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Lectures d’enfance de Julien Gracq : Jules Verne, « mon primitif à moi1 »
Par Marie-Annick Gervais-Zaninger
Publication en ligne le 04 février 2021
Résumé
La métaphore d’histoire de l’art qu’utilise Julien Gracq (Jules Verne comme « [son] primitif ») lui fait situer la lecture d’enfance à l’origine de la constellation imaginaire qui nourrit l’écriture et oriente ses découvertes littéraires. C’est à partir des émotions suscitées par les récits d’aventure verniens, dans la mesure où elles ont été premières et formatrices, que d’autres préférences ont pu s’épanouir au cours de l’évolution du lecteur : ainsi l’aimantation du pôle chez Verne a-t-elle directement préparé l’appel exercé plus tard par le mot d’ordre surréaliste de Breton, consacrant le pôle comme point de résolution des contraires.
Gracq atteste bien de sa fidélité à l’émotion ressentie la « première fois », que ne peut attaquer l’usure de l’existence : achetant avec délices la republication des Voyages extraordinaires en Livre de poche dans les années soixante-dix – avec l’indispensable illustration des anciens Hetzel –, il constate qu’en dépit du jugement esthético-littéraire de l’adulte (qui s’interpose comme un filtre), l’enchantement de la pure aventure propre à l’enfance continue, pour lui, de couler de source. De même, c’est bien à cause de l’arpentage imaginaire de la planète accompli avec Verne que Louis Poirier est devenu géographe. Cependant, l’influence sur sa propre créativité de romancier n’est pas aussi absolue : si l’appel de l’Ailleurs ne cesse de hanter ses héros – ainsi Aldo dans Le Rivage des Syrtes – , ceux-ci n’ont rien des excentriques aventuriers que sont Nemo, Fogg, Robur, Lidenbrok ou Hatteras. L’innutrition de l’un par l’autre se trouvera plutôt dans les motifs, comme l’île, le pôle ou la carte – tous trois attestant bien de ce tropisme de l’Ailleurs déjà signalé.
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Lectures d’enfance de Julien Gracq : Jules Verne, « mon primitif à moi1 » (version PDF) (application/pdf – 1,4M)
Texte intégral
1Selon Julien Gracq,
tout livre se nourrit […] non seulement des matériaux que lui fournit la vie, mais aussi et peut-être surtout de l’épais terreau de la littérature qui l’a précédé. Tout livre pousse sur d’autres livres, et peut-être que le génie n’est pas autre chose qu’un apport de bactéries particulières, une chimie individuelle délicate, au moyen de laquelle un esprit neuf absorbe, transforme, et finalement restitue sous une forme inédite […] l’immense matière littéraire qui lui préexiste2.
2Tout un réseau de transferts métaphoriques (d’ordre physiologique, chimique ou encore artisanal) vient ici rendre compte de cette opération d’innutrition qu’est à ses yeux l’écriture.
3Le recours constant à la métaphorisation constitue chez Gracq un des traits majeurs d’une approche poétique du fait littéraire. Apollinaire est ainsi pour lui « une goélette sous voile, roulant et tanguant dans le grand frais, et de temps en temps embarquant un coup de mer3 ». Se dévoile, dans cet exemple, un tropisme du voyage maritime qui doit beaucoup à l’influence de Jules Verne, la « passion de lecture de toute [s]on enfance4 ».
4Le thème de la journée d’études « Premières fois » nous invite à nous interroger sur l’importance des lectures d’enfance. Julien Gracq, pour sa part, affirme, dans En lisant en écrivant, sa conviction profonde qu’elles exercent un ascendant (pour reprendre le beau terme d’André Breton, autre intercesseur de Gracq) : ascendant tout à la fois conscient et inconscient, qui détermine un « orient de la sensibilité5 » :
Combien il est difficile – et combien il serait intéressant – quand on étudie un écrivain, de déceler non pas les influences avouées, les grands intercesseurs dont il se réclame, ou qu’on réclamera plus tard pour lui, mais le tout-venant habituel de ses lectures de jeunesse, le tuf dont s’est nourrie au jour le jour, pêle-mêle et au petit bonheur, une adolescence littéraire affamée […]6.
5Et il ajoute :
De telles lectures profondément incorporées dans les automatismes commençants de la plume sont peut-être pour la manière d’écrire ce que sont les impressions d’enfance pour la couleur, pour l’orient de la sensibilité : non choisies, souvent banales, toujours reprises et magnifiées par la maîtrise acquise des ressources de la langue, comme les lointains incohérents de l’enfance par la chimie savante du souvenir7.
6S’il évoque dans cette page « la boulimie de lecture caractéristique de l’adolescent, ou de l’étudiant qui va écrire8 », ces lignes s’appliquent aussi et sans doute encore davantage aux lectures d’enfance.
7Quel rang Jules Verne occupe-t-il dans le panthéon personnel de Gracq ? Le titre de mon étude l’annonce : « c’est mon primitif à moi9 », affirme-t-il dans un entretien avec Jean-Paul Dekiss, transférant au domaine littéraire une catégorie de l’histoire de l’art. L’œuvre de Verne affleure à de nombreuses reprises chez Gracq sous la forme d’allusions (plutôt que de citations et références) ; une « énorme partie » de l’iceberg demeure « immergée » – pour reprendre une métaphore utilisée par Gracq10 et que reprend Patrick Marot à propos de l’ensemble des allusions littéraires qui figurent chez l’écrivain11. Le fantôme de Jules Verne hante en fait toute l’œuvre12, mais sous des apparences différentes selon qu’il s’agisse de fictions ou de textes critiques ou essayistes13.
8Les « fixations de jeunesse » (comme le dit Gracq à propos de Wagner14) marquent en profondeur, laissent une empreinte ineffaçable, et leurs modes de résurgence ou d’« affleurement » sont variables. Cette trace apparaît en particulier dans le jeu de métaphorisation, comme nous l’avons vu avec l’image de la « goélette sous voile » – image toute vernienne du navire qui file contre vents et marées vers une destination inconnue (comme dans Les Enfants du Capitaine Grant ou Un capitaine de quinze ans).
9« Pourquoi […], parmi tant d’ombres qui jonchent notre passé, celles de nos […] livres d’enfant semblent-elles nous surprendre par une précision, un relief, une insistance du détail, qui en feraient des pièges à conviction15 ? » À cette question, Jean-Louis Baudry répond lui-même :
L’enfant qui lit est l’objet d’une transmutation. Un peuple bizarre a pris possession de lui […]. Il sent qu’il y a en lui des virtualités infinies, d’innombrables chances ; que, comme la forêt équatoriale, l’île déserte, il est un territoire offert à de nouvelles aventures, à d’autres explorations. Et il devient le conquérant des livres qui l’ont conquis16.
10Au premier plan de la rencontre entre l’enfant et les livres lus se situe donc l’imaginaire, qui s’incarne dans des « schèmes moteurs » déterminant les « forces vives du texte17 », et que le lecteur réinvestit et revivifie en fonction de sa propre fantasmatique.
11C’est l’exemple de Julien Gracq que j’ai choisi pour m’interroger sur le rôle des lectures d’« un autre temps » dans l’émergence d’une vocation d’écrivain ; quelles traces son œuvre porte-t-elle de la lecture des romans d’aventure de Jules Verne, et du « déclic intérieur » que leur lecture a suscité dans sa vocation d’écrivain – jusque dans son choix du genre romanesque ?
