière très réaliste le poignard s’enfoncer dans le corps de la jeune femme. Le B.B.F.C. demande que les quatorze coups originels soient réduits à trois (il y en a huit dans la version française doublée, la séquence de l’assassinat au poignard durant 22 secondes au lieu de 45). Sous le règne de Watkins, un film sur trois environ fait l’objet de coupures, les œuvres les plus censurées étant les films violents en provenance des Etats-Unis. La censure s’exerça modérément à l’encontre des films d’outre-Atlantique a priori « immoraux » car un premier filtrage avait été établi grâce au Code Hays. La M.P.P.A. (Motion Picture Association of America), association corporative des grandes compagnies, s’était donnée dès 1930 une réglementation interne visant à interdire tout film susceptible d’abaisser le niveau moral des spectateurs9.
7John Nicholls succède à Arthur Watkins jusqu’en 1958. Vingt films sont rejetés sous sa férule en moins de deux ans. Lui succède un autre membre du Conseil, John Trevelyan, qui va régenter le B.B.F.C. de 1958 à 1971 en s’efforçant d’élaborer une politique cohérente de censure cinématographique. Guère plus libéral que ses prédécesseurs (il refuse une moyenne de douze films par an), il va cependant parvenir à se faire respecter de la profession en la respectant, mais sans renier ses principes.
8Dans quel climat social, politique et culturel évolue alors le B.B.F.C. ? En 1982, Margaret Thatcher fustigera « les théories à la mode et le boniment laxiste » d’une décennie sans discipline et sans retenue10. De fait, alors que, a contrario, les pouvoirs de la police se trouvèrent renforcés à cette époque par une réorganisation des services en 1964 (cette police se distinguant alors par des cas de corruption de plus en plus fréquents dus, entre autres, au développement des salles de jeux), il est indéniable que ce que l’on appellera par la suites les swinging sixties marquèrent une avancées considérable en matière de libéralisation des mœurs. Un premier signal avait été donnée 1960 lorsque Penguin Books (dirigé par Allen Lane, homme marqué à gauche) décida de publier une version non expurgée de L’Amant de Lady Chatterley en édition brochée. Les éditions Penguin furent poursuivies pour obscénité. Le procès qui s’en suivit fut assurément un des procès du siècle. De nombreuses autorités intellectuelles, morales, religieuses vinrent témoigner, le plus souvent en faveur du livre. Le procureur se tourna en ridicule en demandant aux membres du jury s’ils donneraient à lire cet ouvrage à leurs serviteurs et Penguin Books fut acquitté. Ce jugement contribua à déplacer les limites de l’acceptable en matière sexuelle. Par la suite, le retour au pouvoir des Travaillistes aidant, plusieurs lois firent de la Grande-Bretagne l’un des pays du continent européen les moins contraignant pour l’individu. Furent alors libéralisées les lois sur l’avortement, le divorce, la contraception, l’homosexualité, tandis que la peine de mort était abolie. Le plus remarquable étant peut-être que la plupart des ces lois furent discutées à l’initiatives des parlementaires (qui, dans plusieurs domaines, étaient en avance sur le pays réel) et non du gouvernement11. Le cinéma avait précédemment joué son rôle d’éveil des consciences. Ainsi en 1956, Yield to the Night, avec la vedette Diana Dors, avait mis en scène l’histoire vraie de la condamnation à mort d’une femme d’origine populaire ayant tué son amant d’origine bourgeoise. En 1961, Dirk Bogarde avait incarné un personnage homosexuel dans Victim. L’année précédente, deux film avaient narré la vie d’Oscar Wilde (Oscar Wilde et The Trials of Oscar Wilde). Il avait fallu attendre 1958 pour qu’il ne soit plus illégal d’aborder le sujet de l’homosexualité au théâtre, sous conditions que les personnages jouent un rôle réel dans l’intrigue et qu’ils ne s’embrassent ni ne s’étreignent sur scène. En 1969, Ken Russell pourrait filmer deux hommes à la sexualité ambiguë luttant nus, dans son