- Accueil
- > Revue papier (Archives 1993-2001)
- > Censure(s) et identité(s)
- > Expression artistique et censure
- > Boléro et censure
Boléro et censure
Par Marie-Catherine CHANFREAU
Publication en ligne le 27 octobre 2015
Texte intégral
1Dès son apparition au XVIIIesiècle le boléro1 est vecteur ou objet de la censure, état de fait qui se répercute au-delà des Pyrénées et tout au long du XIXesiècle, car, dans l’inconscient collectif, le boléro, tel les danses sensuelles qui ont préparé sa venue, correspond à l’archétype d’un rythme2 euphorisant, régi par le « principe du plaisir » et dont la libido constitue l’énergie potentielle. Ce « ça », de caractère essentiellement sexuel, ne cristallise pas uniquement des désirs de bonheur et de liberté dans la Péninsule, mais fait aussi rêver à l’étranger. Son essence mitigée entre l’exotisme et le brio permet au boléro d’être si bien adopté hors de ses frontières, qu’à son tour, il en arrive presque à provoquer le même type de réaction qu’à domicile. Alors, pour sauver l’ordre établi, ces fantasmes sont immédiatement proscrits par le « principe de réalité » des deux côtés des Pyrénées. Constituant des idiomes actifs contre le musellement, le boléro, la folía, la cachucha ou « la chahut » se voient réprimés par des décrets, des lois, ou décriés dans des essais éthico-didactiques.
2Dans la chrétienté médiévale, les salles de spectacle, considérées comme des antres du démon, se trouvent sous l’anathème des pères de l’Église qui condamnent la luxure des jongleurs incitant à des danses lascives3. En Espagne – où l’infamie liée au statut des comédiens et à ceux qui s’unissent ou procréent avec eux, remonte très officiellement aux Sept parties du roi de Castille et de Léon, Alphonse X le Sage, qui les prive de droits civils et déshérite leurs enfants4 –, la Renaissance et le Siècle d’Or restent vigilants. Si la sarabande, ancêtre du boléro, est interdite en 1583 avec trois types de peines (deux cents coups de fouet pour ses chanteurs, les galères pour ses danseurs et le bannissement pour ses danseuses) au siècle suivant les pas de la danse espagnole de cour, qui constitueront également la base du boléro, se doivent de symboliser l’élévation propre à la noblesse :
Emboîtages [...] l’emboîtage qui se fait sans sauter, est très frivole et mal vu. Et toute la danse requiert d’être faite en sautant, ou en tendant le corps vers le haut [...] pour qu’il soit gracieux : parce que la Danse sans tension est très nigaude. Ronds de jambe [...] et c’est très essentiel à la Danse, de danser avec suavité, et de ne pas faire de bruit sur le sol : car il est très mal vu de traîner les pieds, ou de taper du pied.5
3Le Siècle des Lumières ne s’affranchit guère de si lourdes censures religieuses et sociales. Alors que dom Nicasio de Zárate – théologien austère et prêtre missionnaire dans l’évêché de Jaén – réprouve toutes les danses sans exception6, des ecclésiastiques proposent la fermeture des théâtres dans la Péninsule. C’est pourquoi des lois relatives au théâtre stipulent en novembre 1753 qu’il faut y ôter son chapeau, son bonnet ou sa résille, ne pas entrer dans les loges des artistes, ne pas faire de chahut, fumer ou crier, et que les spectatrices ne peuvent avoir affaire qu’à des recibidoras (receveuses) :
9° Aux galeries réservées pour elles, les femmes observeront la retenue et la réserve dans le maintien qui correspondent à leur sexe.7
4Officiellement soutenu et fruit d’une nouvelle idéologie, un théâtre néo-classique apparaît alors. Aussi préoccupé par les règles formelles de l’art dramatique que par un contenu de finalité éducative, il aspire à devenir un instrument de réforme civique et morale au service d’une transformation de la société, non pas désintéressée, mais fondée sur une politique cohérente dirigée par le pouvoir. Attirant un public moins empressé et moins nombreux que ne le fait le théâtre populaire d’amusement spectaculaire, ses pièces opposent au dangereux divertissement de la danse les nobles qualités de la Comédie :
Voici car elles sont uniques et seules
Des royales Comédies Espagnoles
Les plus curieuses spécialités ;
Passons maintenant à leurs utilités.
La Comédie est lumière des puissances,
Docte université de toutes les sciences ;
Elle adoucit les chagrins humains,
Vitupère et réforme les mœurs ;
Elle illumine le sens avec son idée,
Elle divertit le cœur, rassérène l’âme ;
Elle est mère de la valeur et du courage ;
Elle montre la courtoise politesse ;
Elle est des Royaumes lustre et document,
Et de toutes les Cours l’ornement.
Au noble elle enseigne ce qui est prudent,
Au soldat ce qui est élégant, et ce qui est vaillant.
La prévenance à l’ami, et la vigilance ;
À la femme mariée, la constance,
À la veuve, la consolation de son étoile,
Et enfin la chasteté à la jeune fille.
Si elle propose des vices avec des louanges exagérées,
Elle en démontre aussi ensuite les dégâts.
Tandis que de la Comédie délicieuse
Dure la narration ingénieuse,
Cessent dans la République les vices,
Meurtres, insultes, vols et tumultes,
Que chez les jeunes gens vigoureux et hardis
Entraînent les loisirs de la cour.
Il n’y a pas de divertissement humain qui, ingénieux,
Soit moins nocif et dangereux ; [...]
Le danger dans les bals n’est pas rare,
Car on trouve un danger à chaque pas.