Une certaine conception de la lecture
12Pour mettre en perspective la position de Gracq par rapport à Jules Verne, il me semble nécessaire de préciser l’originalité de sa conception de la lecture. C’est une véritable érotique de la lecture qu’il développe dans ses conférences, essais et entretiens : la relation entre le lecteur et le livre est pour lui une relation désirante qui, dans certaines conditions propices, peut opérer une jonction entre un livre et celui qui le lit. Et le regard qu’il porte sur les autres écrivains (ceux qui sont l’objet de ses « préférences ») dépend lui aussi d’une qualité d’« accueil » (qu’il compare à « la pesée d’une main sur l’épaule ») qui favorise l’« entrée » dans un univers dont les chemins s’ouvrent alors. La lecture est avant tout une expérience émotionnelle, qui produit un effet d’enchantement, de l’ordre du coup de foudre, de la magnétisation :
Placé en tête-à-tête avec un texte, le même déclic intérieur qui joue en nous, sans règle et sans raisons, à la rencontre d’un être va se produire en lui : il « aime » ou il « n’aime pas », il est, ou il n’est pas, à son affaire, il éprouve ou n’éprouve pas, au fil des pages, ce sentiment de légèreté, de liberté délestée et pourtant happée à mesure […] ; […] dans le cas d’une conjonction heureuse, on peut dire que le lecteur colle à l’œuvre18.
13Au fond, dans sa conception du lecteur, Gracq retrouve l’engagement total de l’enfant dans un univers de fiction, sa participation active au vertige du jeu, et la jouissance d’un imaginaire décollé du réel. Et qu’importent les règles génériques, les classifications auxquelles l’institution scolaire voudra plus tard l’initier ! Lorsque Gracq parle de Verne, c’est la mémoire de cet enchantement qui ressurgit, ses romans ayant nourri la « pente de la rêverie » (selon une formule hugolienne qu’il « aime bien »)19.
14Lorsqu’il cite le « cadastre tout personnel20 » de ses lectures, il n’exclut nullement celles de l’enfance, les influences subies par un écrivain ne se limitant pas, selon lui, aux grands auteurs du Panthéon littéraire ; toute lecture, et au premier chef les lectures si déterminantes de l’origine, abusivement tenues pour mineures, peut nourrir en profondeur l’imaginaire, à l’insu parfois de celui qui en découvre, après coup, l’importance. Des « images élues, emmagasinées et sommeillantes21 » sont prêtes à être ranimées. Et si « l’enfance lègue à la plupart des écrivains » un « fonds émerveillé22 », les souvenirs et les paysages vus s’amalgament avec les premières lectures pour constituer un « humus » qui nourrira les livres futurs. Elles participent à l’« élaboration fantasmatique » du romancier, jouant le rôle de catalyseur « magique » : « ce que le lecteur "glane" dans ses premiers livres […], c’est le stock de "situations" », de sites privilégiés et de personnages « nécessaires à son théâtre privé » : il s’opère un « processus de croisement fantasmatique23 » entre le romancier et le jeune lecteur.
15La notion d’« œuvre mineure » n’a donc pas de sens pour Gracq, puisque c’est le rapport intime entre un livre et son lecteur qui prime. C’est pourquoi il reste fidèle aux livres lus pendant l’enfance et la jeunesse, constatant la relativité des jugements portant sur les œuvres littéraires :
L’intronisation, aujourd’hui acquise, de Tolkien comme de Simenon dans le tableau de la littérature contemporaine, en élargissant brusquement les limites du roman "noble ", va amener rétroactivement dans celui du dix-neuvième, la promotion de Dumas comme elle a amené celle de Jules Verne (pourtant presque aussi impensable à sa manière, il y a trente ans encore, que l’était pour le siècle dernier la réintégration de Sade dans la littérature du dix-huitième24. »
16« Le cas de ces écrivains que la librairie, à la longue, a imposés à la littérature » « met à nu l’arbitraire changeant des règles qui président à l’intronisation dans les belles-lettres », dont étaient « écartés » les romans qui semblaient voués à « une attention bornée à distraire », ou destinés à « une classe d’âge25 » comme celle de l’enfance.
« Fixation » précoce
17Même adulte, Gracq restera absolument fidèle à Jules Verne. Car « les premières lectures sont indélébiles, indéfectibles, elles "restent". […] Les premières lectures sont intouchables, sacrées […]. […] Hantise, dorénavant de ce que a été une première fois : la première fois est la bonne ! 26 », et elle est scellée dans la mémoire, avec parfois un fort attachement aux « éditions originales27 ». C’est pourquoi les dessins des illustrateurs des éditions Hetzel restent indissociables de la lecture de Verne : « Les images s’incorporent au texte […]. Jules Verne est un bloc indissociable de texte et d’image. Et il reste inséparable de celui qui a été son metteur en livre comme on est metteur en scène : Hetzel28. »
18Pour Gracq, pas de déception à la relecture par l’adulte ; il s’inscrit en faux (du moins pour ce qui le concerne) contre l’opinion de Charles Grivel selon laquelle « [l]es premiers livres désappointent, dès qu’on les ouvre pour la seconde fois, beaucoup plus tard, adulte29. » Le « charme » pour lui est toujours présent, et sa lecture est une sorte de formation de compromis où le moi-lecteur enfant rencontre le moi adulte. Dans son recueil Lettrines, qui regroupe des textes écrits de 1954 à 1967, Gracq évoque le plaisir (et même la jubilation impatiente) qu’il a eu à voir republier l’œuvre de Verne en « Livre de Poche » (on se souvient qu’il a lui-même refusé que ses propres livres le soient !) :
Le Livre de Poche réédite Jules Verne, avec la totalité des illustrations de Hetzel – que de l’imagination enfantine a soudées, en effet, à ce texte, pour toujours. À peine l’ai-je appris que j’ai acheté aussitôt les dix premiers volumes, les ai emportés et déballés chez moi comme un voleur, et le charme est revenu, un peu usé, un peu pâli, mais charme tout de même, et opérant toujours. Merveilleuses vignettes de Cinq semaines en ballon, avec le Victoria suspendu au-dessus des paysages d’Afrique […]30.
19Gracq précise la nature particulière de ce charme :
En réalité ce charme est inséparable pour moi d’un certain recul. Il y a deux niveaux de lecture qui se superposent forcément quand on a lu Jules Verne enfant et qu’on le relit dans l’âge mûr et dans la vieillesse. Le premier niveau qui a été celui de la découverte, c’est la lecture... C’est une opération féerique, c’est une révélation continue, c’est une chose vierge qui se déroule devant vous et que vous absorbez au fur et à mesure, toujours happé par l’idée de ce qui va suivre. Ce sont Les Mille et Une Nuits, c’est cela, la lecture.
Et puis, après... plus tard, arrive le moment de la littérature […]. C’est l’émotion esthétique plutôt que celle de la révélation qui intervient.
Eh bien, si vous voulez, quand je lis Jules Verne actuellement, les deux niveaux se superposent, c’est-à-dire que le moment de la littérature, qui est le moment du jugement, sur les moyens, sur la qualité du style, de l’écriture... exerce une espèce de tri sur le moment de la lecture. J’ai un recul par rapport aux textes de Jules Verne, j’en vois les faiblesses, qui sont certaines parce que Jules Verne est moins un artiste qu’un créateur et un ouvreur de routes… […]. Et alors, le charme joue, parce que la révélation du premier moment de l’enfance reparaît à travers le filtre que représente la culture littéraire qui s’y superpose. C’est pour cela que je parle d’un charme un peu pâli, un peu fané, parce que, s’il n’y a plus maintenant d’absolue nouveauté, comme dans la lecture de l’enfance, qui est révélation de bout en bout, il en ressuscite tout de même quelque chose. Le vieillissement opère, mais en même temps une jeunesse du texte transparaît à travers le sédiment de la culture littéraire... Voilà à peu près comment je pourrais définir le charme que cela a pour moi31.