adaptation du roman de D. H. Lawrence Woman in Love. En 1966, le problème de l’avortement était clairement posé dans Alfie (« Alfie le dragueur », le premier grand rôle de Michael Caine), mettant en scène un prolétaire coureur de jupons, alors qu’auparavant le simple mot « avortement » était interdit au cinéma et dans les œuvres de fiction télévisuelles. En 1967, le B.B.F.C. accepta le mot « bugger » (bougre, pédé) dans les films (l’année précédente le fameux critique de théâtre Kenneth Tynan avait utilisé le mot « fuck » dans un débat télévisé en direct) et en 1968 on voyait pour la première fois une jeune femme nue de face dans le film If de Lindsay Anderson. Il est en outre clair qu’en ces années les pouvoirs publics (magistrats, conseils municipaux, police), mais aussi les groupes de pression, les Églises se mobolisèrent beaucoup moins contre les bandes dessinées pornographiques, les clubs de strip-tease ou les sex shops. De fortes réactions à la libéralisation purent néanmoins se développer. Ainsi en 1964 une association lança une « Campagne pour une Télé Propre » en créant une Association Nationale des Téléspectateurs. La B.B.C., qui avait été tant critiquée comme pilier de l’Establishment se voyait traitée de pourvoyeuse d’obscénités12. Et l’on n’oubliera pas que « l’Affaire Profumo »date de 1963, avec à la clé, le suicide, pendant son procès du Dr Stephen Ward, un riche praticien homosexuel londonien, accusé – à juste titre – d’avoir présenté Christine keeler, prostituée de haut vol et maîtresse d’un diplomate soviétique, au ministre de la Guerre conservateur John Profumo13.
9Lorsque John Trevelyan rédigea ses mémoires de censeur en 1973, il choisit pour épigramme cette phrase défensive et réaliste : « Les temps changent et il faut changer avec eux »14. Avec cette analyse il se dédouanait peut-être à bon compte d’une gestion ouverte mais ferme de la censure officieuse dont il avait la charge et de ses efforts pour tempérer des évolutions inexorables. On va le voir par quelques exemples, la liberté de création allait connaître bien des embûches.
10En mars 1954, un ancien cadreur de David Lean, Ronald Neame, lit le livre à succès de Michael Croft Spare the Rod15. Dans ce roman, Croft (qui dirigera le Théâtre National de la Jeunesse jusqu’à sa mort en 1986) s’appuyait sur son expérience d’enseignant pour raconter l’histoire du jeune professeur idéaliste John Sanders qui, nommé dans un collège très difficile, refuse d’employer des méthodes répressives à l’encontre de très turbulents adolescents issus de milieux défavorisés. Il est bientôt la risée de ses collègues, dont un en particulier qui entretient avec les jeunes des rapports quasiment sadiques. Une équipe de scénaristes de la Rank, la compagnie alors la plus importante de cinéma outre-Manche, propose un scénario au B.B.F.C.16 Trevelyan, ancien enseignant et cadre de l’administration de l’éducation, renvoie le projet à ses concepteurs en laissant entendre qu’après corrections le film pourrait se voir attribuer une autorisation pour adultes et enfants accompagnés d’adultes (« A »)17. Les scénaristes ne se voient guère soutenus par le Président de la Rank, Sir Sydney Harris, qui trouve le scénario « monstrueux » et propose plusieurs modifications susceptibles de trahir l’esprit du livre : ainsi, le proviseur deviendrait un personnage faible, dépassé par les événements, alors que dans le roman il est l’instigateur de la répression, hostile à toute réforme. Le projet tombe à l’eau. En cette occurrence, la censure était venue tout autant des producteurs (qui, vu leur nombre très limité, peuvent s’entendre avec les distributeurs pour faire pression sur les créateurs) que des censeurs institutionnels. En 1956, une deuxième équipe, menée par John Haggarty, soumet un nouveau projet au B.B.F.C. Audrey Field, n° 2 officieux du Conseil, ne se montre pas hostile à cette version18, à condition que le film ne suive pas la pente des succès états-uniens de l’époque