La Comédie seulement sans tumultes
Est exempte de semblables précipices.8
5Cette méfiance concerne tout autant des rites ancestraux. Le 5 octobre 1765, l’évêque d’Orihuela dom Joseph Tormo interdit le velatori valencien exécuté avec des castagnettes et des pas de boléro lors de veillées funèbres pour les enfants de moins de sept ans. Malgré toutes ces entraves, les séguedilles, boleras et boléros envahissent le pays. Elles popularisent jusque dans le beau monde le costume chamarré de majo dans lequel on les interprète, fait immédiatement dénoncé par un décret9 visant les personnes de qualité qui se déguiseraient de jour comme de nuit au détriment de leur rang. Les sphères privées sont aussi contrôlées que les sphères publiques, et la loi essaye de mettre bon ordre dans les théâtres offrant des spectacles de séguedilles, boleras et boléros :
[1787] Le corrégidor fit coller un édit aux coins des rues [...] essayant de réprimer enfin les excès des furieux polonais, chorizos et paindurs, noms par lesquels étaient connus les factions ou partis qui dans les trois théâtres de Madrid décidaient du succès des représentations, sans autre loi que leur caprice et l’esprit de cabale, on interdisait, sous peine de sévères châtiments que quiconque s’enhardît à satiriser en espagnol, en italien ou en toute autre langue, sauf pour moquer des manières ridicules ou des défauts publics non liés à des nations, ou à des personnes déterminées que l’on pourrait reconnaître sans peine.10
6Si les séguedilles, boleras et boléros chantés rejoignent également les préceptes du théâtre édifiant11 néoclassique, leurs paroles n’échappent guère à la surveillance. Les tonadillas – intermèdes monologués ou dialogués, mêlés de chant –, s’achèvent sur une séguedille bolera. En catalan, français, italien ou latin, et qualifiée selon le caractère de l’intrigue et des personnages de « volubile », « élégante », « sérieuse », « belliqueuse » ou « miscellanée », elle réunit les divers interlocuteurs à l’unisson ou en contrepoint, et joue le rôle d’un père soucieux de ramener ses enfants, par l’exemple des mésaventures d’autrui, dans la voie de la vertu. Effectivement, sans justifier les satires ni s’excuser de leurs recommandations et dissuasions audacieuses auprès de ceux qui pourraient se sentir visés, les voleras – ou voles en abrégé – commentent, jugent ou résument l’anecdote de la tonadilla dont elles expliquent les intentions. Elles en insinuent la morale, font des réflexions, censurent, avertissent des dangers, donnent des conseils décisifs pour corriger les vices, indiquent des remèdes ou des instructions. Dans leurs œuvres, exclusivement destinées à la consommation locale, les compositeurs et auteurs dramatiques espagnols s’attachent à garder un lien avec le peuple. Soit ils l’idéalisent en le plaçant dans l’univers pastoral, soit ils le croquent avec plus de réalisme dans le Madrid des marchandes, des couturières et des servantes. Pour souligner leur crédibilité, leurs paroles de séguedilles, de la Manche ou non, sont quasiment traditionnelles, surtout à l’époque où la censure anti-révolutionnaire accentue sa vigilance. En septembre de cette année 1790 où la Casa de Contratación des Indes (tribunal du commerce américain) est supprimée à Cadix, le correcteur Santos Díez González censure Quien lo hereda, no lo hurta (Celui qui en hérite, ne le vole point) de Jacinto Valledor, car le texte des séguedilles s’écarte de l’action dramatique12.
7Ramón de la Cruz Cano y Olmedilla témoigne de l’attachement fidèle des petites gens pour les séguedilles de la Manche dans La Petra y la Juana ó el Casero prudente en 1791, année où le comte de Floridablanca, principal ministre de Charles III, homme d’Etat et chef du gouvernement qui réorganise l’instruction publique et la marine, prend des mesures sévères pour contrer la propagande révolutionnaire : le 24 février, suppression de tous les journaux non officiels13 ; le 20 juillet, interdiction de parler de la Révolution dans ceux qui restent14 ; et le 21 août, surveillance des étrangers, particulièrement des Français, qui doivent jurer fidélité au roi d’Espagne, alors qu’une action parallèle de l’Inquisition s’exerce surtout sur le contrôle des textes imprimés15 :
Une séguedille
de la Manche vaut
vingt paires
de boleras.
Qu’un feu maudit brûle
la mode qui même de celaaussi se mêle.16
8Malgré ces imprécations aussi comiques qu’inutiles, la nouvelle formule triomphe, continuant à divulguer le costume de maja dans la haute société, ce qui provoque toujours les foudres du clergé. Car c’est avant tout chez les élégantes aristocrates mondaines que le père José Diego de Cádiz condamne l’habillement immoral de cette danse satanique qui pousse criminellement les pécheurs vicieux à la débauche sensuelle17. Un organe de presse madrilène se fait l’écho, deux ans plus tard, de la mauvaise réputation du boléro, en publiant des vers condamnant âprement cette danse scandaleuse, aux mouvements malhonnêtes et violents. Ils préviennent une demoiselle insensée qui désirait l’apprendre, des conséquences funestes qui, fatalement, la guettent : perte immédiate de l’innocence, ruine assurée de la conscience et cruels tourments de l’âme18. Puisque de surcroît le boléro corrupteur fait perdre du temps et de l’argent19, Juan Jacinto Rodríguez Calderón écrit, avec force exagérations absurdes, patronymes et surnoms éloquents, sur les ravages de ce boléro qui se retrouve banni de la capitale à la fin de sa fiction caricaturale car : « Critiquer les défauts qui avilissent aujourd’hui une magnanime nation d’illustre et excellente origine, c’est s’efforcer de la rendre plus heureuse et la faire revenir à la manière d’être qu’elle avait auparavant »20. En dépit de ce ton moralisateur, le boléro règne, quotidien et omniprésent, de façon indépendante ou intégré dans pièces de théâtre, saynètes, opéras, zarzuelas, intermèdes et fines de fiesta, intéressant le public bien davantage que les œuvres d’auteurs éminents. À ce propos, les admirateurs des interprètes de séguedilles, boleras et boléros s’expriment d’ailleurs de façon trop indisciplinée au goût du pouvoir, puisqu’à l’inauguration de la saison théâtrale madrilène de 1797, l’autorité municipale fait coller un édit interdisant que l’on jette sur scène de l’argent, des friandises et des papiers. Il révèle le désordre dans lequel les spectateurs frondeurs, debout au fond du parterre, mettent les théâtres du Príncipe et de la Cruz et auxquels s’adressent ces châtiments :
Il est interdit au public des théâtres de se livrer à des gestes, des cris et des paroles qui puissent offenser la décence, les bonnes manières, la sérénité et le divertissement des présents, sous peine pour le contrevenant, la première fois, d’être envoyé pour deux mois fermes aux travaux du Prado avec des fers au pied, et pour quatre mois la deuxième fois ; et en cas de plus grande récidive on l’enverra au service de l’armée ou au bagne, conformément à la qualité des personnes, selon ce qu’en jugera la cour.21
