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Développement de la didactique du français 1945-1999
Par Jean-Claude CHEVALIER1
Publication en ligne le 13 septembre 2018
Table des matières
Texte intégral
1Ce développement n’est pas toujours aisé à suivre parce qu’il entremêle trois filières qui se sont développées solitairement et solidairement : le Français langue étrangère ditfle, dénommé primitivement « linguistique appliquée », le Français langue maternelle ditflm,qui, depuis le début du XIXe siècle, avait reçu un traitement très différent selon qu’il s’agissait des écoles ou des lycées (puis des lycées et collèges).
1. Le français langue étrangère
2Il s’est développé, dès la fin de la guerre, sur les instructions de l’unesco qui désirait étendre l’enseignement des grandes langues de communication. Le premier moment repose sur les travaux bien connus du Français fondamental de Saint-Cloud qui tentait d’harmoniser les résultats des recherches sur l’apprentissage de l’entre-deux-guerres et les techniques nouvelles (théories de la communication et statistiques). Dans la fin des années cinquante, le mouvement sera élargi et approfondi d’abord au Centre de lexicologie et d’enseignement pour étudiants étrangers de Besançon, dont les résultats seront diffusés par le belc (Bureau pour l’enseignement de la langue et de la civilisation françaises à l’étranger, 1959)et le credif (Centre de recherche et d’étude pour la diffusion du français, 1959) et par la revue Le Français dans le monde, exploités par de nombreux manuels et méthodes et étendus à d’autres centres. Par ces canaux seront mises en œuvre les méthodes audio-visuelles et audio-orales.
3Ce mouvement sera renforcé par le renouveau de la linguistique structurale dans l’Enseignement supérieur et la recherche. Le célèbre Niveau Seuil de 1976 sera le dernier éclat d’une méthode réputée universelle, destinée à fournir au monde une méthode d’ensemble ; mais il marquera aussi l’importance accrue des préoccupations sémantiques et pragmatiques et du rôle de l’énonciation ; plus que les méthodes précédentes, il sera centré sur l’apprenant. Depuis les années quatre-vingts, le développement du fle dans les Universités a été spectaculaire, épaulé par des cursus et des diplômes particuliers. Développant largement les méthodes pragmatiques, l’enseignement privilégie la spécificité de l’apprenant, jeune ou adulte ; il suit ses progrès dans leur développement et utilise très largement les possibilités de diffusion électronique dans des situations d’apprentissage très variées.
2. le français langue maternelle
4La nouveauté – et la célébrité donnée à ces mouvements – ont eu une importance visible dans l’élaboration de nouvelles méthodes pour le français langue maternelle, selon deux développements différents dans les écoles et dans les lycées et collèges qui se rejoindront dans la plage des années soixante-dix et quatre-vingts.
2.1 Les réformes dans les écoles
5Des réformes ont été mises à l’étude, après 1945, autour de l’École supérieure de Saint-Cloud (centres d’intérêt, pédagogie de la thématique, etc.) ; elles seront vivifiées par l’exemple des réformes de la pédagogie des maths. À l’approche des années soixante-dix, des expériences sont menées dans le cadre de l’Institut pédagogique national pilotées par des professeurs d’Écoles normales. Elles aboutiront au Plan de rénovation dit Rouchette (1972 sv.), reposant sur le privilège accordé à l’oral, sur la créativité et les méthodes structurales. Elles rejoindront les propositions du Mouvement Freinet. Des instructions en élargiront l’assise, reprises par les manuels. Elles proposeront une nouvelle approche de la lecture-écriture et une sériation nouvelle des urgences : le plan traditionnel des grammaires est inversé puisque les récentes grammaires pour les classes commencent maintenant par l’étude du discours pour finir par la morphologie et la phonétique.
2.2 Les réformes dans les lycées et collèges
6Pour de multiples raisons, il faudra attendre le grand remuement de 1968 pour les voir apparaitre. L’expérience avortée des « classes nouvelles » après 1945 n’avait laissé que de faibles traces. Elle avait laissé, du moins, une revue active et ouverte, les Cahiers pédagogiques. Ici aussi, on retrouve dans les années soixante-dix des groupes de travail autour de l’Institut pédagogique, des articles imaginatifs dans les Cahiers, l’action de groupes dynamiques comme, très tôt, Enseignement 70, puisl’Association française des enseignants de français avec sa revue Le Français aujourd’hui et l’équipe réunie autour de la revue Pratiques. Des instructions nouvelles seront proposées à partir de 1975 et des commissions se succèderont pour proposer des plans d’ensemble qui trouveront avec plus ou moins de retard un reflet dans les Instructions (commission Emmanuel, commissions Le Goff-Chevalier, Bourdieu-Gros). Les mafpen, puis les iufm donneront à ces projets des lieux actifs de réalisation. Des thématiques nouvelles seront répandues : importance des discours et de l’argumentation, choix des discours, équilibre entre l’écrit et l’oral, importance donnée à l’image, créativité, tâches à confier aux médias (apprentissages programmés, échanges par Internet, etc.), qui conduiront à un renouvellement des examens.
7Une nouveauté commune à ces entreprises : à peu près dans tous les cas, elles proposent un plan d’ensemble qui cherche à établir une cohérence entre les âges. Une difficulté constante : des dispositifs anciens restent immuables face à des propositions nouvelles qui devraient les périmer ; ainsi les concours de recrutement, quasi-inchangés depuis très longtemps, s’articulent mal avec les iufm ; ainsi les mafpen voient leurs missions bouleversées sans qu’un dispositif clair soit établi.
8En un mot, beaucoup de nouveautés, depuis trente ans surtout, tendent à répondre aux mutations du public scolaire, au bouleversement du champ scientifique, aux changements des domaines socio-culturels. Quelle en est l’efficacité ? Ont-elles influencé la conduite des classes et, de façon générale, de l’apprentissage ? Les réformes proposées dans les années quatre-vingts sont-elles valides en 1999 ? Ne peut-on pas parler de la nécessité d’une « mutation permanente » et des contraintes qu’elle implique ? Il est souvent difficile de répondre à ces questions. Elles ouvrent un champ, du moins, à la réflexion et à la discussion.
Notes
1 Des ennuis de santé n’ont pas permis à J.-Cl. Chevalier de revoir ces notes transmises pour discussion lors des journées.