mettant en scène la violence des teen-agers : The Blackboard Jungle ou The Wild One19. Le projet échoue une deuxième fois. Une troisième mouture est soumise au B.B.F.C. en 1960. Audrey Field observe alors que le hooliganisme offre un visage moins « méchant et plus enfantin ». Et, de manière très significative, elle fait une lecture purement réaliste du film, mélangeant faits et fiction, un peu comme si le cinéma ne pouvait avoir de portée que cognitive, c’est-à-dire comme s’il parlait du monde en en parlant réellement : « Plusieurs des filles de la classe de Sanders sont devenues de vilaines petites créatures. Notre pays est sur une mauvaise pente, et ce scénario est indéniablement une peinture réaliste de la situation »20. Le film, mis en scène par Leslie Norman, avec dans le rôle principal Max Bygraves, sort finalement en mai 1961, certifié « A ». La production tire immédiatement profit de ses difficultés avec la censure et affiche à la devanture des cinémas : « Le film qu’ils ont essayé d’interdire ». Quels enseignements peut-on tirer de ce premier exemple ? D’abord que la profession et la censure collaborent au plein sens du terme. Les compagnies sont attentives aux désirs des censeurs, qui, pour leur part, critiquent de manière constructive les projets soumis. Et puis les membres du B.B.F.C. s’assument comme des gens de culture, d’expérience, extrêmement sensibles à la réception future des œuvres. Il est certain que ces sages n’aiment pas censurer : ils n’utilisent les ciseaux ou l’interdiction qu’en dernier ressort, et c’est la raison pour laquelle ils préfèrent lire les scénarios avant tournage.
11Un deuxième exemple, plus édifiant encore, serait celui de Room at the Top. Ce film, annonciateur du « Free Cinema »21, est l’adaptation fidèle du roman éponyme de John Braine, publié en 1957, l’un des plus gros succès de l’époque. L’histoire raconte la démarche totalement cynique d’un jeune homme ambitieux (Joe Lampton) à qui son passé de prolétaire fait horreur et qui, pour se faire une « place au soleil », décide de commettre quelques actions méprisables, comme épouser la fille d’un patron qui tient la ville sous sa coupe, après avoir fait une croix sur une passion torride qu’il vient de vivre avec une femme plus âgée que lui (Alice Aisgill22). Nous sommes ici en présence d’une œuvre à prétention sociale, mettant en scène des antagonismes, sinon la lutte des classes, critiquant férocement le paternalisme et la manière dont la grande bourgeoisie se reproduit. Les producteurs du film, John et James Woolf, choisissent de ne présenter leur œuvre au B.B.F.C. qu’une fois le film tourné. Les censeurs émettent alors de très sérieuses réserves. Ils exigent ainsi que le mot « lust » (désir charnel) soit remplacé par « time » dans la phrase « Don’t waste your lust » – ce qui, vu le contexte, ne voulait plus dire grand chose – et que le mot « bitch » (chienne, salope) soit remplacé par « witch » (sorcière). Par ailleurs, Alice Aisgill mourant à la fin du film dans un accident de voiture (épisode raconté et non montré), les censeurs ne purent tolérer qu’on dise de la femme qu’elle avait été « scalpée ». L’équipe du film accepta ces injonctions, regrettant que le B.B.F.C. n’ait pas payé ses efforts louables en retour, comme en témoigne une lettre de John Woolf à John Trevelyan :
J’aimerais que l’épisode de la mort d’Alice ne fût pas trop édulcoré. Dramatiquement parlant, cet épisode est terriblement important et je pensais que le fait qu’Alice périsse violemment serait perçu par les censeurs comme une fin morale. Comme je vous l’ai déjà dit, nous avions dans un premier temps imaginé filmer la scène, puis nous avons changé d’avis, estimant alors que de faire raconter l’épisode par d’autres personnages ne poserait aucun problème de censure.23