20Ce qui rendait si précieuse la lecture des romans de Jules Verne – parmi lesquels il établit des préférences, certains d’entre eux étant cités à plusieurs reprises –, c’est la rareté des livres auxquels il pouvait avoir accès dans le milieu de son enfance, hors de l’école. « J’avais très peu de Jules Verne chez moi, précise-t-il dans un entretien avec Jean-Paul Dekiss, et beaucoup de ceux que j’avais lus, je les avais empruntés. Chez moi j’en avais deux ou trois, je les échangeais avec des camarades qui en avaient à me prêter. Avec l’édition de poche, je les ai eus sous la main, Jules Verne est rentré pour moi matériellement dans la bibliothèque32. »
21Pourquoi donc cette prédilection jamais démentie pour Jules Verne ? C’est retrouver en lui, comme en Charles Dickens, « une naïveté et une sincérité égales33 », cette « fraîcheur de l’éventuel » qui « dispose […] d’un pouvoir de happement instantané34 » – qualité qui restera pour lui fondamentale. Véritable « primitif », Verne l’a initié à d’autres lectures :
[…] il y avait dans Jules Verne l’ébauche, déjà accessible, de formes littéraires qui m’ont passionné plus tard. Par exemple, la nouvelle policière à la Poe dans Mathias Sandorf, l’énigme comme dans Les Enfants du capitaine Grant, une préfiguration de Villiers de L’Isle-Adam dans Le Château des Carpathes35.
22Gracq a plusieurs fois exprimé son attachement à celui qu’il appelle « mon primitif à moi », insistant sur la première place qu’il occupe dans l’histoire de ses lectures :
Il y a eu pour moi Poe, comme j’avais douze ans – Stendhal, quand j’en avais quinze – Wagner, quand j’en avais dix-huit – Breton, quand j’en avais vingt-deux. Mes seuls véritables intercesseurs et éveilleurs. Et auparavant, pinçant une à une toutes ces cordes du bec grêle de son épinette avant qu’elles ne résonnent sous le marteau du piano forte, il y a eu Jules Verne. Je le vénère, un peu filialement. Je supporte mal qu’on me dise du mal de lui. Ses défauts, son bâclage m’attendrissent. Je le vois toujours comme un bloc que le temps patine sans l’effriter. C’est mon primitif à moi36.
23À la métaphore musicale (l’« épinette » désignant un instrument de musique à cordes pincées, de la famille des clavecins, qui dispense un son « grêle », c’est-à-dire aigu et faible) s’adjoint une métaphore picturale. Si le terme « primitif » désigne, en tant qu’adjectif, ce qui est premier en date, Gracq l’utilise ici par référence à l’histoire de l’art occidental qui désigne ainsi les peintres des XIVe et XVe siècles (d’avant la Renaissance classique), avec une nuance péjorative à l'origine (suggérant une « enfance » de l'art), que la formule d’appropriation « mon primitif à moi » entend bien sûr annuler. Gracq insiste sur la fonction originelle qu’a jouée cette lecture dans le développement de son imaginaire, faisant de lui un intercesseur dont l’univers romanesque a été pour lui déterminant. Rapport affectif fait d’admiration, d’une vénération quasi filiale, d’indulgence devant les éventuels « défauts » ; peu lui importe ce qu’il appelle d’un terme pourtant péjoratif (le « bâclage »), qui accuse pourtant une exécution à la diable.
24Dans un entretien avec Jean Carrière, il confirme :
Jules Verne a été la passion de lecture de toute mon enfance, et je ne m’en suis jamais détaché ; je le relis encore dans l’Edition en livre de poche que je possède. Naturellement, il y a chez lui des trucs de romancier qui font sourire (toujours, d’ailleurs, de façon sympathique). Mais il y a aussi un esprit d’audace et de conquête que je retrouvais chez les trappeurs de Fenimore Cooper, que je lisais à la même époque. Et surtout, si on prend l’ensemble de son œuvre, il y a là un tableau complet, pour l’époque, de la face de la Terre. […] à sept ans, à huit ans, c’est à travers Jules Verne que la face de la Terre est venue à moi, sous la forme la plus stimulante, celle de la conquête pacifique.
Je n’ai jamais pu l’oublier. Cela n’a joué qu’un rôle épisodique dans ma formation littéraire, mais non dans ma vie, restée longtemps orientée vers la géographie37.
25Je fais l’hypothèse que ce rôle a été moins « épisodique » que ne le dit Gracq, et que le souvenir de Jules Verne innerve en profondeur sa propre œuvre, aussi bien dans les textes critiques que dans les romans ou nouvelles. À Jean-Paul Dekiss qui lui demande si ses lectures ultérieures auraient pu lui faire oublier Jules Verne, il répond : « — Il n’a jamais disparu. Non, il n’a jamais disparu... — Il était là38… »
26Même dans les textes non romanesques, Verne est présent, explicitement ou souterrainement. Ainsi son nom se voit cité dix fois dans La Forme d’une ville, où l’essayiste s’emploie à montrer le rôle joué par Nantes (où est né, en 1828, l’auteur des Enfants du Capitaine Grant) dans sa formation d’esprit. Pour le jeune interne au lycée Clémenceau qu’il était, « [l]a cime des arbres tropicaux du Jardin des plantes au bout de la rue se découpait sur […] le ciel exotique et plein de présages, des illustrations de Jules Verne39. » Son goût pour la géographie, Gracq l’a dit à plusieurs reprises, est une passion d’enfance qu’il doit à Jules Verne : « C’était pour moi une espèce de Livre des merveilles », explique-t-il à Jean-Louis Tissier40, faisant référence au livre de Marco Polo (également intitulé Le Devisement du monde) où le Vénitien retrace son périple en Asie. C’est à travers le filtre des romans de Jules Verne que Gracq déchiffre les lieux et paysages : il plaque des images venues de ses romans sur des supports géographiques qui leur correspondent plus ou moins. Au « skyline végétal » du « moutonnement vert » du Jardin des plantes nantais se sont ainsi superposées dans l’enfance les « enluminures » des « livres aimés » : « j’y retrouvais à volonté les cyprès géants des Everglades de Nord Sud, les déodars de l’Himalaya sous le couvert desquels hiverne La Maison à vapeur […]41 ».
27Les soixante-deux romans publiés par Jules Verne entre 1867 et 1919 sous le titre Voyages extraordinaires dans la « Bibliothèque d’éducation et de récréation » des Éditions Hetzel constituent à ses yeux une « œuvre totalisante », explorant ce qu’il nomme « la face de la Terre42 ». Rappelons que Hetzel avait demandé à Verne d’explorer l’intégralité de la géographie physique et humaine, selon une visée éducative ; en réponse, l’écrivain a conçu le désir d’une « œuvre-monde », d’un « roman-monde », embrassant « les mondes connus et inconnus », l’ambition d’un tel projet ayant eu pour but de compenser l’absence de considération et de légitimation réservée au roman – et surtout au roman réputé « pour la jeunesse ».
28C’est évidemment au sous-genre du roman d’aventures que s’apparente l’œuvre de Jules Verne ; et nous nous demanderons ce qu’il « reste » de cette forme romanesque spécifique dans les récits de son lecteur Gracq.