9Nonobstant la suspicion qui l’entache, le boléro permet d’affirmer la personnalité culturelle de la Péninsule. En 1799, Vicente Martí compose La isla del placer (L’île du plaisir), premier opéra hispanique qui suggère l’idée de former et de favoriser une école d’opéra purement ibérique chanté par des Espagnols sans mélange d’aucune influence étrangère22. Alors, n’épargnant aucun moyen pour réussir, des personnes de grande influence alimentent constamment une pensée nationale, plaident pour que l’importance de l’opéra espagnol soit magnifiée et obtiennent enfin le 11 mars 1801 que le roi Charles IV élargisse à toutes les possessions de la couronne l’interdiction d’admettre des étrangers dans les théâtres. L’ordre royal clairement conservateur et centraliste, renouvelé en pleine époque napoléonienne, sera suivi jusqu’en 1822 et ne sera rediscuté qu’en 1847 :
7° Instruction : Appendice : Dans aucun Théâtre d’Espagne on ne pourra représenter, chanter, ni danser des Pièces qui ne soient pas en langue castillane, et jouées par des Acteurs et des Actrices nationaux, ou naturalisés dans ces Royaumes-ci, ainsi que l’ordre royal du 28 Décembre 1799 l’ordonne pour ceux de Madrid.23
10Au cours du siècle suivant on assiste à une révision, ainsi :
A force de pousser l’abandon jusqu’aux limites de la lubricité, le soi-disant Bolero perdait de son crédit, au point que les hommes trouvaient rarement une dame ou une demoiselle qui voulût y figurer. Lorsque, pour satisfaire la curiosité de quelque étranger, on voulait jouir du talent d’un amateur, il fallait inviter la Bolera du théâtre, ou chercher dans une classe peu scrupuleuse une danseuse, que l’on payait ; elle entrait dans le salon au moment de danser et s’en allait immédiatement après. Quelques dames se permettaient encore de danser le Bolero au temps du carnaval, mais jamais avec le premier venu : elles acceptaient un cavalier de leur connaissance, en convenant à l’avance des pas qu’ils exécuteraient. [...] La danse du Bolero se trouvait dans un état complet de dégradation (vers 1801) lorsqu’un danseur, nommé Requejo, imagina de la réhabiliter : il voulut d’abord empêcher les danseurs de se livrer à des gestes de mauvais goût, et pour cela il composa des pas qu’il aurait été impossible d’exécuter sans une tenue gracieuse, mais posée. Les coudes ne devaient s’élever tout au plus qu’à la hauteur des épaules, les mains ne devaient jamais dépasser la tête et rarement atteindre à cette hauteur ; il doubla la distance entre le danseur et la danseuse, en établissant des pas qui exigeaient plus d’espace. Il fallait nécessairement plus de lenteur dans le mouvement de la Seguidilla ; mais alors il y avait moins de facilité à trouver des chanteurs, parce qu’il faut plus de talent pour soutenir un chant lent que pour chanter vite une note par syllabe. Il voulut, tout en conservant le fond de la danse primitive qu’il voyait s’altérer, la présenter sous un aspect nouveau, pour éviter l’effet désagréable de la guitare grattée (rasgueada) dans un bal où l’on vient d’entendre deux violons, une basse et une flûte ou un flageolet, jouer des menuets et des contredanses ; il imagina de remplacer la voix du chanteur et l’accompagnement de guitare par une partie d’orchestre. Ayant communiqué son idée à un excellent violoniste, nommé Canada, celui-ci lui composa l’air dont il avait besoin, en faisant exécuter à la flûte la partie du chanteur.24
11Cette réforme s’accompagne de règlements imposés aux salles de spectacles, tel celui de la fin de l’année 1806 interdisant, entre autres25, que les vestiaires d’artistes soient mixtes, que les spectateurs dissimulés sous leurs capes stationnent aux portes des galeries réservées aux femmes, qu’ils y pénètrent ou qu’ils gardent leur déguisement :
8° Les commissaires surveilleront soigneusement que l’on respecte dans les théâtres toute la décence, réserve dans le maintien et bienséance, corrigeant tout Acteur ou toute Actrice qui manque à cela.
Chapitre V : Du Censeur: article 1° Le censeur examinera tous les drames nouveaux, tous les anciens refondus, tous ceux que l’on voudra représenter à nouveau, si dix ans se sont écoulés depuis que l’on ne les exécute pas ; enfin toutes les pièces grandes ou petites que l’on présentera à nouveau au Théâtre.
2° Il dira son avis, non seulement s’il y a dans les œuvres quelque chose contre la religion, les lois et mœurs, qui est la première obligation de son institut, mais aussi si par leur mérite elles peuvent ou non être admises par la commission pour qu’on les représente.On interdit dès à présent les Troupes de Comédiens dites ambulantes, dont le vagabondage est fréquemment préjudiciable aux bonnes mœurs, et leur ensemble composé de personnes corrompues, pleines de vermine et de vices en discrédit de la profession de comédien. [...] Pour la formation de Compagnies de Comédiens on neréadmettra que des jeunes gens de quelque éducation qui sachent au moins lire et écrire, qui aient une conduite réglée et des dispositions pour la profession de Comédien.
Dans l’exécution des représentations, et particulièrement dans celle des Ballets, des Saynètes, des Intermèdes lyriques ou non, les Directeurs veilleront scrupuleusement à ce que soit respecté le bon ton, recommandant aux individus de leurs compagnies lors des répétitions une attitude pudique et réservée dans les actions, et ne permettant ni Chansons ni Ballets indécents ou provocants, qui pourraient en quelque manière provoquer le scandale.
Les Directeurs seront également responsables de la censure que pourrait causer toute comédienne de sa compagnie qui monterait sur les Planches avec indécence dans sa manière de se vêtir
Si les spectateurs, quels qu’il soient, demandent que l’on rejoue les Ballets ou les Intermèdes lyriques, ou qu’un comédien ou une comédienne entre en scène pour exécuter telle ou telle spécialité, le Maire ne devra pas le permettre – quoi que fassent les gens du parterre – et il prendra pour les contenir les mesures qu’il jugera nécessaires.
6° les Saynètes, Intermèdes lyriques et de toute sorte, seront payés au forfait, et une fois pour toutes.26
12Mais les voyageurs étrangers se rendent bien compte que cette surenchère législative prouve la difficulté de canaliser ces danses quelque peu sulfureuses de l’école bolera :
— On raconte sur le fandango une anecdote singulière. On prétend que la cour de Rome, scandalisée de son indécence, résolut de le proscrire sous peine d’excommunication. Un consistoire fut convoqué pour faire son procès ; on allait prononcer sa sentence de mort, lorsqu’un cardinal dit qu’il ne fallait pas condamner un coupable sans l’entendre, et qu’il votait pour que le fandango parût devant ses juges : la raison, l’équité avaient inspiré cet avis. L’on manda deux danseurs espagnols des deux sexes ; ils l’exécutèrent devant cette auguste assemblée : la grâce, la vivacité, la volupté de ce duo commença par dérider le front des pères ; une vive émotion, un plaisir inconnu pénètrent leurs âmes ; ils battent la mesure des pieds, des mains : la salle du consistoire devient une salle de bal ; chaque éminence se lève, danse en imitant les gestes, les mouvements des danseurs : et d’après cette épreuve, le fandango obtint sa grâce et fut rétabli dans tous ses honneurs.
Après le fandango, vinrent les séguidillas, espèce de contre-danse où les acteurs sont au nombre de huit, et dans laquelle on figure quelques mouvements du fandango. [...] La représentation fut terminée par une tonadilla et un volero. Dans la tonadilla une actrice seule chante une aventure galante et souvent scandaleuse, accompagnée de réflexions triviales. Le volero est une danse encore plus lascive que le fandango : la femme agace et fuit son danseur, revient, feint une tendre langueur, paraît se rendre et s’échappe encore.
Et fugit ad salices et se cupit ante videri.