12Mais, moralement parlant, le problème le plus sérieux (et qu’on retrouvera dans d’autres œuvres) était posé par une scène représentant le héros Joe Lampton et Mavis, une de ses conquêtes, au moment précis où ils venaient de faire l’amour. Il était alors parfaitement clair qu’on se trouvait dans un moment post-coïtal, ce qui était intolérable pour la censure. La scène dut être rejouée afin d’édulcorer la forte connotation sexuelle. Le film fut programmé avec un certificat « X » ce que la production utilisa dans sa campagne promotionnelle : « Une histoire sauvage de désir et d’ambition ». Une fois encore, la collaboration avait été des plus fructueuses, comme en témoigne une lettre du réalisateur Jack Clayton à John Trevelyan, lettre dont on voudrait croire qu’elle n’était pas exempte d’ironie :
J’ai fait un éloge enthousiaste de votre relation au cinéma à tous les journalistes et autres personnes concernées que j’ai pu rencontrer. J’estime merveilleux pour notre industrie d’avoir des censeurs souhaitant aider et encourager la réalisation de films pour adultes.24
13De fait, la politique de Trevelyan était bien d’encourager la production de films « A » ou « X » de qualité, ne serait-ce que pour tenter de contrecarrer la baisse d’audience des films (25 millions d’entrées en 1950 contre 11 millions en 1959). Vu le succès du livre et du film Room at the Top, les décisions du B.B.F.C. allaient désormais servir, pour une dizaine d’années au moins, d’outil d’étalonnement quant aux limites à ne pas franchir pour des réalisateurs prétendant à la qualité.
14La pièce de John Osborne Look Back in Anger (1956) a marqué une ère nouvelle pour le théâtre anglais. Son héros, Jimmy Porter, est un fils d’ouvriers à qui la victoire travailliste de 1945 a permis de poursuivre des études universitaires. Mais il éprouve une véritable rage contre l’Establishment, et surtout contre un monde sans lendemain. L’éducation l’a coupé de ses origines ouvrières mais l’accès à la bourgeoisie lui est interdit. Ayant épousé une jeune fille de la middle class, il se trouve à la lisière de deux univers, et ses dimanches (le titre français de la pièce est La paix des dimanches) ne sont qu’ennui et réflexions stériles sur la cause perdue qu’il prétend défendre. Cette pièce phare (qui a connu quelques problèmes avec la censure) était donc très profondément existentielle et politique. Look Back in Anger connaît un succès considérable à Broadway, ce qui encourage la Warner à préparer une version cinématographique avec Richard Burton – déjà une vedette de premier plan outre-Manche – dans le rôle de Jimmy Porter. Le scénario est soumis au B.B.F.C. qui estime que le projet mérite un « A » pour l’histoire et un « X » pour la grossièreté du langage25. Audrey Field s’offusque des allusions à l’avortement de l’héroïne et, comme cela avait été le cas pour Room at the Top, elle n’apprécie pas que Jimmy puisse éprouver du plaisir à la simple évocation de ses relations sexuelles. Elle critique par ailleurs le discours sadique de Jimmy lorsqu’il souhaiterait voir sa femme ramper par terre, la figure dans la boue. Un autre membre du Conseil analyse, quant à lui, le scénario d’un point de vue strictement réaliste en se demandant comment une jeune fille éduquée et raisonnable a bien pu tomber amoureuse d’un type aussi « minable »26. Le B.B.F.C. demande expressément aux scénaristes de supprimer le juron « Christ » (à l’époque réellement plus blasphématoire qu’aujourd’hui) et de chercher des synonymes pour les mots « salope », « vierge » et « bâtard ». Il demande enfin que les allusions à l’avortement soient rendus intelligibles aux adultes et inintelligibles aux enfants. Avec ce film, le B.B.F.C. s’en prend donc à la surface des choses, respectant parfaitement la vision politique de la pièce, subodorant peut-être que cette « colère » ne mène nulle part, ne représente aucune menace pour l’ordre établi (de fait, Osborne évoluera de l’extrême-gauche au conservatisme bon teint), et que ce qui intéresse en priorité les jeunes cinéastes c’est de faire de bons films, de dépoussiérer les structures sans même faire mine de vouloir les changer.