29Celui-ci aborde la question de l’aventure dans le chapitre de son André Breton (publié en 1948) intitulé « Battant comme une porte ». Il évoque l’ascendant exercé sur lui par le surréalisme, avec qui il eut, écrit-il, « une histoire d’amour avec tout ce qu’elle traîne après elle en souvenir d’éblouissement, de reconnaissance émue, de fidélité sentimentale43 » – autant d’expressions qui pourraient aussi bien s’appliquer à son « histoire d’amour » avec Jules Verne. Dans l’« Avis au lecteur » qui ouvre Au château d’Argol, le surréalisme (non nommé explicitement) lui semble être le seul mouvement apte « à raviver les délices épuisées du paradis toujours enfantin des explorateurs44 ». Mais il précise :
En ce qui me concerne, le surréalisme ne m’a pas tracé de chemin. Il me semble m’être incorporé une bonne partie de ses apports, puis, à partir de là, de n’en avoir fait qu’à ma guise. Une imprégnation qui me laissait libre, plutôt qu’une voie à suivre45.
30Incorporation et imprégnation : deux termes qui définissent bien les modes d’influence exercés sur lui par Jules Verne.
31Ce que Gracq a aimé dans le surréalisme rencontre en fait ses « mythes personnels46 » ; il a été sensible en particulier au projet surréaliste de dépasser les contraires en atteignant « un certain point de l’esprit » où ceux-ci « cessent d’être perçus contradictoirement47 ». Ce « certain point sublime dans la montagne » où « il ne fut jamais question de [s]’établir à demeure48 », n’est pas sans rappeler ce point sublime à « conquérir », « [a]ussi fallacieux que désirable », « sans cesse "en avant" », qu’est le pôle pour Verne, « point de fuite49 » qui aimante la quête.
32Gracq est sensible au goût pour le merveilleux de Breton, à son aimantation par l’événement qui donne aux personnages comme au lecteur « le sentiment d’"être conduit" », avec « le sentiment débordant, vécu, de la miraculeuse possibilité50 ». Ce qu’il admire là en fait, c’est le sens fondamental de l’aventure, et ce n’est pas un hasard s’il cite tel passage de L’Amour fou où se retrouve l’image de la boussole qui se désoriente comme à l’approche des pôles : « Ici l’aiguille aimantée devient folle. Tout ce qui indique obstinément le nord désert ne sait plus où donner de la tête devant l’aurore51 ».
33On le voit, la lecture de Breton est entrée en résonance avec ce qu’avait antérieurement stimulé la lecture de Verne. C’est d’abord à celui-ci que l’auteur du Rivage des Syrtes doit son goût pour l’aventure et le voyage, alors même que ses propres romans ont bien souvent été lus comme des récits où il n’arrive rien, où l’attente ne conduit qu’à un non-événement.
34« Quelque chose arrive à quelqu’un : telle est la nature de l’événement », « irruption du hasard (ou du destin) dans la vie des personnages52 ». Lequel prend souvent chez Verne la figure d’une décision, d’un projet auquel le héros refuse de renoncer. De même Aldo, dans Le Rivage des Syrtes, connaît une « tentation sans remède53 », « attiré par l’au-delà fabuleux d’une mer interdite54 », ce qui l’amène à rallumer, en franchissant la ligne rouge de la frontière maritime, la guerre jusque-là assoupie contre le Farghestan, provoquant la ruine de sa patrie Orsenna :
[…] sans que je voulusse me l’avouer, j’étais prêt à douer de prodiges concrets ce passage périlleux, à m’imaginer une crevasse dans la mer, un signe avertisseur, un passage de la mer Rouge55.
35Ce qui aimante souvent les héros verniens comme les personnages gracquiens, c’est le franchissement d’une frontière. « Confins, lisières, frontières, effectivement, sont des lieux qui m’attirent en imagination : ce sont des lieux sous tension », ce qui constitue à ses yeux « un stimulant imaginatif initial56 ». Ce motif de la frontière comme seuil d’un inconnu si désirable est très présent dans Les Voyages extraordinaires, à travers la volonté de franchir les limites du monde connu. Parcourir la terre en tous sens (jusqu’en son Centre !) mais aussi les mers (Vingt mille lieues sous les mers) et les airs (Robur le conquérant), voire l’espace intersidéral (De la terre à la lune et Autour de la Lune), c’est reculer les limites imparties à l’homme. Dans le « roman géographique » que conçoit Verne, c’est le voyage qui devient aventure.
36Citons l’étonnant parcours du Tour du Monde en 80 jours (1872), peut-être le plus célèbre des Voyages extraordinaires, dans lequel le héros Philéas Fogg, accompagné de son fidèle Passepartout, traverse successivement l’Asie et l’Amérique avant de revenir en Europe, sans jamais rencontrer de frontière qui puisse l’arrêter. Idéal d’un monde sans frontières ouvert à l’exploration du voyageur lancé vers l’inconnu, comme le formulent, dans un acte de foi, deux des personnages de La Maison à vapeur (1879-1880), que « rien n’arrête plus » :
– Cela se fera, répondit le capitaine Hod, comme se feront, un jour, les voyages au pôle sud et au pôle nord ! – Évidemment ! – Le voyage jusque dans les dernières profondeurs de l’Océan ! – Sans aucun doute ! – Le voyage au centre de la terre ! – Bravo, Hod ! – Comme tout se fera ! ajoutai-je. – Même un voyage dans chacune des planètes du monde solaire ! répondit le capitaine Hod, que rien n’arrêtait plus. – Non, capitaine, répondis-je. L’homme, simple habitant de la terre, ne saurait en franchir les bornes ! Mais s’il est rivé à son écorce, il peut en pénétrer tous les secrets. – Il le peut, il le doit ! reprit Banks57.
37Par ailleurs, l’« esprit d’audace et de conquête » que Gracq a tant goûté dans les romans de Jules Verne constitue, bien sûr, l’un des principaux combustibles du roman d’aventure. Prenons pour exemple l’un des romans préférés, Les Voyages et Aventures du capitaine Hatteras, à propos duquel il est hautement proclamé : « nul ne me donnera jamais honte de répéter que Les Aventures du capitaine Hatteras sont un chef-d’œuvre58 ». Après Cinq semaines en ballon publié en 1863, cette expédition dans les glaces polaires constitue une tentative d’un nouvel ordre, ouvrant au genre qui s’intitulera plus tard « voyage extraordinaire ». Gracq l’évoque dans un texte intitulé « Amérique » : « les glaces polaires, le Groenland, et ce détroit de Davis au nom magique que je n’imaginais jamais entrevoir qu’au travers des aurores boréales du Capitaine Hatteras59 ».
38Deux récits, Les Anglais au pôle Nord et Le Désert de glaces, composent ce roman, d’abord publiés en 1864-1865 sous forme de feuilleton dans le Magasin d’éducation et de récréation édité par Hetzel, puis réunis en volume en 1866, assortis des dessins de Riou. Le lecteur est emmené en bateau et en traîneau, parfois même à pied, en direction des territoires glacés des régions arctiques où l’inexploré, l’inquiétant même, revêtent un tout nouveau visage. L’énigmatique capitaine John Hatteras (qui « marchait invariablement vers le nord60 ») entraîne ceux qui le suivent dans une course à l’abîme, vers l’irrémédiable. L’arrivée au Pôle correspond à une entrée dans un espace fantastique, dont le prix à payer, pour Hatteras, sera l’entrée dans la folie.