L’amant, par ses regards, par ses gestes, exprime la vivacité de ses désirs ; la musique, tantôt lente, tantôt animée, ralentit ou réchauffe leur ardeur : le moment du bonheur paraît approcher ; les amants se joignent, s’entrelacent et la toile tombe. (Excepté le volero [...] aucune danse n’est permise sur les théâtres d’Espagne. Les moines excommunieraient les balarines qu’ils regardent comme des émissaires de Belzébut, si elles exécutaient d’autres danses. Charles III défendit le volero, qui se réfugia à Cadix. On prétend qu’il a reparu sous Charles IV, dans la capitale).27
13Lorsqu’en 1810 le boléro se mue en emblème de lutte patriotique, la cachucha qui l’orne devient un symbole de résistance contre l’envahisseur. Ainsi, le dernier point de la législation française pour le futur Théâtre « Nacional Dramático » d’Espagne présentée au roi Joseph Bonaparte par le marquis de Montehermoso précise :
Pour le gouvernement et le régime intérieur des théâtres on leur donnera un Règlement approuvé par le Roi que l’on tirera du Théâtre Français de Paris modifié comme il conviendra [...] on constituerait une compagnie de Tragédie et Comédie, et une autre d’Opérette espagnole, interdisant que l’on représente saynète, intermède et boléro.28
14Toutefois, le 18 décembre 1812, le baron Rignoux réglemente – de façon plus conciliante envers les rythmes nationaux – le premier bal masqué public du Théâtre Cómico de Séville, le 25 décembre à dix heures et demie :
On châtiera également celui qui ferait du bruit en sifflant, tapant du pied ou en criant pour demander que l’on change de danse, ou pour se moquer de l’assistance, et pour que tout le monde puisse s’amuser, on jouera entre les contredanses : [...] des Boleras [...] etc. afin que ceux qui le voudraient, s’amusent et montrent leurs talents, mais avec retenue.29
15En 1813, si le Parlement supprime l’Inquisition le 22 janvier et abolit les corporations le 8 juin, les actions de Napoléon en Espagne sont paralysées à la suite de l’échec de la campagne de Russie, et son frère se retire en direction de la frontière française le 17 mai. Le 21 juin, le « duc de fer » Arthur Wellesley de Wellington vainc à Vitoria les Français, qui sont à nouveau battus à San Marcial, près de Saint-Sébastien. À l’Est, l’habile administrateur, général, puis maréchal de France Louis Gabriel Suchet duc d’Albuféra commence sa retraite vers le Nord le 5 juillet. Le 11 décembre, dans l’Indre, Napoléon signe le traité de Valençay avec Ferdinand VII, grand amateur de séguedilles, de boléros et de boleras, qui récupère la couronne en échange d’un traité commercial avec la France, l’engagement de rentrer au pays et d’en chasser les Anglais. Le fait que le boléro ait été proscrit par le roi intrus en fait un emblème patriotique apprécié en Angleterre et, dès la défaite napoléonienne, en France. Mais, libéré en mars 1814 par Napoléon, Ferdinand VII restaure l’absolutisme le 24 mars, bien que les troupes françaises restent en Espagne jusqu’en avril. Par décret royal du 4 mai, il supprime les droits des comédiens en annulant le travail législatif des Cortès. Si le boléro a ses entrées dans les bals lors de la défaite des Français, la cachucha est néanmoins censurée dès 1815 « por la chocante deshonestidad con que se ejecutaba » (en raison de la choquante impudence avec laquelle on l’exécutait)30, lorsque le roi autorise le retour des jésuites. Alors que le secteur chimique allait voir le jour, il annule la liberté de l’industrie de 1813. Il fait enfin fusiller à La Corogne le général Juan Díaz Porlier, organisateur d’une tentative de coup d’Etat. Cette même année où une expédition quitte Cadix afin d’étouffer les révolutions du Venezuela et de la Nouvelle Grenade, sont publiées à Londres trois pièces du guitariste barcelonais Fernando Sors31 qui demeure réfugié dans la capitale anglaise jusqu’en 1823. Toutefois, plusieurs variantes32 de ses œuvres continuent à s’immiscer en manuscrits en Espagne jusqu’en 1819, année où le colonel Vidal, organisateur d’une tentative de renversement du pouvoir, est fusillé à Valence. Déjouant la censure absolutiste, le boléro « libéral », expression favorite des exilés espagnols, s’infiltre ainsi dans la Péninsule tout en triomphant outre-Pyrénées. Avec le retour de l’absolutisme en 1823, malgré leurs vaines protestations, les acquis des « vils comédiens » – dont les musiciens essayent de se distinguer – reculent. Une fois de plus entachés d’opprobre et frappés d’ostracisme, il leur est encore interdit de danser le « boléro avec cachucha », symbole de révolution et de liberté durant le Triennat Libéral.
16Le 29 février 1828, le compositeur français Daniel François Esprit Auber crée, à l’Opéra de Paris, son opéra en cinq actes, La Muette de Portici, dont l’ouverture passe pour un chef-d’œuvre, et qui est aussitôt repris par tous les plus importants théâtres d’Europe. Son sujet évoque l’insurrection napolitaine de 1647, provoquée par la misère et les abus fiscaux de la domination hispanique. Le pêcheur Tomaso Aniello, – dit, par contraction, Masaniello –, se met à la tête des Napolitains révoltés contre la dureté et la rapacité des occupants espagnols, et oblige ses oppresseurs à accepter ses conditions. La principale protagoniste en est une danseuse, la muette Fenella, sœur de Masaniello. Dans la problématique politico-sociale du livret de l’auteur dramatique français Augustin Eugène Scribe et Germain Delavigne, la cabane, la tarentelle et la joyeuse barcarolle des pêcheurs napolitains s’opposent au palais des gouverneurs, aux fêtes et au gai boléro des courtisans espagnols. Pourtant, si les couches populaires sont dangereuses, elles ont aussi bon cœur. Elles peuvent faire la révolution, comme s’inféoder aux privilégiés. À ceux-ci de savoir flatter leurs sens ou gagner leur estime. Or, si dans cette œuvre le boléro symbolise l’oligarchie espagnole, chaque nation décrypte ces symboles à sa façon. En 1830, année de la naissance de l’Infante Marie Isabelle Louise, la représentation lyrique, au théâtre de la Monnaie de Bruxelles le 25 août, de cette révolte du peuple de Naples contre la tyrannie ibérique, sous la conduite de Masaniello, fait éclater une véritable révolution qui se termine par l’expulsion des Hollandais et la proclamation de l’indépendance de la Belgique. La France y voit un clin d’œil des trois Glorieuses contre son monarque impopulaire :
Duprez a jeté quelques trilles sur le refrain de l’air du pêcheur, le roi des mers ne t’échappera pas (le roi des mers, sous la restauration, signifiait Charles X, et cette allusion spirituelle contribua beaucoup au succès de la Muette).33
17Si l’école bolera ne cesse de faire des émules dans les corps de ballet les plus prestigieux, les couches populaires françaises se l’approprient à leur tour d’une façon fort originale. Dès 1821, l’usage de « chahut » est attesté au féminin dans la langue française. Cette danse, cataloguée comme indécente, entretient des rapports avec le théâtre34 jusque dans sa dénomination. Bien que les linguistes ne s’accordent pas sur le sujet, ce terme paraît provenir de cachucha, danse espagnole apparentée et souvent associée au boléro qui entre dans le répertoire des troupes de danseurs ibériques qui se produisent à l’étranger. Il ne faut pas chercher de ressemblance visuelle entre « la chahut » et son modèle savant, exotique, raffiné, alors lui-même qualifié de lascif et aux mouvements langoureux, qui n’a guère pu être apprécié au fond que par les cercles élégants. Dans l’affaire, c’est moins la danse qui compte que la curiosité qu’elle suscite, et qui demeure insatisfaite pour la plus grande partie du public. Le nom est en l’air et les danseurs de barrière ne l’ignorent pas. Pour rendre compte de l’accaparement du nom et de sa francisation, on peut imaginer divers scénarios car l’esprit parisien est fertile en inventions, quand il s’agit de désigner une danse. C’est par exemple une réplique impertinente, assénée au sergent de ville, qui aura fait fortune : « Je n’ai rien fait de mal, je dansais la cachucha française, “la chahut”, quoi ! ». Les Manuels Roret publient, en 1831, le Manuel des sergents de ville, précisant justement que :
Les agents qui ont la surveillance des bals doivent veiller à ce qu’on n’y exécute aucune danse indécente telle que, chahut, [...] etc. Si, après avoir été invités à cesser, ceux qui se livrent à ces sortes de danse n’en tiennent aucun compte, ils doivent être conduits devant les commissaires de police du quartier, parce qu’ils constituent un délit prévu par l’article 330 du Code pénal (Attentat aux mœurs).35
18Les femmes, cependant, ne se contentent pas toujours de contempler la solitude très dégingandée de leurs cavaliers ; à leur tour, elles risquent parfois quelques passes hardies, transformant le solo en pas de deux. Le geste réclame beaucoup d’audace car la justice sévit à leur égard beaucoup plus sévèrement qu’à l’encontre de leurs compagnons. En effet, sous Charles X et Louis-Philippe, même les mouvements des simples sujets sont sévèrement surveillés. Les autorités ne permettent pas l’application de l’adage « toujours va qui danse », selon lequel on s’amuse toujours, quelle que soit la manière dont on danse. Au contraire, le pouvoir établi censure, combat et poursuit « la chahut » inquiétante, symbole de revendication libertaire et sanctionne à trois mois de prison le « colosse de Nanterre » proférant son hostilité envers la police. Prisées par les abonnés, ces chroniques abordent le sujet sans détour :
La plupart avouent qu’ils ne savent pas danser autrement et déclarent pratiquer cette danse tous les lundis à la barrière, à la plus grande satisfaction des deux sexes [...]