15Le film de Karel Reisz Saturday Night and Sunday Morning sort en octobre 1960. Il est adapté du roman d’Alan Sillitoe, publié deux ans auparavant, et qui a connu un succès considérable (à l’époque la troisième vente du siècle après L’amant de Lady Chatterley et Peyton Place). Sillitoe est un ancien ouvrier des Midlands et son livre peint le prolétariat de manière très réaliste. Son héros Arthur Seaton est aliéné par le travailet il ne vit que pour les virées au pub du week end, où il trouve chaleur, solidarité et défoulement. L’art et l’originalité de l’auteur consistent donc à exprimer les mécanismes de l’exploitation par le biais d’un individu très limité qui ne tente de se libérer que par la violence ou le rêve. Au moment précis où le pays connaît une réelle croissance et où les Conservateurs au pouvoir s’efforcent de convaincre les électeurs que « Ça n’a jamais été aussi bien pour [eux] » (le slogan des Conservateurs « You never had it so good » répondant en écho à une certaine résignation ouvrière exprimée par le fameux « I’m all right, Jack ! »), Sillitoe fait entendre une autre musique politique et sociale : celle d’une société coupée en deux, sans fraternisation possible entre les patrons et les ouvriers. Une nouvelle fois le B.B.F.C. se montre sourcilleux face à un essai d’avortement par un bain bouillant et une bonne rasade de gin avant de laisser filer dans la mesure où l’avortement échoue, et il offre une fois encore une interprétation positiviste : « le héros est un type immoral qui mériterait sans conteste de finir en prison dans la vraie vie »27. Un épisode cocasse oppose les censeurs aux créateurs à propos du mot « bugger ». Sillitoe souhaite que l’acteur prononce le mot « bogger » comme on l’entend à Nottingham, mais le B.B.F.C. exige qu’on entende « beggar » (mendiant), malgré l’incohérence de la suggestion.
16A Taste of Honey, film lui aussi adapté d’une pièce célèbre, va poser des problèmes non négligeables aux censeurs. Après avoir réalisé l’adaptation de la nouvelle de Sillitoe La solitude du coureur de fond28, Tony Richardson s’attaque en 1962 à l’adaptation de la pièce de Shelagh Delaney, dramaturge de dix-huit ans. La pièce et le film s’en prennent à un nombre impressionnant de tabous. L’héroïne est la fille d’une prostituée « indépendante » qui s’amourache d’un Antillais dont elle tombe enceinte et qui disparaît une fois ses désirs assouvis. Elle se met alors en ménage avec un Anglais de souche, dont on s’aperçoit rapidement qu’il est homosexuel. Le film – comme la pièce – était d’autant plus prégnant que les personnages se mouvaient de manière parfaitement vraisemblable dans un quotidien respecté par les créateurs et que l’écriture était d’une grande sobriété. Le film fut classé « X » après suppression des « Christ » et de quelques expressions du style « avoir un Polichinelle dans le tiroir» ou « avoir le ballon ». Pour décapante qu’elle ait pu être, cette histoire était tout à fait en prise avec le réel quand on se souvient qu’à la fin des années cinquante une enquête menée par la British Medical Association avait par exemple révélé qu’une jeune mariée sur quatre âgée de moins de vingt et un ans était enceinte au moment du mariage et qu’un enfant sur six était conçu en dehors des liens du mariage29.
17Que retenir de cette politique volontaire d’autocensure ? D’abord qu’elle s’est perpétuée. Aujourd’hui, les autorités locales ont toujours le droit d’interdire l’accès des salles aux enfants ou d’interdire la projection de tel ou tel film. Elles ne le font jamais de manière arbitraire mais après l’avis du B. B. F. C. Cet organisme n’a toujours pas élaboré de code officiel de censure et il refuse très rarement la certification. Les catégories actuelles sont « U » pour tout public, « PG » (Parental Guidance) lorsque l’accord des parents est nécessaire, l’interdiction aux mineurs de moins de douze, quinze ou dix-huit ans, enfin « Restricted 18 » lorsque la permission n’est accordée qu’à des adultes fréquentant des établissements dont l’accès est privé ou restreint, comme les clubs.