39Gracq a toujours insisté sur sa tendance personnelle à la sédentarité, mais, sur le plan imaginaire, le voyage devient pour lui fondamental :
J’avoue que pour moi ce qui compte, tout ce qui vraiment en vaut la peine, se présente toujours en imagination au bout d’un voyage ; il n’y a que là qu’il peut être vraiment question, il me semble, que le rideau se lève. Je n’y mets, je n’y cherche pas de sens symbolique, c’est un pli de l’imagination, voilà tout, qui joie à peu près régulièrement. Je remarque d’ailleurs que les grandes légendes qui me parlent directement sont toujours celles qui placent au centre un voyage magique ou angoissant, de l’issue duquel tout va dépendre : celle du Graal, bien entendu, en tout premier lieu. Remarquez qu’il ne s’agit pas d’exploration ni de dépaysement. Il est question avant tout de partir, comme Baudelaire le savait bien. Il s’agit de voyages très incertains, de « départs tellement départs qu’aucune arrivée ne pourra jamais les démentir. […] En somme, le sentiment de l’appareillage plutôt que celui de la destination »61.
40C’est donc avant tout l’image du départ qui le retient lui aussi : « cette image du départ » se situe parmi « les grands thèmes imaginatifs62 » qui mobilisent sa rêverie. L’appareillage, le lancement d’un navire, le moment où l’on détache les amarres, est l’une des images privilégiées évoquées dans Préférences – à l’occasion du lancement du paquebot L’Ile-de-France opéré à Saint-Nazaire le 14 mars 1926, auquel l’adolescent avait assisté à quinze ans : « Chaque fois que je retrouve, au hasard d’une lecture, cette impression de lâcher-tout, c’est avec la même secousse63 ». Analysant « ce sentiment d’instance du départ, qui l’émeut » tout particulièrement, il formule cette hypothèse : « Peut-être y a-t-il toujours, derrière, cette image de jeunesse, ce glissement sans retour : le lancement d’un énorme navire64 ».
41Au premier chapitre des Aventures du Capitaine Hatteras, le narrateur commente l’attraction qu’exerce sur la foule des spectateurs le Forward dont s’achèvent les préparatifs de départ, en notant :
Pour un penseur, un rêveur, un philosophe, au surplus, rien d’émouvant comme un bâtiment en partance ; l’imagination le suit volontiers dans ses luttes avec la mer, dans ses combats livrés au vent, dans cette course aventureuse qui ne finit pas toujours au port, et pour peu qu’un incident inaccoutumé se produise, le navire se présente sous une forme fantastique, même aux esprits rebelles en matière de fantaisie65.
42Dans Les Eaux étroites, le narrateur revient lui aussi sur ce sentiment « ancré en [lui] de bonne heure » que « le voyage seul – le voyage sans idée de retour – ouvre pour nous les portes et peut changer vraiment notre vie66 ». D’où cette « envie de voyager » qui saisit soudain Aldo au début du Rivage des Syrtes, et qui l’amène à solliciter un poste dans une « province éloignée67 », celle des Syrtes précisément, « perdue aux confins du Sud », « l’Ultima Thulé des territoires d’Orsenna68 ».
43Il convient pourtant d’établir une vraie différence entre les voyageurs et aventuriers des deux auteurs. Dans le personnel romanesque de Verne un type revient souvent, celui de « l’original », « sujet privilégié d’une aventure extraordinaire69 », animé d’une idée fixe, prêt, par défi ou inconscience, à prendre les paris les plus risqués – alors que son entourage, bien souvent, tente de le ramener à la raison, comme le neveu du professeur en minéralogie Lidenbrock, narrateur du Voyage au centre de la terre, qui se dit lui-même de « caractère un peu indécis », et qui décrit son oncle comme « un terrible original70 ». Les héros sont des conquérants, animés par une énergie qui les incite à vaincre tous les obstacles. Originaux dans leur genre aussi Philéas Fogg, Nemo (prince indien et ingénieur de génie qui décide d’annexer les grands fonds marins pour en faire son royaume, voulant rompre avec la société tout entière indexée à l’exploitation coloniale de la planète) ; ou encore Hatteras dont l’originalité va jusqu’à la folie. « Celui qui accomplit la conquête est toujours un être exceptionnel : Hatteras devient fou, Nemo est un révolté politique, Saknussem un condamné, et Robur est définitivement chassé de notre monde71 ». Hatteras est pour Gracq
un illuminé mystique qui est possédé par une passion, passion de la découverte… une passion qui est dévorante parce qu’il lui faut s’incorporer pratiquement à sa découverte qui est le pôle Nord. La preuve, c’est qu’il va essayer de se jeter dans le volcan qui abrite le pôle Nord quand il le trouve72.
44Il est à ses yeux symptomatique des véritables héros verniens, qui représentent ce que le philosophe de l’histoire Oswald Splengler, l’auteur du Déclin de l’Occident (1918), « appelle la civilisation faustienne », caractérisée par « la poussée vers l’infini, vers l’inconnu, qui donne le sentiment, la nécessité, de franchir les limites constamment73 ». « Tout l’esprit des romans de Jules Verne, c’est : conquérir, explorer, ajouter à la connaissance les choses qui ne le sont pas encore, aller où l’on n’est jamais allé74 ».
45Un tel profil paraît aux antipodes des personnages gracquiens, à l’état-civil et à la profession indéterminés, aux « moyens d’existence hypothétiques », et dont les « sports préférés » sont le « rêve éveillé » et le « noctambulisme (comme le montre la fameuse « Fiche signalétique des personnages de mes romans » rédigée par Gracq pour Lettrines75) : sortes de « ludions » qui, par rapport à la réalité qui les entoure, semblent désengagés (comme le ressent le lieutenant Grange au cours de la « drôle de guerre » d’Un balcon en forêt), ce qui les empêche d’accéder véritablement à la qualité de héros.
Trois motifs
46À titre d’illustration des points de convergence entre les deux œuvres, et qui en assureraient le rapport intertextuel, j’aimerais maintenant aborder trois motifs qui y sont très présents : l’île, le pôle et la carte.
47Selon Gracq, « [l]a vraie rêverie créatrice est une rêverie pauvre, ressassante, à caractère plutôt obsessionnel ». L’écrivain s’accroche à « quelques images capables d’électriser toutes les autres », qui ont donc pour lui « un énorme coefficient émotif76 ». La faculté d’invention « prend feu à la chaleur de ces quelques images privilégiées », dont l’origine vient aussi bien des expériences vécues et remémorées que des souvenirs de lecture. S’y forment des « agrégats de rencontre, des précipités adhésifs que le choc d’une image préférée condense autour d’elle anarchiquement », et qui « coagulent dans notre imagination77 ». C’est « de bonne heure » que prend forme cette configuration imaginative : « Chaque image s’imprime sur la cire vierge de l’enfance, à la fois comme un élément pur d’alliage et comme un modèle significatif78 ». Ainsi s’établit « une continuité magique79 » qui forme autant de constellations d’images récurrentes.
48Que représente donc l’image de l’île ? C’est, typiquement, un Ici dans l’Ailleurs : c’est-à-dire la clôture rassurante d’un espace circonscrit, que l’on peut habiter, alors même que ce qui l’entoure plonge dans l’inconnu – qu’il s’agisse de la mer ou de son équivalent, la forêt d’Un balcon en forêt : « La pensée […] de l’île préservée refleurissait malgré soi, se glissait encore comme un espoir fou80 » ; « il abordait à la lisière des bois comme au rivage d’une île heureuse81 ».