Monsieur, déclare la gérante d’un bal où l’on avait chahuté, est d’autant plus coupable que, quand il veut, il danse parfaitement bien. Monsieur est ce qu’on peut appeler un joli danseur [...]
(27/9/1837) Alexis, jeune ouvrier sculpteur, aime la danse et il est l’un des plus assidus cavaliers du bal Favié. Il se livre à la danse avec un laisser-aller tel que la garde est contrainte d’intervenir pour mettre un frein au romantisme de ses pas.
(1839) un délit qui n’(avait) pas de corps [...] Qu’est-ce que c’est que cette cachucha dégénérée ? Qu’entend-on par cancan ? Qu’est-ce enfin que l’ignoble chahut ? Les témoins de visu viendront à l’audience, nouveaux inspecteurs-voyeurs de la morale des bals publics, analyser sous la foi du serment les poses, attitudes et cabrioles. Mais ces renseignements ont bien du vague, ils se résument pour la plupart à des dénominations de genre. [...] "Ils se dandinaient, ils se balançaient, ils faisaient aller leurs bras."
(12/9/1839) Les gendarmes ont tué ma gaîté et ils ont mangé sa peau. Ne me parlez pas des gendarmes. Je les s’hais ! s’hais !
(1846) Les énormités que se permettaient les danseurs et danseuses d’un quadrille excitaient à chaque moment des rires, des applaudissements qui ne tardèrent pas à attirer sur lui l’attention de la salle entière [...] Raccompagnée à son domicile pour se changer avant de regagner la prison, la jeune fille se retira dans sa chambre et se jeta par la fenêtre...36
19La source a cependant ses limites. Dès 1829, le procès en correctionnelle pour danse indécente devient un récit de genre utilisant des ficelles de feuilleton, avec ses déclarations de prévenus à l’audience :
Ce pas, je l’avais inventé de la veille. Je n’ai pas appris à l’Opéra, moi, mais je danse comme je peux, parce que j’ai des idées [...]
Je danse comme j’ai toujours dansé, comme j’ai appris en voyant les autres car j’ai fait moi-même mon éducation [...]
Je ne sais pas danser mais les camarades m’ont dit : « Qu’t’es bête ! Y a rien d’facile comme ça ! Tu nous regarderas et tu feras comme nous ».37
20En 1833, l’opinion éclairée française réprouve « la chahut »infâme, indescriptible et innommable. La Mode la condamne sans appel : « Cette danse dont le nom seul est une ordure »38. Huit ans plus tard, on l’analyse comme excroissance spectaculaire du quadrille39 et toute acrobatie chorégraphique sera exclue des soirées de bon ton :
Autrefois, la danse était un exercice, car il fallait travailler pour arriver à bien faire tous ces pas, aujourd’hui tant méprisés ; c’était un plaisir aussi, parce que c’était une promesse de succès. Une jeune fille qui dansait bien avait un avenir. Les mariages se faisaient au bal ; un solo bien étudié valait une dot. Aujourd’hui, savoir danser serait un ridicule, et les maîtres de danse en sont réduits à se faire professeurs d’histoire et de géographie. Le célèbre M. Lévi a bien compris son époque ; son école de danse languissait, il en a fait une école d’improvisation ; il a changé sa boîte de danse en chaire d’éloquence. Il apprend aux petites filles à parler des heures entières, sans se reposer, sur le lever du soleil, sur l’amour filial, sur la mort d’un grand homme quelconque. Si elles n’ont point d’esprit, elles acquerront au moins de l’aplomb, c’est toujours cela ; et les parents s’en vont chez eux très fiers, car ils ont une fille qui improvise : cela est merveilleux vraiment !40
21Bien que les étrangers admirent le boléro, il devient également inconvenant dans les salons madrilènes dès 1845. En effet, Théophile Gautier déplore que l’imitation française et anglaise ait tellement pénétré l’Espagne que la classe, qui se prétend cultivée et qui habite en ville, soit hostile à tout ce qui signifie poésie. À Grenade, le boléro est relégué aux paysans, domestiques et gitans. Les jeunes filles de maison ne consentent à le danser qu’à huis clos, de peur qu’on ne leur reproche leur mauvais goût pour la couleur locale. Il leur déplaît qu’on leur en parle, et, bien que, dans le fond, elles sentent une grande inclination pour toute chose aussi caractéristique et véritablement nationale, elles demandent avec un air visiblement contrarié si l’on croit que les Espagnols ne sont pas aussi civilisés que les autres nations. Au bal, « la peur d’être accusées de bolero [...] rend les femmes d’une immobilité parfaite »41. En 1846, tandis que le marquis et banquier millionnaire José de Salamanca y Mayol crée une compagnie de ballet dans son Théâtre madrilène du Circo Olímpico, où les étoiles Sofia Fuoco, Marie Guy Stéphan et Marius Petipa interprètent Carmen, le boléro reste totalement rejeté des bals privés par les élégantes d’Espagne42.
22En effet, une de ses plus célèbres ambassadrices, la séductrice Lola Montes, influence de manière catastrophique la politique intérieure bavaroise, ce qui déclenche des défis et des tumultes estudiantins en 1847. L’ultramontain gouvernant Abel lui refusant sa naturalisation, elle le contraint à démissionner, et les autres ministres sont renvoyés. Ce scandale public provoqué par ses intrigues force le souverain sexagénaire à abdiquer à son tour après vingt-trois ans de règne, pendant la révolution de 1848. La sauvant des dangereuses émeutes populaires qu’elle a elle-même provoquées, il reçoit un caillou sur le crâne en assistant incognito à sa fuite en voiture vers la frontière suisse. Bien qu’il lui écrive quotidiennement des lettres et des poèmes d’amour en allemand, il assure qu’il n’est mû que par l’affection d’une passion non charnelle. Avec l’argent qu’il lui envoie, cette reine du monde mi-mondaine mi-canaille de trente ans se réfugie à Genève le 24 février, lorsque Louis-Philippe fuit Paris pour s’embarquer de Trouville en Angleterre. De France, elle aussi gagne Londres, où la pièce La comtesse d’une heure est créée pour elle, mais l’interdiction du spectacle par la censure, sous pression bavaroise, déclenche un tapage au nom de la liberté de l’art.