18Plus généralement, on dira que toute société connaît des limites et revendique, avec plus ou moins de précision, ses limites. En pays démocratique, la censure est politique dès lors qu’elle veut devancer, prévenir, voire interdire des expressions perturbant ou contestant les valeurs dominantes. La censure est vécue comme une prophylaxie d’autodéfense. « Ce qu’on veut brider en toi, cultive-le parce que c’est toi », disait Cocteau à un jeune créateur. Un acte de censure révèle la nature du censeur et du censuré. En matière de représentation du corps social, de liberté sexuelle, de religion, de politique, les tabous en vigueur ne sont pas forcément le produit de préjugés ou d’actes de défense. Surtout quand il est de masse, l’art est le lieu d’une tension entre un besoin d’exprimer ou de susciter des changements et la réception ou la résistance à cette expression ; il est aussi consolation dans la mesure où il permet la manifestation de sentiments ou de comportements impossibles à extérioriser dans la vie réelle30. Face à cette dynamique, la société institue des repères, des jalons, des freins. Par delà l’illusion de l’universalité, un pouvoir d’expression démocratique peut avoir recours à une censure directe et officielle s’il estime qu’il doit protéger ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes. Le risque étant alors de pénaliser des créations de valeur alors qu’il sera difficile de sévir contre des artistes plus médiocres mais experts en matière de guérilla provocatrice. Dans une perspective moins dramatique, les créateurs sont eux-mêmes encouragés à se discipliner, tandis que les spectateurs sont invités à respecter les codes de bonne conduite institués dans un esprit consensuel. Le cinéma britannique (producteurs, créateurs, public) a donc choisi cette deuxième branche de l’alternative, favorisant la recherche d’une voie moyenne, du bon goût, de ce qu’on nomme en anglais decency, avec une tendance à écarter l’excès, mais aussi l’ambigu, le symbolique, l’absurde, l’incohérent chaque fois qu’il y avait risque de défamiliarisation ou de difficulté pour le public à participer pleinement31. Naturellement, des créateurs s’insurgèrent contre les limites de l’institution autocensurante censée refléter ou devancer les préférences des spectateurs, mais qui, volens nolens, défendaient les piliers de l’ordre existant. On n’oubliera pas non plus la « censure » amicale des sociétés de production ou de distribution « conseillant » à tel ou tel créateur d’abandonner tel ou tel projet pour des raisons de rentabilité. Mais même si les artistes ont pu être frustrés par certaines décisions de l’organe de régulation, le cinéma britannique, pour cette période en particulier, n’a pas connu – ce qu’on dénomme outre-Manche, faute de mieux, par une expression française – de cause célèbre identique à celle du film La Religieuse d’après Diderot.
19Enfin, on pourra se demander s’il peut exister une sexualité ou une violence sans discours sur la sexualité ou la violence, et donc sans représentation ? C’est, de brillante et paradoxale manière la question que posait Pierre Bourdieu en tête de son étude de L’Education sentimentale : « Qu’est-ce en effet que ce discours qui parle du monde (social ou psychologique) comme s’il n’en parlait pas ; qui ne peut parler de ce monde que sous la condition qu’il n’en parle que comme s’il n’en parlait pas, c’est-à-dire dans une forme qui opère, pour l’auteur et le lecteur, une dénégation (au sens freudien de Verneinung) de ce qu’il exprime ? »32. Freud comparait la censure aux « passages caviardés » des journaux. Censurer, c’est installer un « blanc » dont le rôle est de masquer les refoulements, ou au contraire – mais ce qui revient au même – la montée du désir. Souhaiter dire « bugger » dans un film revient à dialectiser un désir, à socialiser une parole, à formaliser un dire. Remplacer « bugger » par « beggar », c’est vouloir évacuer la mise en forme du fantasme avant de censurer le moi et – dans le cas d’un art de masse – la morale collective.