49Les titres de deux des romans de Verne, L’Ile mystérieuse et L’Ile à hélice réfèrent à ce motif qui a constitué « un fertile réservoir de mythes, depuis l’Atlantide platonicienne jusqu’au pays d’Utopie imaginé en 1516 par Thomas More82 » : lieu clos à l’écart de la civilisation, terrain d’expérimentation propice aux robinsonnades, voire aux rêves utopiques. Ce refuge pour naufragés joue un rôle majeur dans de nombreux cas : ainsi les enfants du capitaine Grant, après avoir fait le tour des terres émergées situées au long du 37e parallèle (Madère, les Canaries, le cap Vert – jusqu’à la Patagonie et la Nouvelle Zélande), finissent par découvrir leur père réfugié sur l’îlot Maria Theresa, à l’écart de toutes les routes maritimes83. Le thème central de L’Île mystérieuse (1875) n’est autre que la colonisation d’une île à première vue déserte par des « naufragés de l’air » qui y réinventent la civilisation.
50Paradigme de l’espace clos, l’île chez Gracq peut être la métaphore de la maison ou de la chambre, fréquemment associées aux images du navire et de l’aquarium. Ainsi Grange, dans « l’eau lourde de la pièce claquemurée », se sent évoluer dans une étrange atmosphère sous-marine ; telle l’Arche de Noé, la maison-forte qu’il habite lui donne parfois l’impression de flotter sur les eaux ; elle « dérive à travers la nuit, en ordre de marche, étanche, toute close sur elle-même, comme un navire qui ferme ses écoutilles84 » – comparaison qui ne peut manquer d’évoquer, dans l’esprit d’un lecteur de Vingt mille lieues sous les mers, le Nautilus du capitaine Nemo.
51Comme chez Jules Verne, les lieux gracquiens n’ont rien d’une toile de fond dressée à la hâte pour l’action qui seule compterait : projetés au premier plan, ils sont investis d’un pouvoir magnétique, d’une aura qui leur confère une importance égale à celle des personnages. Ceux-ci, qui y évoluent, subissent leur nature de révélateur, au cours d’une mise à l’épreuve où ils se découvrent autres.
52En ce qui concerne le tropisme du pôle, on a vu qu’il joue un rôle décisif dans les récits verniens : Nemo veut atteindre le pôle sud, et Hatteras le pôle nord pour y planter le drapeau anglais :
Hatteras, placé à l’avant [du navire], fixait du regard ce point mystérieux vers lequel il se sentait attiré avec une irrésistible puissance, comme l’aiguille aimantée au pôle magnétique85.
53Le pôle est le point suprême, « figure de l’absolu86 ». Il « signifie bien ce point central dont parlait Breton, d’où le jour et la nuit, le ciel et la mer, cessent d’apparaître comme contradictoires87 ». Mais c’est aussi le lieu de l’interdit, et la « tempête subite » que doit affronter Hatteras « au moment où le but allait être atteint », semble « renfermer de sérieux avertissements », apparaissant aux téméraires « comme une défense d’aller plus-loin ». Dans L’Ile mystérieuse, l’explosion finale de l’île remet le plus nettement en question le modèle utopique de l’histoire comme progrès civilisateur : le volcan qui en constitue le cœur émergé, apparemment oublié ou du moins silencieux, brutalement se réveille. Sans doute était-ce le secret transmis par Nemo, qui avait prévu la catastrophe sans pouvoir l’empêcher, parfaite illustration de l’impuissance du savoir. « On peut arriver tout près du pôle, mais arriver au pôle même semble impossible à l’homme88 », note Michel Butor dans un texte où il célèbre la « prodigieuse puissance de faire rêver qui fut le partage [du] génie érudit et naïf89 » de Jules Verne.
54Un troisième motif relie les deux univers vernien et gracquien, celui de la carte. De son propre aveu, on l’a vu, Gracq attribue sa vocation de géographe à sa lecture de Verne qui, à la manière d’un catalyseur, aura su cristalliser son amour du paysage. Or, pour le géographe comme pour le voyageur, c’est la carte qui représente et désigne espaces et lieux grâce à ses courbes de niveau et autres signes conventionnels.
55Rappelons d’abord l’importance de la carte dans l’œuvre de Jules Verne. La première question que se pose l’ingénieur Cyrus Smith, après la chute de son aérostat sur L’Île mystérieuse, est la suivante : île ou continent ? Une première exploration jusqu’au sommet du volcan montre aux cinq naufragés qu’ils ont échoué sur une île isolée, à première vue déserte. Jules Verne fait alors le récit d’un acte fondateur : ils dressent la carte de l’île, qu’ils baptisent « île Lincoln », choisissant un nom pour chaque lieu, opération qui permet de « dire où l’on va et d’où l’on vient », mais qui est aussi appropriation symbolique. Pour les nouveaux colons, la carte est un instrument de gestion du territoire, permettant de localiser les principaux reliefs et cours d’eau, la couverture forestière, la nature des sols, mais aussi les courbes de niveau des fonds sous-marins et la partie volcanique :
L’exploration de l’île était achevée, sa configuration déterminée, son relief coté, son étendue calculée, son hydrographie et son orographie (c’est-à-dire l’étude des reliefs montagneux) reconnues. La disposition des forêts et des prairies avait été relevée d’une manière générale sur le plan du reporter. Il n’y avait plus qu’à redescendre de la montagne et à explorer le sol du triple point de vue de ses ressources minérales, végétales et animales. […] L’île pourra ensuite être bien transformée, bien aménagée, bien civilisée90.
56La modeste île Lincoln offre miraculeusement une diversité de structures géologiques, de ressources biologiques et minérales qui ne s’observe qu’à l’échelle d’un continent. Mais c’est l’occasion pour Jules Verne de décrire une grande variété de paysages et de ressources, gage de la survie des colons.
57La carte peut cependant s’appréhender de manière ambivalente : outil rationnel d’investigation et d’aménagement, mais aussi accès à un univers fantastique :
La carte est pour moi un objet vraiment magique : en quelques décimètres carrés, on a tout un pays sous la main et sous les yeux. J’ai un peu le sentiment de posséder un terrain ou une région quand je regarde une carte. […] il y a deux cartes qui m’ont particulièrement marqué : la carte d’état-major au 80 000e et la carte géologique, au 80 000e également, qui est une sorte de talisman et qui a une beauté très particulière91.
58Elle joue souvent un rôle décisif dans le récit, qu’il s’agisse de la carte routière que consulte Simon dans La Presqu’île, ou des cartes maritimes réunies au cœur de la forteresse des Syrtes dans ce haut lieu qu’est la « Chambre des cartes ». Gracq attribue en effet à ses personnages sa propre fascination de géographe. « Les itinéraires le fascinaient », écrit-il propos Simon, le héros de « La Presqu’île » :
c’était un avenir clair et lisible qui pourtant restait battant, une ligne de vie toute pure et encore non frayée qu’il animait d’avance et faisait courir à son gré au travers des arborisations des chemins92.
59Loin d’être « dépoétisante93 », la carte géologique autorise une appréhension poétique du monde, lui procurant « l’impression d’être une espèce de clé́ magique qui permettait de déchiffrer les formes du terrain, une clé́ que les autres n’avaient pas et qu’[il] avait l’impression de posséder94 ».