23En mars 1850, quatre jours après le triomphe espagnol de la zarzuela : Gloria y Peluca, la critique musicale de la capitale salue le chromatisme et la stylisation avec lesquels le clarinettiste, baryton et basse madrilène Francisco de Asís Esteban Asenjo y Barbieri enrichit le langage de la bolera des salons bourgeois, sans lui ôter sa saveur de séguedille des rues. Dans la lignée des chants populaires d’intermèdes, ce morceau préféré entre les sept de l’œuvre déclenche l’avant-veille une émeute du public enthousiaste réprimée manu militari par les alguazils43.
24La France de 1851 n’est pas moins sévère avec les engouements du public pour l’école bolera. Tandis qu’un académicien s’éprend de L. Montes, le poète, écrivain, orateur et homme d’Etat français Alphonse de Lamartine s’insurge contre le journal qui publie le feuilleton Les mémoires de Lola Montès et la censure interdit un spectacle de boléro :
Les sénoras Rosa Espert et Joaquina Segura s’étaient permis de mettre en action un charmant tableau de Giraud que l’on a remarqué à la dernière exposition, les Danseuses dans une auberge de toreros. Personne n’avait été choqué par ces deux jolies filles à la basquine étincelante de paillettes, et dont les têtes se penchaient l’une vers l’autre avec une coquetterie railleuse, jetant dans un sourire un simulacre de baiser. Certaines imaginations chastes, dont la pudicité trouve partout des infamies que les libertins ne connaissent pas, avaient découvert dans ce pas un sens mystérieux pour nous, et, après la première représentation, les danseuses ont été supprimées. Que le pas interprété de la sorte ait été défendu, nous le concevons encore, mais priver ainsi le théâtre des Variétés d’un élément de succès certain, c’était trop fort, même pour notre temps.44
25En Espagne, le 22 décembre 1864, le théâtre de la Zarzuela crée Pan y toros, zarzuela en trois actes de F. E. Asenjo y Barbieri sur un livret de José Picón. Dans le premier acte, le premier morceau introduit de gracieuses séguedilles populaires, Aunque soy de la Mancha (Bien que je sois de la Manche), scandées en allegro animato par les coups de talon des vendeuses. Le deuxième s’intitule « Al son de las guitarras y seguidillas » (Au son des guitares et séguedilles). Le troisième, « Como lleva en el bolsillo » (Comme il porte dans la poche) est un boléro interprété par Vicente Caltañazor y Arnal dont la voix, à mi-chemin entre baryton et ténor, l’avait promu premier ténor comique du théâtre, déjà payé cinquante pesetas par jour en 1855 bien qu’il ne sache pas lire la musique, et Modesto Landa dans les rôles de l’abbé Ciruela et du capitaine Peñaranda45. Ces rythmes nationaux symbolisant le peuple ingénu, distrait de la situation politique par « Du pain et des courses de taureaux », l’œuvre sera interdite par la censure de Saragosse deux ans plus tard.
26Tandis qu’en 1867 s’achève la guerre du Mexique, Luis Victoriano Betancourt, dans son article « Poesía popular », critique les paroles douceâtres des boléros cubains joués au piano dans les réunions familiales :
Et le plus regrettable c’est que presque toutes ces chansons ont une agréable musique, particulière uniquement à ce climat, et que si elles avaient de bons vers, on pourrait les chanter dans tous les salons,46
27Bien que sur une musique « que es preciosa » (qui est ravissante) dans La Joven Moribunda (La Jeune Moribonde), El Hijo Desgraciado (Le Fils Malheureux), La Despedida (Les Adieux), La Firmeza (La Fidélité), La Candelaria (La Vierge de la Chandeleur), El Sueño (Le Songe), El Alba (L’Aube), El cuatro de Noviembre (Le quatre Novembre), La Fatalidad (La Fatalité), La Luna , El Patrimonio, La Amelia, La Esperanza, « se cantan [...] boleros malos »(on chante de mauvais boléros). Voici La Holguinera (L’Holguinienne) :
Toi seule, toi seule, ah, parque inhumaine !
Seras celle, seras celle qui pourras l’empêcher
Mais en t’aimant, en t’aimant jusqu’à la mort
Oui, oui, oui, je meurs en aimant diront mes lèvres ;47
28Moins d’un siècle plus tard, ce boléro mambo – danse instrumentale dérivée de la contredanse française, parfois ternaire – perpétuera le destin des précédents boléros européens. Malgré un anathème indigné du Vatican, le Cubain Dámaso Pérez Prado, dit « le phoque », en fera un véritable succès mondial entre 1948 et 1958.
29Le contraste saisissant que cette expression chatoyante offre par rapport aux sombres situations historiques qui l’ont vu surgir ne doit pas nous masquer toute la violence concentrée dans le boléro lui-même. Quelles forces antagoniques le boléro rend-il audibles et visibles ? Les rebondissements de sa propre évolution en font le théâtre d’un affrontement homérique entre le « délice des mortels », Dionysos, dieu doux de l’oubli, de la séduction, de l’illusion ou des prestiges, et le sévère éliminateur des monstres, vainqueur des satyres, pourfendeur du mauvais goût, Apollon, dieu de la clarté ou des arts policés. Quand l’inspiration ou l’enthousiasme dionysiaques prennent incidemment le pas sur la mesure ou l’ordre apolliniens, la sérénité ou la maîtrise de soi ripostent en domptant l’ivresse ou le délire. Ainsi, la prolixité de vers hypermètres ou de strophes volubiles, les vocalises improvisées, comme la verve d’un boléro de l’ébriété vineuse et de l’enivrement tabagique font voler en éclats la rigidité prosodique. Mais lorsque les inventions des danseurs sur scène deviennent aussi mortelles que les prises de risque des toreros dans l’arène, les sauts périlleux de ces acrobates ainsi que la vélocité des guitaristes sont combattus sans merci par la réforme chorégraphique de Requejo ou musicale de Dámaso Cañada. L’explosion sonore des castagnettes, tambours de basque et coups de talons de vigoureux campagnards se trouve alors canalisée par des compositions pianistiques ou des chaussons à pointes d’artistes citadins. Le boléro bachique, tel un culte de l’instant, admettant femmes et esclaves, constitue une menace de dérèglement de la cité que le boléro raisonnable tente d’éviter par une harmonie lumineuse. Non seulement ce duel épuisant pour l’équilibre psychosocial dynamise en permanence le boléro, mais il lui confère un rôle catalyseur. Jusqu’en 1900, il dévoile toutes les arcanes de l’Espagne, en divulgue l’esprit et la fait sortir de sa chrysalide.