Notes
1 Sur le climat de grandes légèreté régnant alors dans certaines classes de la société, on se reportera au classique La vie quotidienne au temps de Georges III d’André Parreaux, Paris, Hachette, 1966.
2 Depuis 1948, une licence est exigée pour ouvrir une nouvelle salle. Un régime de quotas à l’importation a par ailleurs été établi afin de protéger le cinéma national.
3 Lire P. O’Higgins, Censorship in Britain, Londres, 1972, et D. Tribe, Questions of Censorship, Londres, 1973.
4 Voir James C. Robertson, The Hidden Cinema. British Film Censorship in Action, 1913-1975, Londres, Routledge, 1989.
5 L’ouvrage célèbre de John Kenneth Galbraith, The Affluent Society, est publié à Londres en 1958.
6 Voir Vernon Bogdanor et Robert Skidelski (dir.), The age of Affluence 1951-1964, Londres, Macmillan, 1970.
7 Sans parler de ce que l’on appellera quelques années plus tard la pop music, avec des épigones anglais d’Elvis Presley tels Tommy Steele ou Billy Fury. Voir Bernard Gensane, L’Autre Angleterre, Paris, Bordas, 1971.
8 Voir B. Gensane, op. cit.
9 Pour mémoire, en République Fédérale d’Allemagne, la liberté d’expression cinématographique est garantie par l’article 5 de la loi fondamentale du 23 mai 1949. Les films ne doivent ni heurter les conceptions religieuses, ni favoriser les tendances nationales-socialistes, militaristes, impérialistes, racistes, ni compliquer les relations internationales de l’Allemagne avec les autres États, ni violer les bases constitutionnelles de l’État Fédéral, ni fausser les faits historiques. En Italie, une loi de 1962 instituant auprès auprès du Premier Ministre une commission de contrôle peut interdire les films ou en restreindre la vision aux personnes de plus de dix-huit ou quatorze ans. En France, le système de censure est particulièrement compliqué. Il y a d’abord une censure centralisée au stade de la production, qui peut porter sur l’autorisation de la projection du film, ou son classement « pornographique » (qui lui fait supporter de lourdes charges financières). Ensuite s’ajoutent les censures communales au niveau des salles d’exploitation. Depuis 1919, aucun film ne peut être projeté sans visa ministériel. Depuis 1961, le ministre statut sur avis d’une commission de contrôle des films cinématographiques. Les motifs de refus du visa sont la défense des bonnes mœurs et le respect des traditions nationales. Depuis la loi de finances du 30 décembre 1975, le gouvernement, sur avis de la commission de contrôle, peut classer les films « pornographique ou d’incitation à la violence », dits « X » (interdiction aux mineurs, pénalisation fiscale). Voir Encyclopœdia Universalis, article « Droit du cinéma », 1986, tome 5, p. 855.
10 The Guardian, 28 mars 1982.
11 La peine de mort fut abolie en 1965 pour une période d’essai de cinq ans, puis définitivement en 1969, indéniablement contre la majorité de l’opinion publique. L’Abortion Act fut voté en octobre 1967. Une loi de 1929 avait permis l’avortement lorsqu’il était accompli « de bonne foi » pour préserver la vie de la mère. La loi sur l’homosexualité (Sexual Offences Act), votée en juillet 1967, permettaient une relation homosexuelle entre adultes majeurs consentants. Le Divorce Reform Act de 1969 introduisait entre autres la notion de consentement mutuel. Parallèlement, le Theatres Act de 1968 mettait fin au droit dont disposait le ministre de la justice de censurer les pièces de théâtre. Rappelons que la censure au théâtre en France a été abolie e, 1906 quand le Parlement refusa de voter les crédits qui lui étaient affectés.