60Lire la carte, ce n’est pas seulement dresser un état des lieux (comme le fait Grange avec les cartes d’état-major pour repérer d’où pourrait venir l’armée allemande) ; mais c’est aussi déchiffrer un espace de signes cryptés. En ce sens, la carte est proche du cryptogramme, dont Gracq nous dit qu’il en a « toujours eu le goût », autant que de celui « des clés qui permettent de déchiffrer un message obscur95 ». Goût qu’il partage avec Jules Verne (et Poe) : on se souvient que, dans Les Enfants du Capitaine Grant, les seules indications dont disposent les protagonistes pour retrouver leur père est un document retrouvé dans une bouteille jetée à la mer : mais
ces morceaux de papier, à demi détruits par l’eau de mer, laissaient apercevoir quelques mots seulement, restes indéchiffrables de lignes presque entièrement effacées96.
61Il s’agit en fait de trois documents distincts, copies du même original en trois langues, dont les restes lisibles, qui se complètent plus ou moins, ne peuvent parvenir à éliminer toutes les lacunes. On apprend ainsi que le naufrage du navire paternel a eu lieu dans l’hémisphère austral, par 37° 11 de latitude. Citons encore le « morceau de parchemin » tombé d’un ancien livre islandais, dans Voyage au centre de la terre, « sur lequel s’allongeaient, en lignes transversales, des caractères de grimoire » qui « amenèrent le professeur Lidenbrock et son neveu à entreprendre la plus étrange expédition du XIXe siècle97 ».
62Quant à ce qui relie ces trois motifs de l’île, du pôle et de la carte, de quoi s’agit-il sinon du très puissant tropisme de l’Ailleurs, récurrent aussi bien chez Verne que chez Gracq qui en fut lecteur, et qui en absorba à haute dose le fatidique rayonnement ? Sur un mode récurrent, l’Ailleurs disqualifie l’ici où l’on vit (dès lors vite dévalorisé) au profit de tout ce qui s’en échappe, lieux rêvés où s’évader, parés de tous les prestiges de l’imaginaire. Mais il n’est plus temps d’analyser ici cette puissante pulsion, si active dans l’univers des deux auteurs ; qu’on me permette seulement d’indiquer l’étude que, de ce point de vue précis, j’ai consacrée à Julien Gracq, le second des deux98.
Pour conclure
63On pourrait ainsi considérer les Voyages extraordinaires comme une matrice imaginative, consciente pour une part, et pour une autre inconsciente. Plus encore que ne l’a avoué Gracq, Verne nourrit son écriture selon une véritable « chimie99 » assimilatrice. Ne prête-t-il pas d’ailleurs à ses personnages quelques-unes de ses lectures préférées ? Dans Un balcon en forêt, au moment où Grange sent « sa tranquillité se lézarder » par suite de l’imminence de l’offensive allemande, il songe à « cette île flottante de Jules Verne, que le dégel, un jour après l’autre, rapetissait100 » : c’est-à-dire un épisode du Pays des fourrures où des trappeurs, qui croyaient avoir installé leur camp sur la terre ferme, dérivaient en fait sur une banquise en train de fondre. Notons aussi un certain flottement dans l’indication des références de lecture, comme si tous les Voyages extraordinaires ne formaient plus qu’un seul continent, aux territoires interchangeables.
64Incorporation et imprégnation : ces deux termes définissent bien les modes d’influence exercés sur Julien Gracq par Jules Verne. L’image par laquelle le premier caractérise l’empreinte laissée sur lui par le surréalisme me semble pouvoir s’appliquer à celle laissée par le second : une trace « presque impossible à suivre », qui « se perd, comme l’eau d’un oued dans les sables, qui disparaît à la vie, mais continue à irriguer souterrainement101 ». Cette souterraine irrigation atteste la présence féconde du maître des Voyages extraordinaires dans les textes gracquiens : jusqu’aux lectures ultérieures – surréalisme inclus comme nous l’avons noté – qui gardent quelque chose de la saveur initiale de celles de l’enfance. J’ai certes choisi de limiter mon propos à l’emprise de l’auteur des Cinq semaines en ballon qui, de l’avis de Gracq, occupa la première place dans son cœur de jeune lecteur ; mais on aurait pu suivre d’autres traces inscrites en surimpression, et qui en continuaient les prestiges – en particulier celles d’Edgar Poe, lu à douze ans (pour n’en citer qu’un exemple, Hatteras rejouait Les Aventures d’Arthur Gordon Pym). À l’évidence, de nombreuses références à ses contes émaillent les deux premiers romans de Gracq, Au château d’Argol et Un beau ténébreux.
65Signalons enfin qu’il n’y eut pas que Gracq pour élire en Jules Verne la figure de l’initiateur par excellence ; car celui-ci le fut pour plusieurs générations d’écrivains du XXe siècle, de Proust à Georges Perec, de Barthes à Michel Serres, J.M.G. Le Clézio, Philippe Sollers ou Umberto Eco, qui tous le citent parmi leurs lectures déterminantes : pour reprendre le titre d’un article de Tristan Savin102, ils ont tous été les enfants du capitaine Verne.
66Et pour finir, cette note d’amertume : « Le grand regret de ma vie est que je n'ai jamais compté dans la littérature française », confiait Jules Verne en 1872. Pour lui comme pour Alexandre Dumas qu'il admirait, le succès populaire aura certes nui à sa reconnaissance par l’institution littéraire ; mais l’exemple de Gracq, qui nous montre le rôle décisif des « premières lectures » de l’enfance ouvrant à la plus grande carrière des lettres, ne saurait-il pas l’en venger ?
Notes
1 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss, L’enfance » (2000), Entretiens, José Corti, 2002, p. 194.
2 « Pourquoi la littérature respire mal », Préférences, Œuvres complètes, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », tome I, 1989 (désormais noté O.C. I), p. 864-865.
3 En lisant en écrivant, 1980, Œuvres complètes, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », tome II, 1995 (désormais noté O.C. II), p. 699.
4 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss, L’enfance » (2000), Entretiens, op. cit., p. 194.
5 En lisant en écrivant, O.C. II, p. 668.
6 Ibid., p. 667.
7 Ibid., p. 668.
8 Ibid.
9 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss, L’enfance (2000), op. cit., p. 194.
10 « Pourquoi la littérature respire mal », Préférences (1961), O.C. I, p. 865.
11 Patrick Marot, « Un "répertoire de femmes fatales" », Julien Gracq 4, « Références et pratiques littéraires », Minard, « Lettres modernes », 2004, p. 7.
12 On tiendra compte de la remarque de Patrick Marot à propos de cette présence-absence : « [d]ifficiles à évaluer sont les niveaux et intensités d’affleurement de textes consciemment ou non appelés par l’écriture, et que seule une masse critique suffisante (et la culture du lecteur) peut faire accéder à une certaine lisibilité. […] L’étude doit alors s’appliquer non pas à exhumer brutalement des sources, mais à construire des dispositifs où puissent se laisser prendre certains de ces fantômes. » (ibid., p. 8).
13 Précisons que la liste des auteurs cités dans l’édition de La Pléiade, à l’entrée « Verne », ne mentionne pas la totalité des références présentes dans l’œuvre.
14 En lisant en écrivant, O.C. II, p. 1219.
15 Jean-Louis Baudry, « Un autre temps », La Lecture, Gallimard, Nouvelle Revue de Psychanalyse, numéro 37, printemps 1988, p. 64.
16 Ibid., p. 69.
17 Jean Burgos, Pour une Poétique de l’imaginaire, Paris, Le Seuil, coll. « Pierres vives », 1982, p. 125.
18 La Littérature à l’estomac (1950), O.C. I, p. 525 ; en italiques dans le texte.
19 « Les yeux bien ouverts », Préférences, 1961, O.C. I, p. 846.