Notes
1 Marie-Catherine Talvikki Chanfreau, Le Bolero : expression et discours, thèse pour le doctorat sous la direction de Monsieur le Professeur Serge Salaün, Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III, UFR Études Ibérique et Latino-Américaines, 1996.
2 Marie-Catherine Talvikki Chanfreau, « Le boléro musical : du folklore rural au concert urbain », Madrid, Mélanges de la Casa Velàzquez, n° XXXII, 1996
3 Jacques Le Goff, Pour un autre moyen-âge : Temps, travail, et culture en Occident, 18 essais, Gallimard, 1991, « Métiers licites et métiers illicites dans l’occident médiéval », p. 91-101.
4 Emmanuel Larraz, « Le statut des comédiens dans la société espagnol du début du XIXe », C. Dumas, Culture et société en Espagne et en Amérique latine au XIXe siècle, Actes du 3e colloque mai 1977, Sociologie de la littérature, des arts et de l’histoire en Espagne et en Amérique latine au XIXe siècle, Presses Universitaire de Lille, Centre d’Études Ibériques et Ibero-américaines du XIXe siècle de l’Université de Lille, 3e trimestre, 1980.
5 « Encaxes […] el encaxe que se obra sin saltar, es muy frívolo y mal parecido. Y todo el dançado requière obrarse saltado, o suspendiendo el cuerpo hacia arriba […] para que sea ayroso : porque el Dançado sin suspension, es muy çonço. Campanelas […] y es muy essencial al Danzado, el dançar con suavidad, y que los pies no hagan ruido en el suelo : que parece muy mal el arrastrarlos, o hazerlos sonar. » Juan Esquivel Navarro, Discursos sobre el arte del dançado y sus excelencias y primer origen, reprobando las acciones deshonestas, Madrid, Patronato del Instituto Nacional del Libro Español, 6 dic. 1947, « cap. 2 : De los movimientos del dançado, y calidades que cda uno ha de tener, y sus nombres », p. 11-12.
6 Nicasio de Zàrate, Bayles mal entendido y Señeri sin razón impugnado por el Rmo. P. Feijoo, Madrid, M. Fernandez, s. d.
7 « 9° En la cazuela y tertulia observaràn las mugeres la compostura y moderacion que corresponde á su sexô », Junta de Dirección y Reforma de Teatros Madrid, Reglamento général para la Dirección y reforma de Teatro que S. M. se ha servido encargar al Ayutamiento de Madrid por un Real orden de 17 de Diciembre de 1806 : aprovado por otra de 16 de Marzo de 1807, Madrid, Hija de Ibarra, 1807, p. xl.
8 « Aquestas son por únicas y solas/ De las regias Comedias Españolas/ Las mas curiosas especialidades :/ Pasemos ahora á sus utilidades./ Es la Comedia luz de las potencias,/ Docta universidad de todas las ciencias :/ Suaviza las humanas pesadumbres,/ Vitupera y reforma las costumbres:/ Ilumina el sentido con su idea,/ Divierte el pécho, el ánimo recrea:/ Es madré del valor y bizarría:/ Muestra la cortesana policía:/ Es de los Reynos lustre y documento,/ Y de todas las Cortes ornamento./ Al Caballero enseña lo prudente,/ Al soldado lo ayroso, y lo valiente./ La fineza al amigo, y vigilencia:/ A la muger casada la constancia,/ A la viuda el Consuelo de su estrella,/ Y en fin, la castidad á doncella./ Si propone vicios con alhagos,/ Tambien demuestra luego los estragos./ Mientras de la Comedia deliciosa/ Dura la narracion artificiosa / Cesan en la República los vicios,/ Muertes, insultos, robos y bullicios,/ Que en los jóvenes mozos y lozonos/ Acarrean los ocios cortesanos./ No hay diversion humana que ingeniosa/ Sea menos nociva y peligrosa ; [..]/ El peligro en los bayles no es escaso,/ Pues se encuentra un peligro á cada paso./ La Comedia tan sola sin bullicios/ Está exénta de iguales precipicios. » Manuel García de Villanueva Hugalde y Parra, Origen, épocas y progreso del Teatro español. Discurso historico. Al que acompaña un resumen de los espectáculos, fiestas y recreaciones, que desde la más remota antigüedad se usaron entre las naciones más célebres y un compiendo de laHistoria général de los Teatros hasta la era presente, Madrid, Gabriel Sancho, 17/03/1802, « Silva : poema de Joseph Julián de Castro, Madrid, 1754 », p. xxvi-xxvii.
9 Novísima Recopilación, « Libro VI, títuloXIII, ley XIV, Real Orden », 5/5/1784.
10 « [1787] El corregidor hizo fijar un bando en las esquinas […] tratando ya de reprimir les desmanes de los furioso polacos, chorizos y panduros, nombres con que eranconocidos los bandos ó partidos que en los très teatros de Madrid decidian del éxito de las funciones, sin mas ley que su capricho y el espíritu de pandillaje, se prevenia bajo severas penas que ninguna persona fuese osada á satirizar en español, italiano ni otro idioma, exepto en los ademas ridículos ó defectos públicos no atraidos por oposicion de naciones, ó á sujetos ddeterminados en que tenga poco que trabajar el discurso para conocerlo. » Manuel Juan Diana, Joaquín Lebrero, Memoria historico-artística del Teatro Real de Madrid, Madrid, Imp. Nacional, 1850, p. 27.
11 Gaspar Melchior de Jovellanos, Obras complétas, Madrid, Rivadeneyra, 1858, vol. 46, Memorias para el arreglo de la policía de los espectáculos, Memoria sibre los espectáculos y diversiones públicas, p. 498 : « Medios para lograr la reforma en la música y baile. Gigón, 29 dic. 1790.
12 José Subirá Puig, La tonadilla escénica, sus obras y sus autores, Barcelona/Buenos Aires, ed. Labor, 1933, « Cap. 5 Estructura literario-musical de la tonalidillas de molde tripartito », p. 58-61.
13 Lucienne Domergue, Tres calas en la censura dieciochesca (Cadalso, Rousseau, prensa periódica), Toulouse, Université du Mirail, 1981.
14 María Aurora Aragón Fernández, Traducciones de obras francesas en la Gaceta de Madrid en la década revolucionaria (1790-1799), Oviedo, Universidad, 1992.
15 Lucienne Domergue, Le Livre en Espagne au temps de la Révolution Française, Lyon, Presses Universitaires, 1984.
16 « Vale una seguidilla/ de las manchegas/ por veinte pares/ de las boleras./ Mal fuego queme/ la moda que hasta en eso/ también se mete. » Ramón de la Cruz y Olmedilla, Sainetes… en su mayoría inéditos, Madrid, Bailly Baillière, 1915-1982.
17 José Diego de Cádiz, Carta del Padre José Diego de Cádiz á una señora en respuesta á la consulta que le hizo sobre si son licitos los bailes, habiendole oido reprobar el baile del boléro en la mision que hizo en la Santa Iglesia Catedral de Sevilla, año de 1792.
18 Diario de Madrid, « Décimas a una señorita que quería aprender el Bolero », d. 12/1/1794.
19 Correo de Murcia, n° 226, ma. 28 oct. 1794.
20 « riticar les defectos que en el día envilecen a un puebo generoso, es procurar hacerle más dichoso y bolberle a aquel ser que antes tenía », Juan Jacinto Rodríghez Calderón, La Bolerología o quadro de las escuelas del bayle boléro, tales quales eran en 1794 y 1795, en la Corte de España, Philadelphia, Zacharías Poulson, 1807.