12 Mary Whitehouse, Cleaning up T.V : from Protest to Participation, Londres, 1967.
13 Dans cette affaire, dont on tira des films de fiction, la presse, parfaitement au courant des tenants et des aboutissants, se censura un bon moment : aucun journaliste n’ayant naturellement tenu la chandelle, les preuves matérielles étaient impossible à apporter. « Fleet Street » avait pu cependant prendre sa revanche sur un scandale précédent : en 1962, des journalistes avaient été jetés en prison pour avoir refusé de révéler les sources qui les avaient amenés à écrire sur qu’un haut fonctionnaire de l’Amirauté, condamné à dix-huit ans de prison pour avoir vendu des secret à l’URSS, avait eu une liaison avec un ministre de l’Amirauté. Le bruit avit couru que Lord Carrington, figure importante de la Chambre des Lords et futur ministre de Madame Thatcher, avait trempé dans cette affaire de mœurs et d’espionnage.
14 What the Censor Saw, Londres, 1973.
15 « To spare the rod » c’est ne pas utiliser une baguette pour frapper. « Spare the rod and spil the child » est l’équivalent en français de « Qui aime bien châtie bien ».
16 Les compagnies pouvaient proposer leurs scénarios avant le tournage ou prendre le risque de soumettre le film une fois terminé.
17 B.B.F.C. File on Spare the Rod : reader’s report, 4 octobre 1954.
18 B.B.F.C. File on Spare the Rod : reader’s report, 4 décembre 1956.
19 The Wild One, en français L’Équipée sauvage (avec Marlon Brando composant dans ce film un personnage de rebelle qui allait devenir mythique) fut projeté sur les écrans britanniques en 1954 ; The Blackboard Jungle (Graine de violence) sortit en 1955, avec un certificat « X » et six minutes de coupures.
20 B.B.F.C. File on Spare the Rod : reader’s report, 25 novembre 1960.
21 Le « Free Cinema » naquit en 1956 lors du manifeste de Lindsy Anderson, son principal théoricien. Il acquit une réelle indépendance lorsque Tony Richardson et John Osborne (avec l’aide de Harry Saltzman de Warner Brothers) fondèrent la société de production Woodfall Films soutenue par le réseau de distribution British Lion.
22 Ce personnage était joué par Simone Signoret, qui décrocha avec ce rôle le premier Oscar attribué à un acteur français. Titre du film en français : Les chemins de la haute ville.
23 Voir Arthur Marwick, « Room at the top : the novel and the film » in Marwick (dir.), The Arts, Literature and Society, Londres, 1990.
24 Arthur Marwick, op. cit.
25 B.B.F.C. File on Look Back in Anger : reader’s report, 28 août 1958.
26 B.B.F.C. File on Look Back in Anger : reader’s report, 29 août 1958.
27 B.B.F.C. File on Saturday Night and Sunday Morning : reader’s report, 20 novembre 1959.
28 Le film fut classé « X ». L’histoire de cet adolescent qui se rebelle contre la direction de la maison de correction où il est enfermé serait aujourd’hui totalement banale.
29 John Montgomery, The Fifties, Londres, Allen and Unwin, 1965.
30 Selon certains analystes, le développement du cinéma a contribué à faire chuter l’alcoolisme en Grande-Bretagne : 189 000 personnes furent condamnées pour délit d’ivresse en 1913 contre 53 000 en 1930. Voir Henry Pelling, Modern Britain, 1885-1955, Londres, Sphere Books, 1960.
31 Un critique de cinéma célèbre des années 50, John Wilcox, résuma cette problématique dans un article au titre très ironique : « the Small Knife ». « Le fait le plus frappant que l’on décoiuvre lorsqu’on étudie la question de la censure filmique dans notre pays, c’est que, en dépit de notre dégoût traditionnel pour la censure presque tout le monde qualifie la situation actuelle de raisonnable. Une telle coopération entre censeurs et censurés est difficile à concevoir dans tout autre pays ». Sight and Sound, printemps 1956. Cité para Jacqueline Louviot, « Sight and Sound et le cinéma britannique des années 50 et 60 », thèse de doctorat, Universté de Strasbourg II, 1997.
32 Pierre Bourdieu, Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Le Seuil, 1992.