20 Jean-Pierre Richard, Microlectures, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 1979, p. 8.
21 En lisant en écrivant, op. cit., p. 569.
22 Ibid., p. 600.
23 Paul-Laurent Assoun, « Éléments d’une métapsychologie du "lire" », La Lecture, Nouvelle Revue de psychanalyse, op. cit., p. 132-133.
24 En lisant en écrivant, O.C. II, p. 728.
25 Ibid., p. 763.
26 Charles Grivel, « Les premières lectures », La Lecture littéraire, Clancier-Guénaud, « Bibliothèque des signes », 1987, p. 132-133. Le critique cite le Contre Sainte-Beuve de Proust : « Ces volumes où l’on a lu un livre pour la première fois, c’est comme la première robe où on a vu une femme, ils nous disent ce que ce livre était pour nous alors, ce que nous étions pour lui. » (Folio, coll. « Essais », 1993, p. 232)
27 Ibid., p. 133.
28 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss. L’enfance », op. cit. p. 243.
29 Charles Grivel, « Les premières lectures », op. cit., p. 134.
30 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss, L’enfance » (2000), op. cit., p. 193.
31 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss. L’enfance », op. cit., p. 195.
32 Ibid., p. 197.
33 Carnets du grand chemin, 1992, O.C. II, p. 997.
34 En lisant en écrivant, O.C. II, p. 694.
35 « Entretien avec Jean Roudaut », Entretiens, O.C. II, p. 1214.
36 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss. L’enfance », op. cit., p. 194.
37 « Entretien avec Jean Carrière », Entretiens, 1986, O.C. II, p. 1232.
38 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss, L’enfance », op., cit. p. 196.
39 La Forme d’une ville, 1985, O.C.I, p. 788.
40 « Entretien avec Jean-Louis Tissier », 1978, Entretiens, O.C. II, p. 1193.
41 La Forme d’une ville, O.C. II, p. 789.
42 « Entretien avec Jean Carrière », Entretiens, 1986, op.cit., p. 1232.
43 André Breton, quelques aspects de l’écrivain, 1948, O.C. I, p.
44 « Avis au lecteur », Au château d’Argol, 1938, O.C.I, p. 3.
45 Ibid.
46 Muriel Cerf, « Reflets d’André Breton dans l’œil de Julien Gracq », série Julien Gracq n°4, « Références et présences littéraires », Minard, 2004, p. 167.
47 André Breton, Second Manifeste du surréalisme, 1929, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1985, p. 72-73.
48 André Breton, L’Amour fou, Paris, Gallimard », coll. « Folio », 1984, p. 171.
49 André Breton, O.C. I, p. 448.
50 Ibid., p. 454.
51 L’Amour fou, op. cit., p. 120, 121, 123, 124 ; cité par Gracq, André Breton, op. cit., p. 434.
52 Jean-Yves Tadié, Le Roman d’aventures, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1982, p. 5.
53 Le Rivage des Syrtes, O.C. I, p. 729.
54 Ibid.
55 Le Rivage des Syrtes, O.C. I, p. 577.
56 « Entretien avec Jean Carrière », op.cit., p. 1262.
57 Jules Verne, La Maison à vapeur (1880), IIe partie, chap. 1, La Bibliothèque électronique du Québec, p. 400-401 <https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Verne-vapeur.pdf>
58 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss. L’enfance », op. cit., p.194.
59 Lettrines 2, 1974, O.C. II, p. 368.
60 Jules Verne, Les Aventures du capitaine Hatteras, Livre de poche, 1966, p. 624.
61 « Les yeux bien ouverts », Préférences, O.C. I, p. 849.
62 Ibid., p. 851.
63 Ibid., p. 850.
64 « Les yeux bien ouverts », op. cit., p. 850.
65 Les Aventures du Capitaine Hatteras, Le livre de poche, 1966, p. 7-8
66 Les Eaux étroites, 1976, O.C. II, p. 527.
67 Le Rivage des Syrtes, op. cit., p. 556.
68 Ibid, p. 558.
69 Pierre Macherey, « Jules Verne ou le récit en défaut », Pour une théorie de la production littéraire, François Maspero, 1971, p. 198.
70 Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Le Livre de poche, 1966, p. 3.
71 Pierre Macherey, « Jules Verne ou le récit en défaut », Pour une théorie de la production littéraire, François Maspero, 1971, p. 213.
72 « Entretien avec Jean-Paul Dekiss », op. cit., p. 219.
73 Ibid., p. 221-222.
74 Ibid., p. 222.
75 Lettrines, 1967, O.C. II, p. 153.
76 « Les yeux bien ouverts », op. cit., p. 855.
77 Les Eaux étroites, 1976, op. cit., p. 535.
78 Ibid., p. 536.
79 Bernhild Boye, Notice sur Les Eaux étroites, O.C. II, p. 1465.
80 Un balcon en forêt, 1958, O.C. I, p. 124.
81 Ibid., p. 44-45.
82 Claude Aziza, préface à l’édition de Jules Verne, Les Romans des îles, L’Ile mystérieuse, Seconde partie, L’École des Robinsons, L’Ile à hélice, Omnibus, 2010, p. III.
83 « Entretien avec Jean Roudaud », O.C., II, p. 1214.
84 Un balcon en forêt, op. cit., p. 135.
85 Les Aventures du capitaine Hatteras, 1866, chap. XXI.
86 Michel Butor, « Le point suprême et l’âge d’or. À travers quelques œuvres de Jules Verne », Répertoire I, Éditions de Minuit, 1960, p. 144.
87 Ibid., p. 146.
88 Michel Butor, « Le point suprême et l’âge d’or. À travers quelques œuvres de Jules Verne », Répertoire I, Éditions de Minuit, 1960, p. 142., p. 147.
89 Ibid., p. 130.
90 Jules Verne, L’Île mystérieuse, Union Générale d’Édition, « Le livre de poche », p. 98.
91 « Entretien avec Jean-Louis Tissier », 1978, Entretiens, op. cit., p. 1206.
92 « La Presqu’île », La Presqu’île, 1970, O.C. II, p. 425.
93 « Entretien avec Jean-Louis Tissier », op. cit., p. 1209.
94 Ibid., p. 1192.
95 Ibid., p. 1193.
96 Jules Verne, Les Enfants du Capitaine Grant, chapitre II, « Les trois documents ».
97 Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Le Livre de poche, 1966, p. 13.
98 Marie-Annick Gervais-Zaninger, « Julien Gracq, de l’Ailleurs à l’Ici », in L’Ailleurs depuis le Romantisme [Colloque de Cerisy-la-Salle, 2008], dir. D. Lançon et P. Née, Hermann, 2009, p. 255-281.
99 « Pourquoi la littérature respire mal », op. cit., p. 864.
100 Un balcon en forêt, op. cit., p. 68.
101 Entretien avec Jean Carrière », op. cit., p. 1243.
102 Tristan Savin, « Les enfants du capitaine Verne », revue Lire, 1er février 2005.
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Quelques mots à propos de : Marie-Annick Gervais-Zaninger
Marie-Annick Gervais-Zaninger, ancienne élève de l’ENS (Fontenay-aux-Roses), maître de conférences HDR honoraire de l’Université de Lorraine, a publié quatre monographies sur Jaccottet, Gracq, Eluard et Bonnefoy, un manuel sur La Description ainsi que deux autres sur L’Explication de textes et La Composition française aux concours, enfin un double essai, Au regard des visages I et II, tressant littérature du XXe siècle, sciences humaines et arts.
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