21 « Se prohibe que los concurrentes á los teatros usen de movimientos, gritos y palabras que puedan ofender la dencencia, el buen modo, sosiego y diversion de los circunstantes, bajo la pena al contravendor de que por la primear vez será destinado irremisiblemente por dos meses á los trabajos del Prado con un grillete al pié, y quatro meses por la segunda ; y en el caso de mayor reincidencia se le aplicará al servicios de las armas ó á presidio, conforme la calidad de las personas, segun lo estime la sala », Manuel Juan Diana, Joaquín Lebrero, op. cit., p. 41-42.
22 Reglamento teatral para la Reformaz del teatro Español, 11-XI-1799.
23 « 7° Instruccion, Apéndice : En nigun Teatro de España se podrán representar, cantar, ni Baylar Piezas que no sean en idioma castellano, y actuadas por Actores y actrices nacionales, ó naturalizados en estos Reynos, así como está mandado para los de Mdrid en real órden de 28 de Diciembre de 1799. » Junta de Direccíon y Reforma de Teatros Madrid, op. cit., « Cap. V, Del Censor, art. 1, 2, 6, 10 », p. 12-13.
24 Fernando Sors, « Le Bolero », p. 83-99, Adolphe Ledhuy, Henri Bertini, Encyclopédie pittoresque de la musique, Paris, h. Delloye, éd. De la France Pittoresque, 1835.
25 Orden de que los soldados no assistan a los teatros en lunetas, s. l. n. d. [Madrid, Bartolomé Muñoz, 4/07/1806].
26 « 8° Los comisarios celarán cuidadosamente que se guarde en los teatros toda decencia, compostura y decoro, corriendo á qualquiera Actor ó Actriz que falte v ello. Capítulo V, Del Censor : artículo 1° El censor exâminará todos los dramas nuevos, todos los antiguos refundidos, todos los que se quieran volver á representar, si han mediado diez años desde que se executan ; en fin todas las piezas grandes ó pequeñas qu se presenten nuevamente al Teatro. 2° Dirá su parecer, no solo si hay en las obras algo contra la religion, leyes y costumbres, que es la primera atencion de su instituto, sino tambien si por su mérito pueden ó no ser admitidas por la Junta para que se representen. Se prohiben desde ahora las Compañas Cómicas llamada de la legua, cuya vagancia es comunmente perjudicial á las buenas costumbres, y su conjunto compuestos de personas corrompidas, llenas de miseria y vicios en descrédito de la profession cómica. […] Para la formación de Compañas Cómicas solo se admitirán de nuevos jóvenes de alguna educacion que sepan á lo ménos leer y escribir, que tengan una regular conducta y disposición para la profession Cómica. Que en la execucion de las representaciones, y con particularidad en la de los Entremeses, Bayles, Saynetes y Tonadillas, pondrán el mayor cuidado los autores de que se guarde la modestia debida, encargando á los inviduos de su respectiva compañía en los ensayos el recato y compustura en las acciones, no permitiendo Bayles ni Tonadas indécentes y provocativas, y que puedan ocasionar el menor escándalo. Que igualmente séran responsables los Autores á la nota que pudiera causar cualquier cómica de su compañía que salière á las tablas con indecencia en su modo de vestir. Que auque pidan los Mosqueteros ú otra alguna persona que se repitan los Bayles o Tonadillas, ó que salgan algun cómico ó cómica á executar ésta ó semejantes habilidades, no lo permita el Alcalde por mas instancias que haga la gente del patio tomando para contenerlos la providencia que tuviere por conveniente. 6° las Tonadillas, Saynetes, y toda clase de intermedio, se pagarán alzadamente por une vez. » Junta y Reforma de Teatros Madrid, op. cit., p. xvi-xvii, xix-xx, xxi, xxv, 13, 21-22.
27 Etienne François de Lantier, Œuvres complètes, Paris, Arthus Bertrand, 1836, p. 249-250, 252-253.
28 « Para el gobierno y régimen interior de los teatros se les dará un reglamento aprobado por el Rey que se sacará del Teatro Francés de París modificado según convenga […] se constiturían una compañía de Tragedia y Comedia, y otra de Opereta española, prohibiendo que se representaran el saynète, tonadillas y boléro », « Reglementación teatral ; Reglamento de teatro en 10 puntos », Gobierno intruso, Madrid, Arch. Del Real Palacio, 4/7/1810.
29 « Igualmente se castigará al que hiciese ruido de silvos, patadas o gritos pidiendo que se mude de bayle, o mofándose de algunos currentes, y para que todos logren divertirse se tocarán en el intermedio de las contradanzas : […] Boleras […] & c. à fin de que se diviertany manifiesten sus habilidades, los que quisieren, siendo con decoro. » Félix González de León, Crónica Manuscrita, secc. XIV, t. 6, n° 46, Arch. Municipal de sevilla.
30 Corregimiento, Diversiones públicas 2-25-23, Arch. De la Villa de Madrid.
31 Francesco Vaccari, Three Favorite Spanish Bolero, as sung by Madame Vaccari, arranged with an accompaniment for theSpanish guitar, or piano forte, Londres, Monzani & Hill, 1815.
32 Fernando Sors, Seguidillas for voice and guitar or piano, Londres, Tecla, 1976.
33 Théophile Gauthier, « Académie Royale de Musique », feuilleton de La Presse, 3(94), l. 2 oct. 1837.
34 Odile Krakovitch, Les pièces de théâtre soumises à la censure (1800-1830), Paris, Archives nationales, 1982.
35 F. Gasnault, Guinguettes et lorettes : bals publics et danse sociale à Paris au XIXe siècle entre 1830 et 1870, Paris, Aubier, février, 1986, p. 47.
36 Gazette des tribunaux, « Danses prohibées », nov. 1829-1846, F. Gasnault, op. cit., p. 47-49, 56, 162-163.
37 Id., p. 49.
38 Id., p. 47-48.
39 Id., p. 48-49, Revue et gazette musicale de Paris, 1841.
40 Vicomte de Launay, « Danses anciennes et nouvelles », 1837.
41 Théophile Gauthier, Voyage en Espagne suivi de : España, Paris, Gallimard, 1981, p. 139.
42 Richard Ford, The Spaniards and their country, 1846, p.330.
43 La España, me. 13/3/1850.
44 Théophile Gauthier, « Feuilleton » La Presse 15, 18 août 1851.
45 José Picón, Pan y Toros, Centro General de Administración, 1864.
46 « Y lo más lamentable es que casi todas esas canciones tienen una agradable música, peculiar solo de este clima, y que si tuvieran Buenos versos, podrían cantarse en todos los salones, »
47 « Solo tú, solo tú ! oh parqua inhumana !/ Serás quien, seras quien lo podrás impedir,/ Mas amándote, amándote hasta el morir/ Sí, sí, sí, muero amando mis labios dirán ; » Natalio Galán, Cuba y sus sones, Valencia, Pre-textos/Música, 1983, « 10. 1870 El degenerado boléro », p. 285-286.